Droit de rétractation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02563

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Droit de rétractation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02563
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 01/06/2023

N° de MINUTE : 23/533

N° R 21/02563 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TTHT

Jugement (N° 11-19-1124) rendu le 04 Mars 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Béthune

APPELANTE

SNC BMW Finance

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [L] [Y]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 7] – de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Madame [O] [D] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 8] – de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Stefan Squillaci, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 08 mars 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023 après prorogation du délibéré du 25 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 16 février 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 3 avril 2017, la SNC BMW Finance a consenti à M. [L] [Y] et Mme [O] [D] épouse [Y] un contrat de location avec option d’achat portant sur un véhicule de marque BMW, modèle X5 F15, d’un montant de 71’100 euros, moyennant le paiement d’un premier loyer de 10’537,68 euros et de 35 loyers d’un montant de 689,93 euros TTC.

Les epoux [Y] ont utilisé le véhicule pendant trois ans en réglant les loyers.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2019, M. [Y] et Mme [D] ont mis en demeure la SNC BMW Finance de leur payer la somme de 31’617,62 euros moyennant la restitution du véhicule.

Par exploit d’huissier délivré le 21 octobre 2019, ils ont fait citer en justice la SNC BMW Finance aux fins d’obtenir l’annulation du contrat de location avec option d’achat du 3 avril 2017, et le remboursement des sommes de 31 617,62 euros correspondant aux loyers versés jusqu’au 5 juin 2019 et de 3 141,76 euros au titre des frais d’immatriculation du véhicule.

Par jugement contradictoire du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Béthune a :

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SNC BMW Finance,

– prononcé l’annulation du contrat de location avec option d’achat numéro 2352595 conclu le 3 avril 2017 entre M. [Y], Mme [D] et la SNC BMW Finance,

– condamné la SNC BMW Finance à payer à M. [Y] et Mme [D] la somme de 25’707,23 euros au titre des loyers versés, arrêté à la date du 5 mars 2020, déduction faite de l’indemnité de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure, soit le 27 juin 2019,

– débouté M. [Y] et Mme [D] de leurs demandes en paiement au titre des frais d’immatriculation,

– condamné la SNC BMW Finance à payer à M. [Y] et Mme [D] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SNC BMW Finance de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SNC BMW Finance aux entiers dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 7 mai 2021, la SNC BMW Finance a relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2022, elle demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les époux M. [Y] de leur demande de remboursement des frais d’immatriculation,

– infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

statuant à nouveau,

– déclarer M. [Y] et Mme [D] irrecevables, subsidiairement mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,

– à titre subsidiaire, si la cour confirmait le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de location avec option d’achat du 3 avril 2017 et condamné la SNC BMW Finance à restituer aux époux [Y] les loyers versés, condamner alors solidairement M. [Y] et Mme [D] à lui payer la somme de 34’685,23 euros à titre d’indemnité de jouissance du véhicule pendant l’exécution du contrat de LOA,

– ordonner la compensation des sommes réciproquement dues,

– en tout état de cause, condamner solidairement M. [Y] et Mme [D] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2021, M. [Y] et Mme [D] demandent à la cour de :

Vu l’article L312-47 du code de la consommation,

vu les articles 1352 et suivants du code civil,

– confirmer le jugement rendu le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune en ce qu’il a :

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SNC BMW Finance,

– prononcé l’annulation du contrat de location avec option d’achat numéro 2352595 conclu le 3 avril 2017 entre M. [Y], Mme [D] et la SNC BMW Finance,

– condamné la SNC BMW Finance à payer à M. [Y] et Mme [D] la somme de 25’707,23 euros au titre des loyers versés, arrêté à la date du 5 mars 2020, déduction faite de l’indemnité de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure, soit le 27 juin 2019,

– condamné la SNC BMW Finance à payer à M. [Y] et Mme [D] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SNC BMW Finance de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SNC BMW Finance aux entiers dépens,

– statuant à nouveau,

– débouter la SNC BMW Finance de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

– condamner la SNC BMW Finance à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SNC BMW Finance aux entiers dépens d’instance et d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

La clôture de l’affaire a été rendue le 27 février 2023, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 8 mars 2023.

MOTIFS

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l’arrêt sont ceux issus de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit.

Sur la recevabilité

En vertu des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel le défaut de qualité le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour relever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

La SNC BMW soutient que l’action des époux [Y] seraient irrecevables en leurs demandes au motif qu’ils n’ont pas attrait à la cause le vendeur du véhicule.

Cependant, il est constant que l’action des intimé tend à la nullité du contrat avec location avec option d’achat signé entre les parties le 3 avril 2017, et non la nullité d’un contrat de vente.

Dès lors, dans le cadre de cette action en nullité, ils ont parfaitement intérêt à agir à l’encontre de leur cocontractant, la SNC BMW Finance, sans qu’il soit besoin de mettre en cause le vendeur. Leur action est parfaitement recevable.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a rejeté l’a fin de non-recevoir soulevée par la SNC BMW Finance.

Sur la nullité du contrat avec option d’achat

La SNC BMW Finance fait grief au premier juge d’avoir annulé le contrat avec option d’achat, au motif erroné que le véhicule a été livré le 5 avril 2017, soit moins de 3 jours après la signature du contrat, ce qui constitue un manquement de la SNC BMW Finance aux obligation de l’article L.312-47 du code de la consommation, et plus particulièrement au délai minimal de rétractation de 3 jours.

Elle fait valoir que les dispositions précitées, qui règlent le sort des frais et risques à la charge du vendeur en cas de livraison anticipée du véhicule à la demande expresse des acheteurs, n’interdisent en aucun cas la livraison immédiate du véhicule, l’acheteur conservant alors sa faculté de rétractation pendant un délai minimal de 3 jours.

Les intimés exposent au contraire qu’en application de l’article L.312-47 du code de la consommation, lorsque la livraison du véhicule est intervenue dans un délai inférieur au délai minimum de rétractation de 3 jours, soit en l’espèce le 5 avril 2017, le contrat est nul dès lors qu’ils n’ont pas été en mesure de bénéficier du délai minimal de rétractation.

L’article L.312-47 du code de la consommation dispose :

‘Tant que le prêteur ne l’a pas avisé de l’octroi du crédit, et tant que l’emprunteur peut exercer sa faculté de rétractation, le vendeur n’est pas tenu d’accomplir son obligation de livraison ou de fourniture.

Toutefois, lorsque par une demande expresse rédigée, datée et signée de sa main même, l’acheteur sollicite la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services, le délai de rétractation ouvert à l’emprunteur par l’article L. 312-19 expire à la date de la livraison ou de la fourniture, sans pouvoir ni excéder quatorze jours ni être inférieur à trois jours.

Toute livraison ou fourniture anticipée est à la charge du vendeur qui en supporte tous les frais et risques.’

Suivant l’article R.312-20 ‘L’acheteur qui sollicite la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services en application de l’article L. 312-47 doit apposer sur le contrat de vente une demande rédigée de sa main dans les termes suivants :

” Je demande à être livré (e) immédiatement (ou à bénéficier immédiatement de la prestation de services).

Le délai légal de rétractation de mon contrat de crédit arrive dès lors à échéance à la date de la livraison (ou de l’exécution de la prestation), sans pouvoir être inférieur à trois jours ni supérieur à quatorze jours suivant sa signature.

Je suis tenu (e) par mon contrat de vente principal dès le quatrième jour suivant sa signature. ”

L’article L.312-52 du même code dispose ‘Le contrat de vente ou de prestation de services est résolu de plein droit, sans indemnité :

1° Si le prêteur n’a pas, dans un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat de crédit par l’emprunteur, informé le vendeur de l’attribution du crédit ;

2° Ou si l’emprunteur a exercé son droit de rétractation dans le délai prévu à l’article L. 312-19.

Toutefois, lorsque l’emprunteur, par une demande expresse, sollicite la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services, l’exercice du droit de rétractation du contrat de crédit n’emporte résolution de plein droit du contrat de vente ou de prestation de services que s’il intervient dans un délai de trois jours à compter de l’acceptation du contrat de crédit par l’emprunteur.

Le contrat n’est pas résolu si, avant l’expiration des délais mentionnés au présent article, l’acquéreur paie comptant.’

Il s’observe qu’aucune dispositions du code de la consommation n’interdit la livraison immédiate du véhicule, et qu’elle est au contraire prévue, dès lors qu’elle a été expressément demandée par l’emprunteur en application de l’article R.312-52 du code de la consommation ; dans ce cas, la livraison peut donc avoir lieu immédiatement, dès la conclusion du contrat, l’emprunteur conservant en tout état de cause un délai incompressible de 3 jours pour se rétracter, ce qui emporte la résolution de plein droit du contrat.

En l’espèce, le contrat a été conclu entre les parties le 3 avril 2017.

Il n’est pas contestable que les époux M. [Y] ont expressément demandé la livraison immédiate du véhicule en apposant leur signature sous la mention suivante : ‘je demande à être livré immédiatement. Le délai légal de rétractation de mon contrat de crédit arrive dès lors à échéance à la date de livraison, sans pouvoir être inférieur à trois jours ni supérieur à 14 jours suivant sa signature. Je suis tenu(e) par mon contrat de vente principal dès le quatrième jour suivant sa signature’ qu’ils ont reproduit.

Ils ne contestent d’ailleurs pas avoir valablement été informés du délai de rétractation minimal de 3 jours en cas de demande de livraison immédiate du véhicule, ce qui est rappelé tant par la mention qu’ils ont reproduite que par l’article 5.1 du contrat de location relatif au droit de rétractation et ses modalités.

Le véhicule a été livré le 5 avril 2017.

Les époux [Y] bénéficiaient donc, même si le véhicule leur avait été livré, d’un délai jusqu’au 6 avril à minuit pour se rétracter.

Dès lors, c’est à tort que le premier juge a estimé que la SNC BMW Finance n’a pas respecté le délai minimal de rétractation, affectant ainsi le consentement des emprunteurs, et a annulé le contrat pour ce motif.

En conséquence, réformant le jugement, il convient de débouter les époux [Y] de l’ensemble de leurs demandes.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris sera réformé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Les époux M. [Y] qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de les condamner in solidum à payer à la SNC BMW Finance la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SNC BMW Finance ;

Statuant à nouveau ;

Déboute M. [Y] et Mme [D] de toutes leurs demandes ;

Condamne in solidum M. [Y] et Mme [D] à payer à la SNC BMW Finance la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [Y] et Mme [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU

 


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