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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 01/06/2023
N° de MINUTE : 23/531
N° R 21/05591 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T55Y
Jugement (N° 20-003489) rendu le 13 Septembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Lille
APPELANTE
SAS Environnement de France anciennement dénommée Habitat de France
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Guillaume Boureux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Binhas Aouizerate, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur [U] [W]
né le [Date naissance 4] 1961 – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Madame [C] [X] épouse [W]
née le [Date naissance 1] 1955 – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assistés de Me Harry Bensimon, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
SA Cofidis
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Xavier Hélain avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 08 mars 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023 après prorogation du délibéré du 25 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 15 février 2023
****
EXPOSE DU LITIGE
Le 8 juin 2017, M. [U] [W] a contracté auprès de la société Habitat de France désormais dénommée Environnement de France, une prestation relative à l’installation d’une centrale photovoltaïque, d’un système de chauffage GSE Air System, d’un système de régulation My Light ainsi qu’un ballon hydrothermodynamique pour un montant total de 28’500 euros TTC, dans le cadre d’un démarchage à domicile.
Le même jour, M. [W] et Mme [C] [X] épouse [W] ont accepté une offre préalable de crédit auprès de la société Cofidis exerçant sous l’enseigne ‘Projectio by Cofidis’ affectée à la réalisation d’une prestation de ‘ Mylignt 3Kc + ballon Hydrothermodynamique’ d’un montant de 28’500 euros, remboursable en 120 mensualités, précédées d’un différé de paiement de six mois, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 2,65 %.
Par acte d’huissier délivrés les 27 et 30 novembre 2020, M. [W] et Mme [X] ont assigné en justice les sociétés Habitat de France et Cofidis aux fins de voir notamment prononcer la nullité et à titre subsidiaire la résolution des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement contradictoire en date du 13 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
– prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 8 juin 2017 entre M. [W] et la société Habitat de France désormais dénommée Environnement de France,
– constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis, M. [W] et Mme [X] en date du 8 juin 2017,
– condamné la société Habitat de France désormais dénommée Environnement de France à procéder à la désinstallation du matériel posé suivant bon de commande du 8 juin 2017 et à la remise de la toiture dans son état initial à ses frais,
– condamné la société Cofidis à rembourser à M. [W] et Mme [X] la somme de 891,04,
euros,
– rappelé que la restitution du prix perçu par la société Habitat de France désormais dénommée Environnement de France à M. [W] et Mme [X] est de droit,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné la société Habitat de France, désormais dénommée Environnement de France à payer à M. [W] et Mme [X] la somme de 850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Habitat de France, désormais dénommée Environnement de France aux entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 3 novembre 2021, la SAS Environnement de France, anciennement dénommé Habitat de France, a relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2022, la société Environnement de France, anciennement dénommée Habitat France, demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L.111-1 et suivants du code de la consommation,
– infirmer le jugement sur la nullité du contrat et en toutes ses dispositions,
– statuant à nouveau,
– juger valable le contrat du 8 juin 2017,
– rejeter toutes les demandes des consorts [W],
– les condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
subsidiairement, vu l’article 1182 du code civil,
– dire tous vices couverts,
à titre plus subsidiaire,
– juger que la faute de la banque la prive de tout droit à restitution ou à garantie contre la société Environnement de France.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2022, M. [W] et Mme [X] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il déboute les parties du surplus de leurs demandes et plus précisément en ce qu’il les a :
– débouté de leur demande tendant à la condamnation des sociétés Cofidis et Environnement de France à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état,
– débouté de leur demande tendant à la condamnation de la société Environnement de France à leur verser la somme de 8 000 euros au titre de leurs préjudice financier et de jouissance,
– débouté de leur demande tendant à la condamnation de la société Environnement de France à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
et statuant de nouveau,
– déclarer les demandes de M. [W] et Mme [X] recevables et bien fondées,
– déclarer que le contrat conclu entre M. [W] et Mme [X] et la société Environnement de France est nul car contrevenant aux dispositions édictées par le code de la consommation,
– déclarer que la société Environnement de France a commis un dol à l’encontre de M. [W],
– déclarer que la société Cofidis a délibérément participé au dol commis par la société Environnement de France,
au surplus,
– déclarer que la société Cofidis a commis des fautes personnelles :
– en laissant prospérer l’activité de la société Environnement de France par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu’elle ne pouvait prétendre ignorer,
– en accordant des financements inappropriés s’agissant de travaux de construction,
– en manquant à ses obligations d’information et de conseil à l’égard de M. [W] et Mme [X],
– en délivrant les fonds à la société Environnement de France sans s’assurer de l’achèvement des travaux,
– déclarer que les fautes commises par la société Cofidis causent un préjudice à M. [W] et Mme [X],
en conséquence,
– déclarer que les sociétés Environnement de France et Cofidis sont solidairement responsables de l’ensemble des conséquences de leurs fautes à l’égard de M. [W] et Mme [X],
– prononcer la nullité du contrat de vente liant M. [W] et Mme [X] à la société Environnement de France,
– prononcer la nullité du contrat de crédit affecté liant M. [W] et Mme [X] à la société Cofidis,
– déclarer que la société Cofidis ne pourra se prévaloir des effets de l’annulation à l’égard des emprunteurs,
– ordonner le remboursement des sommes versées par M. [W] et Mme [X] à la société Cofidis au jour du jugement à intervenir, outre celles à avenir soit la somme de 39’207,36 euros sauf à parfaire,
– condamner solidairement les sociétés Environnement de France et Cofidis à 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée,
– condamner la sociétés Cofidis à verser à M. [W] et Mme [X] la somme de :
– 8 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
– 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
– dire qu’à défaut pour la société Environnement de France de récupérer le matériel fourni dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, celui-ci sera définitivement acquis à M. [W] et Mme [X],
– déclarer en toute hypothèse que la société Cofidis ne pourra se faire restituer les fonds auprès de M. [W] et Mme [X] et devra nécessairement récupérer les sommes auprès de la société Environnement de France, seule bénéficiaire des fonds débloqués eu égard au mécanisme de l’opération commerciale litigieuse,
– condamner solidairement M. [W] et Mme [X] au paiement des entiers dépens outre la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner in solidum la société Environnement de France et la société Cofidis aux dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 novembre 2022, la société Cofidis demande à la cour de :
– infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– déclarer M. [W] et Mme [X] mal fondés en leurs demandes et les en débouter,
– condamner solidairement M. [W] et Mme [X] à rembourser à la société Cofidis l’intégralité des fonds perçus,
à titre subsidiaire si la cour venait à confirmer la nullité des conventions,
– infirmer le jugement sur les fautes de la société Cofidis
– confirmer le jugement sur l’absence de préjudice,
– confirmer le jugement ce qu’il a permis à la société Cofidis de conserver le capital remboursé par anticipation,
– confirmer le jugement ce qu’il a condamné la société Cofidis à rembourser à M. [W] et Mme [X] les seuls intérêts perçus,
à titre plus subsidiaire, si la cour venait à infirmer le jugement et à dispenser M. [W] et Mme [X] de rembourser la société Cofidis,
– condamner la société Environnement de France à payer à la société Cofidis la somme de 33’388,74 euros taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
à titre infiniment subsidiaire,
– condamner la société Environnement de France à rembourser à la société Cofidis la somme de 28’500 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
en tout état de cause,
– condamner la société Environnement de France à relever et garantir la société Cofidis de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de M. [W]et Mme [X],
– condamner tout succombant à payer à la société Cofidis une indemnité d’un montant de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner tout succombant aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par l’avocat soussigné par application de l’article 699 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
La clôture de l’affaire a été rendue le 15 février 2023, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 8 mars 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « constater, dire et juger » ne sont pas en l’espèce des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais le rappel des moyens.
Sur la nullité du contrat de vente
En vertu de l’articles L.221-9 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l’objet d’un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat. Il comprend toutes les informations prévues par l’article L.221-5. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L.221-5.
Selon l’article L.221-5 du code de la consommation ‘Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. (…)’
Selon l’article L.111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
2° le prix du bien ou du service en application de l’article L.112-1 à L.112-4,
3° en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
5° s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique, et le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles ;
6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre 1er du livre VI. (…)’
En vertu de l’article L.242-1du code de la consommation, les dispositions de l’article L.221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
En l’espèce, le bon de commande litigieux porte sur la fourniture et la pose d’un kit Mylight de 3Kw, de 10 panneaux photovoltaïques de 300 Wc mono Black de marque Soluxtec Boch, d’un onduleur de marque Masterwalt, d’un kit d’intégration de marque GSE, d’un système de régulation My Lignt System, d’un ballon d’eau chaude ECS de type Hydrothermodynamique, les frais de raccordement étant à la charge de la société venderesse ainsi que les démarches administratives. Le prix total HT et TTC est mentionné, ainsi que le financement et ses modalités.
Toutefois, le bon de commande n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public de code de la consommation relatives aux démarchage à domicile, prescrites à peine de nullité, en ce qu’il ne comporte pas l’ensemble des caractéristiques essentielles des biens offerts à la vente. En effet, il ne comporte pas la marque du ballon d’eau chaude, qui constitue une caractéristique essentielle de ce bien offert à la vente, permettant au consommateur d’être parfaitement informé et d’effectuer des comparaisons avec des produits d’autres marques.
Par ailleurs, le bon de commande précise que ‘le délai de livraison maximum est le 20/08/2017″.
Alors que le contrat conclu implique des opérations à la fois matérielles de livraison et d’installation du matériel commandé, mais également des démarches administratives et de raccordement, cette mention est insuffisante pour répondre aux exigences de l’article L. 111-1, 3°du code de la consommation, dès lors qu’il n’est pas distingué entre le délai de pose des modules, et autres matériels et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu’un tel délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations.
Dès lors, le bon de commande litigieux présente plusieurs irrégularités susceptibles de justifier son annulation.
Sur le fondement de l’article 1182 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la société Environnement de France et la société cofidis font valoir que M. [W] et Mme [X] ont renoncé à invoquer la nullité encourue au titre des vices affectant le bon de commande et confirmé la nullité dans la mesure où ils ont exécuté le contrat en réceptionnant sans réserve l’installation, en signant le procès-verbal de réception, en demandant le versement des fonds, en remboursant les échéances du crédit, et en obtenant le raccordement et la mise en service de l’installation dont ils profitent.
Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l’acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l’article 1882 du code civil dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat que la confirmation tacite d’un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l’affectant et qu’il ait eu l’intention de le réparer.
La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit, dès lors que la confirmation d’une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d’un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l’obligation et l’intention de le réparer, être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.
En l’espèce, le rappel de certaines dispositions du code de la consommation sur le démarchage à domicile aux conditions générales du contrat de vente ne saurait suffire à établir que l’acquéreur a agi en toute connaissance de cause et renoncé à invoquer les vices de forme du contrat de vente alors que, pour que la confirmation soit valable, il faut que son auteur ait pris conscience de la cause de nullité qui affecte l’acte et que la connaissance certaine de ce vice ne peut résulter, pour un consommateur profane, du seul rappel de ces dispositions. Au surplus, les conditions générales de vente ne mentionnent pas les dispositions de l’article L.111-1 du code de la consommation, ni celles de l’article de l’article L.242-1du code de la consommation, en sorte que le consommateur ne peut avoir eu connaissance du vice affectant le bon de commande à peine de nullité, ni l’intention de le réparer.
Dès lors, ni l’écoulement du délai de rétractation, ni l’absence de protestation lors de la livraison et de la pose des matériels commandés, ni la signature par le consommateur de l’attestation de fin de travaux, ni le versement des fonds par la société de crédit à la société venderesse, ni l’acceptation des démarches de raccordement, ni la signature du contrat d’énergie, ni le paiement des échéances du crédit, ne sauraient constituer à cet égard des circonstances de nature à caractériser une telle connaissance et une telle intention de la part de l’acquéreur et ne peuvent couvrir la nullité relative encourue.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente, sans qu’il soit besoin d’examiner la demande de nullité du chef du dol allégué.
L’annulation ainsi prononcée entraîne en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion du contrat de vente.
M. [W] et Mme [X] ne sollicitent pas la restitution du prix versé par la société Environnement de France.
Il est rappelé cependant rappelé que cette restitution est de droit.
Il convient également de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Environnement de France à procéder à ses frais à la désinstallation du matériel et à la remise en état du toit de l’habitation de M. [W] et Mme [X], et ce sous astreinte provisoire de 60 euros par jour de retard, l’astreinte devant commencer à courir à la fin d’un délai de 3 mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt.
Sur les conséquence de la nullité du contrat de vente
En application du principe de l’interdépendance des contrats constatée par l’article L.312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il y a lieu en conséquence de constater la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre M. [W], Mme [X] et la société Cofidis en application des dispositions susvisées.
Sur les conséquences de l’annulation du contrat accessoire de crédit
L’annulation prononcée entraînent en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion des contrats.
Ainsi, l’annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de vente qu’il finançait emporte, pour l’emprunteur, l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur, sauf si l’emprunteur établi l’existence d’une faute du prêteur et d’un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l’obligation de restituer les sommes déjà versées par l’emprunteur.
Il est rappelé que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution peut être privé de tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
M. [W] et Mme [X] invoquent la faute de la banque dans le déblocage des fonds.
En l’espèce, il est manifeste que la société Cofidis a commis une faute en acceptant de financer un bon de commande affecté d’irrégularités.
De plus, il ressort du bon de commande du 8 juin 2017 que la prestation complète comprend le raccordement au réseau d’ERDF ainsi que les démarches administratives (soit auprès de Consuel afin d’obtenir l’attestation de conformité et de la Mairie). Dès lors, l’obligation de vérifier la complète exécution du contrat pesant sur la banque impliquait de s’assurer aussi de la réalisation de ces prestations.
Or, l’attestation de livraison du 31 août 2017 ne permettait pas à la banque de se convaincre de l’exécution complète des prestations, l’acquéreur ayant reconnu que ‘tous les travaux et prestations qui devaient être effectuées à ce titre ont été pleinement réalisés et que les démarches de raccordement au réseau ont bien été engagées (…)’, ce qui supposait nécessairement que ces démarches n’étaient pas encore réalisées.
Par ailleurs, cette attestation ne pouvait manifestement pas rendre compte de ce que les travaux commandés étaient terminés, dans la mesure où elle était datée du 31 août 2017, soit deux mois et demi seulement après la signature du bon de commande, ce délai étant à l’évidence trop court pour assurer la finalisation de l’installation, ce que ne pouvait ignorer la banque dispensatrice de crédits affectés à la vente d’installations photovoltaïques. Il s’observe à ce titre que l’attestation de conformité est datée du 5 septembre 2017 et que l’installation n’a été mise en service que le 28 mai 2018, soit postérieurement à l’attestation de livraison et d’installation.
En s’abstenant de s’assurer que le contrat était entièrement exécuté, le prêteur a également commis une faute personnelle dans le déblocage des fonds.
En revanche, les époux [W] ne rapportent pas la preuve des autres fautes invoquées, à savoir d’avoir laissé prospérer l’activité de la société Environnement de France, d’avoir accordé des crédits affectés pour des travaux de construction, d’avoir manqué à son obligation de conseil à l’égard des emprunteurs.
M. [W] et Mme [X] prétendent que la privation de la banque de son droit à restitution du capital emprunté n’est pas subordonnée à la démonstration du préjudice, et qu’en tout état de cause, ce préjudice est caractérisé par le fait que l’annulation des contrats après le déblocage fautif des fonds entre les mains du vendeur a permis une opération commerciale hasardeuse, et place le consommateur dans la situation de devoir restituer le capital emprunté, sans perspective de pouvoir se retourner contre le vendeur.
Cependant, il est désormais constant qu’il appartient au consommateur de rapporter le preuve d’un préjudice en lien avec la faute de la banque dans le déblocage des fonds s’il entend faire échec à la restitution du capital emprunté au prêteur.
Par ailleurs, de par l’effet de plein droit de l’annulation du contrat de vente prononcée, la société Environnement de France qui ne fait l’objet d’aucune procédure collective et est in bonis, doit restituer le prix de vente à M. [W], lequel correspond au capital emprunté, de sorte que M. [W] et Mme [X] ne subissent pas de préjudice et ne sauraient en conséquence être dispensés de rembourser le capital emprunté.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [W] et Mme [X] tendant à la privation de la société cofidis de sa créance de restitution du capital emprunté.
Dès lors, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a, après compensation entre les sommes dues par le prêteur et les emprunteurs au titre des restitutions, condamné la société Cofidis à payer à M. [W] et Mme [X] la somme de 891,04 euros, non contestée, se décomposant comme suit :
– capital prêté à restituer par les emprunteurs : 28 500 euros
– versements effectués par les emprunteurs à restituer par le prêteur : 29 391,04 euros.
Sur l’obligation de mise en garde
Pour voir priver la banque de sa créance de restitution, les époux [W] font valoir que la banque a manqué à son devoir de mise en garde à leur égard en leur octroyant un crédit excessif eu égard à leur capacités financières.
Il est rappelé que l’établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur non averti lors de la conclusion du contrat de prêt ; ce devoir consiste à consentir un prêt adapté aux capacités financières de l’emprunteur et, le cas échéant, à l’alerter sur les risques de l’endettement né de l’octroi du prêt ; il implique l’obligation pour la banque de se renseigner sur les capacités financières de l’emprunteur pour l’alerter, si nécessaire, sur un risque d’endettement. Il incombe à l’emprunteur qui invoque un devoir de mise en garde de la banque à son égard de démontrer que les prêts n’étaient pas adaptés à sa situation financière et créaient un risque d’endettement contre lequel il devait être mis en garde.
En l’espèce, il ressort de la fiche de dialogue complétée par M. [W] et Mme [X] que, lors de la conclusion du crédit affecté, ils ont déclaré sur l’honneur percevoir des revenus nets mensuels de 4 900 euros nets. Ils n’ont déclaré aucune charge et être propriétaires de leurs logement depuis 1993, leurs revenus leur permettant aisément de rembourser les échéances d’emprunt. Ils ont d’ailleurs remboursé le crédit par anticipation le 21 novembre 2017, en versant la somme de 29 342,58 euros.
Il résulte de ces éléments que M. [W] et Mme [X] ne démontrent aucunement que le crédit affecté litigieux était inadapté à leur situation et créaient un risque d’endettement excessif sur lequel la banque aurait dû les mettre en garde.
Dès lors, la banque n’était pas tenue à un devoir spécifique de mise en garde à leur égard et il convient en conséquence de débouter M. [W] et Mme [X] de leur demande tendant à voir priver la banque de son droit à restitution du capital de ce chef.
Sur les demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice financier, de jouissance et moral
Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a estimé que M. [W] et Mme [X] ne rapportaient pas la preuve de ce que leur niveau de vie avait été réduit, ni que l’installation photovoltaïque présenterait un caractère inesthétique et occasionnerait des désordres, ni encore de ce qu’ils subiraient un préjudice moral, et les a débouté de leurs demandes de dommages et intérêts de ces chefs. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur les frais de désinstallation
Les époux [W] ne produisent aucune pièce probante quant aux frais de désintallation et de remise en état.
De plus, dans la mesure où la société venderesse a été condamnée à déposer le matériel à ses frais, et où M. [W] et Mme [X] ont été autorisés, à leur demande, à conserver le matériel au cas où la société Environnement de France ne viendrait pas procéder à la dépose et remise en état, il y a lieu de les débouter de leur demande en paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais de désintallation et de remise en état.
Sur les demandes de la société Cofidis à l’encontre de la société Environnement de France
Sur la base d’une convention de partenariat signée avec la société venderesse, la société Cofidis demande à titre subsidiaire de condamner la société Environnement de France à lui payer la somme de 32’975,77 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, subsidiairement la somme de 28 500 euros.
Les emprunteurs n’ayant pas été dispensés de rembourser le capital, cette demande de la Cofidis à l’encontre de la société venderesse est sans objet.
La banque sollicite, en tout état de cause, à être garantie par la société Environnement de France de toutes condamnations qui seraient éventuellement mises à sa charge.
La société Cofidis ayant elle-même commis des fautes à l’origine de l’annulation de son contrat, elle sera déboutée la garantie à l’encontre de la société Environnement de France.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie succombant partiellement ou totalement conservera la charge de ses dépens d’appel et frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions;
Y ajoutant :
Condamne la société Environnement de France à procéder à la désinstallation du matériel posé suivant bon de commande en date du 8 juin 2017 à ses frais, et ce sous astreinte provisoire de 60 euros par jour de retard, l’astreinte devant commencer à courir à la fin d’un délai de 3 mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt ;
Rejette les demandes de la société Cofidis à l’encontre de la société Environnement de France ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens et des ses frais irrépétibles d’appel.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU