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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 29 JUIN 2023
N° 2023/
MS/KV
Rôle N° RG 20/10626 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGO5X
[L] [W]
C/
[X] [D]-[U]
[T] [D]-[U]
Copie exécutoire délivrée
le : 29/06/23
à :
– Me Isabelle BARACHINI FALLET, avocat au barreau de TARASCON
– Me Maud ANDRIEUX, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARLES en date du 20 Octobre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 19/00124.
APPELANT
Monsieur [L] [W], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Isabelle BARACHINI FALLET, avocat au barreau de TARASCON substitué par Me Fanny DOBLADO, avocat au barreau de TARASCON
INTIMES
Madame [X] [D]-[U], venant aux droits de M. [B] [D], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Maud ANDRIEUX, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [T] [D]-[U], venant aux droits de M. [B] [D], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Maud ANDRIEUX, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023, délibéré prorogé au 29 juin 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [L] [W] a été engagé par les époux [D]-[U] en qualité d’ouvrier agricole sur le [Adresse 3] à [Localité 2], par contrat à durée déterminée à temps plein, du 2 octobre 2009 au 20 janvier 2010, puis par contrat à durée déterminée à temps partiel pour 9,2 heures par semaine à compter du 28 janvier 2010.
Un nouveau contrat de travail a été conclu le 30 octobre 2011, dans le cadre d’un cumul emploi retraite, à raison de 5 heures de travail par semaine soit 20 heures mensuelles.
Madame [X] [D]-[U] (veuve [B] [U]) et Monsieur [T] [D]-[U], son fils , viennent aux droits de feu Monsieur [B] [D].
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de travail des exploitations agricoles et des coopératives d’utilisation de matériels agricoles du département des Bouches-du-Rhône.
Courant 2018, le salarié et l’employeur ont échangé divers courriers relatifs aux conditions d’exécution du contrat de travail, le salarié réclamant des rappels de salaire tandis que l’employeur le mettait en demeure de justifier de son absence depuis le mois de juillet.
Le 15 mai 2019, M. [W] a saisi la juridiction prud’homale, afin d’obtenir diverses sommes tant en exécution qu’au titre de la rupture du contrat de travail.
Il sollicitait la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, divers rappels de salaire ainsi que la résiliation judiciaire du contrat de travail et le versement d’indemnités de rupture.
Par jugement rendu le 20 octobre 2020, le conseil de prud’hommes d’Arles l’a débouté de toutes ses demandes.
M. [W] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 février 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2021, l’appelant (ci-après le salarié) demande à la cour:
– sur la procédure: de rejeter les conclusions tardives des intimés ,
– sur le fond, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes.
Statuant à nouveau, il demande à la cour de :
– requalifier le contrat de travail en contrat de travail à temps complet,
– condamner l’employeur à lui payer :
* 33.250 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du mois de mai 2016 au mois de juillet 2018, ainsi que les congés payés y afférents ;
* 48.320 euros bruts à titre de rappel de salaire à compter de juillet 2018, ainsi que 4.832 euros au titre des congés payés y afférents ;
* 9.060 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ( salaire 1.510 euros),
* 3.444, 63 euros à titre d’indemnité kilométrique,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date de l’arrêt à intervenir,
– condamner l’employeur à lui payer :
* 12.080 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ( 8 mois)
* 3.016 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 3.020 euros à titre d’indemnité de préavis,
* 302 euros à titre d’incidence de congés payés,
– débouter l’employeur de l’intégralité de ses demandes,
– le condamner à payer une somme de 2.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelant fait valoir que:
-sur la procédure, il n’a pas été en mesure de répondre aux conclusions tardives des intimés
– sur le fond:
– il a réalisé d’innombrables heures complémentaires au regard de ses trâches et de l’ampleur du domaine;
– il devait être présent tous les jours sur le domaine ( y compris le dimanche) et être disponible en permanence aux sollicitations de son employeur ;
– il bénéficierait d’une présomption de travail à temps plein en raison des mentions légales manquantes dans son contrat de travail.
– l’employeur coutumier de ce fait a volontairement dissimulé son temps de travail.
-l’employeur a gravement manqué à ses obligations en ne payant pas son salaire ni ses indmnités kilométriques,
– la perte de son emploi lui cause un important préjudice.
Par conclusions notifiées par voie électronique, le 28 avril 2021 puis en dernier lieu le 21 février 2023, les intimés ( ci-après l’employeur) demandent de:
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes,
– Dire et juger que l’employeur a respecté l’ensemble des obligations mis à sa charge et s’est conformé aux obligations qui sont les siennes
– Dire et juger que l’ensemble des heures réalisées par Monsieur [W] ont toujours été rémunérées conformément aux dispositions légales et conventionnelles applicables
– Dire et juger que Monsieur [W] était lié par un contrat de travail à temps partiel régulier et conforme aux dispositions légales,
Par conséquent,
– Débouter Monsieur [W] de sa demande au titre de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet
– Débouter Monsieur [W] de sa demande au titre de rappels de salaire au titre des mois de mai 2016 à juillet 2018 à hauteur de 48.320,00 € et 4.832,00 € de congés payés
afférents,
– DébouterMonsieur [W] de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé à hauteur de 9 060 €,
– Débouter Monsieur [W] de sa demande au titre des indemnités kilométriques à hauteur de 3.444,63 €,
– prendre acte de l’abandon par monsieur [W] de sa demande au titre de la prime d’ancienneté à hauteur de 4 348,80 euros, outre 434,80 euros au titre des congés payés
En second lieu
– Constater que l’employeur n’a commis aucun manquement au cours de la relation contractuelle et encore moins un manquement suffisamment grave justifiant que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail
Par conséquent,
– Débouter Monsieur [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un licenciement abusif à hauteur de 12 080 euros
– Débouter Monsieur [W] de sa demande au titre de l’indemnité légale de licenciement à hauteur de 3 016 euros,
– Débouter Monsieur [W] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3.020,00 € et 302,00 € à titre de congés payés,
– Débouter Monsieur [W] de ses demandes, fins et prétentions.
En tout état de cause
– Débouter Monsieur [W] de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 500 euros,
A titre reconventionnel,
– Condamner Monsieur [W] à la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Le condamner aux entiers dépens
Les intimés répliquent que:
– le contrat de travail comporte, contrairement à ce qui est soutenu de mauvaise foi, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine , conformément à l’article L.3123-6 du code du travail,
-M.[W] ne peut se prévaloir d’une présomption de contrat de travail à temps complet, qui ne s’applique pas en l’espèce au regard de la régularité de son contrat de travail,
– il ne démontre aucunement la réalisation d’heures complémentaires au delà de la durée contractuelle, ni s’être tenu à disposition permanente de son employeur,
-M. [W] n’apporte aucun élément concernant une quelconque intention de dissimulation de la part de l’employeur,
– il a toujours été défrayé de ses indemnités kilométriques,
– il ne justifie d’aucun manquement grave faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail,
– il ne produit aucun justificatif de sa situation, tant d’un point de vue personnel que professionnel.
MOTIFS
Sur la procédure
En vertu de l’article 15 du code de procédure civile les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacun soit à même d’organiser sa défense.
L’article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer le principe de la contradiction, et qu’il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
En l’espèce, l’ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2023.
La notification de conclusions par les intimés l’avant veille de ladite ordonnance de clôture, constitue une violation du principe du contradictoire, puisque l’appelant ne disposait pas de la possibilité, dans ce court délai, d’en prendre connaissance et si nécessaire d’y répliquer, ce qui l’a privé de son droit de réponse.
Dès lors, les conclusions tardives notifiées par les intimés le 21 février 2023 seront écartées des débats et la cour se prononcera au vu des conclusions signifiées par les consorts [D] [U] le 28 avril 2021.
Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
1- Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet
Le contrat de travail conclu le 30 octobre 2011, mentionne :
-cet engagement fait suite à une embauche à durée illimitée depuis le 1/2/2010 et à l’obtention par le salarié de ses droits à retraite relevant de régimes autres que celui des fonctionnaires ainsi que ceux exercés par les régimes de retraite complémentaires .
-le salarié effectuera 5 heures par semaine soit 20 heures réparties comme suit :
– Lundi : 1h
– Mardi : 1h
– Mercredi : 1h
– Jeudi : 1h
– Vendredi : 1h
-la rémunération mensuelle est de 9 € de l’heure, soit 180 € par mois ;
– ses fonctions seront celles de soudeur, ( illisible) entretien mécanique courant selon les directives de M et Mme [D] ( …) Iul pourra être amené à conduire des engins agricoles sans pour autant être aassujetti à des travaux de production. Il pourra contribuer à l’entrtien des digues.
-il bénéficiera d’une grande autonomie dasn l’organisation et la réaprtition de son temps de travail journalier (…).
Au sens de l’article 24 B de la convention collective de travail des exploitations agricoles et des coopératives d’utilisation de matériels agricoles du département des Bouches-du-Rhône, M. [W] est un travailleur permanent à durée intermittente en ce sens qu’il est embauché pour un travail régulier et un nombre inférieur à la durée légale(…). La convention collective précise que dans ce cas le contrat doit être écrit et préciser notamment l’horaire, les périodes travaillées et la rémunération.
Or en l’espèce, le contrat de travail s’il prévoit bien la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine comme l’exige l’article L3123-6 du code du travail, ne prévoit pas l’horaire de travail comme le prescrit l’article 24 B de la convention collective.
Toutefois, cette inobservation du texte de la convention collective n’a pas pour effet d’entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet.
M. [W] soutient que son employeur a déjà été condamné pour un même modus operandi et qu’il a dû verser au salarié qui l’a précédé sur le domaine un rappel de salaire au titre de la requalification du contrat de travail.
Or sa situation est différente de celle du salarié qui avait été employé à temps partiel jusqu’en 2007 comme garde particulier et dont le contrat de travail a été requalifié en contrat à temps plein par la présente cour d’appel par arrêt du 8 décembre 2009.
Cette requalification a en effet été prononcée en raison de l’absence de toute mention dans le contrat de travail de la répartition de la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle, le temps de travail étant alors fixé à 360 heures par an ‘ avec la plus grande flexibilité.’Tel n’est pas le cas de M. [W].
Le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute M. [W] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet et de ses demandes subséquentes en paiement d’un rappel de salaire.
2- Sur le heures complémentaires
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge ne peut se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter sa demande.
La circonstance que le salarié dispose d’une large autonomie n’est pas de nature à empêcher l’employeur de répondre à la demande du salarié qui produit des éléments précis quant aux horaires accomplies et non rémunérées.
En l’espèce, alors que ses fiches de paie mentionnent le paiement de 20 heures par mois, M. [W] fournit un ‘Bloc Steno’ sur lequel sont mentionnées généralement 8 heures par jour à de rares exceptions, au lieu d’une heure prévue au contrat.
A titre d’exemple, en septembre 2017:
Mardi 19 septembre: dépannage fusée (..) 8h
Mercredi 20 septembre: tronconnage 8h
Lundi 25 septembre: tronconnage 8h
Mercredi 27 septembre: tronconnage 8h
Vendredi 23 septembre: jour de chasse 8h
Le fait que ce document soit établi par le salarié lui-même et de surcroît d’un même trait et a posteriori et que M. [W] n’ait pas formé de réclamation durant l’exécution du contrat de travail ne sont pas de nature à le priver de son droit au paiement des heures de travail accomplies ni à exonérer l’employeur de son obligation de prouver les horaires de travail du salarié.
Or, l’employeur ne produit aucun décompte du temps de travail de M. [W] . Il ne fournit aucune feuille de présence, aucun emploi du temps ni aucun planning qui aurait été remis au salarié.
Dans ces conditions la cour retient l’existence d’heures complémentaires.
S’agissant du nombre d’heures complémentaires accomplies, le salarié l’estime à 32 heures par semaine durant toute la période contractuelle.
Il explique qu’il avait une activité de garde chasse et d’entretien et de surveillance des trois gîtes du domaine, ainsi qu’une activié de soudeur, d’entretien mécanique, de conducteur d’engin, d’entretien des digues d’un domaine de plusieurs milliers d’hectares, propriété, cheptel et clôtures de sorte qu’en définitive il devait être à disposition permanente de l’employeur dont il attendait les ordres ; il lui était impossible en 5 heures par semaine d’effectuer ces activités.
Les attestations de témoins produites par M. [W] pour en justifier émanant de [G] [V], [O] [K], Mme [M] sont sybillines, se contentant d’affirmer que ‘ M. [W] était présent au mas régulièrement très souvent’ sans que ne soit produit aucun élément décrivant les tâches accomplies.
Alors que l’énoncé des tâches que M. [W] a lui même inscrites sur son bloc steno est conforme au descriptif des fonctions contractuelles (en majorité: tronçonnage, mise en place de pneus, transport de piquets, mirador…) aucun élément n’est produit en faveur de l’accomplissement de tâches de nettoyage ni d’entretien des gîtes ni de gardiennange de ceux-ci. S’agissant de la chasse il est seulement inscrit ‘jour de chasse’ . Quant à l’activité agricole et de cheptel prétendue elle se limite à ‘semer du sel’.
Pour leur part, pendant que M. [W] évoque une activité de « cheptel et entretien des clôtures», les consorts [D] [U] produisent des factures (enpièce n° 26 à 29) montrant que ces activités sont assurées par des éleveurs indépendants.
Ils produisent le témoignage de [O] [V] , ‘éleveur de taureaux patûrant sur les herbages du mas depuis plus de 40 ans’ lequel déclare que ‘M. [W] intervenait ponctuellement selon ses disponibiltés ‘pour faire de petits travaux d’entretien comme couper du bois etc’ mais atteste ‘ne l’avoir jamais vu à 8 heures du matin attendre devant le mas pour recevoir des ordres de travail.’
En définitive, à l’examen des pièces produites de part et d’autre, la cour retient l’accomplissement d’un travail à raison de 9 heures par semaine au lieu des 5 heures contractuelles soit quatre heures complémentaires de travail par semaine .
La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée en ce qu’elle déboute M. [W] de sa demande en paiement d’heures complémentaires et des congés payés y afférents.
Statuant à nouveau, les consorts [D] [U] seront condamnés au paiement d’une somme de 5.000 euros de ce chef outre celle de 500 euros à titre de congés payés y afférents, sommes dues entre le mois de mai 2016 et le mois de juillet 2018.
3- Sur le travail dissimulé
Selon l’article L. 8221-5 du code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du
temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Selon M.[W], en rédigeant un contrat de travail qui ne mentionne pas l’horaire de travail l’employeur a volontairement fait obstacle à tout contrôle. Cependant, cette rédaction conférait à M.[W] une grande liberté dans l’organisation de son temps de travail sans qu’une intention malicieuse ne soit établie.
Compte tenu du faible volume d’heures complémentaires retenu par la cour comparé à la réclamation du salarié, et de la taille du domaine 2.000 ha, il n’est pas établi que les consorts [D] [U] ont sciemment dissimulé le travail de M. [W], sans le rémunérer pour l’ensemble des heures de travail accomplies .
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle déboute M. [W] de sa demande.
4- Sur les indemnités kilométriques
Aux termes de l’article 1353 du code civil:
Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation
Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge.
En l’espèce, M. [W] a établi un décompte (en pièce n°8 ) des frais kilométriques qu’il a exposés pour les besoins de son activité professionnelle à raison 60 km parcourus chaque jour. Il ne conteste pas avoir été défrayé mais il critique le taux retenu par l’employeur, soit 0,24 au lieu de 0, 255 et calcule l’indemnité en fonction des jours de travail qu’il prétend avoir réellement effectués .
Cependant, les consorts [D] [U] produisent les bulletins de salaire faisant apparaître le paiement de l’indemnité kilométrique pour chaque journée travaillée pour toute la période revendiquée à raison des 5 jours par semaine travaillés calculés conformément au taux conventionnel.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute M. [W] de sa demande.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
1-Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Seul un manquement de l’employeur suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail peut justifier la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
En vertu de l’article 1134 du code civil et de l’article 1222-2 du code du travail, les contrats s’exécutent de bonne foi.
En l’espèce, un échange de courriers entre l’employeur et le salarié en date des 23 et 27 novembre 2018 montre que si M. [W] a cessé son travail au mois de juillet 2018, c’est parce qu’il estimait avoir accompli plus d’heures de travail que celles effectivement rémunérées dont il attendait le règlement.
La cour a partiellement fait droit à la demande du salarié en paiement d’un rappel de salaire au titre d’heures complémentaires non rémunérées.
Or, le non paiement de l’intégralité du salaire est un manquement de l’employeur à une obligation essentielle du contrat de travail qui justifie à elle seule la rupture du contrat.
En conséquence, infirmant de ce chef la décision entreprise la cour prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail.
2- Sur la demande en paiement du salaire de juillet 2018 à ce jour
Si, au jour du prononcé du jugement, le salarié est toujours au service de son employeur, la date de prise d’effet de la résiliation du contrat est celle de ce prononcé.
Au cas d’espèce, même si M.[W], le 18 janvier 2019, lorsque l’employeur lui demandait de se positionner sur une rupture conventionnelle, a répondu, ‘qu’il restait à la disposition de son employeur’ en réalité il n’était plus au service des consorts [D] [U] depuis juillet 2018 en ayant cessé tout travail et de surcroît ayant fait valoir ses droits à la retraite. La date de la résiliation sera fixée au 1er juillet 2018.
En conséquence, l’employeur ne peut être tenus au paiement du salaire de M. [W] à compter du mois de juillet 2018 jusqu’au prononcé du présent arrêt .
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle déboute M. [W] de cette demande.
3- Sur l’indemnisation
Si les juges prononcent la résiliation aux torts de l’employeur, celle-ci produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le licenciement est postérieur à l’entrée en vigueur de l’article L 1233-3 du code du travail, et aux ordonnances n° 2017-1387 et 2017-1718 des 22 septembre 2017 et 20 décembre 2017.
Le salarié peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 2 mois et 8 mois de salaire.
En considération de son ancienneté de 7 annnées et d’un salaire de 350 euros et en l’absence de plus ample justificatif de sa situation professionnelle, il sera alloué au salarié les sommes suivantes :
– 2.450 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 700 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 70 euros de congés payés y afférents
– 720 euros à titre d’indemnité de licenciement
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, les consorts [D] [U] seront condamnés aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Ecarte des débats les conclusions notifiées par les intimés le 21 février 2023,
Infirme partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [X] [D]-[U] et M. [T] [D]-[U], venant aux droits de feu de M.[B] [D], ensemble, à payer à M. [W]:
– 5.000 euros à titre d’heures complémentaires,
– 500 euros à titre de congés payés y afférents,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du 1er juillet 2018,
Condamne Mme [X] [D]-[U] et M. [T] [D]-[U], venant aux droits de feu de M.[B] [D], ensemble, à payer à M. [W]:
– 2.450 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 700 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 70 euros de congés payés y afférents,
– 720 euros à titre d’indemnité de licenciement,
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne Mme [X] [D]-[U] et M. [T] [D]-[U], venant aux droits de feu de M.[B] [D], ensemble, aux dépens de la procédure d’appel,
Condamne Mme [X] [D]-[U] et M. [T] [D]-[U], venant aux droits de feu de M.[B] [D], ensemble à payer à M. [W] une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les consorts [D] [U] de leur demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT