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ARRÊT N° /2023
PH
DU 14 SEPTEMBRE 2023
N° RG 22/01464 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E76V
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY
F20/00429
25 mai 2022
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
S.A.S. CABINET [H] [G] Prise en la personne de son représentant légal élisant domicile au siège de la société,
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Madame [V] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Anne GRANDIDIER, avocate au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : BRUNEAU Dominique,
STANEK Stéphane,
Greffier lors des débats : RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 11 Mai 2023 ;
L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 14 Septembre 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Le 14 Septembre 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.
Mme [V] [K] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par M.[H] [G], expert-comptable et commissaire aux comptes exerçant en nom propre, à compter du 02 novembre 2007, en qualité d’assistante de cabinet et responsable de dossiers.
Ce contrat faisait suite à une période de travail sous contrat à durée indéterminée, du 25 septembre 1991 au 31 octobre 2007, auprès de M. [H] [G], exerçant en nom propre, puis de la société S.A Cabinet [G] [B], après la création d’une entité sociale par l’association du cabinet de M. [G] et du cabinet de M. [B].
La convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes s’applique au contrat de travail.
A compter du 19 novembre 2016, le contrat de Madame [K] a été transféré à la SAS Cabinet [H] [G], avec reprise de son ancienneté au 02 novembre 2007, suite à une évolution de la forme juridique du cabinet.
A compter du 01er juillet 2017, le temps de travail de la salariée est passé à temps partiel à hauteur de 144,17 heures par mois, sans qu’un avenant à son contrat de travail ne soit établi.
Le 27 décembre 2017, la société S.A.S. Cabinet [H] [G] a été rachetée par M.[E].
En dernier état de ses fonctions, la salariée occupait le poste d’assistante confirmée.
En date du 18 décembre 2019, Mme [V] [K] et l’employeur se sont rencontrés dans le cadre d’un entretien en vue de l’établissement d’une convention de rupture conventionnelle, qui a été signée le 19 décembre 2019.
Par courrier du 26 décembre 2019, la salariée a usé de son droit de rétractation et a révoqué la convention de rupture conventionnelle.
A compter du 18 janvier 2020 jusqu’au 1er février 2020, elle a été placée en arrêt de travail pour maladie.
Par avenant à son contrat de travail en date du 13 février 2020, le temps de travail de la salariée a été établi à temps partiel, avec reprise du passage à temps partiel le 01 juillet 2017.
Par courrier du 13 mai 2020, Mme [V] [K] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 mai 2020, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 25 mai 2020, Mme [V] [K] a été licenciée pour faute grave.
Par requête du 02 novembre 2020, Mme [V] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy, aux fins :
– de juger que son ancienneté est acquise au 25 septembre 1991,
– de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– de condamner la société S.A.S Cabinet [H] [G] à lui verser les sommes de:
– 1 688,33 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté du 01 juin 2017 au 25 mai 2020, outre la somme de 168,83 euros de congés payés afférents,
– 1 323,30 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire, outre la somme de 132,33 euros de congés payés afférents,
– 6 770,90 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 677,09 euros de congés payés sur préavis,
– 30 256,56 euros d’indemnité de licenciement,
– 66 016,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 20 000,00 euros de dommages et intérêts pour conditions vexatoires,
– 2 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
– d’ordonner la rectification de l’attestation Pôle Emploi et du dernier bulletin de salaire conformément à la décision à intervenir, sous astreinte de 80,00 euros par jour de retard, suivant le délai de 15 jours passé le jugement.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 25 mai 2022 qui a:
– dit et jugé irrecevable la demande de Mme [V] [K] au titre de l’ancienneté,
– débouté Mme [V] [K] de ses demandes liées à son ancienneté,
– déclaré le licenciement pour faute grave de Mme [V] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la société S.A.S Cabinet [H] [G] à lui payer les sommes de:
– 1 323,30 euros bruts au titre du salaire afférent à la mise à pied conservatoire,
– 132,33 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 6 770,90 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 677,09 euros bruts à titre de congés payés sur le préavis,
– 11 710,47 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,
– 20 312,70 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société S.A.S Cabinet [H] [G] à verser à Mme [V] [K] la somme de 10 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
– condamné la société S.A.S Cabinet [H] [G] à verser à Mme [V] [K] la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné la remise d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés,
– condamné la société S.A.S Cabinet [H] [G] à rembourser à Pôle Emploi les prestations servies à Mme [V] [K] dans la limite de 6 mois,
– dit que le présent jugement est exécutoire de droit par provision dans la limite de l’article R.1454-28 du code du travail, étant précisé que la moyenne des salaires calculée sur les trois derniers mois est de 3 385,45 euros bruts,
– débouté les parties de toute autre demande,
– condamné la société S.A.S Cabinet [H] [G] aux entiers dépens.
Vu l’appel formé par la société S.A.S Cabinet [H] [G] le 24 juin 2022,
Vu l’appel incident formé par Mme [V] [K] le 19 décembre 2022,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société S.A.S Cabinet [H] [G] déposées sur le RPVA le 16 mars 2023, et celles de Mme [V] [K] déposées sur le RPVA le 27 mars 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 29 mars 2023,
La société S.A.S Cabinet [H] [G] demande à la cour:
A titre principal :
– de déclarer l’appel recevable et bien fondé,
– de rejeter l’appel formé par Mme [V] [K], le dire mal fondé,
– de débouter Mme [V] [K] de l’intégralité de ses demandes,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– déclaré le licenciement pour faute grave de Mme [V] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– l’a condamnée à lui payer les sommes de:
– 1 323,30 euros bruts au titre du salaire afférent à la mise à pied conservatoire,
– 132,33 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 6 770,90 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 677,09 euros bruts à titre de congés payés sur le préavis,
– 11 710,47 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,
– 20 312,70 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– l’a condamnée à verser à Mme [V] [K] la somme de 10 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
– l’a condamnée à verser à Mme [V] [K] la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné la remise d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés,
– l’a condamnée à rembourser à Pôle Emploi les prestations servies à Mme [V] [K] dans la limite de 6 mois,
*
Statuant à nouveau :
* A titre principal :
– de juger que le licenciement de Mme [V] [K] repose sur une faute grave,
– de débouter Mme [V] [K] de l’intégralité de ses demandes,
– de juger que l’article L.1235-4 du code du travail n’a pas vocation à s’appliquer,
* A titre subsidiaire :
– de minorer notablement le quantum des dommages et intérêts sollicités par Mme [V] [K],
– de limiter le montant du remboursement des prestations services à Mme [V] [K] par Pôle Emploi à 1 mois.
Mme [V] [K] demande à la cour:
– de dire et juger l’appel formé par la société S.A.S Cabinet [H] [G] recevable mais mal fondé,
-en conséquence, de la débouter de l’intégralité de ses demandes,
– de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 25 mai 2022 en ce qu’il a :
– déclaré le licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la société S.A.S Cabinet [H] [G] à lui payer les sommes de:
– 1 323,30 euros bruts au titre du salaire afférent à la mise à pied conservatoire,
– 132,33 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 6 770,90 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 677,09 euros bruts à titre de congés payés sur le préavis,
*
– d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 25 mai 2022 sur les montants des condamnations prononcées à titre d’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau :
– de condamner la société S.A.S Cabinet [H] [G] à payer à Mme [V] [K] les sommes suivantes :
– 30 256,56 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,
– 66 016,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
*
– de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 25 mai 2022 en ce qu’il a :
– condamné la société S.A.S Cabinet [H] [G] à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
– de l’infirmer sur le montant de la condamnation prononcée en réparation de ce préjudice,
Statuant à nouveau :
– de condamner la société S.A.S Cabinet [H] [G] à lui payer une somme de 20 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résulté pour elle des circonstances qui ont précédé et entouré son licenciement,
*
– d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 25 mai 2022 en ce qu’il a jugé irrecevable la demande présentéeau titre de la reconnaissance de son ancienneté,
Statuant à nouveau :
– de dire et juger que son ancienneté est acquise au 25 septembre 1991,
– en conséquence, de condamner la société S.A.S Cabinet [H] [G] à lui payer les sommes de:
– 1 688,33 euros bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté pour la période du 1er juin 2017 au 25 mai 2020,
– 168,83 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– d’ordonner la rectification de l’attestation Pôle Emploi et du dernier bulletin de salaire conformément à l’arrêt à intervenir,
*
– de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 25 mai 2022 en ce qu’il a condamné la société S.A.S Cabinet [H] [G] à lui payer la somme de 2 000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance,
Y ajoutant :
– de condamner la société S.A.S Cabinet [H] [G] à lui payer la somme de 2 500,00 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société S.A.S Cabinet [H] [G] aux entiers dépens d’appel.
SUR CE, LA COUR ;
La cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par la société S.A.S Cabinet [H] [G] le 16 mars 2023 et par Mme [V] [K] le 27 mars 2023.
– Sur la demande de reprise d’ancienneté et le rappel de prime.
– Sur la prescription.
Mme [V] [K] expose que sa prime d’ancienneté conventionnelle pour la période du 1er juin 2017 au 25 mai 2020 doit être calculée à partir de son embauche par M. [H] [G] en 1991 en non à la date du transfert de son contrat à la SAS S.A.S Cabinet [H] [G] en 2007.
La S.A.S Cabinet [H] [G] fait valoir que la demande est prescrite.
Il ressort des dispositions des articles 2224 du code civil et L 1471-1 du code du travail que la prescription de l’action en paiement d’une prime d’ancienneté ne fait pas obstacle à la reconnaissance de l’ancienneté acquise depuis l’évènement qui en détermine l’origine, dans ses effets relatifs à la période non prescrite ; ainsi pour la salariée il ne s’agit pas de demander le paiement de la prime pour les périodes prescrites mais de demander de retenir l’ancienneté acquise pour déterminer le taux applicable dans la période non prescrite.
En l’espèce, il convient de considérer que la demande n’est pas atteinte par la prescription ;
La décision entreprise sera infirmée sur ce point.
– Au fond.
L’article L 122-12 du code du travail applicable aux faits de la cause disposait que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Mme [V] [K] expose qu’elle a été embauchée par M. [H] [G] en 1991, et que son contrat a été transféré à la SA [G] [B], dont M. [G] était associé majoritaire, en 1992 ; que son contrat a de nouveau été transféré lorsque M. [H] [G] a ouvert un cabinet le 2 novembre 2007 ; que dès lors son ancienneté doit être prise en compte à compter du 25 septembre 1991 et sa prime d’ancienneté recalculée en ce sens pour la période du 1er juin 2017 au 25 mai 2020.
La SAS Cabinet [H] [G] soutient que Mme [V] [K] ne démontre pas le transfert de contrat dont elle se prévaut.
A l’appui de sa demande, Mme [V] [K], qui fait valoir qu’en réalité le transfert s’est effectué de façon volontaire, apporte au dossier une attestation, régulière en la forme, établie par M. [M] [Y], qui déclare qu’en octobre 2007, il était associé avec M. [G] et dirigeait le cabinet de [Localité 4] où Mme [K] était employée ; qu’ ‘en novembre 2007, M. [G] a pris la tête du cabinet de [Localité 3] ; d’un commun accord entre les associés, Mme [K] a suivi M. [G] à [Localité 3] ; elle n’a pas démissionné et elle n’a pas été licenciée’ (pièce n° 48 de son dossier).
Toutefois, il ressort des extraits du répertoire SIRENE de l’INSEE (pièces n° 23 et 24 du dossier de la SAS Cabinet [H] [G]) que M. [H] [G] a crée en octobre 2007 une activité de comptable à [Localité 3] ; que cette création ne démontre pas le transfert d’une entité économique issue de la SA [G] [B].
Par ailleurs, aucun élément du dossier ne démontre une application volontaire des dispositions rappelées précédemment, les premiers juges ayant exactement relevé que:
– les bulletins de paie de Mme [K] mentionnent une ancienneté au 2 novembre 2017 (pièce n°24 de son dossier ),
– la salariée a signé le 19 décembre 2019 une convention de rupture conventionnelle qui faisait état, dans l’annexe à cette convention, d’une ancienneté à compter du 2 novembre 2007 (pièce n° 10 de la SAS Cabinet [H] [G]).
Dès lors, il convient de rejeter la demande, et de confirmer la décision entreprise sur ce point.
– Sur le licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. C’est à l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier d’en rapporter la preuve.
Par lettre du 25 mai 2020, la SAS Cabinet [H] [G] a notifié à Mme [V] [K] son licenciement en ces termes:
‘ Je fais suite à notre entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement qui s’est tenu le 20 mai dernier au cours duquel vous étiez accompagnée par Madame [F] [Z], conseiller du salarié.
À cette occasion, j’ai commencé par vous exposer les motifs qui m’ont conduit à vous mettre à pied à titre conservatoire le temps de mener à bien la présente procédure, à savoir le contenu du mail qui m’a été adressé par Madame [D] qui a effectué un stage au sein du cabinet du 17 février au 13 mars 2020.
Vous n’êtes pas sans ignorer que Madame [D], qui a partagé votre bureau pendant la durée de son stage, est également l’épouse du dirigeant d’une société cliente du cabinet (la société ARCOBAT).
J’avais d’ailleurs pris la décision d’accepter de prendre Madame [D] en stage en grande partie pour être agréable à la société ARCOBAT.
Il était donc particulièrement important que le stage en question se passe dans de bonnes conditions.
Je pensais que tel avait été le cas jusqu’à ce que je reçoive un mail, le mardi 12 mai 2020 dans lequel Madame [D] écrit notamment :
« Je voulais vous faire part d’un mal être que j’ai vécu dans le bureau dans lequel vous m’avez affecté. Votre collaboratrice comptable [V] a eu des propos déplacés voir irrespectueux envers vous et envers les clients du cabinet. Et ce quotidiennement.
Vous comprendrez que dans ma position d’épouse de l’un de vos clients et après en avoir fait part à mon mari nous nous interrogeons sur le fait de rester client dans votre cabinet car je pense que si des choses dans ce genre sont dites à propos des autres clients, il est fort probable que ça soit le cas pour nous également et nous ne le souhaitons pas. Nous vous donnerons une suite sur notre décision dans les mois à venir.
Je tenais à vousfaire part de cela car j ‘ai vraiment été très mal à l ‘aise pendant mon stage. ».
Compte tenu des faits portés à ma connaissance, j’ai estimé nécessaire de vous mettre à pied à titre conservatoire dès le lendemain tout en vous convoquant à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.
Le même jour, j’ai appelé Madame [D] qui m’a non seulement confirmé ce qu’elle avait écrit dans son mail mais a également précisé le de propos que vous aviez tenu à l’endroit des clients du cabinet (‘ il est con, il ne comprend rien’).
Madame [D] a ajouté que vous vous permettiez en outre de dire de moi que je suis incompétent !
Je vous rappelle pourtant que je vous ai fait suivre une formation l’année dernière pour améliorer votre contact avec les clients.
Nous avions également évoqué ce problème lors de votre entretien annuel.
Ayant peine à croire ce qui m’était expliqué tant cela me paraissait déplacé et irrespectueux, j’ai décidé de mener des investigations au sein de l’équipe.
Bien loin d’aller dans votre sens, les collaborateurs du cabinet m’ont confirmé et affirmé que
vous teniez des propos déplacés à propos des clients
vous disiez de moi que je “ne comprends rien » vous avez incité deux collaboratrices à quitter le cabinet
vous avez annoncé à plusieurs clients (dont RIEL COIFFURE et MIRECOURT PIECES AUTO SERVICES) que vous ne vous plaisiez plus au cabinet.
Il m ‘a également été rapporté que vous avez été jusqu’à évoquer les divergences que nous avons eu en début d’année avec des clients.
Je n’arrive pas à comprendre l’utilité de tels propos à des clients du cabinet, si ce n’est de chercher à me nuire en me discréditant auprès d’eux.
Pire, plusieurs collaborateurs m’ont affirmé que vous teniez fréquemment des propos iniurieux à mon encontre tel que “connard” ou “pourriture” en leur présence.
Cela a été qualifié de « pesant » par vos collègues. J’estime pour ma part que c’est inadmissible.
Bien que vous ayez nié tous ces faits lors de votre entretien préalable, les éléments en ma possession me conduisent à estimer que vous ne pouvez plus faire partie des effectifs de la société. fusse le temps du préavis.
Je vous notifie donc, par la présente, votre licenciement pour faute grave qui prend effet au jour de l’envoi de la présente lettre.
En conséquence, la période de mise à pied à titre conservatoire qui a débutée le 13 mai dernier ne. vous sera pas rémunérée et vous ne bénéficierez ni d’un préavis, ni d’une indemnité de licenciement.”.
– Sur les motifs du licenciement.
– Sur “les propos injurieux voire déplacés envers certains clients du cabinet”.
La SAS Cabinet [H] [G] reproche à Mme [V] [K] d’avoir tenu des propos irrespectueux vis à vis de certains clients ; elle produit au dossier des témoignages de membres du personnel (pièces n° 17, 27 et 28 de son dossier).
Mme [V] [K] conteste ce grief ; elle verse au dossier des témoignages de membres de personnel de la société indiquant n’avoir jamais entendu de sa part de propos dénigrants vis à vis des clients.
Il convient de constater que les déclarations produites par la SAS Cabinet [H] [G] ne sont pas circonstanciées.
La SAS Cabinet [H] [G] produit au dossier une attestation (pièce n° 28 de son dossier), par ailleurs non conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, aux termes de laquelle Mme [P] [D], épouse d’un client du cabinet et en stage au sein de celui-ci du 17 février au 13 mars 2020, aurait, alors qu’elle partageait le bureau de Mme [V] [K], entendu celle-ci proférer des propos irrespecteux vis à vis de clients.
Toutefois, Mme [V] [K] produit au dossier une attestation (pièce n° 31 de son dossier), régulière en la forme, émanant de Mme [U] [T], qui déclare avoir partagé le bureau de Mme [K] de novembre 2019 à mai 2020 et qu’à cette occasion elle n’a jamais entendu celle-ci “dire du mal d’un client”.
Par ailleurs, il ressort d’auditions menées par l’employeur auprès de salariés de l’entreprise (pièces n° 27 id) que ceux-ci, à l’exception de M. [W] [I], confirment en substance les termes de l’attestation établie par MMe [T].
Dès lors, ce grief n’est pas établi.
– Sur les propos irrespecteux et insultants tenu à l’égard de l’employeur.
La SAS Cabinet [H] [G] reproche à Mme [V] [K] d’avoir tenu des propos irrespectueux et dénigrant vis à vis de l’employeur M. [E] ; elle produit sur ce point les pièces n° 27 de son dossier.
Mme [V] [K] conteste ce grief.
Il convient de rappeler que les auditions de salariés par l’employeur constituant les pièces n° 27 ont été recueillies dans le cadre d’une procédure d’enquête interne, et qu’il n’est versé aucun élément sur les conditions dans lesquelles ces auditions ont été conduites ; qu’il ressort au contraire de l’attestation établie par Mme [C] [O] (pièce n°30 du dossier de Mme [K] ) que les réponses aux questions consignées par l’employeut ne correspondaient pas exactement aux déclarations qu’elle avait faites ; que le caractère probant de ces pièces n’est donc pas établi.
Pour sa part, Mme [V] [K] apporte au dossier les attestations, régulières en la forme, de Mmes [C] [O], [U] [T], [X] [S] et [A] [J] (pièces n°30 à 33) déclarant qu’ayant chacune partagé le bureau de Mme [K] durant plusieus années, elles ne l’ont jamais entendu tenir des propos irrespectueux ou insultants à l’égard de M.[E].
Par ailleurs, si des salariés entendus dans le cadre de l’enquête interne évoquée plus haut ont indiqué avoir entendu Mme [K] qualifier M. [E] d’”incompétent” et avoir précisé “il ne comprend rien”, ces propos ne peuvent être qualifiés d’irrespectueux ou d’insultants.
Dès lors, il convient de dire que le grief n’est pas établi.
– Sur le grief relatif au dénigrement et l’incitation de collègues à quitter le cabinet.
La SAS Cabinet [H] [G] reproche à Mme [V] [K] d’avoir adopté un comportement démotivant pour les autres salariés et d’avoir incité certains de ceux-ci à quitter l’entreprise ; elle apporte au dossier les auditions réalisées dans le cadre de l’enquête interne évoquée plus haut (pièces n° 27 de son dossier).
Comme il a été indiqué plus haut, ces documents ne présentent pas un caractère probant suffisant.
Dès lors, le grief n’est pas établi.
Au regard de ce qui précède, il convient de constater que le licenciement de Mme [V] [K] par la La SAS Cabinet [H] [G] est sans cause réelle et sérieuse, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.
– Sur les conséquences financières du licenciement.
– Sur la mise à pied, le préavis et l’indemnité de licenciement.
C’est par une exacte application de la rémunération mensuelle moyenne brute de Mme [V] [K], de son ancienneté dans l’entreprise et des éléments du dossier que les premiers juges ont condamné la SAS Cabinet [H] [G] à payer à Mme [V] [K] les sommes de:
– 1 323,30 euros bruts au titre du salaire afférent à la mise à pied conservatoire,
– 132,33 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 6 770,90 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 677,09 euros bruts à titre de congés payés sur le préavis,
– 11 710,47 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,
points qui ne sont pas formellement contestés en leur quantum par l’appelante.
– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C’est par une exacte appréciation de l’ancienneté de Mme [V] [K] dans l’entreprise, soit 12 années, de sa rémunération mensuelle moyenne brute d’un montant de 3385,45 euros, et de sa situation professionnelle postérieure au licenciement que les premiers juges ont fixé le montant de l’indemnisation du préjudice subi par Mme [K] du fait du licenciement abusif à 6 mois de salaire, soit la somme de 20 312,70 euros.
La décision entreprise sera confirmée sur ce point.
– Sur la demande en dommages et intérêts pour préjudice moral résulté des circonstances ayant précédé et entouré le licenciement.
Mme [V] [K] reproche à la SAS Cabinet [H] [G]:
– de lui avoir imposé un contexte relationnel source de stress et d’anxiété, notamment en faisant pression pour qu’elle accepte une mofification de son contrat de travail ;
– de lui avoir imposé une rupture conventionnelle ;
– d’avoir interrompu brutalement le contrat de travail en mettant en cause à tort ses qualités professionnelles.
La SAS Cabinet [H] [G] conteste ces griefs.
Sur le premier grief, Mme [V] [K] apporte au dossier:
– deux attestations, régulières en la forme, établies par Mmes [U] [T] et [X] [S] (pièces n° 31 et 32 de son dossier) ;
– des échanges de courriels avec une autre salariée sur son ressenti quant à l’ambiance dans l’entreprise ;
– un courier émanant de la salariée en date du 4 janvier 2020 (pièce 12 id) par lequel Mme [K] indique accepter la rupture conventionnelle “vu la situation”.
Toutefois, il ressort des attestations ainsi que des échanges de courriels précédemment évoqués que si les rapports entre Mme [K] et l’employeur se sont tendus, il ne ressort pas de ces documents que l’employeur a adopté volontairement une attitude agressive à l’égard de la salariée ; que par ailleurs les discussions portant sur les horaires de Mme [K] n’ont pas donné lieu à modification du contrat de travail et se sont placées dans le cadre de l’organisation de son service au regard de son volume horaire contractuel.
Sur le deuxième grief, il ressort également des pièces du dossier que si Mme [V] [K] a accepté dans un premier temps le principe d’une rupture conventionnelle, elle a fait régulièrement valoir sa rétractation et a renoncé à cette convention. (pièces n° 11 et 12 de son dossier)
Enfin, s’agissant du troisième grief, il n’est pas démontré que la procédure de licenciement était irrégulière, et d’autre part il a été précédemment examiné les motifs de licenciement, le caractère abusif de celui-ci ayant donné lieu à une indemnisation à ce titre, de telle sorte que le préjudice dont Mme [V] [K] se prévaut sur ce point a été indemnisé.
Compte tenu de ce qui précède, il convient de constater que le préjudice allégué par Mme [V] [K] n’est pas établi.
En conséquence, la demande sera rejetée et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamnée la SAS Cabinet [H] [G] à rembourser à l’établissement public Pôle-Emploi le montant des indemnités de chômage versées à Mme [V] [K] dans la limite de 6 mois d’indemnités.
La SAS Cabinet [H] [G], qui succombe partiellement, supportera les dépens de l’instance.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [V] [K] l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a exposés ; il sera fait droit à cette demande à hauteur de 2000 euros.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement rendu le 25 mai 2022 par le conseil de prud’hommes de Nancy en ce qu’il a:
– dit et jugé irrecevable la demande de Mme [V] [K] au titre de l’ancienneté ;
– condamné la société S.A.S Cabinet [H] [G] à verser à Mme [V] [K] la somme de 10 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
STATUANT A NOUVEAU ;
DIT la demande présentée par Mme [V] [K] au titre du rappel d’ancienneté recevable ;
DEBOUTE Mme [V] [K] de sa demande de reprise d’ancienneté et le rappel de prime ;
DEBOUTE Mme [V] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant des circonstances ayant précédé et entouré le licenciement ;
Y AJOUTANT ;
CONDAMNE la société S.A.S Cabinet [H] [G] aux dépens d’appel ;
LA CONDAMNE à payer à Mme [V] [K] une somme de 2000 euros au titre de des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
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