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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00013 –
N° Portalis DBVH-V-B7F-IJPM
ET -AB
TRIBUNAL DE PROXIMITE DE PERTUIS
25 novembre 2021
RG :11-21-70
S.A. CREATIS
C/
[F]
[L]
Grosse délivrée
le 01/06/2023
à Me Christelle LEXTRAIT
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 01 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité de PERTUIS en date du 25 Novembre 2021, N°11-21-70
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A. CREATIS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de ROANNE
Représentée par Me Christelle LEXTRAIT, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [G] [F]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Assigné à personne le 11 Février 2022
Sans avocat constitué
Madame [S] [L]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Assignée à personne le 16 Février 2022
Sans avocat constitué
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 01 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant offre préalable acceptée le 21 mars 2017, la société Créatis a consenti à M. [F] [G] et Mme [L] [S] un prêt personnel de regroupement de crédits d’un montant de 25 000 euros sur une durée de 120 mois au taux débiteur fixe de 5,15% l’an, remboursable par mensualités de 267 euros.
Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, une mise en demeure a été adressée aux emprunteurs le 20 août 2020 et, en l’absence de régularisation, la société de crédit a prononcé la déchéance du terme notifiée par lettre recommandée le 22 octobre 2020.
Par acte du 21 mars 2021, annulant les assignations délivrées les 10 et 11 mars 2021 et enregistrées sous le numéro RG 1121-86, la société Créatis a fait assigner M. [F] et Mme [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Pertuis aux fins de les voir principalement condamnés à lui payer la somme de 21 592,01 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,15% à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement.
Par jugement réputé contradictoire du 25 novembre 2021, le tribunal de proximité de Pertuis a :
– ordonné la jonction de la cause inscrite sous le numéro RG 1121-86 avec celle inscrite sous le numéro RG 1121-70 ;
– déclaré recevable la demande en paiement formée par la société Créatis au titre du crédit consenti le 21 mars 2017 à M. [F] [G] et Mme [L] [S] ;
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts dès l’entrée en vigueur du crédit consenti le 21 mars 2017 en l’absence de justificatif de la remise aux emprunteurs du bordereau de rétractation ;
– condamné solidairement M. [F] [G] et Mme [L] [S] à payer à la société Creatis, au titre du solde du crédit précité, la somme de 15 658, 63 euros ;
– dit que le capital ne produira pas intérêts, fût-ce au taux légal ;
– autorisé Mme [L] [S] à se libérer de cette somme en vingt-quatre mois, par versements mensuels de 650 euros les vingt-trois premiers mois, le solde au vingt-quatrième mois et, sauf meilleur accord des parties, le premier versement devant intervenir le quinzième jour du mois suivant la signification du présent jugement, puis le 15 de chaque mois ;
– rappelé que conformément à l’article 1343-5 du Code civil, la présente décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêt ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant le délai fixé par la présente décision ;
– dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté en conséquence la société Créatis de sa demande de ce chef ;
– condamné in solidum M. [F] et Mme [L], au paiement des dépens;
– rejeté les demandes pour le surplus ;
– rappelé que le jugement est de plein droit exécutoire par provision.
Le jugement a retenu que la demande en paiement était recevable et a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et a écarté l’application de l’article 1231-7 du Code civil et de l’article L 313-3 du code monétaire et financier en précisant que la somme restant due en capital ne porterait pas intérêt, fût-ce au taux légal, afin d’assurer le respect de la directive 2008/48 et du caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.
Par déclaration du 28 décembre 2021, la SA Creatis a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 3 janvier 2023, la procédure a été clôturée le 20 mars 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 3 avril 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2022, la société Créatis, appelante, demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a :
ordonné la jonction de la cause inscrite sous le numéro RG 11 21-86 avec celle inscrite sous le numéro RG 11 21-70 ;
déclaré recevable la demande en paiement formée par la société Creatis au titre du crédit consenti le 21 mars 2017 à M. [F] [G] et Mme [L] [S] ;
condamné in solidum M. [F] [G] et Mme [L] [S], au paiement des dépens
A titre principal,
– condamner solidairement M. [G] [F] et Mme [S] [L] à payer à la société Creatis les sommes suivantes, arrêtées au 4 janvier 2021 :
Capital restant dû : 19 157, 19 euros
Intérêts : 902, 24 euros
Indémnité conventionnelle : 1 532, 58 euros
Total : 21 592, 01 euros
Outre frais et intérêts de retard au taux contractuel de 5,15% à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement ;
A titre subsidiaire, si la déchéance du droit aux intérêts devait être prononcée,
– assortir toute condamnation en paiement à l’encontre de M. [G] [F] et Mme [S] [L] des intérêts au taux légal avec majoration de 5 points en application des dispositions de l’article L313-3 du code monétaire et financier ,
En tout état de cause ,
– débouter M. [F] et Mme [L] de l’ensemble de leurs demandes, notamment de la demande de délais de paiement formulée par le débitrice ,
– ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ,
– condamner in solidum M. [F] et Mme [L] à payer à la société Créatis la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum M. [F] et Mme [L] aux entiers dépens ,
– dire que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R 444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier lesdites sommes.
L’appelante soutient en substance qu’elle verse aux débats le formulaire remis aux emprunteurs prévu à l’article L 321-21 du code de la consommation et que c’est à tort que le tribunal a prononcé la déchéance des intérêts conventionnels pour absence de preuve de la remise du bordereau de rétractation.
A titre subsidiaire, elle fait valoir qu’en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, des articles R 121-1 et R 121-4 du code des procédures civiles d’exécution, la déchéance au taux légal n’est pas fondée faute pour le premier juge d’avoir développé en quoi l’application du taux légal majoré ôte le caractère dissuasif de la sanction.
M.[F] et Mme [L] n’ont pas constitué avocat.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1-Sur l’absence de bordereau de rétractation et la déchéance du droits aux intérêts
Le prêteur fait grief au jugement déféré de prononcer la déchéance du droit aux intérêts et de rejeter sa demande en paiement des intérêts contractuels, alors que selon la jurisprudence, la clause type aux termes de laquelle l’emprunteur reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue certes, un indice qu’il lui appartient de corroborer, et qu’il produit en ce sens l’exemplaire emprunteurs adressé à ces derniers et conservé par leur soins.
Sur le fondement des articles L 312-19 et L 312-21 du code de la consommation qui prévoit qu’ afin de permettre l’exercice du droit de rétractation (par l’emprunteur) prévu à l’article L 312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du crédit, le tribunal a retenu que la prêteur ne rapportait pas la preuve de la remise du bordereau de rétractation.
Toutefois, il sera rappelé que par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations pré-contractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).
La Cour de justice précise ainsi qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée (point 29) ; elle ajoute qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’informations pré-contractuelles lui incombant (point 30).
Enfin, selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31).
Ainsi même s’il n’est pas contestable au regard de l’original de l’offre de prêt produite aux débats que les emprunteurs ont signé une clause type par laquelle ils reconnaissent qu’ils sont restés en possession d’un exemplaire du contrat de crédit dans lequel figure un bordereau rétractation, il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information comprenant la remise du bordereau de rétractation aux emprunteurs.
La société Créatis verse aux débats l’offre de prêt signée contenant la clause type énoncée ci-dessus et verse une copie de l’exemplaire emprunteur remis aux intimés sur lequel figure page 30 (en bas de page), et dont le recto est absolument vierge de tout écrit de sorte que son détachement n’entraîne pas une détérioration de partie du contrat, la signature de la mention d’une telle clause considéré comme un simple indice, efficacement complémentée par l’exemplaire emprunteur produit aux débats, de nature à prouver l’exécution par le prêteur de son obligation d’information et de la remise du bordereau.
C’est donc à tort que le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et la décision sera infirmée de ce chef et de ceux qui en découlent.
2-Sur le montant de la créance
La Sa Créatis justifie de sa créance en produisant le contrat de prêt, le tableau d’amortissement, l’historique du compte, un décompte arrêté au 5 janvier 2021 et la mise en demeure préalable fixant la déchéance du terme au 14 octobre 2020 en l’absence de régularisation.
Les intimés seront en conséquence condamnés à lui payer la somme à titre principal en capital de 19 157 euros à la déchéance du terme du 14 octobre 2020, avec intérêts au taux contractuel de 5,150% arrêtés au 5 janvier 2021 à la somme de 902,24 euros.
L’indemnité conventionnelle pouvant être réduite par la cour même d’office en application de l’article 1231-5 du Code civil, elle sera fixée à la somme de 10 euros en raison de son caractère manifestement excessif eu égard au taux d’intérêts du prêt de plus de 5% et cette somme produira intérêts au taux légal que les intimés seront également condamnés à payer à la SA Créatis.
Elle demande enfin la capitalisation des intérêts.
Il sera rappelé que l’article L 313-51 du code de la consommation fait obstacle à la capitalisation des intérêts dans le cas de la défaillance de l’emprunteur d’un prêt à la consommation.
Elle en sera par voie de conséquence déboutée et la décision infirmée en ce qu’elle a condamné solidairement M. [F] [G] et Mme [L] [S] à payer à la société Créatis, au titre du solde du crédit précité, la somme de 15 658, 63 euros et dit que le capital ne produire pas intérêts.
3-Sur les délais de paiement
L’organisme de crédit demande à la cour d’infirmer également la décision ayant autorisé Mme [L] [S] à se libérer des sommes dues en vingt-quatre mois, par versements mensuels les vingt-trois premiers mois puis du solde au vingt-quatrième mois.
En l’absence de tout élément sur la situation personnelle de l’emprunteuse, la cour ne peut apprécier de ses capacités à honorer le paiement de sa dette.
Par ailleurs mise en demeure de régulariser depuis plus de 24 mois elle a déjà bénéficié de délais de paiement.
La décision sera par voie de conséquence infirmée de ce chef et Mme [L] sera déboutée de sa demande de délais de paiement.
4-Sur les dépens et l’article 700
Partie perdante, les intimés doivent supporter les dépens d’appel.
Enfin, l’équité notamment au regard de la situation économique des parties ne commande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a ordonné la jonction de la cause inscrite sous le numéro RG 1121-86 avec celle inscrite sous le numéro RG 1121-70, déclaré recevable la demande en paiement formée par la société Créatis au titre du crédit consenti le 21 mars 2017 à M. [F] [G] et Mme [L] [S], condamné ces derniers aux dépens de première instance et débouté la SA Créatis de sa demande aux titre des frais irrépétibles ;
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne solidairement M. [G] [F] et Mme [S] [L] à payer à la SA Créatis la somme de 19 157 euros en capital, assortie des intérêts au taux contractuel de 5,150% arrêtés au 5 janvier 2021 à la somme de 902,24 euros, et jusqu’à parfait paiement ainsi que la somme de 10 euros au titre de l’indemnité légale qui produira intérêts au taux légal jusqu’à parfait paiement ;
Déboute la SA Créatis de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Déboute Mme [S] [L] de sa demande de délais de paiement ;
Condamne M. [G] [F] et Mme [S] [L] à supporter la charge des dépens d’appel ;
Déboute la SA Créatis de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,