Droit de réponse : décision du 3 octobre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/06104

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Droit de réponse : décision du 3 octobre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/06104
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N° RG 21/06104 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NYRO

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Villefranche sur saone

Au fond

du 28 juin 2021

RG : 20/00519

[R] NÉE [P]

C/

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Octobre 2023

APPELANTE :

Mme [Y] [C] [P] veuve [R]

née le 31 Janvier 1947 à [Localité 8] (69)

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me François ROBBE de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL AXIOJURIS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE, toque : 786

INTIMEE :

Mme [N] [G] [D] épouse [B]

née le 13 Mars 1955 à [Localité 13] (69)

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Martine DI PALMA de la SELARL DDW AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 934

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 15 Septembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Juin 2023

Date de mise à disposition : 03 Octobre 2023

Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l’audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Olivier GOURSAUD, président

– Stéphanie LEMOINE, conseiller

– Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L’AFFAIRE

Par acte notarié du 9 octobre 1947, [N] [W] veuve [A] a consenti à ses deux enfants, [K] [A] et [E] [A] épouse [P], une donation à titre de partage anticipé de biens immobiliers situés à [Localité 12] (Rhône), dont un bâtiment d’habitation et d’exploitation sur un tènement cadastré section [Cadastre 1] et [Cadastre 2] (devenus [Cadastre 3]), ainsi qu’un bâtiment à usage d’ancien cuvier avec une parcelle de terrain cadastrés section [Cadastre 1] et [Cadastre 4] (devenu [Cadastre 5]). Aux termes de la donation, il était « créé un droit de passage au profit de M. [P], en tous temps et à tous usages, dans la cour attribuée à M. [A] […] ».

Le 17 juin 1997, [E] [P] a fait donation à sa fille, Mme [Y] [P] épouse [R] (Mme [R]), par préciput et hors part avec dispense de rapport à sa succession, de la nue-propriété de la parcelle [Cadastre 3]. Mme [R] est devenue l’unique propriétaire de la parcelle au décès de [E] [P], intervenu le 14 février 2020.

Le 17 juin 2004, M. [I] [A], fils de [K] [A], a vendu à M. [K] [Z] et Mme [N] [D] épouse [Z], les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 4] qu’il avait recueillies dans la succession de son père. En prévision de cette vente, [E] [P], Mme [R], M. [A] et Mme [Z] ont régularisé, le 5 avril 2004, un procès-verbal de délimitation et de bornage qui mentionne notamment qu’ « une servitude de passage d’une largeur de 4,50 m s’exerce depuis le point B jusqu’au portail de la propriété [P] suivant l’acte d’octobre 1947 […] ».

En 2019, [E] [P] et Mme [R] ont souhaité vendre leur propriété. Le notaire chargé de la vente a sollicité Mme [D] divorcée [Z], remariée [B], (Mme [B]) afin d’actualiser la servitude de passage résultant de l’acte du 9 octobre 1947. Celle-ci s’y est opposée au motif que cet acte ne prévoit pas une servitude mais seulement « un droit de passage au profit de [[E]] [P], droit strictement personnel [qu’elle] refuse de consentir à des acquéreurs de sa maison ».

Saisi par Mme [R] d’une demande de reconnaissance d’une servitude de passage, le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône a, par jugement du 28 juin 2021 :

– dit que le droit de passage établi au profit de [E] [P] par l’acte de donation-partage du 9 octobre 1947 ne constitue pas une servitude de passage mais un droit personnel,

– débouté Mme [R] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné Mme [R] à payer à Mme [B] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [R] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.

Par déclaration du 22 juillet 2021, Mme [R] a relevé appel du jugement.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 15 avril 2022, elle demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris,

déboutant de toutes conclusions contraires,

– dire et juger que la convention particulière relative au droit de passage constitue une servitude de passage avec comme fonds dominant la parcelle [Cadastre 10] et comme fonds servant la parcelle [Cadastre 5],

– dire et juger qu’une servitude de passage existe entre les fonds [Cadastre 10] et [Cadastre 5] de la commune de [Localité 12], avec comme fonds dominant la parcelle [Cadastre 10] et comme fonds servant la parcelle [Cadastre 5],

– ordonner la publication de la décision au service de la publicité foncière,

– condamner Mme [B] à lui payer la somme de 20 000 euros au titre du préjudice subi,

– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts,

– condamner Mme [B] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par ordonnance du 1er septembre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions remises au greffe pour le compte de Mme [B] le 20 janvier 2022.

Cette dernière a notifié de nouvelles conclusions le 29 avril 2022, au terme desquelles elle demande à la cour de :

à titre principal,

– confirmer le jugement entrepris,

déboutant de toutes conclusions contraires,

par conséquent,

– rejeter l’intégralité des demandes de Mme [R],

y ajoutant,

– juger que l’utilisation du fonds par Mme [R] lui crée, en l’état, un important préjudice,

par conséquent,

– condamner Mme [R] à lui régler la somme de 10 000 euros pour les dégâts constatés sur son fonds,

en tout état de cause,

– condamner Mme [R] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi en raison de la violation de son droit de propriété,

– condamner Mme [R] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2022.

À l’audience du 19 juin 2023, la cour a relevé d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité des conclusions remises au greffe le 29 avril 2022 par Mme [B] et a invité les parties à produire une note en délibéré sur ce point dans un délai de 15 jours.

Par une note transmise le 21 juin 2023 par RPVA, Mme [R] conclut à l’irrecevabilité des conclusions déposées par Mme [B] le 29 avril 2022, en application de l’article 909 du code de procédure civile.

Par une note transmise par RPVA le 29 juin 2023, Mme [B] soutient qu’en déposant un nouveau jeu de conclusions au fond le 14 avril 2022, Mme [R] lui a ouvert un droit de réponse, afin de respecter le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable ; que l’intimé doit en effet pouvoir répondre aux conclusions de l’appelant dès lors que celui-ci a fait le choix délibéré de conclure à nouveau en développant de nouveaux moyens et prétentions et en produisant de nouvelles pièces ; qu’en l’espèce, le nouveau jeu d’écritures déposées le 14 avril 2022 comporte de nouveaux développements et productions significatifs ; que l’appelante a étayé son argumentation et produit notamment des photographies prises en 2022 ; qu’à défaut de donner la possibilité à l’intimé de conclure en réponse à des conclusions d’un appelant qui aurait modifié ses conclusions de manière significative, une atteinte aux principes intangibles posés par les articles 15 et 16 du code de procédure civile et à la loyauté des débats, comme au procès équitable et à l’égalité des armes, peut être caractérisée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la recevabilité des conclusions notifiées par l’intimée le 29 avril 2022

Selon l’article 909 du code de procédure civile, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Les prescriptions de cet article, qui tendent à garantir l’efficacité et la célérité de la poursuite du procès civil en appel, mettent de façon effective l’intimé en mesure de se défendre et à cet effet de recevoir communication des actes et pièces, de sorte que l’irrecevabilité qu’il prévoit ne porte pas atteinte au droit à un procès juste et équitable.

En l’espèce, le conseiller de la mise en état, par une ordonnance du 1er septembre 2022 non déférée, a déclaré irrecevables les précédentes conclusions de l’intimée, au motif que le délai pour conclure, prévu par l’article précité, n’a pas été respecté, ce dont il résulte que l’irrégularité de ses premières conclusions prive l’intimée de la possibilité de conclure à nouveau, fût-ce pour répondre à de nouvelles écritures de l’appelante modifiant son argumentation.

Au demeurant, ainsi que l’a relevé le conseiller de la mise en état dans son ordonnance, des nouvelles conclusions de l’appelante déposées le 15 avril 2022 ne contiennent aucunes prétentions nouvelles ni moyens nouveaux, mais seulement, en page 12, une réponse aux demandes incidentes de l’intimée, réponse qui devient par hypothèse sans objet devant la cour si lesdites conclusions d’intimé sont irrecevables.

Aussi convient-il de déclarer irrecevables les conclusions notifiées par l’intimée le 29 avril 2022.

Les pièces communiquées et déposées au soutien des conclusions déclarées irrecevables sont écartées des débats.

2. Sur la nature du droit de passage

À l’appui de sa demande de voir qualifier le droit de passage de servitude, Mme [R] fait valoir essentiellement :

– que ce droit de passage s’inscrit dans le paragraphe « conventions particulières » de la donation-partage du 9 octobre 1947 afin de souligner que la clause n’est pas une condition de la donation qui s’éteindrait avec le décès du donateur ; que le caractère réel du droit de passage est encore attesté par le procès-verbal de bornage régularisé par l’ensemble des parties ; que l’acte de 1947 confère un droit personnel à [N] [W] veuve [A] de loger son vin, « sa vie durant », dans les cuviers de son fils tandis que le même acte précise que le droit de passage est créé « en tous temps et à tous usages », de sorte que celui-ci n’est assorti d’aucune limite ;

– que l’acte de vente [A]/[Z] reprend les termes exposés dans l’acte du 9 octobre 1947, ainsi que le croquis de bornage faisant référence à la servitude, alors que [E] [P] n’a pas participé à l’acte de vente [A]/[Z], ce qui démontre le caractère réel du droit de passage octroyé puisqu’en présence d’un droit personnel, [E] [P] aurait dû participer à l’acte ;

– qu’il est de jurisprudence constante qu’un passage est qualifié de droit personnel lorsque celui-ci ne procure aucune utilité au fonds desservi, tandis qu’il doit être qualifié de servitude lorsqu’il procure une utilité au fonds, comme c’est le cas en l’espèce, le passage ayant pour objet de desservir un portail qui préexistait à l’acte de 1947, dès lors que celui-ci y fait expressément référence ; que l’utilité du passage au profit du fonds de Mme [R] est encore établie par le fait que cette dernière ne peut accéder à la cour intérieure de sa parcelle en voiture qu’en utilisant le passage litigieux et que compte tenu de l’étroitesse de la rue, il n’est pas possible d’y laisser des voitures en stationnement sans obstruer la voie publique ; qu’il importe peu que son fonds ne soit pas enclavé dès lors que la servitude en cause est une servitude conventionnelle et qu’en tout état de cause, il est acquis que le portail donnant sur le chemin du Suc n’est pas praticable en voiture, de sorte que la desserte de sa parcelle doit nécessairement se faire au moyen du droit de passage sur la parcelle [Cadastre 5] ;

– que le tribunal a fait une mauvaise interprétation de l’acte de donation du 17 juin 1997 en retenant l’absence de servitude profitant à l’immeuble donné, alors que l’article 3 de cet acte signifie seulement que la parcelle donnée n’est fonds servant d’aucune servitude, tandis que la servitude revendiquée dans la présente affaire est une servitude active, profitant à la parcelle donnée ; que l’article 3 précise bien que le donataire profitera des servitudes actives, s’il en existe.

Réponse de la cour

Selon l’article 637 du code civil, une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire.

Et selon l’article 686 du même code, il est permis aux propriétaires d’établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n’aient d’ailleurs rien de contraire à l’ordre public.

Ainsi que l’a énoncé le tribunal, la servitude revendiquée étant une servitude de passage, c’est-à-dire discontinue, elle ne peut être établie que par titre en application de l’article 691 du code civil, de sorte qu’il convient d’analyser le titre invoqué pour apprécier s’il a institué un droit personnel, ainsi que soutenu par Mme [B], ou un droit réel, tel que revendiqué par Mme [R].

La question de savoir si les stipulations d’un acte engagent les seuls contractants à titre personnel ou affectent les fonds eux-mêmes d’une charge réelle relève de la recherche de la commune intention des parties à laquelle les juges du fond procèdent souverainement d’après les stipulations de l’acte et les circonstances de la cause.

L’acte de donation-partage du 9 octobre 1947 énonce, dans un paragraphe intitulé « conventions particulières », qu’ « il est créé un droit de passage au profit de M. [P], en tous temps et à tous usages, dans la cour attribuée à M. [A] pour aboutir au chemin dans la partie la plus au nord, le passage s’exercera en tournant jusqu’au portail sur la grange sur une largeur de quatre mètres cinquante centimètres. Aucune voiture ne devra y stationner, sauf pour charger et décharger ».

S’agissant de la mention « M. [P] », il ressort de la motivation du jugement attaqué, qu’en première instance, les parties s’accordaient pour convenir que cette mention bénéficiait à [E] [P], le premier juge relevant d’ailleurs expressément que la copie manuscrite de l’acte, produite par Mme [B], désignait « Mme [P] » comme bénéficiaire du droit de passage.

La référence, dans l’acte, aux seuls noms des propriétaires des fonds, à l’exclusion des fonds eux-mêmes, est insuffisante à exclure l’existence d’une servitude, dès lors qu’il est possible, ainsi que le souligne l’appelante, de nommer les fonds dominant et servant par les noms de leurs propriétaires.

La cour observe que si l’acte de donation-partage de 1947 ne mentionne que la bénéficiaire (M. [P]) et le débiteur du droit de passage (M. [A]), et non les fonds dont ils sont propriétaires, le droit de passage créé au profit de [E] [P], « en tous temps et à tous usages », n’est pas limité dans le temps, alors que les autres droits institués par l’acte, à l’exception du droit de prise d’eau accordé à M. [A], à savoir le droit à la moitié de la fosse à fumier, l’usage du cuvier, du pressoir et de la cuve, et le droit pour Mme Veuve [A] de loger son vin dans le cuvier de son fils, sont accordés pour des durées limitées n’excédant pas la durée de vie de leurs bénéficiaires.

Par ailleurs, il ressort de la mention apposée sur la première page de l’acte que celui-ci a fait l’objet d’une publication au bureau des hypothèques de [Localité 15] du 15 novembre 1947, de sorte qu’il est opposable aux tiers.

Encore, il ressort de la motivation du jugement que l’acte de vente du 17 juin 2004 par M. [I] [A] aux époux [Z] (lequel n’est pas produit par l’appelante en cause d’appel) rappelle la mention de l’acte de 1947 dans un paragraphe intitulé « rappel de servitude » qui présente le droit de passage en cause comme une servitude. Cette vente a par ailleurs été précédée, le 5 avril 2004, de la signature par [E] [P], Mme [R], M. [A] et Mme [B] (alors identifiée sous le nom [Z]) d’un procès-verbal de délimitation et de bornage qui mentionne notamment qu’ « une servitude de passage d’une largeur de 4,50 m s’exerce depuis le point B jusqu’au portail de la propriété [P] suivant l’acte d’octobre 1947 […] » et auquel est annexé un croquis de bornage sur lequel figure expressément l’assiette d’une « servitude de passage (l=4,5) ».

Si le droit de passage n’est pas expressément rappelé dans l’acte de donation par [E] [P] à sa fille du 17 juin 1997, c’est à tort que le tribunal a cru pouvoir lire dans cet acte une mention contredisant les mentions ultérieures du plan annexé au procès-verbal de bornage ou celles de l’acte de vente du 17 juin 2004. En effet, la mention qu’ « il n’existe aucune servitude passive sur l’immeuble donné, à l’exception de celles pouvant découler de la situation naturelle des lieux, et qu’ils n’en ont conféré ni laissé conférer aucune » traduit seulement l’absence de servitude conventionnelle grevant le fonds donné (servitude passive), ce qui est sans incidence sur la solution à donner au présent litige puisque Mme [R] revendique l’existence d’une servitude bénéficiant au fonds donné (servitude active).

La publication de l’acte de donation-partage de 1947 au service des hypothèques, l’absence de durée prévue pour l’exercice du droit de passage, le rappel de la servitude dans l’acte de vente de Mme [B] et sa mention expresse dans le procès-verbal de délimitation et de bornage signé par cette dernière démontrent que l’intention des parties était bien d’accorder une servitude de passage à la charge de l’héritage [A], étant observé que l’utilité de cette servitude est caractérisée par la création d’une voie d’accès commode à la cour intérieure du fonds dominant, la configuration des lieux, l’attestation du maire de la commune et le constat d’huissier de justice du 26 juillet 2021 dressé à la demande de l’appelante permettant d’établir, d’une part, que le portail coulissant séparant le fonds [P] du fonds [B] n’a pas d’autre utilité que de permettre l’accès en véhicule à cette cour intérieure, d’autre part, que cet accès ne peut se faire aisément par le portail ancien donnant sur le chemin du Suc en raison de la présence d’un cuvier et de la configuration de la voirie.

Au vu de ce qui précède il convient, par infirmation du jugement déféré, de dire que la convention particulière relative au droit de passage insérée dans l’acte de donation-partage du 9 octobre 1947 constitue une servitude de passage et qu’il existe en conséquence une servitude de passage entre les fonds cadastrés section [Cadastre 3] et [Cadastre 11] de la commune de [Localité 12], avec comme fonds dominant la parcelle [Cadastre 10] et comme fonds servant la parcelle [Cadastre 11].

La cour ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière.

3. Sur la demande de dommages-intérêts formée par l’appelante

Mme [R] fait valoir qu’elle subit un préjudice constant résultant du refus de Mme [B] de reconnaître la servitude créée par l’acte du 9 octobre 1947 et que le comportement de cette dernière a empêché que la vente envisagée au profit des consorts [X] aboutisse.

Réponse de la cour

Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, Mme [R] établit, par la production de courriers de Maître [L] [M], notaire associé au [Localité 14], et d’une attestation rédigée par les époux [X], que ces derniers ont renoncé à acquérir les parcelles cadastrées section [Cadastre 10] et [Cadastre 1], au motif que la condition suspensive relative à la servitude de passage, insérée dans l’acte authentique de promesse de vente, ne pouvait être réalisée du fait de l’opposition de Mme [B].

Toutefois, au regard de l’incertitude qui entourait la qualification juridique du droit de passage, l’opposition de Mme [B] ne présente pas un caractère fautif et il convient, en conséquence, de débouter Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.

4. Sur la demande de dommages-intérêts formée par l’intimée

La cour observe que le tribunal a, dans sa partie intitulée « motifs de la décision », rejeté la demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée par [B] mais a omis de rappeler le rejet de cette demande dans le dispositif du jugement.

Mme [R] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts.

Les conclusions par lesquelles Mme [B] concluait à l’infirmation du jugement sur ce point ont été déclarées irrecevables.

En l’absence de demande d’infirmation du jugement, il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts.

5. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de la solution donnée au litige en cause d’appel, il convient d’infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

Mme [B], partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme [R] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a dû engager.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par Mme [N] [D] épouse [B] le 29 avril 2022,

Écarte des débats les pièces communiquées et déposées au soutien des conclusions déclarées irrecevables,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Mme [Y] [R] et Mme [N] [D] épouse [B] de leurs demandes de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la convention particulière relative au droit de passage insérée dans l’acte de donation-partage du 9 octobre 1947 constitue une servitude de passage et qu’il existe en conséquence une servitude de passage entre les fonds cadastrés section [Cadastre 3] et [Cadastre 11] de la commune de [Localité 12] (Rhône), avec comme fonds dominant la parcelle [Cadastre 10] et comme fonds servant la parcelle [Cadastre 11],

Ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière,

Condamne Mme [N] [D] épouse [B] à payer à Mme [Y] [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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