Droit de rétractation : 15 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/00246

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Droit de rétractation : 15 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/00246
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2023

N° 2023/ 230

Rôle N° RG 20/00246 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFMVA

[X] [S]

C/

SCP BR & ASSOCIES

Association AGS – CGEA DE [Localité 6] DELEGATION REGIONAL DU SUD EST

Copie exécutoire délivrée

le : 15/09/2023

à :

Me Julien MARLINGE, avocat au barreau de TOULON

Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON

Association AGS – CGEA DE [Localité 6] DELEGATION REGIONAL DU SUD EST

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 09 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00471.

APPELANTE

Madame [X] [S], demeurant [Adresse 1] – [Localité 4]

représentée par Me Julien MARLINGE, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

SCP BR & ASSOCIES intervenante volontaire prise en la personne de Me [C] [I] mandataire liquidateur de la SASU BOULANGERIE SOPHIE, demeurant [Adresse 2] – [Localité 3]

représenté par Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON

Association AGS – CGEA DE [Localité 6] DELEGATION REGIONAL DU SUD EST, demeurant [Adresse 5] – [Localité 6]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été appelée le 15 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2023

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon contrat à durée indéterminée du 5 mai 2017, Mme [S] a été recrutée par la SASU Boulangerie Sophie en qualité de pâtissière.

Le 6 janvier 2018, la SASU Boulangerie Sophie et Mme [S] ont signé une convention de rupture conventionnelle du contrat de travail de cette salariée.

Le 22 mai 2018, Mme [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon en sa formation de référé.

Le 14 juillet 2018, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon au fond, d’une demande en résolution de la convention de rupture conventionnelle de son contrat de travail et en paiement de rappel de salaire.

Par ordonnance de référé du 5 septembre 2018, le conseil de prud’hommes a :

– pris acte de la remise à la barre à Mme [S] d’un reçu pour solde de tout compte, d’un certificat de travail daté du 2 février 2018, d’une attestation pôle emploi et d’une fiche de paie de sortie de février 2018,

– constaté que Mme [S] les acceptait sous réserve de vérification,

– ordonné à la SASU Boulangerie Sophie de remettre à Mme [S] les bulletins de salaires de mai et juin 2017,

– rejeté la demande d’astreinte,

– ordonné à la SASU Boulangerie Sophie de payer à Mme [S] la somme de 500 euros au titre du préjudice subi occasionné par le retard dans la remise des documents de fin de contrat,

– condamné la SASU Boulangerie Sophie au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 9 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon a :

– confirmé l’ordonnance de référé du 5 septembre 2018 ;

– débouté Mme [S] de ses demandes au titre de la réglementation sur le temps de travail au titre des heures supplémentaires et au titre du travail dissimulé ;

– concernant la rupture conventionnelle ;

– rejeté la demande de résolution du contrat de travail ;

– ordonné l’exécution de la convention de rupture conventionnelle sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour après notification du présent jugement ;

– condamné la SASU Boulangerie Sophie à verser à Mme [S] la somme de 2 041,27 euros au titre des sommes dues et 460,10 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture ;

– condamné la SASU Boulangerie Sophie à verser la somme de 500 euros à Mme [S] à titre de dommages et intérêts ;

– condamné la SASU Boulangerie Sophie à verser la somme de 500 euros à Mme [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [S] du surplus de ses demandes.

Le 8 janvier 2020, Mme [S] a fait appel de ce jugement.

Par jugement du 16 septembre 2021, le tribunal de commerce de Toulon a prononcé la liquidation judiciaire de la SASU Boulangerie Sophie et désigné la SCP BR associés en qualité de mandataire liquidateur.

A l’issue de ses dernières conclusions du 14 avril 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des faits, Mme [S] demande à la cour de :

– juger recevable et régulier son appel,

– la déclarer bien fondée en son appel,

– infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes au titre de la réglementation sur le temps de travail au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé, en ce qu’il a, concernant la rupture conventionnelle de son contrat de travail, rejeté sa demande de résolution et débouté du surplus de ses demandes,

– statuant à nouveau ;

sur l’exécution ;

– acter que les fiches de paie de mai et juin 2017 lui ont été transmises ;

– juger que la SASU Boulangerie Sophie a commis des manquements de l’employeur en matière de réglementation sur le temps de travail et à payer la somme de 2 000 euros, en réparation du préjudice subi ;

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Boulangerie Sophie les sommes qui lui sont dues comme ci-après :

– 9 443,37 euros pour les heures supplémentaires effectuées non payées entre mai 2017 et février 2018,

-14 725,98 euros au titre de l’indemnité spécifique de travail dissimulé ;

– sur la rupture à titre principal ;

– prononcer la résolution de la convention de rupture conventionnelle avec effet au 8 février 2018 ;

– juger que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Boulangerie Sophie les sommes qui lui sont dues comme ci-après :

– 2 454,33 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 245,43 euros au titre des congés payés subséquents,

– 511,31 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 5 000 euros de dommage et intérêts du fait du licenciement abusif ;

– ordonner la remise d’une attestation Assedic dûment complétée et signée, du certificat de travail et du solde de tout compte et la remise de la fiche de paie de sortie régularisées sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l’ordonnance à intervenir ;

– à titre subsidiaire ;

– infirmer le jugement déféré sur le quantum des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard dans l’exécution et de l’article 700 du code de procédure civile;

et statuant à nouveau ;

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Boulangerie Sophie les sommes qui lui sont dues comme ci-après :

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard dans l’exécution ;

– condamner la même à payer à la salariée 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– juger ces créances couvertes par la garantie l’AGS-CGFEA et le jugement opposable l’AGS-CGFEA ;

– ordonner à la SCP BR Associés mandataire à la liquidation judiciaire de la SASU Boulangerie Sophie de les payer par priorité sur les fonds disponibles et, s’il n’y suffit, d’appeler en garantie l’AGS-CGFEA ;

et, en toute hypothèse,

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Boulangerie Sophie la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des sommes qui lui sont dues, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Julien Marlinge, avocat sur son affirmation de droit.

Mme [S] soutient, sur la base de relevés, de témoignages et de SMS échangés avec son employeur, qu’elle a réalisé pour le compte de la SASU Boulangerie Sophie des heures supplémentaires impayées dont elle réclame le paiement.

A l’appui de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, elle soutient que les faits de travail dissimulé qu’elle impute à la SASU Boulangerie Sophie sont caractérisés par l’existence, entre janvier et mars 2017, d’une relation de travail sans aucun contrat et l’absence de mention sur ses bulletins de paie des heures supplémentaires dont elle réclame le paiement.

A l’appui de sa demande en résolution de la convention de rupture conventionnelle de son contrat de travail passée avec la SASU Boulangerie Sophie, Mme [S] fait valoir que son ex-employeur n’a pas procédé au paiement du solde de tout compte en ce compris, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, qu’il ne lui a pas remis, ses documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi et certains bulletins de paie), que ce manquement a fait obstacle à l’exercice de ses droits, qu’elle est donc fondée à solliciter la résolution judiciaire de la convention de rupture conventionnelle, privant ainsi la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse, et la réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de la remise tardive des documents sociaux.

A titre subsidiaire, elle indique que, malgré l’ordonnance de référé et le jugement sur le fond intervenus, elle n’a toujours pas été réglée et sollicite une somme de 5 000 euros à titre de dommages- intérêts, en réparation du préjudice subi du fait du retard dans l’exécution, outre celle de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

A l’issue de ses dernières conclusions du 27 avril 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SCP BR Associés demande de :

– la recevoir dans son intervention volontaire ;

– juger que Mme [S] ne démontre pas la réalité d’heures supplémentaires ;

– juger que les attestations produites ne sont pas pertinentes et imprécises ;

– juger qu’aucune preuve d’une quelconque demande d’heures supplémentaires n’est rapportée;

– débouter Mme [S] de ses demandes liées au paiement d’heures supplémentaires, de l’indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts ;

– confirmer le jugement querellé de ce chef ;

– juger que la rupture conventionnelle a été exécutée ;

– juger que Mme [S] n’a pas maintenu de demande de paiement en référé ;

– juger que l’ensemble des documents liés à la rupture conventionnelle et les bulletins de salaire ont été remis ;

– débouter Mme [S] de sa demande de résolution de la rupture conventionnelle pour inexécution ;

– juger que seuls les dommages et intérêts pourraient être alloués ;

– juger que Mme [S] ne produit aucune pièce justificative de sa situation permettant d’octroyer des demandes de dommages et intérêts ;

– confirmer le jugement qui a débouté Mme [S] de sa demande de résolution de la rupture conventionnelle ;

– confirmer le jugement dans ses autres dispositions ;

subsidiairement ;

– et si la cour estimait devoir faire droit à la demande de résolution de la rupture conventionnelle ;

– statuer ce que de droit sur le préavis et congés payés sur préavis ;

– juger que Mme [S] n’avait pas un an d’ancienneté et ne produit aucune pièce justificative d’un préjudice particulier,

– faire application de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

en tout état de cause ;

– débouter Mme [S] de ses demandes d’heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé,

– dire n’y avoir lieu à exécution de la rupture conventionnelle et de l’ordonnance de référé ;

– condamner Mme [S] au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La SCP BR Associés conteste les heures supplémentaires réclamées par Mme [S] aux motifs que les éléments de preuve qu’elle produit aux débats ne sont pas probants : les tableaux ne sont ni tamponnés ni signés par l’employeur, les échanges de SMS ne permettent pas d’identifier l’interlocuteur, et les attestations sont imprécises et ne démontrent rien.

Elle s’oppose en outre à la demande de Mme [S] au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au motif que le seul non-paiement des heures supplémentaires ne constitue pas en soi un travail dissimulé et qu’il appartient à Mme [S] de rapporter la preuve de l’élément intentionnel chez son ex-employeur de la dissimulation d’emploi salarié.

Elle conclut au rejet de la demande de Mme [S] en résolution de la convention de rupture conventionnelle de son contrat de travail pour inexécution par la SASU Boulangerie Sophie de ses obligations aux motifs que dans le cadre de l’instance en référé qu’elle avait engagée, Mme [S] n’a pas sollicité la condamnation de son ex-employeur au paiement des sommes visées par la rupture conventionnelle, que tous les documents liés à la rupture conventionnelle et les bulletins de salaire ont été remis à Mme [S], que la SASU Boulangerie Sophie avait remis cette somme en espèces à Mme [S], qui n’a donc pas maintenu sa demande, que la SASU Boulangerie Sophie n’a cependant pas sollicité de reçu, que Mme [S] sollicite la remise des documents de fin de contrat, considérant ainsi que la rupture conventionnelle avait été exécutée, que la jurisprudence retient que le retard apporté au règlement de l’indemnité n’est pas de nature à remettre en cause la validité même de la rupture conventionnelle mais que des dommages-intérêts peuvent être alloués pour compenser le préjudice lié à cette inexécution, que Mme [S], à qui les documents de fin de contrat ont été remis dès juillet 2018 a pu régulièrement faire valoir ses droits auprès de Pôle Emploi et ne justifie pas de son préjudice.

Subsidiairement, s’il était retenu que la demande de résolution était fondée, elle fait valoir qu’il conviendra de statuer ce que de droit sur le préavis et les congés payés sur préavis et que, compte tenu de l’ancienneté de Mme [S] et de l’absence de remise par cette dernière de justificatifs liés à son préjudice, il y aura lieu de faire application de l’article L. 1245-1 du code du travail qui prévoit une indemnité maximale d’un mois de salaire.

L’AGS-CGEA, mise en cause par assignation en intervention forcée de la SCP BR et associés le 28 octobre 2020, n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 mai 2023. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre des heures supplémentaires’:

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, le contrat de travail produit indique que Mme [S] est engagée pour une durée indéterminée avec une amplitude hebdomadaire de 42 heures de travail pour une rémunération brute mensuelle de 2 447,38 euros et que ses horaires de travail sont de 4 heures à 11 heures, répartis sur les lundi, mardi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche, le mercredi étant le jour de repos hebdomadaire.

Mme [S] produit des décomptes mensuels portant sur la période de mai 2017 à février 2018, détaillant la durée quotidienne de travail alléguée et récapitulant un nombre total de 803 heures supplémentaires.

Ce faisant, peu important que ces tableaux ne soient ni tamponnés, ni visés par l’employeur, Mme [S] produit des éléments suffisamment précis quant à l’existence d’heures non rémunérées dont le paiement est réclamé permettant à son ex-employeur chargé d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en versant ses propres éléments.

A l’appui de ces décomptes, elle communique à l’instance des attestations indiquant qu’elle a été vue présente les après-midis, notamment à 15h00 sur son lieu de travail, soit au-delà de sa fin de service ou qu’elle effectuait régulièrement des heures supplémentaires.

Elle verse également aux débats des échanges avec son employeur, un certain [W], par SMS sur des commandes et des envois de photographies de gâteaux par MMS tels que le mardi 8 août 2017 à 14h16 ou encore le dimanche 17 septembre 2017 à 16h12, soit au-delà de son heure de fin de journée prévue à 11h00 suivant le contrat de travail précité. L’employeur de Mme [S] s’appelle [W] [K], les messages adressés par Mme [S] sont donc à destination de l’employeur.

De son côté, alors qu’il n’est pas soutenu que ses salariés travaillaient selon le même horaire collectif, la SASU Boulangerie Sophie ne justifie pas de l’établissement des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective concernant Mme [S].

Elle ne verse aux débats aucun élément de preuve pertinent relatif aux heures supplémentaires revendiquées par Mme [S].

Après analyse des éléments de preuve soumis à l’appréciation de la cour, il apparaît que Mme [S] a accompli pour le compte de la SASU Boulangerie Sophie des heures supplémentaires pour un montant de 4 721,68 euros.

Sur le travail dissimulé’:

L’article L. 8221-5 du code du travail énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L. 8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L. 8223-1, de la volonté de l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.

En l’espèce, Mme [S], qui soutient avoir travaillé pour le compte de la SASU Boulangerie Sophie sans être déclarée entre janvier et mars 2017, ne verse aucun élément de preuve à l’appui d’une telle allégation. Par ailleurs, il est exact que toutes les heures de travail accomplies par Mme [S] ne figurent pas sur ses bulletins de paie. Cependant, les faits de l’espèce ne révèlent pas chez la SASU Boulangerie Sophie la volonté de se soustraire à ses obligations.

Par conséquent, le jugement ayant débouté Mme [S] de sa demande au titre du travail dissimulé sera confirmé.

Sur la rupture conventionnelle du contrat de travail’:

Conformément aux dispositions de l’article L. 1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

L’article L. 1237-13 du code du travail prévoit que la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.

A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

Il en ressort que ladite convention légalement formée en application des dispositions des articles L. 1237-11 et suivants ne peut être remise en cause que pour vice du consentement. L’indemnité de rupture précitée a vocation à indemniser le salarié du préjudice subi à raison de la rupture conventionnelle du contrat de travail. Son non-paiement ne peut donc avoir pour effet de remettre en cause la volonté commune des parties de rompre leurs relations contractuelles. Le jugement déféré, qui a débouté Mme [S] de sa demande en résolution judiciaire de la convention de rupture conventionnelle du 6 janvier 2018.

Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Par ailleurs, en vertu de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Le liquidateur ne rapporte pas la preuve d’un paiement de l’indemnité prévue à l’article L. 1237-13 du code du travail et du solde de tout compte, se bornant à alléguer un paiement en espèces à Mme [S] sans verser aucun élément à l’appui.

Mme [S] n’a pas été réglée en temps utile de l’indemnité de rupture conventionnelle. Les difficultés financières qu’elle a ainsi rencontrées en raison de ce retard seront indemnisées en lui allouant la somme de 1 000 euros au titre des dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi.

Sur le surplus des demandes’:

Le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause en allouant à Mme [S] la somme de 500’euros au titre de ses frais irrépétibles.

L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] et de condamner la SASU Boulangerie Sophie à lui verser la somme de 1 500 euros dans le cadre de la présence instance.

Pour tenir compte des effets du jugement de liquidation judiciaire de la SASU Boulangerie Sophie, la somme de 2 041,27 euros au titre du solde de tout compte dont 460,10 euros pour l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, allouée par le conseil de prud’hommes de Toulon sera fixée au passif de la liquidation de la SASU Boulangerie Sophie.

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la SASU Boulangerie Sophie succombant en ses prétentions, supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La COUR, Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 9 décembre 2019 en ce qu’il a débouté Mme [S] de sa demande au titre des heures supplémentaires et condamné la SASU Boulangerie Sophie à payer à Mme [S] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

STATUANT à nouveau ;

FIXE la créance de Mme [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Boulangerie Sophie aux sommes suivantes :

– 4 721,68 euros pour les heures supplémentaires effectuées non payées entre mai 2017 et février 2018,

– 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

En tant que de besoin,

DIT que la somme de 2 041,27 euros au titre du solde de tout compte dont 460,10 euros pour l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, allouée par le conseil de prud’hommes de Toulon dans son jugement du 9 décembre 2019 sera fixée au passif de la liquidation de la SASU Boulangerie Sophie ;

ORDONNE à la SCP BR Associés mandataire liquidateur de la SASU Boulangerie Sophie de les payer par priorité sur les fonds disponibles et, s’il y a lieu, d’appeler en garantie l’AGS-CGEA .

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que les dépens seront supportés par le passif de la liquidation judiciaire de la SASU Boulangerie Sophie.

Le Greffier Le Président

 


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