Droit de rétractation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01634

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Droit de rétractation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01634
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 01/06/2023

N° de MINUTE : 23/536

N° RG 21/01634 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TQT5

Jugement (N° 18-000825) rendu le 16 Novembre 2020 par le Tribunal de proximité de Roubaix

APPELANTS

Madame [E] [X] épouse [D]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 11] – de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 11] – de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentés par Me Valentine Squillaci, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

SAS Alliance ès qualités de liquidateur de la société IC Group (anciennement dénommée Immo Confort), société par actions simplifiée dont le siège social est sis [Adresse 6] à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 9]

Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 17 mai 2021 par acte remis à personne morale

SA BNP Paribas Personal Finance agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 08 mars 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023 après prorogation du délibéré du 25 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 16 février 2023

Le 13 octobre 2016, M. [I] [D] a contracté avec la société Immo Confort la fourniture, la pose et la mise en service d’un système solaire photovoltaïque, comprenant 12 panneaux d’une puissance de 3 Kw en vue de la revente d’énergie, pour un montant de 14’500 euros, et d’un chauffe-eau thermodynamique de 270 litres pour un montant de 7 000 euros, dans le cadre d’un démarchage à domicile, selon bon de commande n° 1610.

Suivant offre préalable acceptée le même jour, la société Cetelem, aux droits de laquelle vient désormais la société BNP Paribas Personal Finance, a consenti à M. [D] un crédit affecté à la réalisation de cette prestation pour un montant de 21’500 euros, remboursable en 120 mensualités, précédées d’un différé de paiement de 12 mois, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 3,90 %.

Par acte d’huissier délivré le 10 août 2018, M. [D] et Mme [E] [X] épouse [D] ont assigné en justice la société Immo Confort et la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Cetelem, aux fins de voir prononcer l’annulation des contrats, subsidiairement leur résolution.

Aux termes d’une assemblée générale du 15 décembre 2017, la société Immo Confort a changé de dénomination sociale et est devenue la société IC Groupe.

Par jugement du 13 décembre 2018, cette société a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, Me [O] [F] ayant été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Par acte d’huissier délivré le 20 février 2019, les époux [D] ont assigné en intervention la SELAS Alliance, représentée par Me [O] [F], en qualité de liquidateur de la société IC Groupe. Les procédures ont été jointes.

Par jugement contradictoire en date du 16 novembre 2020, le tribunal de proximité de Roubaix a :

– rejeté l’exception d’incompétence matérielle,

– déclaré l’action de M. [D] et Mme [X] à l’égard de la SELAS Alliance, liquidateur judiciaire de la SA IC Groupe, recevable,

– déclaré l’action de la société BNP Paribas Personal Finance recevable,

– rejeté l’exception de nullité du contrat de vente,

– débouté M. [D] et Mme [X] de leur demande de résolution du contrat de vente,

– débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en paiement au titre du contrat de crédit,

– rejeté la demande d’exécution provisoire de la décision,

– condamné in solidum M. [D] et Mme [X] à payer à la SELAS Alliance, liquidateur judiciaire de la société IC Groupe, la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum M. [D] et Mme [X] aux dépens.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 18 mars 2021, et signifiée à la SELAS Alliance par acte d’huissier délivré le 17 mai 2021 à personne morale, M. [D] et Mme [X] ont relevé appel de cette décision en ce qu’elle a :

– déclaré l’action de la société BNP Paribas Personal Finance recevable,

– rejeté l’exception de nullité du contrat de vente,

– débouté M. [D] et Mme [X] de leur demande de résolution du contrat de vente,

– condamné in solidum M. [D] et Mme [X] à payer à la SELAS Alliance, liquidateur judiciaire de la société IC Groupe, la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum M. [D] et Mme [X] aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2023, ils demandent à la cour de :

– infirmer le jugement en l’ensemble de ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré l’action de M. [D] et Mme [X] recevable et débouté la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes,

– statuant à nouveau,

à titre principal :

– prononcer l’annulation du contrat conclu entre M. et Mme [D] et la société Immo Confort le 13 octobre 2016,

– en conséquence, prononcer l’annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre M. et Mme [D] et la banque BNP Paribas Personal Finance le 13 octobre 2016,

à titre subsidiaire, si par impossible la cour n’annulait pas à titre principal les contrats,

– prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu entre M. et Mme [D] et la société Immo Confort le 13 octobre 2016, pour inexécution suffisamment grave des obligations de cette dernière,

– en conséquence, prononcer la résolution judiciaire de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre M. et Mme [D] et la banque BNP Paribas Personal Finance du 13 octobre 2016,

en tout état de cause,

– dire et juger que la banque BNP Paribas Personal Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds,

– juger en conséquence que la faute de la banque BNP Paribas Personal Finance la prive de son droit à restitution du capital prêté,

– condamner solidairement la société BNP Paribas Personal Finance et la SELAS Alliance, ès qualité de liquidateur de la société IC Groupe, à payer à M. [D] et Mme [X] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2023, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour

de :

– confirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Roubaix en date du 16 novembre 2020,

– constater la carence probatoire de M. [D] et Mme [X],

– les débouter de l’intégralité de leurs demandes,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour estimait devoir réformer le jugement entrepris et prononcer l’annulation ou la résolution judiciaire du contrat principal de vente conclu le 13 octobre 2016 avec la société Immo confort, entraînant l’annulation ou la résolution du contrat de crédit affecté consenti à M. [D] par la société BNP Paribas Personal Finance selon offre préalable acceptée le 13 octobre 2016,

– constater dire et juger que la société BNP Paribas Personal Finance n’a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l’octroi du crédit,

– en conséquence, condamner M. [D] à lui rembourser le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des paiements d’ores et déjà réalisés par l’emprunteur,

à titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour considérait que la société BNP Paribas Personal Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds,

– dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit ne peut être égal au montant de la créance de la banque,

– dire et juger que M. [D] et Mme [X] conserveront l’installation du ballon thermodynamique et des panneaux solaires photovoltaïques qui ont été livrés et posés à leur domicile par la société Immo confort (puisque la société est actuellement liquidation judiciaire de sorte qu’elle ne se présentera jamais à leur domicile pour récupérer le matériel) que l’installation photovoltaïque fonctionne parfaitement puisque ladite installation est raccordée au réseau ERDF-ENEDIS, que l’installation a bien été mise en service et que les époux [D] perçoivent chaque année des revenus énergétiques grâce à l’installation photovoltaïque litigieuse,

– par conséquent dire et juger que la société BNP Paribas Personal Finance ne saurait être privée de sa créance de restitution, compte tenu de l’absence de préjudice avéré pour M. [D] et Mme [X],

– par conséquent, les condamner à rembourser le montant du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté litigieux, déduction faite des paiements d’ores et déjà réalisés par l’emprunteur,

– à défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par les époux [D]

– condamner à tout le moins M. [D] à restituer à la société BNP Paribas Personal Finance une fraction du capital prêté, qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté,

en tout état de cause,

– condamner solidairement M. [D] et Mme [X] à payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner in solidum aux entiers frais les dépens y compris ceux d’appel dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La SELAS Alliance n’a pas constitué avocat.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

La clôture de l’affaire a été rendue le 16 février 2023, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 8 mars 2023.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat de vente

Les appelants exposent que la vente est nulle d’une part à raison du dol commis par la société venderesse, et d’autre part, en ce que le bon de commande est affecté de multiples irrégularités au regard du code de la consommation.

En vertu de l’articles L.221-9 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l’objet d’un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat. Il comprend toutes les informations prévues par l’article L.221-5. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L.221-5.

Selon l’article L.221-5 du code de la consommation ‘Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L.221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. (…)’

Selon l’article L.111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,

2° le prix du bien ou du service en application de l’article L.112-1 à L.112-4,

3° en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;

5° s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique, et le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles ;

6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre 1er du livre VI. (…)’

En vertu de l’article L.242-1du code de la consommation, les dispositions de l’article L.221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Le bon de commande porte sur la livraison et la pose d’une installation photovoltaïque, pour la revente totale d’électricité, comprenant 12 panneaux d’une puissance unitaire de 3 Kw de marque Solarworl ou équivalent, d’un onduleur Schneider ou équivalent, d’un chauffe-eau thermodynamique, la société Immo Confort devant accomplir à sa charge le raccordement de l’installation et les démarches jusqu’à l’obtention du contrat de rachat d’électricité.

D’une part, le bon de commande n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public de code de la consommation relatives aux démarchage à domicile, prescrites à peine de nullité, en ce qu’il ne comporte pas de formulaire type de rétractation.

D’autre part, il ne comporte pas l’ensemble des caractéristiques essentielles des biens offerts à la vente. La marque est une caractéristique essentielle pour le consommateur qui lui permet d’être renseigné sur les performances du produit offert à la vente et de faire des comparaisons avec des produits d’autres marques. Or, le bon de commande prévoit que les panneaux pourront être de marque ‘Solarworld ou équivalent’ et que l’onduleur pourra être de marque ‘Shneider ou équivalent’, ce qui n’est pas suffisamment précis et permet au professionnel de décider unilatéralement de livrer au consommateur une autre marque non précisée. En outre, la marque du chauffe-eau n’est pas mentionnée.

Par ailleurs, le bon de commande prévoit ‘la date prévue d’installation de 2 à 8 semaines’.

Alors que le contrat conclu implique des opérations à la fois matérielles de livraison et d’installation du matériel commandé, mais également des démarches administratives et de raccordement, cette mention est insuffisante pour répondre aux exigences de l’article L. 111-1, 3°du code de la consommation, dès lors qu’il n’est pas distingué entre le délai de pose des modules, et autres matériels et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu’un tel délai global, particulièrement imprécis, ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations.

Dès lors, le bon de commande litigieux contrevient manifestement aux dispositions du code de la consommation, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté, ni discuté, par la société BNP Paribas Personal Finance.

Réformant le jugement déféré, il convient de prononcer la nullité du bon de commande n° 1610 en date du 13 octobre 2016, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la demande de nullité à raison du prétendu dol commis par la société venderesse.

Sur les conséquence de la nullité du contrat de vente

En application du principe de l’interdépendance des contrats constatée par l’article L.312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Il y a lieu en conséquence de constater la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre M. [D] et la société Cetelem, aux droit de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance en application des dispositions susvisées.

Sur les conséquences de l’annulation du contrat accessoire de crédit

L’annulation prononcée entraînent en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion des contrats.

Ainsi, l’annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de vente qu’il finançait emporte, pour l’emprunteur, l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur, sauf si l’emprunteur établi l’existence d’une faute du prêteur et d’un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l’obligation de restituer les sommes déjà versées par l’emprunteur.

Il est rappelé que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution peut être privé de tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

En l’espèce, le prêteur qui a versé les fonds au vendeur sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal alors que les irrégularités du bon de commande précédemment retenues étaient manifestes – vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat principal était affecté de nullité – a commis une faute.

De plus, il ressort du bon de commande du 13 octobre 2016 que la prestation complète comprend le raccordement au réseau d’ERDF ainsi que les démarches jusqu’à l’obtention du contrat de rachat d’électricité. Dès lors, l’obligation de vérifier la complète exécution du contrat pesant sur la banque impliquait de s’assurer aussi de la réalisation de ces prestations.

Il résulte des éléments de la cause que la banque a débloqué les fonds sur la base d’un procès-verbal de réception des travaux daté du 3 novembre 2016 qui mentionne que ‘la réception est prononcée sans réserve avec effet à la date du 3 novembre ‘et d’un document intitulé ‘Appel de fonds’ daté du 3 novembre 2016, par lequel le vendeur certifie que le matériel commandé a été livré et le client demande à la société BNP Paribas Personal finance d’adresser les fonds correspondant à cette opération au vendeur.

Or, ces documents n’étaient pas suffisamment précis pour rendre compte de la complexité de l’opération qui comprenait outre la livraison et la pose des panneaux et d’un chauffe-eau, le raccordement des panneaux au réseau ERDF auquel la venderesse s’était engagée, et ainsi permettre au prêteur de se convaincre de l’exécution complète du contrat principal.

Par ailleurs, ces documents ne pouvait manifestement pas rendre compte de ce que les travaux commandés étaient terminés, dans la mesure où ils étaient datés du 3 novembre 2016, soit quelques jours seulement après la signature du bon de commande du 13 octobre 2016, ce délai étant à l’évidence trop court pour assurer la finalisation de l’installation, ce que ne pouvait ignorer la banque dispensatrice de crédits affectés à la vente d’installations photovoltaïques.

Il s’observe à ce titre que l’attestation de conformité du consuel a été établie le 4 décembre 2016, que la déclaration préalable a été déposée en mairie le 20 décembre 2016 et accordée le 8 février 2017, et que les panneaux n’ont été raccordés que le 5 septembre 2017, soit postérieurement au déblocage des fonds.

En s’abstenant de s’assurer que le contrat était entièrement exécuté, le prêteur a également commis une faute personnelle dans le déblocage des fonds.

Les diverses fautes commises par la banque entraînent manifestement un préjudice pour l’emprunteurs en l’espèce dans la mesure où il ne sera pas en mesure d’obtenir la restitution du prix, du fait de la déconfiture de la IC Groupe placée en liquidation judiciaire, alors que la restitution du prix et l’éventuelle remise en état par la venderesse aurait dû être la conséquence normale de l’annulation des contrats principaux.

C’est vainement que la société BNP Paribas Personal Finance soutient que les époux M. [D] ne subiraient pas de préjudice du fait que l’installation serait fonctionnelle et produirait de l’énergie, alors que ce n’est nullement le cas. En effet, il ressort d’un audit établi par Sunelis que l’installation photovoltaïque était affectée de nombreuses non-conformités et mal-façons imputables à la société Immo Confort, et d’un procès-verbal d’expertise que les panneaux ont été à l’origine d’un grave incendie survenu le 25 septembre 2022, lequel a entraîné la destruction totale de la toiture des époux [D] et d’une partie de leur habitation.

Au regard de ces éléments, et compte tenu du préjudice manifestement subi par M. [D], il convient de priver la banque de son droit à restitution du capital prêté et de la condamner à restituer à M. [D] l’ensemble des sommes versées par lui en exécution du contrat de crédit affecté en date du 13 octobre 2016.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera réformé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant, la société BNP Paribas Personal Finance et la société IC Groupe seront in solidum tenues aux dépens de première instance et d’appel. Cette créance sera fixée au passif de la procédure collective de la société IC Groupe.

L’équité commande de condamner in solidum la société BNP Paribas Personal finance et la société IC Groupe à payer aux époux [D] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Cette créance sera fixée au passif de société IC Groupe.

La société BNP Paribas Personal Finance sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l’appel ;

Réforme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 13 octobre 2016 entre M. [I] [D] et la société Immo Confort suivant bon commande n°1610,

Constate la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cetelem, aux droit de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance, et M. [I] [D] en date du 13 octobre 2016 ;

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande tendant à se voir restituer par M. [I] [D] le capital prêté au titre du contrat de crédit affecté du 13 octobre 2016 ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [I] [D] l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit affecté conclu le 13 octobre 2016 ;

Condamne in solidum la société BNP Paribas Personal finance et la société IC Group à payer aux époux [D] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Fixe au passif de la procédure collective de société IC Group ladite créance au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société IC Group aux dépens de première instance et d’appel ;

Fixe la dite créance de dépens au passif de la procédure collective de la société IC Group.

Le greffier

[H] [T]

Le président

[V] [N]

 


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