Droit de rétractation : 14 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/02683

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Droit de rétractation : 14 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/02683
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2ème Chambre

ARRÊT N°189

N° RG 20/02683

N° Portalis DBVL-V-B7E-QV2L

M. [E] [N]

C/

Mme [Z] [W] [J] [V] épouse [X]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me DEMIDOFF

– Me COGNEE-CHRETIEN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Février 2023

devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Avril 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [E] [N]

exerçant en son nom personnel sous l’enseigne ‘EDITIONS CONSEIL’

né le 13 Janvier 1969 à [Localité 6] (ISRAEL)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Emmanuelle GERARD-DEPREZ de la SELAS DEFIS AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [Z] [W] [J] [V] épouse [X]

née le 18 Février 1983 à [Localité 5] (Colombie)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-Sophie COGNEE-CHRETIEN de la SELARL ANNE-SOPHIE COGNEE CHRETIEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/7006 du 07/08/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d’un démarchage par téléphone, Mme [Z] [W] [J] [V] qui exerce une activité d’hypnothérapeute a, par contrat de prestation de services du 10 avril 2019, confié à M. [E] [N], exerçant sous l’enseigne ‘Editions Conseil’, la réalisation d’insertions publicitaires au sein des magazines ‘Santé Revue’ et ‘Féminin Santé’, moyennant le prix de 7 200 euros TTC.

Par courriel du 15 avril 2019, puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 2019, Mme [J] [V] a déclaré exercer son droit de rétractation, et invoqué la nullité du contrat pour vice du consentement.

Mme [J] [V] ayant refusé de régler les honoraires prévus, M. [N] l’a, par acte du 13 novembre 2019, fait assigner en paiement devant le tribunal d’instance de Nantes.

Estimant que M. [N] ne justifiait pas de la réalisation de l’intégralité de sa prestation, le premier juge a, par jugement du 31 décembre 2019 :

débouté M. [N] de sa demande en paiement formée à l’encontre de Mme [J],

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [N] aux dépens.

M. [N] a relevé appel de ce jugement le 17 juin 2020, et aux termes de ses dernières conclusions du 7 décembre 2022, il demande à la cour de :

débouter Mme [J] de son appel incident, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

réformer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

condamner Mme [J] à lui payer la somme de 7 200 euros, avec intérêts au taux légal depuis le 29 avril 2019 jusqu’au jour du règlement effectif,

condamner Mme [J] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions du 6 décembre 2022, Mme [J] [V] conclut quant à elle à la confirmation du jugement attaqué en ce qu’il a débouté M. [N] de sa demande en paiement,

Formant appel incident, elle demande à la cour de :

à titre principal, prononcer la nullité du contrat intervenu entre elle et M. [E] [N] signé électroniquement le 10 avril 2019,

en conséquence, débouter M. [E] [N] de sa demande de condamnation au paiement de la somme principale de ‘7 000 euros’, outre les intérêts et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire, prononcer l’inopposabilité à son égard de la clause relative à l’absence de droit de rétractation contenue dans les conditions générales de vente de l’entreprise ‘Editions Conseil’,

débouter M. [E] [N] de sa demande de condamnation au paiement de la somme principale de ‘7 000 euros’, outre les intérêts et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause, condamner M. [E] [N] à verser à la SELARL Anne-Sophie Cognée-Chrétien, avocat, la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par les parties, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’application des dispositions du code de la consommation

Selon l’article L. 121-16-1 III, devenu L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions de ce code relatives aux contrats conclus à distance ou hors établissement entre un professionnel et un consommateur sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Mme [J] [V] exerce une activité d’hypnothérapeute, et le contrat de prestation de services conclu avec M. [N], exerçant sous l’enseigne commerciale ‘Editions Conseil’, portait sur la commercialisation d’insertions publicitaires dans les revues ‘Santé revue’ et ‘Féminin santé’ du groupe Lafont Presse, destinée à promouvoir son activité professionnelle.

Il en résulte que la création et la commercialisation de tels espaces publicitaires n’entrait pas dans le champ de compétence de Mme [J] [V] qui n’avait pas de connaissance professionnelle particulière dans le domaine de ce contrat et dont l’économie n’apparaissait pas indispensable à l’exercice de son activité d’hypnothérapeute.

Il s’ensuit que l’objet de ce contrat n’entrait pas dans le champ de l’activité principale de Mme [J] [V].

En outre, il ressort de la situation au répertoire Sirene à la date du 17 novembre 2020, et des déclarations mensuelles des chiffres d’affaires d’avril 2019 et octobre 2020, que Mme [J] [V] est auto-entrepreneur et n’emploie aucun salarié.

Et, il ressort par ailleurs du bon de commande que le contrat a été conclu à distance, dès lors que le contrat a été conclu par voie électronique par Mme [J] [V] le 10 avril 2019.

Il s’en évince que le contrat conclu le 10 avril 2019 se trouve soumis aux règles du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.

Sur la nullité du contrat

Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l’occasion d’une commercialisation hors établissement doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l’entreprise, l’adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,

le cas échéant, son numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

les informations relatives à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte,

son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l’assureur ou du garant,

les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,

le prix du bien ou du service,

les modalités de paiement,

en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,

s’il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,

la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,

lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation.

Or, il ressort de l’examen du bon de commande du 10 avril 2019 que celui-ci n’est manifestement pas conforme aux dispositions du code de la consommation en ce qu’il ne comporte aucune indication sur la date et le nombre de parution des insertions publicitaires vendues dans les magazines concernés, l’encart relatif au nombre de parution étant laissé vierge, alors qu’il s’agit pourtant de caractéristiques essentielles de la prestation fournie.

Par ailleurs, le bon de commande ne comporte aucune information sur la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, ni ne mentionne les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l’article L.616-1 du code de la consommation.

Ainsi, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’opposabilité à Mme [J] [V] de la clause relative à l’absence de droit de rétractation contenue dans les conditions générales de vente, il convient de prononcer la nullité du contrat de prestation de services conclu le 10 avril 2019 entre Mme [J] [V] et M. [N], exerçant sous l’enseigne commercial ‘Editions conseil’.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de Mme [J] [V] l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de la procédure d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il sera alloué à l’avocate de cette dernière une somme de 1 500 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en l’ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 31 décembre 2019 par le tribunal d’instance de Nantes, sauf à préciser que le patronyme de l’intimée est [J] [V] ;

Y ajoutant,

Annule le contrat de prestation de services conclu le 10 avril 2019 entre Mme [J] [V] et M. [N], exerçant sous l’enseigne commercial ‘Editions conseil’ ;

Condamne M. [E] [N] à payer à l’avocate de Mme [J] [V] la somme de 1 500 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [E] [N] aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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