Droit de rétractation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01318

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Droit de rétractation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01318
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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 01 Juin 2023

N° RG 21/01318 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GXRT

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection d’ANNECY en date du 28 Avril 2021, RG 21/00308

Appelante

S.A. CREATIS, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Eric DEZ, avocat plaidant au barreau de L’AIN

Intimés

M. [B] [E] [U] [O]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 5],

et

Mme [L] [J] [F]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 6],

demeurant ensemble [Adresse 3]

Représentés par Me Suryana MASSE, avocat au barreau D’ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 28 mars 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 13 septembre 2014, la société Creatis a consenti à M. [B] [O] et Mme [L] [F] un contrat de regroupement de crédits antérieurs, d’un montant de 48 800 euros, au taux de 7,82 %, remboursable en 144 échéances mensuelles de 523,43 euros chacune, hors assurance.

A la suite de divers incidents de paiement non régularisés à compter du 30 septembre 2019, le prêteur a, après une mise en demeure infructueuse du 21 janvier 2020, prononcé la déchéance du terme le 23 septembre 2020.

Aucun accord amiable n’a été trouvé entre le prêteur et les emprunteurs.

Par actes d’huissier du 9 février 2021, la société Creatis a assigné en paiement M. [B] [O] et Mme [L] [F].

Suivant jugement avant dire droit du 10 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Annecy a notamment soulevé d’office la déchéance du droit aux intérêts liée à l’absence de preuve de remise de bordereau de rétractation aux emprunteurs.

Par décision contradictoire du 28 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Annecy a :

– dit que la société Creatis est déchue du droit aux intérêts conventionnels de sa créance,

– condamné solidairement M. [B] [O] et Mme [L] [F] à payer à la société Creatis, au titre du prêt souscrit le 13 septembre 2014, la somme de 16 533,91 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2020 notifiant la déchéance du terme,

– dit que les paiements s’imputeront en priorité sur le capital,

– exclu la majoration de l’intérêt légal prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,

– rejeté le surplus des demandes,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [B] [O] et Mme [L] [F] aux entiers dépens,

– constaté l’exécution provisoire de la décision, frais et dépens compris.

Par déclaration du 24 juin 2021, la société Creatis a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Creatis demande à la cour de :

– juger recevable sur la forme et bien fondé au fond son appel,

– réformer la décision précitée en ce qu’elle a :

– dit qu’elle n’apporte aucun élément qui serait susceptible de corroborer la clause-type prévue au contrat de prêt, par laquelle les emprunteurs ont reconnu rester en possession du bordereau de rétraction,

– dit qu’elle est déchue du droit aux intérêts conventionnels de sa créance,

– condamné solidairement M. [B] [O] et Mme [L] [F] à lui payer, au titre du prêt souscrit le 13 septembre 2014, la somme de 16 533,91 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2020 notifiant la déchéance du terme,

– dit que les paiements s’imputeront en priorité sur le capital,

– exclu la majoration de l’intérêt légal prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,

– rejeté le surplus des demandes,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

en conséquence,

– juger recevable son action,

– juger valide l’offre de prêt consentie comme répondant aux exigences du code de la consommation,

– juger non fondée la demande de délais formée par les intimés,

– débouter M. [B] [O] et Mme [L] [F] de l’intégralité de leurs prétentions, fins et moyens,

– condamner solidairement M. [B] [O] et Mme [L] [F] à lui payer la somme de 40 168,85 euros outre intérêts au taux contractuel à compter du 16 décembre 2020,

– condamner solidairement M. [B] [O] et Mme [L] [F] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. [B] [O] et Mme [L] [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec droit de recouvrement direct des dépens d’appel au profit de maître Gaudin en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 25 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [F] et M. [O] demandent à la cour de :

à titre principal,

– confirmer la décision du juge des contentieux et de la protection du 28 avril 2021 en ce qu’il :

– a dit que la société Creatis est déchue du droit aux intérêts conventionnels de sa créance,

– les a condamnés solidairement à payer à la société Creatis, au titre du prêt souscrit le 13 septembre 2014, la somme de 16 533,91 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2020 notifiant la déchéance du terme,

– a dit que les paiements s’imputeront en priorité sur le capital,

– a exclu la majoration de l’intérêt légal prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,

– a rejeté le surplus des demandes,

– a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– les a condamnés in solidum aux entiers dépens.

en conséquence,

– rejeter l’ensemble des demandes formées en cause d’appel par la société Creatis,

à titre subsidiaire,

– prononcer la réduction de l’indemnité de 8 % calculée sur le montant du capital restant dû à la somme de 1 euro en raison de son caractère manifestement excessif,

en tout état de cause,

– ordonner l’échelonnement du paiement de la somme à laquelle ils seraient condamnés, à deux années avec application uniquement du taux légal et, en cas de paiement partiel durant la durée de l’échéancier, imputation en priorité sur le montant du capital restant dû,

– condamner la société Creatis à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais exposés en cause d’appel,

– condamner la société Creatis aux entiers dépens de la procédure d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la déchéance du droit aux intérêts

M. [B] [O] et Mme [L] [F] exposent que la société Creatis ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle leur a remis un contrat comportant le formulaire détachable permettant de faciliter l’exercice du droit de rétractation et que les seules mentions figurant au contrat ou sur la FIPEN de ce qu’ils reconnaissent avoir reçu un exemplaire comportant ce formulaire ne sont pas suffisantes à cet égard, pas plus que la formule type pré-imprimée selon laquelle il reconnaissent demeurer en possession d’un exemplaire doté du formulaire détachable. Ils estiment encore que la liasse contractuelle produite ne constitue pas un élément complémentaire suffisant car elle n’est ni paraphée, ni signée. Ils prétendent même que cette liasse ne correspond pas à l’offre qu’ils ont acceptée le 13 septembre 2014.

La société Creatis, pour sa part précise que le contrat remis mentionne l’existence du bordereau de rétractation et que la signature des emprunteurs figure sous la clause en question. Elle ajoute que la FIPEN reprend la même indication. Elle dit enfin que les emprunteurs ont expressément reconnu avoir reçu l’exemplaire doté du formulaire de rétractation.

L’article L. 311-12 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat de prêt litigieux dispose que : ‘L’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 311-18. Afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. L’exercice par l’emprunteur de son droit de rétractation ne peut donner lieu à enregistrement sur un fichier.

En cas d’exercice de son droit de rétractation, l’emprunteur n’est plus tenu par le contrat de service accessoire au contrat de crédit’.

L’article L. 311-48 alinéa 1du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat litigieux, précise que : ‘Le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l’article L. 311-10, ou sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l’article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts.’.

Il appartient au prêteur de rapporter la preuve qu’il a satisfait à ses obligations et la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (civ. 1ère 21 octobre 2020, n°19-18.071).

En l’espèce la société Creatis produit le contrat litigieux signé, lequel indique que les emprunteurs reconnaissent rester en possession d’un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation (pièce n°1). La FIPEN précise en page 4/4 (pièce banque n°5) que le bordereau de rétractation est joint au contrat de crédit. Cet élément est toutefois insuffisant pour corroborer la formule de reconnaissance de la remise d’un contrat conforme. Par ailleurs, force est de constater que l’exemplaire du contrat figurant dans la liasse contractuelle fournie (pièce banque n°8), ne correspond pas au contrat signé par les emprunteurs. Le premier est en effet émis au 19 août 2014 et valable jusqu’au 3 septembre 2014. Le second est émis le 10 septembre 2014, valable jusqu’au 25 septembre 2014, et a été accepté le 13 septembre 2014.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il :

– a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par les débiteurs au soutien de cette prétention,

– dit que cette déchéance s’étend aux frais commission et assurances,

– dit que M. [B] [O] et Mme [L] [F] ne sont tenus qu’au remboursement du capital emprunté.

Sur les sommes dues

La société Creatis réclame le paiement d’une somme totale de 40 168,65 euros, outre intérêts au taux contractuel. Cette somme comprend (pièce appelant n°19) :

– 34 327,65 euros au titre du capital restant dû,

– 3 094,99 euros au titre des échéances impayées,

– 2 746,21 euros au titre de la clause pénale.

Il résulte de l’historique produit (pièce appelant n°12 ) que M. [B] [O] et Mme [L] [F] se sont acquittés d’une somme totale de 32 266,09 euros.

Ils sont donc redevables, au regard de la déchéance du droit aux intérêts, du seul montant du capital emprunté, déduction faite des sommes payées, soit de la somme de 16 533,91 euros (48 800 – 32 266,09), outre intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020, date de la déchéance du terme (pièces appelant n°17 et 18). Le jugement déféré sera confirmé sur ce point, Il convient également de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a, conformément à la jurisprudence de la cour de justice de l’Union Européenne, exclu l’application du taux légal majoré prévu à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier. Un tel taux majoré de 5 % reviendrait en effet à vider de sa substance la sanction consistant en la déchéance du droit aux intérêts. Il convient également de réduire à néant le montant de la clause pénale réclamée comme étant manifestement excessive par rapport au préjudice réellement subi par la banque. En effet, de nombreuses échéances ont été payées par les débiteurs et aucun préjudice né du non paiement des intérêts ne peut être déploré par la société Creatis laquelle, par sa propre faute, s’est trouvée privée de son droit aux intérêts.

Sur les délais de paiement

M. [B] [O] et Mme [L] [F] exposent qu’ils sont des débiteurs malheureux de bonne foi et que seule leur situation obérée les a obligés à cesser le paiement des mensualités. Ils estiment leurs revenus annuels à la somme de 34 959 euros et précisent que Mme [L] [F] a saisi la commission de surendettement dont la décision du 22 novembre 2022 a retenu un plan d’apurement, ce plan étant parfaitement respecté par l’intéressée.

La société Creatis explique qu’elle s’oppose à tout délai dans la mesure où, selon elle, les débiteurs ont déjà bénéficié des plus larges délais en raison de la procédure pendante.

L’article 1244-1 ancien du Code civil, applicable au présent litige, dispose que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Il résulte des pièces versées (n°4) que la dette totale envers la société Creatis a été déclarée la procédure de surendettement par Mme [L] [F] et que la commission de surendettement a retenu une capacité théorique de remboursement de 311 euros. Elle a établi en conséquence des mesures de rééchelonnement de la dette selon une mensualité de 180 euros, suivie de 54 mensualités de 302,85 euros. Au regard de ces éléments et dans la mesure où la procédure de surendettement en cours interdit à la société Creatis toute procédure d’exécution contre Mme [L] [F], il n’y a pas lieu de lui accorder des délais qui seraient, de surcroît, bien plus contraignant que ceux attribués par la commission de surendettement. Enfin, toujours en considération du plan de surendettement, il n’y a pas lieu de dire que les paiements s’imputeront en priorité sur le capital. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

En ce qui concerne M. [B] [O], il résulte de la pièce versée (n°5) que ses revenus annuels de 2021 s’élèvent à la somme de 5 550 euros, soit 462,50 euros par mois. Il ne dispose donc pas d’un revenu suffisant pour assumer un plan sur deux ans qui l’obligerait à supporter des mensualités supérieures à ses revenus. Il ne démontre pas plus qu’il serait en capacité de s’acquitter de la totalité de la somme en une seule fois dans deux ans. Il sera donc également débouté de sa demande de délais de paiement.

Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

M. [B] [O] et Mme [L] [F] qui succombent en première instance seront tenus in solidum aux dépens et le jugement déféré sera confirmé sur ce point. En revanche, dans la mesure où la société Creatis succombe en son appel, elle sera conformément à l’article 696 du code de procédure civile, tenue aux dépens d’appel. Elle sera dans le même temps déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel comme n’en remplissant pas les conditions d’octroi. Il n’est enfin pas inéquitable de faire supporter par la société Creatis partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par M. [B] [O] et Mme [L] [F] en cause d’appel. Elle sera condamnée à leur verser la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toute ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit que les paiements s’imputeraient en priorité sur le capital,

Y ajoutant,

Déboute M. [B] [O] et Mme [L] [F] de leur demande de délai de paiement,

Condamne la société Creatis aux dépens d’appel,

Déboute la société Creatis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Creatis à payer à M. [B] [O] et Mme [L] [F] la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 01 juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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