Droit de rétractation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/18810

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Droit de rétractation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/18810
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18810 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CESJP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 septembre 2021 – Juge des contentieux de la protection de LONGJUMEAU – RG n° 11-19-002989

APPELANTE

La société COFIDIS, société anonyme à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO suite à une fusion absorption ayant effet au 1er octobre 2015

N° SIRET : 325 307 106 00097

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l’ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [M] [K]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 6] (18)

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

La société PLESIOSAURUS UG prise en la personne de son représentant légal, venant aux droits de la société FRANCE HABITAT SOLUTION, SAS radiée le 28 septembre 2015

[Adresse 8]

[Localité 7] (ALLEMAGNE)

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 5 avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère chargée du rapport

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 18 juin 2014, M. [M] [K] a signé avec la société France Habitat Solution exerçant sous l’enseigne « IDF Solaire », un bon de commande en vue de l’installation d’un kit photovoltaïque, outre le raccordement au réseau ERDF et les frais de Consuel pour un montant total de 27 000 euros.

Le même jour, M. [K] a conclu avec la société Sofemo aux droits de laquelle vient la société Cofidis, un contrat de crédit affecté pour un montant de 27 000 euros remboursable en 180 échéances de 237,40 euros hors assurance, après un différé de 12 mois, au taux annuel effectif global de 5,97 %.

Le matériel a été installé le 11 juillet 2014 et l’attestation visée par le Consuel a été délivrée le 18 août 2014. Les fonds ont été débloqués le 15 juillet 2014. L’installation a été raccordée le 21 octobre 2014 et est productrice d’électricité depuis, un contrat d’achat de l’électricité produite ayant été signé le 15 juillet 2015.

Par décision de l’associé unique de la société Plesiosaurus UG du 28 septembre 2015, la société France Habitat Solution a fait l’objet d’une dissolution par suite de la réunion de toutes les parts entre ses mains et a été, le 8 octobre 2015, radiée du registre des commerces et des sociétés et son patrimoine a fait l’objet d’une transmission universelle à la société Plesiosaurus, société de droit allemand.

La société Groupe Sofemo a fait l’objet d’une fusion absorption par la société Cofidis à compter du 1er octobre 2015.

Le prêt a été remboursé par anticipation le 20 juin 2017.

Saisi les 5 et 11 juin 2019 puis le 23 novembre 2020 par M. [K], d’une demande tendant principalement à l’annulation du contrat de vente et du crédit affecté, le tribunal de proximité de Longjumeau par un jugement réputé contradictoire du 2 septembre 2021 auquel il convient de se reporter, a :

– déclaré irrecevable comme étant prescrite l’action en nullité formelle du bon de commande,

– prononcé la nullité pour dol du contrat de vente conclu le 18 juin 2014,

– prononcé la nullité subséquente du contrat de crédit conclu le 18 juin 2014,

– dit que la société Sofemo aux droits de laquelle vient la société Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds,

– condamné la société Cofidis à rembourser à M. [K] les intérêts et frais perçus au titre du contrat de crédit litigieux ayant fait l’objet d’un remboursement anticipé,

– condamné la société Cofidis à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamné la société Cofidis à payer à M. [K] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Plesiosaurus UG et la société Cofidis aux entiers dépens.

Le tribunal a considéré sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile, 2224 et 1844-5 du code civil que l’action de M. [K] en nullité du contrat principal sur le fondement d’irrégularités formelles était irrecevable puisque la société France Habitat Solution ne bénéficiait plus de la capacité de se défendre en justice à la date de l’assignation pour avoir été radiée du registre du commerce et des sociétés le 8 octobre 2015. Il a donc relevé que l’assignation délivrée le 5 juin 2019 n’avait pas pu interrompre le délai de prescription et que l’action en nullité introduite à l’encontre de la société Plesiosaurus par acte du 23 novembre 2020 sur le fondement d’une irrégularité formelle du contrat signé le 18 juin 2014 était prescrite.

Le tribunal a néanmoins considéré que l’action engagée envers la société Plesiosaurus sur le fondement du dol n’était pas prescrite concernant le moyen tiré de la rentabilité de l’opération puisque le point de départ devait être fixé au 7 décembre 2015, date d’envoi de la première facture. Il a retenu l’annulation du contrat de vente pour dol du fait des man’uvres relatives à la rentabilité de l’installation et à la promesse d’un autofinancement.

Il a ensuite constaté la nullité subséquente du contrat de crédit avant de relever que la banque avait commis une faute en débloquant les fonds et de juger qu’elle serait privée en conséquence de son droit à restitution du capital prêté.

Par déclaration du 27 octobre 2021, la société Cofidis a interjeté appel du jugement.

Aux termes de conclusions n° 2 remises le 21 juin 2022, l’appelante demande à la cour :

– à titre principal, d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– de déclarer M. [K] prescrit et subsidiairement mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions, et l’en débouter,

– de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

– de déclarer qu’aucune somme n’est due dès lors que le prêt a été remboursé par anticipation,

– à titre subsidiaire, si la cour confirmait la nullité des conventions, de confirmer le jugement sur son absence de faute d’avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité, de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle n’avait commis aucune faute de complicité avec le vendeur et d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle avait commis une faute lors de la libération des fonds,

– de déclarer qu’elle n’a commis aucune faute à quelque titre que ce soit,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts,

– de confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au remboursement des seuls intérêts, le capital remboursé par anticipation lui restant définitivement acquis,

– à titre plus subsidiaire, si la cour confirmait la nullité des conventions et venait à dispenser M. [K] du remboursement du capital, de condamner la société Plesiosaurus UG à lui payer la somme de 42 732 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

– à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Plesiosaurus UG à lui payer la somme de 27 000 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

– en tout état de cause, de condamner la société Plesiosaurus UG à la relever et à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de M. [K],

– de condamner tout succombant à lui payer une indemnité d’un montant de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner tout succombant aux entiers dépens.

Au visa de l’article 2224 du code civil, l’appelante indique que l’action de M. [K] en nullité du contrat de vente à l’égard de la société Plesiosaurus est irrecevable comme étant prescrite tout comme sa demande de nullité pour dol.

A titre subsidiaire, l’appelante conteste toute méconnaissance de l’article L. 121-3 du code de la consommation notamment en ce qui concerne la désignation du prix de chaque composant, les caractéristiques du matériel et le délai de livraison.

Elle relève que l’emprunteur ne rapporte aucune preuve relative à un prétendu dol ni à un quelconque préjudice relatif à la durée de vie du matériel, au délai de raccordement, à l’assurance, au partenariat avec la société EDF, à une promesse d’autofinancement, à la rentabilité de l’installation et au droit de rétractation.

Elle souligne que M. [K] a réitéré son consentement en signant l’ensemble des documents relatifs au crédit et à l’installation et en ayant remboursé par anticipation le crédit.

Elle conteste toute faute dans son devoir de mise en garde en l’absence de risque d’endettement excessif de l’emprunteur, toute faute lors de la libération des fonds et soutient qu’elle n’avait pas l’obligation de s’assurer de la régularité de l’attestation de livraison, que celle-ci était suffisamment précise et qu’il incombait à l’emprunteur de prouver que le matériel ne fonctionnait pas.

Elle conteste toute obligation de contrôler la validité du bon de commande et toute faute dans la vérification du bon de commande et souligne que la banque n’a pas participé au prétendu dol du vendeur.

Elle souligne que toutes les demandes de l’emprunteur à son encontre sont vaines dès lors que l’intéressé ne justifie pas du moindre préjudice.

À titre subsidiaire, l’appelante fait valoir que la nullité du contrat de crédit emporterait obligation pour l’emprunteur de restituer le capital emprunté.

Aux termes de conclusions n° 2 remises le 30 janvier 2023, M. [K] demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente et la nullité subséquente du contrat de crédit affecté, condamné la société Cofidis à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la société Plesiosaurus UG et la société Cofidis aux entiers dépens, débouté les parties du surplus de leurs demandes et dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,

– d’infirmer le jugement notamment en ce qu’il n’a pas ordonné le remboursement par la société Cofidis des sommes qui ont été versées par lui, au jour du jugement à intervenir, soit la somme de 32 864,40 euros,

– à titre subsidiaire, de condamner la société Cofidis venant aux droits de la société Banque Sofemo à lui verser la somme de 32 865 euros, à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, au titre du préjudice causé par la négligence fautive de la banque,

– et statuant à nouveau, d’ordonner, le remboursement par la société Cofidis des sommes qui ont été versées par lui au jour du jugement à intervenir, soit la somme de 32 864,40 euros,

– à titre subsidiaire, de condamner la société Cofidis à lui verser la somme de 32 865 euros à titre de dommages-intérêts, sauf à parfaire, au titre de leur préjudice causé par la négligence fautive de la banque,

– à titre infiniment subsidiaire, de prononcer la déchéance du droit de la banque Cofidis aux intérêts du crédit affecté,

– en tout état de cause, de condamner la société Cofidis à lui verser les sommes de 6 831 euros au titre de son préjudice financier, 3 000 euros au titre du préjudice économique et du trouble de jouissance, 3 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société Cofidis au paiement des entiers dépens.

A titre principal, l’intimé allègue au visa des articles L. 121-23 à L. 121-25 du code de la consommation des violations de dispositions impératives régissant le bon de commande, notamment en ce qui concerne la description et les caractéristiques du matériel promis, les conditions et délais d’exécution des prestations, les mentions relatives au paiement, le coût de l’installation ou encore la lisibilité et la compréhension des clauses.

Il dénonce des man’uvres frauduleuses concernant le délai de raccordement, l’assurance obligatoire, la location de compteur EDF, la durée de vie du matériel, la référence mensongère à un partenariat avec la société EDF, une présentation fallacieuse de la rentabilité prévisible de l’installation et une présentation trompeuse de l’opération contractuelle caractérisant un dol et ayant affecté la validité de son consentement au sens des anciens articles 1109 et 1116 du code civil.

Au visa des articles L. 311-1 et L. 311-32 du code de la consommation, l’intimé rappelle que la nullité du contrat principal entraîne la nullité du contrat de crédit affecté.

Il conteste toute confirmation de l’acte entaché de nullité en relevant que la seule reproduction des dispositions du code de la consommation ne permet pas de présumer de la connaissance du vice et en indiquant que l’exécution du contrat ne vaut pas en soi confirmation de la nullité et que la banque échoue à rapporter la preuve de la confirmation.

Il soutient que la banque est tenue de vérifier la régularité du contrat principal, qu’elle a commis une faute en n’y procédant pas et en finançant un contrat nul, de sorte qu’elle doit être privée de son droit à obtenir restitution du capital emprunté.

Il soutient que la banque a participé au dol de son prescripteur puisqu’elle connaissait nécessairement les pratiques commerciales douteuses de la société venderesse. Il estime qu’en conséquence de la nullité des contrats et de la mise en jeu de la responsabilité de l’appelante, il est fondé à bénéficier de la restitution par le prêteur des sommes versées au titre du remboursement du contrat de crédit.

Il ajoute qu’elle a commis une faute en libérant les fonds sans que les travaux aient été achevés et qu’elle ne pouvait se prévaloir de l’attestation de fin de travaux, que la banque a manqué à son devoir de conseil, qu’elle n’a pas consulté le FICP et que le démarcheur n’était pas compétent pour distribuer un crédit.

Enfin, il indique avoir subi un préjudice financier, un trouble de jouissance et un préjudice moral du fait des man’uvres frauduleuses et sollicite en conséquence l’octroi de dommages et intérêts.

Par actes du 16 décembre 2021 et du 3 février 2022, la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à la société Plesiosaurus. Il est apparu que la société a été officiellement radiée le 5 janvier 2021 pour manque d’actifs.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 5 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate :

– que le bon de commande litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 121-18 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable à compter du 13 juin 2014, dès lors qu’il a été conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile,

– que le contrat de crédit affecté est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

– qu’il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de nullité formelle

Il ressort du dossier que M. [K] a, par acte du 5 juin 2019, assigné la société France Habitation Solution devant le tribunal d’instance de Longjumeau, selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile. Par acte du 23 novembre 2020, il a assigné en intervention forcée la société Plesiosaurus.

En application de l’article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Selon l’article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En application de l’article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Il est admis, s’agissant d’un délai de prescription que les règles de computation des délais de procédure énoncées aux articles 641 et 642 du code de procédure civile ne s’appliquent pas en matière de prescription pour laquelle, selon l’article 2229 du code civil, la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

Il en résulte que la prescription quinquennale commence à courir à compter du jour où l’acte irrégulier a été passé.

En l’espèce, les irrégularités formelles invoquées affectant le bon de commande étaient détectables dès sa signature, le 18 juin 2014, de sorte que le délai a couru dès cette date sans qu’il puisse être opposé des éléments intervenus postérieurement pour retarder son point de départ.

Contrairement à ce que soutient M. [K], il apparaît que la première assignation a été délivrée à une société radiée depuis le 8 octobre 2015. Elle n’a donc pu avoir d’effet interruptif.

Ainsi, le délai de prescription quinquennale a commencé à courir le 18 juin 2014 et a expiré le 18 juin 2019 à minuit. L’assignation délivrée par Mme [K] le 23 novembre 2020 est donc tardive.

Plus de cinq années s’étant écoulées entre ces deux dates, M. [K] est irrecevable à solliciter l’annulation du contrat sur le fondement du code de la consommation, en invoquant des irrégularités formelles qui, à les supposer avérées, étaient visibles par l’intéressé, à la date de conclusion du contrat.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de nullité pour dol

En l’absence de toute contestation, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a retenu que les moyens tirés de l’absence de mentions sur le bon de commande, de la réticence dolosive lors de la conclusion du contrat, des partenariats mensongers avec EDF et de la présentation fallacieuse de l’ensemble contractuel qui trouvent leur origine dans un comportement ayant eu lieu lors de la conclusion du contrat, sont prescrits.

Il a néanmoins retenu que le moyen tiré de la rentabilité de l’opération devait s’apprécier à compter de l’émission de la première facture de rachat d’électricité, en date du 27 octobre 2015 adressée par courrier du 7 décembre 2015, point de départ du délai de prescription.

La société Cofidis s’oppose à ce raisonnement en exposant, sans être contestée, que la première facture de revente avait été remplie par M. [K] lui-même le 24 octobre 2015, après avoir procédé au relevé de son compteur.

Il ressort en effet des pièces produites que la facture n° 1 du 24 octobre 2015 a bien été remplie et signée de la main de M. [K] et que le courrier du 7 décembre 2015 correspond à l’envoi du chèque au montant fixé dans la facture.

Dès lors, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, c’est bien la date d’établissement de la facture de rachat d’électricité, soit le 27 octobre 2015, qui fixe le point de départ du délai de prescription. M. [K] aurait donc dû assigner la société Plesiosaurus avant le 27 octobre 2020, ce qu’il n’a pas fait.

À l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que ce moyen tiré du dol est prescrit.

En l’espèce, plus de cinq années se sont écoulées entre la première facture du 27 octobre 2015 et l’assignation délivrée le 23 novembre 2020 en sorte que l’action en nullité pour dol fondée sur l’article 1116 du code civil est prescrite.

Sur les demandes indemnitaires à l’encontre de la société Cofidis

Si M. [K] invoque une faute de la banque pour avoir consenti un crédit et débloqué les fonds sur la base d’un bon de commande nul, les motifs qui précèdent rendent sans objet ce grief dès lors que le bon de commande n’est pas annulé.

Il reproche aussi à la banque d’avoir participé au dol de son prescripteur, en ce qu’elle a prêté son concours à des opérations nécessairement ruineuses et au financement d’opérations frauduleuses, ayant déjà été condamnée à de multiples reprises par les juridictions nationales à ce titre. Il estime que la banque doit répondre des man’uvres frauduleuses imputées aux sociétés installatrices.

M. [K] soutient également que le prêteur a commis une faute en libérant des fonds avant l’achèvement de l’installation alors que le raccordement au réseau électrique n’est intervenu que plusieurs mois après la pose des matériels et sans s’assurer que le vendeur avait exécuté son obligation et sans s’informer quant à la faisabilité du projet.

En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l’existence d’un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Selon l’article L. 311-31 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d’interruption de celle-ci.

Les dispositions de l’article L. 311-51 du même code en leur version applicable au litige prévoient que le prêteur est responsable de plein droit à l’égard de l’emprunteur de la bonne exécution des obligations relatives à la formation du contrat de crédit, que ces obligations soient à exécuter par le prêteur qui a conclu ce contrat ou par des intermédiaires de crédit intervenant dans le processus de formation du contrat de crédit, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l’attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

En revanche, il n’appartient pas au prêteur de s’assurer par lui-même de l’exécution des prestations et il ne saurait être garant de l’exécution du contrat principal.

Il est rappelé que le contrat de crédit souscrit prévoit expressément que les fonds sont mis à disposition à la livraison du bien, par chèque ou virement au bénéficiaire mentionné dans l’attestation de fin de travaux.

M. [K] a signé le 11 juillet 2014, une attestation de fin de travaux sans aucune réserve, mentionnant que les travaux étaient achevés et conformes au devis tout en demandant à la banque de procéder au déblocage des fonds.

C’est sur la base de cette attestation particulièrement circonstanciée et rédigée de sa main que les fonds ont été débloqués entre les mains du vendeur.

Le certificat de livraison permet d’identifier sans ambiguïté l’opération financée et d’attester de la livraison de l’installation photovoltaïque à la charge de la société venderesse.

Le contrôle opéré par la banque ne saurait porter ni sur des autorisations administratives relevant d’organismes tiers, ni sur la réalisation du raccordement réalisé ultérieurement par ERDF, structure également tiers par rapport à l’ensemble contractuel.

Cette attestation est donc suffisante pour apporter la preuve de l’exécution du contrat principal sans qu’aucune faute ne soit établie à l’encontre de l’organisme financeur.

Il n’est pas non plus expliqué en quoi la banque aurait dû s’informer de la faisabilité du projet.

En l’espèce, l’installation a été raccordée et mise en service le 21 octobre 2014 et un contrat de rachat d’énergie électrique a été signé par M. [K] avec EDF lui permettant, depuis la mise en service de produire de l’électricité, comme en attestent les factures produites.

Dès lors que l’emprunteur dispose d’une installation fonctionnelle qui ne suscite aucune critique de sa part, qui donc a été entièrement livrée et qui lui permet de revendre l’électricité, il a reçu l’exacte contrepartie du prix de vente qui correspond au capital emprunté et son obligation de rembourser a pris effet. À cet égard, dans la mesure où les fonds ont été versés postérieurement à l’expiration du délai de rétractation afférent au contrat principal, M. [K] n’est pas fondé à invoquer un préjudice correspondant à une proportion ou à la totalité du capital emprunté ni au remboursement des échéances du crédit.

M. [K] ne justifie par ailleurs d’aucun préjudice en lien direct avec les conditions de libération du capital de 27 000 euros dès lors que l’installation a été raccordée et produit de l’électricité ce qui démontre que la certification de conformité par le Consuel, la pose des compteurs de production par les équipes techniques ERDF, le raccordement par un technicien GSDF, l’obtention du contrat d’achat à compter de la mise en service par EDF ont été obtenus et que la mairie ne s’est pas opposée à l’installation.

M. [K] dénonce également le manquement de la société Cofidis à ses obligations précontractuelles de conseil et de mise en garde. Sa qualité d’emprunteur profane n’est pas contestable.

Il convient de rappeler que le rendement n’était pas entré dans le champ contractuel et que si le banquier n’a pas de devoir de conseil ou de mise en garde concernant l’opportunité de l’opération principale financée, il est en revanche tenu d’un devoir de mise en garde par rapport au risque d’endettement généré par le crédit contracté au regard des capacités financières de l’emprunteur. Il est admis qu’en l’absence de risque d’endettement, le banquier n’est pas tenu à ce devoir de mise en garde.

La fiche de dialogue signée par M. [K] mentionne qu’il perçoit 1 713 euros par mois de retraite, qu’il est propriétaire sans crédit immobilier et qu’il a une mensualité de crédit de 145 euros. Au regard du montant des mensualités (145 + 294,10 euros), le risque d’endettement n’est pas démontré.

Ainsi il ne saurait être reproché à la banque de n’avoir pas satisfait une obligation générale de mise en garde à laquelle elle n’était pas tenue dès lors que le crédit ne faisait pas naître un risque d’endettement excessif. Il n’appartenait pas au demeurant à la banque de s’immiscer dans les choix de ses clients et il n’est pas démontré en quoi la banque était tenue d’une obligation particulière de conseil et d’information relative à l’opportunité économique du projet.

La demande indemnitaire subsidiaire de M. [K] au titre d’une perte d’une chance de ne pas contracter est également mal fondée en ce compris l’indemnisation d’un préjudice de jouissance qui n’est que la conséquence de sa volonté d’équiper le toit de sa maison de panneaux photovoltaïques et l’indemnisation d’un préjudice moral dont la réalité n’est pas avérée. De la même façon, il ne saurait réclamer à la banque le paiement des frais de dépose et de remise en état alors qu’elle n’est pas partie au contrat de vente.

Au final, M. [K], qui produit de nombreux courriers sans lien avec le litige, ne justifie d’aucun préjudice résultant des griefs allégués et imputés à la banque.

Compte tenu de ce que la responsabilité de la société Cofidis n’est pas retenue par la cour, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions et M. [K] doit donc être débouté de ses demandes indemnitaires et des demandes au titre de la remise en état de la toiture, d’un trouble de jouissance, d’un préjudice financier et d’un préjudice moral.

Sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts

Cette demande a été formulée par M. [K] dès l’assignation du 11 juin 2019. La société Cofidis n’a pas répondu à ce moyen.

Elle produit l’offre de prêt, la Fipen, la fiche dialogue, les justificatifs d’identité, de domicile et de revenus et la notice d’assurance.

La cour constate que le justificatif de consultation du FICP n’est pas produit, caractérisant un manquement à l’article L. 311-9 du code de la consommation.

La société Cofidis encourt donc une déchéance du droit aux intérêts en application de l’article L. 311-48 du même code. Cette déchéance du droit aux intérêts contractuels rend l’emprunteur débiteur du seul capital emprunté dont sont déduits les paiements déjà opérés en application de l’alinéa 3 de l’article L. 311-48 précité, à l’exclusion de toute autre somme.

Il ressort des pièces et des débats que le 20 juin 2017, M. [K] a procédé au remboursement anticipé de son crédit et remis un chèque de 26 518,66 euros.

Partant, le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la société Cofidis à rembourser à M. [K] les intérêts et frais perçus au titre du contrat de crédit litigieux ayant fait l’objet d’un remboursement anticipé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.

M. [K] qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel et il apparaît équitable de lui faire supporter les frais irrépétibles de la société Cofidis à hauteur d’une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le surplus des demandes est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable comme étant prescrite l’action en nullité pour irrégularités formelles et en ce qu’il a condamné la société Cofidis à rembourser à M. [K] les intérêts et frais perçus au titre du contrat de crédit litigieux ayant fait l’objet d’un remboursement anticipé ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare M. [M] [K] irrecevable en ses demandes de nullité pour dol et en toutes ses demandes en découlant ;

Déboute M. [M] [K] de ses demandes indemnitaires ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société Cofidis au titre du contrat de crédit du 18 juin 2014 ;

Rappelle que M. [M] [K] reste redevable de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement qui est infirmé ;

Déboute les parties de toute autre demande ;

Condamne M. [M] [K] aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne M. [M] [K] à verser à la société Cofidis une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

La greffière La présidente

 


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