Droit de réponse : décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06493

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Droit de réponse : décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06493
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 14A

DU 19 DECEMBRE 2023

N° RG 21/06493

N° Portalis DBV3-V-B7F-UZXL

AFFAIRE :

Consorts [ZO],

C/

[ZB] [C],

[ZH] [ZJ],

S.A.S.U. EDITIONS DU SEUIL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Septembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/02591

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Sophie GOURMELON,

-la SCP COURTAIGNE AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [ZL]-[P] [T] veuve [ZO]

née le 02 Mai 1957 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 12]

Monsieur [ZU] [ZO]

né le 04 Septembre 1980 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 12]

Monsieur [AO] [ZO]

né le 07 Décembre 1985 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 9]

représentés par Me Sophie GOURMELON, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 47

Me Joris DEGRYSE substituant Me Gérard WELZER de la SELARL WELZER, Plaidant, avocat au barreau d’EPINAL

APPELANTS et INTIMÉS dans le RG 21/6872

****************

Monsieur [ZB] [C]

né le 24 Avril 1951 à [Localité 23]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 7]

Madame [ZH] [ZJ]

née le 29 Septembre 1959 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]

S.A.S.U. EDITIONS DU SEUIL

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

N° SIRET : 542 057 724

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentés par Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 019791

Me Bénédicte AMBLARD, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : B0113

INTIMÉS et APPELANTS du jugement du 17 septembre 2021 et de l’ordonnance d’incident du 18 juillet 2019 dans le RG 21/6879

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Octobre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

*********************

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [ZH] [ZJ] est l’auteur d’un livre, intitulé « [F], la machination familiale », publié le 11 janvier 2018.

Mme [ZL]-[P] [T] veuve [ZO], M. [ZU] [ZO] et M. [AO] [ZO] lui reprochent de tenir, dans ce livre, des propos qui sont, selon eux, constitutifs du délit de diffamation publique envers la mémoire d’un mort, à savoir feu [G] [ZO].

Par une ordonnance du 18 juin 2019, le juge de la mise en état :

– S’est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action à l’égard de M. [C] ;

– A rejeté l’exception de nullité pour vice de forme concernant l’assignation de M. [C] ;

– A rejeté l’exception de nullité pour vice de forme concernant la dénonciation de l’assignation au ministère public ;

– A rejeté l’exception de nullité pour irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir de M. [C] ;

– S’est déclaré incompétent pour statuer sur la mise hors de cause de M. [C] et la société Les Éditions du Seuil ;

– A réservé les dépens ;

– A condamné M. [C], Mme [ZJ] et la société Les Éditions du Seuil à verser à Mme [T] veuve [ZO], MM. [ZU] et [AO] [ZO], chacun, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– A débouté M. [C], Mme [ZJ] et la société Les Éditions du Seuil de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 17 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :

– Rejeté la demande de nullité de l’assignation formée par Mme [ZH] [ZJ], M. [ZB] [C] et Les Éditions du Seuil,

– Constaté que la demande de Mme [ZL]-[P] [ZO], M. [ZU] [ZO] et M. [AO] [ZO] n’a trait qu’aux seuls propos retranscrits en italique, à l’exclusion des propos retranscrits uniquement entre guillemets,

– Débouté Mme [ZL]-[P] [ZO], M. [ZU] [ZO] et M. [AO] [ZO] de leurs demandes,

– Condamné Mme [ZL]-[P] [ZO], M. [ZU] [ZO] et M. [AO] [ZO] à payer à Mme [ZH] [ZJ], M. [ZB] [C] et Les Éditions du Seuil la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement,

– Condamné Mme [ZL]-[P] [ZO], M. [ZU] [ZO] et M. [AO] [ZO] à payer les dépens.

Mme [ZL]-[P] [T], veuve [ZO], M. [ZU] [ZO] et M. [AO] [ZO], ont interjeté appel de ce jugement le 25 octobre 2021 à l’encontre de la société Les Éditions du Seuil, de M. [ZB] [C], pris en sa qualité de président des Éditions du Seuil, et de Mme [ZH] [ZJ] (procédure enregistrée sous le numéro de répertoire général 21/6493).

Le 17 novembre 2021, M. [C], Mme [ZJ] et la société Les Éditions du Seuil ont interjeté appel du jugement et de l’ordonnance du 18 juillet 2019 à l’encontre des consorts [ZO] (procédure enregistrée sous numéro de répertoire général 21/8587).

Par ordonnance du 2 décembre 2021, ces deux procédures ont été jointes et sont suivies sous le n° 21/6493.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 12 juillet 2023 (58 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [ZL]-[P] [T], veuve [ZO], M. [ZU] [ZO] et M. [AO] [ZO] demandent à la cour, au fondement des articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, pour la peine, 34, alinéa 1er, et 53 de la loi du 29 juillet 1881, de :

– Dire et juger que l’appel recevable et bien fondé

– Confirmer l’ordonnance du 18 06 2020 dans toutes ses dispositions

– Infirmer le jugement du tribunal judiciaire du 17 septembre 2021 en ce qu’il a :

* Constaté que la demande de [ZL] [P] [T] veuve [ZO], [ZU] [ZO] et [AO] [ZO] n’a trait qu’aux seuls propos retranscrits en italique, à l’exclusion des propos retranscrits uniquement entre guillemets

* Débouté [ZL] [P] [T] veuve [ZO], [ZU] [ZO] et [AO] [ZO] de leurs demandes

* Condamné [ZL] [P] [T] veuve [ZO], [ZU] [ZO] et [AO] [ZO] à payer à chacun des défendeurs la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les condamne aux entiers dépens ;

Et statuant à nouveau :

– Dire et juger que tous les propos reproduits en italique dans le corps de l’assignation en première instance et rappelés dans le corps des présentes conclusions en appel constituent le délit de diffamation publique envers la mémoire d’un mort, tel que prévu et réprimé par les articles 29 alinéa 1, 32, alinéa 1, et 34, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 ;

– Déclarer M. [ZB] [C], éditeur en qualité d’auteur coupable des faits de diffamation publique envers la mémoire d’un mort, en l’espèce [G] [ZO].

– Déclarer Mme [ZH] [ZJ], auteur intellectuelle de l’ouvrage « [F] La

machination familiale » coupable en qualité de complice de faits de diffamation publique

envers la mémoire d’un mort, en l’espèce [G] [ZO].

– Dire et juger la société Les Éditions du Seuil responsable conformément aux dispositions de l’article 44 de la loi du 29.07.1881 des condamnations financières prononcées à l’encontre de [ZB] [C] et de [ZH] [ZJ] ;

– Condamner in solidum la Société Des Éditions du Seuil, M. [ZB] [C] et Mme [ZH] [ZJ] à verser une somme de 60 000 euros à Mme [ZL]-[P] [ZO] en réparation de son préjudice moral.

– Condamner in solidum la Société Des Éditions du Seuil, M. [ZB] [C] et Mme

[ZH] [ZJ] à verser à M. [ZU] [ZO] la somme de 60 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral.

– Condamner in solidum la Société Des Éditions du Seuil, M. [ZB] [C] et Mme

[ZH] [ZJ] à verser à M. [AO] [ZO], une somme de 60 000 à titre de réparation de son préjudice moral.

– Ordonner à titre de réparation complémentaire la publication du jugement à intervenir dans trois journaux et cinq hebdomadaires aux choix des demandeurs, aux frais des défendeurs sans que chaque publication puisse excéder la somme de 10 000 euros.

– Condamner in solidum la Société Des Éditions du Seuil, M. [ZB] [C] et Mme

[ZH] [ZJ] à verser à payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Me Sophie Gourmelon avocat aux offres de droit.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 10 juillet 2023 (71 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [ZB] [C], Mme [ZH] [ZJ] et les Éditions du Seuil demandent à la cour, au visa des articles 29, 34, 53, 65 de la loi du 29 juillet 1881, les articles 6, 10 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH), de :

– Infirmer l’ordonnance entreprise du 18/6/20 et prononcer la nullité de l’exploit introductif d’instance délivré les 10 et 11 avril 2018 aux concluants, et constater en conséquence la prescription de l’action qui en résulte,

En tout état de cause,

– Infirmer l’ordonnance entreprise du 18/6/20 sur les condamnations prononcées contre les concluants au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a rejeté les demandes fins et conclusions des appelants à l’encontre des défendeurs ;

À titre infiniment subsidiaire,

– Ramener toute indemnité à de plus justes proportions, rejetant les demandes de publication, disproportionnées en l’espèce ;

En tout état de cause,

– Confirmer les condamnations prononcées à l’encontre des consorts [ZO] au titre de

l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, y ajoutant la condamnation des consorts [ZO] à régler à chacun des intimés la somme de 2500 euros au titre de l’appel.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 7 septembre 2023.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire et sur les limites de l’appel,

Il résulte des écritures ci-dessus mentionnées et du dispositif des conclusions de M. [C], Mme [ZJ] et la société Les Éditions du Seuil (ci-après, autrement nommés, les ‘consorts M. [C]’) que bien qu’ils disent poursuivre l’infirmation de l’ordonnance du 18 juillet 2019, donc en toutes ses dispositions, en réalité ils ne sollicitent l’infirmation de cette ordonnance que sur deux points seulement : d’abord parce qu’elle rejette l’exception de nullité pour vice de forme concernant la dénonciation de l’assignation au ministère public ; ensuite parce qu’elle rejette l’exception de nullité par vice de forme tirée de l’imprécision de l’assignation. Par voie de conséquence, ils invitent cette cour à déclarer l’action des consorts [ZO] prescrite.

Les consorts [ZO] demandent quant à eux la confirmation de l’ordonnance dans toutes ses dispositions.

Il s’ensuit que les autres dispositions de l’ordonnance qui ne sont pas querellées, à savoir celles au terme desquelles le juge de la mise en état 1°) se déclare incompétent pour statuer sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action à l’égard de M. [C] ; 2°) rejette l’exception de nullité pour vice de forme concernant la dénonciation de l’assignation au ministère public ; 3°) rejette l’exception de nullité pour irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir de M. [C] ; 4°) se déclare incompétent pour statuer sur la mise hors de cause de M. [C] et de la société Les Éditions du Seuil, sont devenues irrévocables.

S’agissant du jugement déféré, il résulte des écritures susvisées que les consorts [ZO] sollicitent son infirmation sauf sur la disposition du jugement qui rejette la demande de nullité de l’assignation formée par les défendeurs.

Les consorts M. [C] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il rejette les demandes de leurs adversaires et ne poursuivent l’infirmation du jugement en aucune de ces dispositions.

En définitive, l’ordonnance et le jugement sont partiellement querellés.

La cour observe encore qu’une erreur s’est glissée dans les dernières conclusions des appelants relativement à la numérotation des faits diffamatoires qu’ils dénoncent. En effet, il est constant que seulement cinq séries de propos sont dénoncés par eux comme diffamatoires envers la mémoire de feu [G] [ZO], ainsi intitulés :

1. La ressemblance du portait robot

2. L’identité du corbeau

3. L’enlèvement et l’assassinat de l’enfant

4. La prétendue participation à un acte criminel

5. Les prétendus mobiles de l’acte criminel

Or, il est patent que dans l’exposé de ces différents points, les appelants ont numéroté le point 4, ‘5’, et sont donc passés directement du point 3 au point 5 alors qu’ils ne dénoncent que cinq séries de propos.

Sur l’appel principal des consorts M. [C] : infirmation de l’ordonnance

Sur la prescription de l’action des consorts [ZO] en raison de la nullité de l’assignation délivrée aux défendeurs pour absence de dénonciation au ministère public

‘ Moyens des parties

Se fondant sur les dispositions des articles 53 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les consorts M. [C] font valoir que les consorts [ZO] ont librement choisi de les assigner aux derniers jours de la prescription et qu’il leur appartenait de faire diligences et procéder aux notifications substantielles prévues, à peine de nullité, par l’article 53 susvisé, dans les délais impératifs d’ordre public de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Ils soulignent que la référence au ministère public dans les dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse traduit l’importance de la présence du parquet dans ce type de procédure, en sa qualité de garant du respect des règles d’ordre public ; que la notification au parquet est expressément édictée à peine de nullité substantielle ; que les exigences de ce texte s’appliquent en matière civile ce qui implique que l’assignation qui n’a pas été notifiée au parquet dans les délais entraînera la nullité de la poursuite.

Ils rappellent que les consorts [ZO] ont fait notifier l’acte introductif au parquet le 25 avril 2018 soit postérieurement à l’acquisition de la prescription le 12 avril 2018 (la publication de l’ouvrage étant intervenue le 11 janvier 2018). Ils soutiennent que c’est à tort que l’ordonnance estime que l’acte introductif ne serait pas nul au motif qu’il aurait été ‘régularisé’ par la signification postérieure au parquet avant la première audience de mise en état sans préoccupation de la prescription alors que cette ‘régularisation’ intervenue postérieurement à l’acquisition de la prescription n’est pas de nature à faire échec aux dispositions d’ordre public, protectrices de la liberté d’expression de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Ils estiment que l’acte de poursuite, non notifié au parquet dans le délai de trois mois, est nul et que cet acte nul n’est pas de nature à interrompre la prescription en matière de presse ; qu’une régularisation intervenue au-delà du délai de prescription de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est sans portée.

Ils indiquent que, par un arrêt du 4 septembre 2018, la chambre criminelle de la Cour de cassation (Crim., 4 septembre 2018, pourvoi n° 17-85.963, Bull. crim. 2018, n° 142) a jugé que la prescription de l’action était acquise ‘faute d’avoir été valablement interrompue par une citation régulière’ comme en l’espèce.

Ils ajoutent encore que par de très nombreux arrêts, la Cour de cassation juge que des actes irréguliers ne peuvent valablement interrompre la prescription de l’action publique ; qu’il en est ainsi d’une plainte avec constitution de partie civile non signée (Crim., 3 novembre 2020, pourvoi n° 19-81.627).

Les consorts [ZO] poursuivent la confirmation de l’ordonnance de ce chef et rétorquent que de nombreuses juridictions de fond, puis récemment la Cour de cassation (1re Civ., 9 septembre 2020, pourvoi n° 19-19.196, Publié au bulletin), il a été jugé que ‘devant la juridiction civile, l’assignation doit être notifiée au ministère public avant la date de la première audience de procédure.’ Or, il n’est pas contesté que la notification au ministère public a été faite le 25 avril 2018 alors que la conférence est intervenue le 12 juin 2018.

Ils ajoutent que la formalité prévue par l’article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse relative à la notification de la citation en diffamation au ministère public a pour but d’informer le procureur d’une procédure dont il n’a pas l’initiative ; que cette notification permet ainsi au ministère public d’être associé à la poursuite en tant que partie jointe ; que cette formalité est substantielle et affecte la validité de l’acte introductif et entraîne la nullité de la citation et celle de la poursuite elle-même.

Ils soutiennent qu’il ne saurait être fait un amalgame entre l’obligation de notifier la citation au ministère public et la prescription prévue à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. A cet égard, ils rappellent qu’en matière civile, constitue un acte de poursuite, au sens de l’article 65 précité, tout acte par lequel le demandeur manifeste à son adversaire l’intention de continuer l’action engagée (2e Civ., 26 novembre 1975, pourvoi n° 74-12.958, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 2 N 315 p. 252) ; qu’ainsi la prescription s’apprécie à l’égard de l’auteur des faits de diffamation reprochés et qu’en l’espèce, la partie adverse à qui une diffamation envers la mémoire d’un mort est reprochée, n’est pas le ministère public mais les défendeurs ; que c’est bien l’assignation faite à ces derniers qui a interrompu la prescription et cette interruption est encore intervenue par le placement de l’assignation (2e Civ., 19 mars 1997, pourvoi n° 95-12.303, Bulletin 1997, II, n° 82 ; 2e Civ., 23 mai 2001, pourvoi n° 99-13.263, Bull. 2001, II, n° 106).

Ils en concluent que c’est sans fondement juridique que leurs adversaires soutiennent que la notification au ministère public aurait dû intervenir dans le délai de 3 mois suivant la publication des propos diffamatoires.

Au surplus, ils ajoutent qu’en application de l’article 2241, alinéa 2, du code civil, à supposer que le moyen de nullité puisse être retenu, la procédure a interrompu la prescription de sorte qu’ils seraient toujours recevables en leurs demandes.

‘ Appréciation de la cour

L’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que ‘La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.

Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.

Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite.’

L’article 65, 1er alinéa, de cette loi énonce que ‘L’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.’

Conformément à l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui doit recevoir application devant la juridiction civile, l’acte introductif délivré à la requête du plaignant est notifié au ministère public, à peine de nullité de la poursuite.

Cette notification doit être effectuée, devant la juridiction pénale, avant la date à laquelle le prévenu est appelé à comparaître aux termes de la citation introductive d’instance et, en application du principe de l’unicité du procès de presse, devant la juridiction civile, comme l’a très exactement rappelé le juge de la mise en état dans son ordonnance du 18 juillet 2019, déférée, l’assignation doit être notifiée au ministère public avant la date de la première audience de procédure (1re Civ., 9 septembre 2020, pourvoi n° 19-19.196, Publié au bulletin).

En l’espèce, il n’est pas contesté que la première audience de procédure est intervenue le 12 juin 2018. Or, il résulte des pièces versées aux débats que l’assignation du 10 avril 2018 a été précédemment dénoncée au parquet de Versailles le 25 avril 2018 selon procès-verbal de signification à domicile.

Il s’ensuit que le formalisme relatif à la notification au ministère public ayant été respecté, l’exception de nullité soulevée par les consorts M. [C] n’est pas fondée.

Il sera également ajouté que l’arrêt du 4 septembre 2018 rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation (précité) invoqué par les appelants à l’appui de leur prétention est inopérant. En effet, par cet arrêt, la Cour de cassation s’est bornée à juger que ‘ Lorsque la partie civile a obtenu, du chef d’une infraction à la loi du 29 juillet 1881, un jugement qui n’a pas été rendu contradictoirement vis-à-vis du prévenu, elle ne peut arguer de la suspension de la prescription dans l’attente de la signification de la décision par le ministère public, dès lors qu’aucun obstacle de droit ne lui interdit de faire elle-même procéder valablement à cette signification dans le délai de trois mois du prononcé de la décision.’ ce qui suggère que les significations effectuées par le ministère public ou par la partie civile sont autonomes l’une de l’autre ; ce qui signifie également que la partie civile aurait pu interrompre le délai de prescription. Dans l’espèce soumise à l’appréciation de la chambre criminelle, ni le ministère public ni la partie civile n’avaient signifié le jugement au prévenu. Cet arrêt n’est donc pas transposable à notre espèce puisque dans la présente espèce, la notification a été régulièrement faite par les plaignants aux défendeurs de sorte que la prescription de l’action civile n’est pas encourue. En outre, contrairement à ce que les consorts M. [C] soutiennent, l’enseignement principal de l’arrêt rendu par la chambre criminelle qu’ils invoquent n’est pas que la prescription est acquise faute d’avoir été valablement interrompue par une citation régulière, ce qui n’est cependant pas faux, mais qui n’est pas l’objet de cet arrêt. L’objet de cet arrêt, son enseignement majeur, est que la partie civile peut valablement signifier un acte pour interrompre la prescription sans attendre que le ministère public y procède. Or, il est constant que, dans notre espèce, les consorts [ZO] ont notifié régulièrement l’assignation aux défendeurs de sorte que la prescription n’est pas encourue.

C’est en outre de manière pertinente que les consorts [ZO] font valoir qu’il ne saurait être fait un amalgame entre l’obligation de notifier la citation au ministère public et la prescription prévue à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. En effet, en matière civile, constitue un acte de poursuite, au sens de l’article 65, tout acte par lequel le demandeur manifeste à son adversaire l’intention de continuer l’action engagée. Ainsi, la prescription s’apprécie à l’égard de l’auteur des faits de diffamation reprochés et, en l’espèce, la partie poursuivie par les consorts [ZO] au titre du grief de diffamation envers la mémoire d’un mort n’est pas le ministère public, mais les consorts M. [C]. Or, c’est bien l’assignation faite à ces derniers qui a interrompu la prescription et cette interruption est encore intervenue par le placement de l’assignation.

L’ordonnance qui a rejeté cette exception de nullité sera dès lors confirmée.

Sur l’exception de nullité pour vice de forme tirée de l’imprécision de l’assignation

‘ Moyens des parties

Se fondant sur les dispositions des articles 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 6 et 10 de la CESDH, les consorts M. [C] poursuivent l’infirmation de l’ordonnance déférée et soutiennent que la citation qui leur a été délivrée ne leur a pas permis de connaître immédiatement et sans aucun doute quels faits précis leur étaient reprochés dans leurs écrits au titre d’une prétendue atteinte à la mémoire d’un mort, impliquant l’impossibilité non de faire une offre de preuve quelconque pour leur défense, mais d’en faire une qui soit complète, parfaite au sens de la jurisprudence.

Ils observent que pour les besoins de la cause, les consorts [ZO] ont procédé, à titre de prétendue ‘articulation’ par un découpage désordonné du livre dont seuls certains passages sont poursuivis, parfois pour plusieurs titres d’imputations et selon une présentation confuse.

Ils affirment que ces propos, pris en désordre sans suivre celui du récit, sont déformés de façon à faire dire au texte ce qu’il ne dit pas, mais que les consorts entendent poursuivre et voir prouver, ce, tout en exigeant des sommes exorbitantes ; que ce procédé est sanctionné par les dispositions impératives de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que l’assignation est tenue de respecter. Selon eux, en procédant comme ils l’ont fait, en reproduisant des propos sans italique, amalgamés, ce qui plus est, dans le désordre, aux propos en italique, eux-mêmes poursuivis par un savant travail de découpage et modification du plan du livre, les défendeurs ne sont pas mis en mesure de savoir sur quoi doit porter précisément leur défense ‘de façon immédiate et sans équivoque’ comme l’exige l’article 53 précité, et la jurisprudence récente applicable (Crim., 27 février 2018, pourvoi n° 17-80.325).

Ils insistent sur le fait que cette exigence s’impose encore plus, a fortiori, dans le court délai de 10 jours qui leur est imparti par l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour signifier une offre de preuve et dans des conditions conformes aux dispositions de l’article 6 de la CESDH.

A cet égard, ils rappellent que, dans un arrêt récent du 16 avril 2019, la cour d’appel de Versailles (arrêt rendu par la 8ème chambre de la cour d’appel de Versailles pièce 36) a censuré la poursuite d’un article comme suit ‘l’absence de précisions de la citation sur les propos poursuivis a mis en l’espèce les prévenus dans l’incapacité de préparer utilement leur défense ; qu’en effet, le texte litigieux foisonne de faits susceptibles de faire l’objet d’un débat probatoire tandis que d’autres passages ne constituent que des opinions juridiques’. Ils exposent qu’il n’appartient pas aux défendeurs, ni aux juges de se substituer aux demandeurs pour effectuer un tri parmi les passages contenant ou non des faits précis qui seraient ou non constitutifs de la diffamation alléguée. Or, selon eux, en l’espèce, c’est précisément ce qu’il est nécessaire de faire car, reprenant les termes de l’assignation, ils soulignent le caractère imprécis des écrits que les consorts [ZO] prétendent diffamatoires.

Ils soulignent que l’imprécision de la citation est accentuée par ‘une présentation maladroite’ qui ne permet pas de lever les ambiguïtés. A cet égard, ils observent que non seulement le champ de la poursuite est opaque, mais il est complexifié par le découpage aléatoire, sans aucun respect du déroulé du récit de façon à en modifier le sens et la portée, de la présentation des prétendues atteintes.

Ils observent que, compte tenu des termes de l’assignation, par des découpages tendancieux de certains extraits, dans le désordre, les demandeurs ont créé de toute pièce une atteinte inexistante dans le texte pour réclamer ces sommes exorbitantes et le fait d’avoir ‘indiqué les pages’ correspondant à des propos épars, en italique ou pas, ne permet pas de faire le tri dans le propos poursuivis en italique ou sans, et ajoute même à la confusion tant les citations extraites n’obéissent à aucun ordre.

Ils reprochent au juge de la mise en état de rejeter leur incident au seul motif, erroné, qu’ils ont pu notifier une offre de preuve, le 20 avril 2018, constituée des pièces destinées à prouver le bien-fondé des propos poursuivis comme diffamatoires, démontrant ainsi qu’ils sont en mesure de se défendre. Ils rappellent que l’offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, en application de l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ne prive pas le prévenu de l’opportunité de soutenir que les faits ne seraient pas suffisamment précis pour constituer une diffamation. Ils ajoutent que la chambre criminelle de la Cour de cassation le 26 mai 2021 l’a rappelé (Crim., 26 mai 2021, pourvoi n° 20-80.884 publié au bulletin) et, à cette occasion, qu’elle a pris soin de préciser que cette obligation est posée par l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, consacrant le respect des droits de la défense, qui inverse l’ordre naturel des moyens de défense en permettant au prévenu de contester d’abord l’élément matériel de la diffamation, à savoir tant son caractère attentatoire à l’honneur et à la considération que le fait qu’il s’agisse de faits suffisamment précis pour la caractériser et, subsidiairement, prouver la vérité des faits et encore plus subsidiairement sa bonne foi.

Ils indiquent que la jurisprudence de la Cour de cassation a pour conséquence l’annulation de l’acte dans son ensemble (Crim., 27 février 2018, pourvoi n° 17-80.325).

Les consorts [ZO] poursuivent la confirmation de l’ordonnance de ce chef et rétorquent que l’offre de preuve des intimés est si détaillée qu’ils ne peuvent sérieusement prétendre que l’assignation, imprécise, ne leur aurait pas permis d’exercer leurs droits, qu’ils n’ont pas été placés en mesure de se défendre.

Ils soutiennent que leurs adversaires font un amalgame entre la question de l’articulation des faits et celle de la qualification des faits.

S’agissant de l’articulation des faits, ils soutiennent avoir pris la peine dans l’assignation de découper par paragraphe distinct, chaque fait jugé diffamatoire, en précisant entre guillemets les passages jugés diffamatoires et les arguments étayant cette qualification.

S’agissant de la qualification des faits, ils prétendent encore qu’aucune imprécision ni incertitude ne peut leur être reprochée puisqu’il est clairement indiqué dans ces assignations que c’est le délit de diffamation publique envers la mémoire d’un mort, [G] [ZO] qui est dénoncé.

‘ Appréciation de la cour

L’acte de poursuite doit permettre au défendeur de connaître l’étendue des faits dont il a à répondre afin de pouvoir préparer utilement sa défense (voir, par exemple, Crim., 18 juin 1985, pourvoi n° 83-91.345, Bull. Crim. 1985 n° 235). Les prescriptions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sont ainsi respectées dès lors que la citation indique exactement au défendeur les faits et les infractions qui lui sont reprochés et le met en mesure de préparer utilement sa défense. Il en est de même lorsque des citations, délivrées à plusieurs défendeurs, contiennent des énonciations identiques et déterminent sans équivoque, à l’égard de chacun des intéressés, l’objet du débat.

Il est tout aussi constant que l’offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, en application de l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ne prive pas le prévenu ou, à l’occasion d’une action civile, le défendeur, de l’opportunité de solliciter l’annulation de la citation ou de l’assignation au motif que les faits ne seraient pas suffisamment précis pour constituer une diffamation. Par voie de conséquence, le seul fait que les défendeurs ont entendu exercer leur droit d’offre de preuve n’est pas de nature à écarter leur demande tendant à l’annulation de l’assignation au motif du moyen tiré de l’imprécision de la citation au regard des exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

En l’espèce, il résulte de la lecture des assignations litigieuses que l’ensemble des passages en italique, retranscrits dans le corps de celles-ci, dans le livre de Mme [ZH] [ZJ], intitulé ‘[F], la machination familiale’, sont ceux que les consorts [ZO] estiment diffamatoires envers la mémoire de feu [G] [ZO]. Ces faits diffamatoires sont ainsi classés en cinq catégories : la première diffamation porte sur la ressemblance du portrait-robot ; la deuxième a trait à l’identité du corbeau ; la troisième concerne l’enlèvement et l’assassinat de l’enfant ; la quatrième est relative à la participation à un acte collectif et la cinquième porte sur les prétendus mobiles de l’acte criminel.

Certes, les passages litigieux ainsi reproduits en italique dans ces cinq rubriques ne suivent pas le plan chronologique du livre et sont regroupés sous des titres qui ne correspondent pas à ceux du livre. Certes, l’amalgame entre des passages en italique, d’autres non, les commentaires des plaignants, les passages tronqués conduisant à des commentaires téméraires sur les intentions de l’auteure, l’absence de précision des assignations sur les propos poursuivis ont pu assurément compliquer la tâche des défendeurs pour préparer leur défense, en particulier parce qu’il leur faut faire le tri entre les seuls propos dénoncés, en italique, et leurs autres passages qui ne constituent pas des faits, mais des opinions des demandeurs, leur construction, leur thèse sur les intentions de l’auteure.

Cependant, ces assignations précisent expressément et explicitement les passages du livre, dénoncés comme constituant les faits de la prévention, à savoir une diffamation portant atteinte à l’honneur et à la considération d’un mort, délit prévu et réprimé par les articles 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, et 34, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Les passages sont en outre clairement identifiés, non seulement par la police de caractères, l’italique, mais aussi par l’intitulé des cinq rubriques et par le renvoi aux pages d’où ils sont extraits.

Ces assignations répondent donc aux exigences des articles 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 6 et 10 de la CEDH puisqu’elles permettent au défendeur de connaître l’étendue des faits dont il a à répondre afin de pouvoir préparer utilement sa défense.

Au surplus, il ressort de l’analyse des écritures des consorts M. [C] que, sous couvert d’une violation des dispositions des articles susvisés, le moyen développé ne tend en réalité qu’à discuter la pertinence et le bien-fondé des demandes des consorts [ZO]. C’est ainsi, par exemple, que les consorts M. [C] exposent que ‘compte tenu des termes de l’assignation, par des découpages tendancieux de certains extraits, dans le désordre, les demandeurs ont créé de toute pièce une atteinte inexistante’ ; que ‘ces propos (les passages reproduits) sont déformés, pris en désordre sans suivre celui du récit, de façon à faire dire au texte ce qu’il ne dit pas’. Cela revient donc à critiquer le bien-fondé des griefs au regard de la prévention. Toutefois, la pertinence ou le bien-fondé des griefs énoncés par les consorts [ZO] au titre des délits invoqués n’est pas une condition de la recevabilité de l’action des consorts [ZO], mais de son bien fondé.

Il découle de ce qui précède que la demande des consorts M. [C], qui n’est pas fondée, sera rejetée.

L’ordonnance, qui a rejeté l’exception de nullité pour vice de forme tirée de l’imprécision de l’assignation, sera confirmée.

Sur l’appel principal des consorts [ZO] : infirmation du jugement

L’article 29, paragraphe 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que ‘Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés’.

Selon l’article 34 de cette loi, ‘Les articles 31, 32 et 33 ne seront applicables aux diffamations ou injures dirigées contre la mémoire des morts que dans le cas où les auteurs de ces diffamations ou injures auraient eu l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants.

Que les auteurs des diffamations ou injures aient eu ou non l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants, ceux-ci pourront user, dans les deux cas, du droit de réponse prévu par l’article 13.’

La diffamation est définie par l’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881sur la liberté de la presse comme ‘toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé’.

Elle diffère de la dénonciation calomnieuse, prévue et réprimée par l’article 226-10 du code pénal, notamment en ce que la fausseté des faits n’est pas un élément constitutif de l’infraction.

Pour que l’élément matériel de l’infraction soit caractérisé, la jurisprudence exige seulement :

– d’une part, que le fait allégué ou imputé, qu’il soit vrai, faux ou imaginaire, soit ‘précis’ et ‘de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire'(Ass. Plén., 25 juin 2010, pourvoi n 08-86.891) ;

– d’autre part, que ce fait soit de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps visé(e), de telles atteintes pouvant résulter aussi bien des allégations d’infractions pénales que des mises en cause qui visent le mode de vie, les activités professionnelles et sociales, la vie politique.

Ainsi, toute expression qui contient l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation.

S’agissant précisément du délit de diffamation ou d’injure envers la mémoire des morts, pour qu’il soit constitué, il est nécessaire que le propos incriminé constitue une diffamation ou une injure à l’égard du défunt, et que l’auteur des propos ait eu l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants. La loi exige ici un ‘dol spécial’.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé le fonctionnement de ce mécanisme ‘à double détente’ : pour que la diffamation dirigée contre la mémoire des morts constitue un délit, il n’est pas nécessaire que les propos incriminés contiennent l’imputation de faits précis et déterminés contre les héritiers, il suffit que la diffamation envers les morts ait été commise avec intention de nuire aux héritiers des personnes décédées (Cass. crim., 9 janvier 1948, Bull. n° 9 ; 29 avril 1897, Bull n° 146).

En outre, si la diffamation envers la mémoire des morts suppose une atteinte à l’honneur et à la considération, elle n’exige pas que l’héritier y soit formellement désigné (Crim 28 février 1956 Bull 206).

Toutefois, dans un arrêt du 15 mars 2011 (pourvoi n° 10. 281-216), la chambre criminelle a rejeté un pourvoi à l’encontre d’un arrêt d’appel qui avait retenu que l’héritier poursuivant n’était pas désigné, qu’aucune allusion n’était faite à sa personne et que la preuve d’une volonté de porter atteinte aux héritiers n’était pas rapportée, la Cour de cassation ayant estimé que la cour d’appel avait justifié sa décision en particulier parce que l’intention de l’auteur de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires encore vivants exigée par l’article 34 de la loi du 29 juillet 1881 n’était pas établie.

Il sera procédé à l’examen des propos incriminés en commençant par l’élément matériel de l’infraction, à savoir l’existence d’un fait suffisamment précis et déterminé pour caractériser l’atteinte ainsi portée à la mémoire, à l’honneur et à la considération d’un mort, à savoir feu [G] [ZO].

Pour faciliter la lecture de l’arrêt, la cour numérotera les seuls paragraphes des propos reproduits en italique, dénoncés comme de nature diffamatoire, au sens des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, par les consorts [ZO]. Il sera en effet précisé que, dans les assignations, bien que les plaignants dénoncent comme de nature diffamatoire envers la mémoire de feu [G] [ZO], les seuls propos en ‘italique’, force est de constater que celles-ci reproduisent également des passages qui ne contiennent aucun texte en italique. La cour ne reproduira donc pas ces paragraphes constitués de passage ne contenant aucune police de caractère ‘italique’.

1. L’élément matériel

1.a. La ressemblance du portrait robot (1ère diffamation)

C’est exactement que le premier juge a considéré n’être régulièrement saisi d’aucune demande de ce chef après avoir reproduit in extenso, les propos retranscrits dans l’assignation au titre de la 1ère diffamation et rappelé que, tant dans celle-ci que dans les dernières conclusions, les demandeurs alléguaient au titre de l’infraction prévue et réprimée par les dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les seuls propos reproduits en italiques et constaté qu’aucun propos n’était reproduit en italique du chef de la première diffamation.

A hauteur d’appel, la cour constate encore que dans leurs dernières conclusions, les consorts [ZO] invitent cette cour (page 56 de leurs écritures) à retenir que seuls les ‘propos reproduits en italique dans le corps de l’assignation et rappelés dans le corps des présentes conclusions’ constituent le délit de diffamation publique envers la mémoire d’un mort. Or, aucun des propos poursuivis au titre de la première diffamation n’est reproduit en italique de sorte que la cour n’est saisie d’aucune demande de ce chef.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

1.b. L’identité du corbeau (2ème diffamation)

Les propos reproduits en italique dans l’assignation au titre de la 2ème diffamation sont les suivants :

1. ‘Et voilà qu’il semble survenir, le 5 novembre 1984, avec l’arrestation de [G] [ZO]. Ses dictées correspondraient, selon les experts en écritures, à celles du corbeau. Et sa jeune belle-soeur, [ZT] [T], l’a impliqué dans le rapt de [F]’ (page 128) ;

2. ‘Les dictées, auxquelles cet homme est soumis comme les autres, sont transmises aussitôt ‘à la grande experte en écritures de [Localité 24], [K] [M]’. Or, deux jours plus tard, cette professionnelle informe les gendarmes ‘des signes très sérieux de ressemblances entre ses écrits et ceux du corbeau’. Elle ajoute : ‘Vous devriez vous intéresser à [G] [ZO] car, pour moi, c’est lui qui a écrit ces lettres’. Bientôt, un autre indice apparaît : le ‘foulage’, ces traces d’initiales ‘[ZO][G]’ incrustées au bas du courrier de revendication du crime ; le ‘[ZO]’ calligraphié et le ‘[G]’ en capitales d’imprimerie. Les gendarmes ne manquent pas de remarquer que ‘c’est exactement ainsi que [G] [ZO] a signé son premier PV’. De plus, guidés par un psychologue, les gendarmes ont acquis la conviction que le corbeau demeure à [Localité 11] pour jouir des effets de ses nuisances envers les grands-parents de [F], [E] et [ZA], dont la maison est située en contrebas du village. Or, [G] [ZO] habite sur les hauteurs d'[Localité 11]’ (page 148),

3. ‘L’enquête ne permet pas de débusquer le noir corbeau qui semble surveiller toutes les allées et venues dans la maison des grands-parents, comme s’il les épiait. Or, sur les hauteurs d'[Localité 11], avec vue imprenable sur le domicile des parents qui jouxte la maison de [ZY] et de son épouse [J], habitent son cousin et confident [G] [ZO] avec sa femme [ZL]-[P]’ (pages 14 et 15),

4. ‘A côté de chez feu [G] [ZO] et [ZL]-[P] [T], avec une vue plongeante sur la bâtisse des grands-parents de [F] qui permet de les surveiller et d’identifier leurs visiteurs’ (page 20),

5. ‘Soumis à la dictée […] [G] [ZO] a en effet été placé en garde à vue le 1er novembre pendant près de onze heures, en compagnie de sa femme [ZL]-[P]. Il a joué au ‘désinvolte’ et a fait ‘l’imbécile’ […] bourrant de fautes les dictées, prétendant n’écrire qu’en lettres bâtons, jamais en cursives. Pourtant, les gendarmes ont découvert chez lui, sur les hauteurs d'[Localité 11] ‘ où il voisine avec son oncle [ZX] [AD], avec qui, orphelin de mère, il a grandi ‘, des documents qui prouvent le contraire et … une longue-vue. Or, les corbeaux […] savent tout ce qui se passe dans leur maison en contrebas. Soit ils les épient à la jumelle, soit ils sont renseignés par leur fils aîné [X], dit ‘le bâtard’ ou par l’illettré [ZY] [ZP]. De plus, lors de certains appels téléphoniques anonymes, on entend des bruits de métier à tisser. Or, [G] [ZO] travaille dans la filature, où son statut de délégué CGT et ses grosses moustaches lui valent le surnom de ‘Popof’. Ces soupçons pesant sur [ZO] l’ont donc conduit chez les gendarmes, où sa ‘relative dextérité à écrire de la main gauche comme de la droite’ les renforce un peu plus dans leurs convictions. Car le corbeau kidnappeur, qui a jeté sur le papier la revendication du crime paraît avoir déguisé son écriture ou utilisé sa ‘mauvaise’ main. Mais sur son emploi du temps, ‘Popof’ n’en démord pas […] il travaillait de nuit et a donc occupé son après-midi libre, jusqu’à 16h30, à papoter ou à picoler avec son ‘frère de lait’, [ZY] [ZP], lui-même très remonté contre son cadet [BK]. Après, il est passé avec son fils [ZU] chez la tante [ZW] [AD], puis dit-il sur procès-verbal ‘vers 17h15″, il est allé au supermarché Champion où il a acheté 150 bouteilles de vin en promotion, puis est passé au bureau de tabac encaisser un ticket de tiercé gagnant. Or, la patronne du PMU ne lui a donné l’argent qu’à 18h10. Suspicieux, les pandores veulent savoir qui arrive en premier chez la tante [ZW] durant ce créneau horaire fatidique 17 heures – 17h30 où [F] a disparu, mais renoncent à questionner la vieille dame : elle n’a pas toute sa tête’ (pages 40 – 41).

6. ‘À force de torpiller son propre dossier, une énième expertise en écritures vient contredire les précédentes. Le juge [AC] entend donc relâcher [G] [ZO]’ (page 66).

‘ Moyens des parties

Les consorts [ZO] maintiennent leur analyse et prétendent que par les propos ci-dessus retranscrits, Mme [ZJ] fait peser, à de très nombreuses reprises, et de manière diffamatoire, l’identité du corbeau sur [G] [ZO].

Reprenant les deux premiers paragraphes susmentionnés, ils affirment que ces propos consistent en une présentation partielle et partiale du dossier et s’avèrent imputer à [G] [ZO] un fait portant atteinte à son honneur, en faisant croire au lecteur que des études sérieuses l’ont désigné comme étant le corbeau.

Retranscrivant les troisième et quatrième paragraphe en italique et les deux paragraphes suivants, ne figurant en italique ni dans la citation, ni dans les écritures des appelants, ils font valoir que l’écrivaine a construit son récit en alléguant que le corbeau semble connaître tous les faits et gestes des grands-parents de [F] [ZP] et qu’il ne peut donc s’agir que de [G] [ZO] puisqu’il habite à proximité de chez eux, sur les hauteurs. Ils en concluent que ce livre tend à établir que le corbeau est le meurtrier du petit [F]. Selon eux, ce premier élément participe à la démonstration de culpabilité de [G] [ZO] à laquelle se livre obstinément Mme [ZJ] et pour le lecteur aucun doute n’est possible [G] [ZO] est le corbeau et a enlevé l’enfant.

Ils ajoutent que l’avant-dernier paragraphe ci-dessus reproduit présente [G] [ZO] comme un personnage peu sympathique, malsain ; qu’une telle présentation conduit inévitablement le lecteur à conclure à la culpabilité de ce dernier. Selon eux, cet avant-dernier paragraphe participe à asseoir la thèse dans l’esprit du lecteur de la culpabilité de [G] [ZO] et constitue donc l’imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur de [G] [ZO] et de sa famille. Ils soutiennent que ces propos sont diffamatoires puisque tous les experts qui ont examiné la voix du corbeau ont conclu que le corbeau était une femme et que les 147 dictées réalisées n’ont jamais été analysées par les experts en écritures citées dans ce passage. Ils indiquent que l’expert [L] [YP] n’a pas émis des probabilités sur la culpabilité de [G] [ZO] d’être le corbeau après avoir examiné les 147 dictées, mais l’a fait uniquement après que la seule écriture de [G] [ZO] lui a été confiée. De même, ils observent que l’expert [M] a été désigné dans des conditions irrégulières et a mis fin à sa mission. Pour ne pas le mentionner, les appelants soutiennent que Mme [ZJ] est coupable des faits qui lui sont reprochés.

S’agissant du dernier paragraphe susmentionné, ils soutiennent que Mme [ZJ] y évoque les différentes expertises qui contredisent sa thèse pour les dévaloriser.

Ils en concluent que l’ensemble des passages en italique sus rappelé constitue l’allégation de faits précis contraire à l’honneur et à la considération de [G] [ZO] en l’accusant d’être le corbeau présenté comme l’assassin de l’enfant [F] ce qui constitue indiscutablement des actes de diffamation envers la mémoire d’un mort. Ils affirment que ce faisant, Mme [ZJ] a nécessairement conscience de porter atteinte à la considération des proches de [G] [ZO] qui subissent quotidiennement le regard réprobateur des tiers, voyant en eux la veuve ou les enfants d’un criminel tuteur d’enfant.

Les intimés rétorquent que les demandeurs procèdent pour les besoins de leur thèse à un découpage arbitraire des propos de l’auteure disséminés dans l’ouvrage sur 245 pages et suivent le rythme du récit afin de les amalgamer artificiellement. Ils soutiennent que les appelants adoptent la ‘technique du procès d’intention’ fait à l’auteure de ce qu’elle voudrait absolument convaincre le lecteur que [G] [ZO] aurait été le corbeau alors que l’auteure elle-même évoque la piste sérieuse de [ZX] [AD]. De même, ils indiquent que [G] [ZO] n’est pas présenté comme le coupable, mais comme l’objet de l’enquête sur ce point, ce qui constitue un fait exact jusqu’à son assassinat.

Ils font valoir que les demandeurs continuent d’extraire des phrases de leur contexte, sans se soucier de l’ordre du récit, commençant par la transcription des pages 148, puis 183, puis 40/41, puis 66, sans se préoccuper de savoir s’ils imputeraient un fait précis de nature diffamatoire à l’encontre de [G] [ZO] et encore moins si leur auteur aurait eu l’intention de leur causer un préjudice propre, en publiant ces propos dans leur ordre et contexte d’origine.

Ils exposent que les défendeurs ne sont pas à l’origine et encore moins responsables des progrès de l’enquête réalisés grâce au logiciel Anacrim (pièce 13)  ; qu’ils sont encore moins responsables des soupçons ayant pesé sur [G] [ZO] reposant sur le comportement de ce dernier, non sur celui de l’auteure ; qu’ils ne sauraient se voir censurer de toute allusion factuelle sur [G] [ZO] au motif que l’évocation de l’hypothèse qu’il aurait pu être coupable leur porterait atteinte ‘en elle-même’ bien qu’aucun des demandeurs ne soit personnellement visé par les propos poursuivis ; que [G] [ZO] demeure un protagoniste central dans l’affaire dite du ‘petit [F]’ et le rôle qu’il a pu y jouer de son vivant reste susceptible d’influer sur l’issue de l’enquête et la détermination des responsabilités d’autres protagonistes comme le procureur général [B] lui-même l’a souligné dans sa conférence de presse et en tout état de cause, la vérité des propos poursuivis ressort des procès-verbaux d’Anacrim ainsi que des récentes auditions de Mmes [ZD] et [AL] (cf offre de preuve 1-6).

Ils ajoutent que le fait d’avancer que l’écriture de [G] [ZO] correspondrait à celle du corbeau n’est pas diffamatoire, mais correspond à un fait exact (cf offre de preuve 1-6) ; que l’extrait retranscrit page 148 du livre n’est que le récit exact d’une des phrases de l’enquête en novembre 1984 qui explique la raison de l’arrestation de [G] [ZO] qui exige l’existence d’indices graves et concordants.

Ils observent que sauf à ne rien expliquer du déroulement de l’enquête et présenter [G] [ZO] comme ce qu’il n’a jamais été, c’est à dire insusceptible de la moindre suspicion, il serait mal aisé de relater et expliquer son arrestation.

S’agissant des passages en pages 14 et 15 puis 20, ils soulignent qu’ils ne sont pas diffamatoires à l’égard de [G] [ZO] et encore moins de ses héritiers, mais ressortent des décisions de justice elles-mêmes (offre de preuve 7, arrêt de non-lieu du 3 février 1993) ; que la question s’était posée aux enquêteurs de comprendre comment le corbeau pouvait connaître tant de détails sur la vie et l’emploi du temps des grands-parents de [F] et qu’il était absurde de censurer le récit de ce voisinage et de la possibilité qu’il offrait de surveillance, raison et objet mêmes de l’enquête ; que le propos ne pointe pas seulement [G] [ZO], mais les autres voisins, soit les [AD], et cela rend compte du doute, alors avéré et persistant (cf offre de preuve).

Ils soulignent que les griefs qui leur sont faits au titre des pages 40 et 41 sont inopérants car la diffamation requiert non pas de ‘participer à asseoir une thèse’ mais ‘en l’imputation d’un fait précis’. Or, tel n’est pas, selon eux, le cas en l’espèce.

Enfin, s’agissant des propos figurant en page 66 du livre outre que ces faits sont exacts (cf. offre de preuve), les intimés rappellent que ces propos ne peuvent pas être lus comme une diffamation à l’égard de [G] [ZO] et encore moins de ses héritiers.

Ils en concluent que l’ensemble des propos ainsi retranscrits ne peut constituer la deuxième diffamation dénoncée.

‘ Appréciation de la cour

Comme le relève très pertinemment le premier juge, les propos retranscrits et dénoncés comme de nature diffamatoire par les consorts [ZO] ne suivent pas l’ordre chronologique. Ils sont extraits du contexte narratif de l’ouvrage qui ne concerne pas seulement [G] [ZO], mais la genèse de cette affaire criminelle, communément nommée ‘l’affaire [F]’, le déroulement de l’enquête sur la mort de ce garçonnet âgé de quatre ans, [F] [ZP], à partir d’archives, d’interrogatoires, d’éléments factuels exacts tirés de l’enquête policière, des procès, donc de décisions judiciaires irrévocables, ainsi que des derniers rebondissements de l’enquête avec l’arrestation le 14 juin 2017 de membres de la famille [AD] et les développements judiciaires récents de l’enquête portant sur la mort de cet enfant, dont la synthèse récente faite par les analystes criminels aidés en cela par le logiciel AnaCrim.

Ainsi, l’ensemble des propos dénoncés par les consorts [ZO] vise en réalité à faire le procès d’un ouvrage qui livre le dernier état des investigations judiciaires, élaboré par la justice, à partir d’une série d’éléments factuels exacts, dont de nombreux témoignages recoupés, qui lui a permis à ce stade de l’enquête de dessiner le scénario de la machination familiale, d’une concertation d’un clan, d’un acte collectif pour enlever l’enfant le 16 octobre 1984, vers 17h15 à [Localité 22], au domicile de ses parents, le livrer à un ou des complices qui le tu(ent), l’attache(nt) et le met(tent) à l’eau.

Il sera en outre observé que ce livre est intitulé ‘[F] La machination familiale’, le bandeau précisant ‘Le Récit complet’ ; que ce livre n’est pas consacré à ‘[G] [ZO]’, mais qu’il a pour ambition de faire le point sur ce fait criminel retentissant qui a connu un rebondissement le 14 juin 2017 avec l’arrestation de membres de la famille [AD], grand-oncle et grand-tante de [F] [ZP].

C’est également très exactement que le premier juge a retenu que l’ensemble de ces propos mis en perspective avec la lecture du livre dans son entier, n’imputent en réalité aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération de [G] [ZO].

Ainsi, et plus précisément, les propos transcrits en pages :

– 128 (numéroté 1 par la cour dans la retranscription ci-dessus) sont extraits du chapitre 11 de l’ouvrage, intitulé ‘Une jeune journaliste dans la meute’, divisé lui-même en neuf sections intitulées ‘ Les paparazzi mitraillent’ (page 125), ‘La famille de [F] a été une mine d’or’ (page 126), ‘Les reporters croient l’affaire résolue’ (page 128), ‘La foule déchaînée hurle ‘A mort ! A mort !’ (page 130), ‘On devenait schizophrène’ (page 131), ‘On a passé trois années à raconter n’importe quoi’ (page 133).

Mme [ZJ] ne fait que rapporter les propos d’une journaliste, [AT] [AL], auteure d’un ouvrage de référence sur ce fait divers ‘le Bûcher des innocents’ édité chez Plon en 1993, enrichi puis réédité en 2006 aux éditions Les Arènes. [AT] [AL] a accepté de revenir sur son parcours ‘initiatique et chaotique dans les méandres de ce fait divers dévastateur’ et a répondu à l’auteure, Mme [ZJ], pour témoigner de ce qu’elle a vécu en tant que jeune journaliste, envoyée spéciale d’Europe 1 dans les Vosges, pour couvrir cette affaire. Les propos rapportés en page 128 sont donc ceux de [AT] [AL] qui fait part de l’état d’esprit de ses confrères ce 5 novembre 1984.

Ils ne répondent pas à la définition d’un fait précis et déterminé diffamatoire, mais d’un témoignage recueilli par l’auteure et figurant dans ce chapitre 11.

– 148 (numéroté 2 par la cour dans la retranscription ci-dessus) sont extraits du chapitre 12 de l’ouvrage, intitulé ‘La constance du gendarme [ZC]’, divisé lui-même en trois sections intitulées ‘Il y a un loup qui hurle à la mort’ (page 146), ‘Des gendarmes au chômage technique’ (page 151), ‘Lâché par sa hiérarchie’ (page 155).

Dans ce chapitre, Mme [ZJ] donne la parole au colonel de gendarmerie [A] [ZC] dont les conclusions sur cette enquête rejoignent celles de ses derniers développements en 2017. Les propos retranscrits en page 148 (paragraphe numéroté 2 par la cour précédemment) sont ceux de ce gendarme qui livre à l’auteure les investigations menées, ses soupçons (l’hypothèse d’un règlement de comptes familial privilégiée aboutissant à la mort de [F] [ZP]), les indices recueillis, le corbeau, les appels téléphoniques anonymes, les lettres du corbeau, sa connaissance de l’histoire familiale, l’hypothèse d’un auteur demeurant à proximité de la maison des grands-parents de [F], les expertises en écritures, les indices recueillies contre [G] [ZO], sur l’axe ‘[AD]-[ZO]-[ZY]-[J]’.

Ces propos ne répondent pas à la définition d’un fait précis et déterminé diffamatoire, mais d’un témoignage recueilli par l’auteure et figurant dans ce chapitre 12, section ‘Il y a un loup qui hurle à la mort’.

– 14-15 (numéroté 3 par la cour dans la retranscription ci-dessus) sont extraits du chapitre 1, intitulé ‘Les corbeaux’ (page 13) et comportant une section intitulée ‘Un chef’ (page 14).

Le chapitre 1 est consacré aux appels téléphoniques anonymes et aux lettres adressées par ‘les corbeaux’ à la famille de M. [BK] [ZP] et avant et après lui, à ses parents. Les consorts [ZO] ont volontairement supprimé, tronqué la fin de la seconde phrase reproduite qui in extenso indique ce qui suit (les mots en gras soulignés sont ceux qui figurent dans l’ouvrage et ont été tronqués par les consorts [ZO]) ‘Or, sur les hauteurs d'[Localité 11], avec vue imprenable sur le domicile des parents qui jouxte la maison de [ZY] et de son épouse [J], habitent son cousin et confident [G] [ZO] avec sa femme [ZL]-[P], mais aussi son oncle maternel, [ZX] [AD], avec sa compagne [S].’

La lecture de ce chapitre enseigne que [G] [ZO] n’est pas désigné comme le corbeau, mais comme susceptible de l’être au même titre que son oncle et sa tante maternels. Il s’agit là d’éléments, d’indices, de déductions des enquêteurs.

Ils ne répondent pas à la définition d’un fait précis et déterminé diffamatoire d’autant moins que ces propos sont tronqués et sortis de leur contexte.

– 20 (numéroté 4 par la cour dans la transcription ci-dessus), les propos sont extraits du chapitre 2, intitulé ‘Enlèvement et séquestration suivie de mort’, contenant une seule section intitulée ‘Un corbeau à deux têtes’ et une nouvelle fois, la cour constate que ces propos sont tronqués.

En effet, cette section débute ainsi ‘[ZX] et [S] [AD] ont été remis en liberté le 20 juin 2017 en raison de leur âge, mais demeurent soumis à un contrôle judiciaire. Si leurs avocats [ZV] [V] et [W] [AG] dénoncent ‘la faiblesse des charges’ contre ces deux retraités d'[Localité 11], les parents de [F] les considèrent comme les suspects numéro un du meurtre de leurs fils et ont, selon Me [DD] [ZM], ‘ressenti une grande douleur suite à la révélation de la félonie de certains membres de la cellule familiale.

Depuis les années 1980, le couple [AD] habite une demeure repeinte en mauve au [Adresse 3], là-haut sur la colline d'[Localité 11], à côté de chez feu [G] [ZO] et [ZL]-[P] [T], avec une vue plongeante sur la bâtisse des grands-parents de [F] qui permet de les surveiller et d’identifier leurs visiteurs’.

Ainsi, dans le livre, la phrase reproduite dans l’assignation et les dernières conclusions ne débute nullement par la préposition ‘À’, en majuscule, suivi de la seule évocation de [G] [ZO], mais par le rappel des hypothèses policières de l’existence de plusieurs corbeaux connaissant parfaitement bien les secrets de cette famille.

Dans la mesure où ces propos sont tronqués et sortis de leur contexte, ils ne peuvent nullement être considérés comme répondant à la définition d’un fait précis et déterminé diffamatoire au sens des textes susvisés.

– 40-41 (numéroté 5 par la cour dans la transcription ci-dessus), les propos sont extraits du chapitre 4, intitulé ‘[ZT] [T], celle qui sait’ (pages 39 à 41), contenant trois sections intitulées ‘Vers 17h15’ (pages 41 à 45), ‘la rouste qui change tout’ (pages 45 à 47), ‘Le mystérieux flacon d’insuline’ (pages 45 à 47) et une nouvelle fois, la cour constate que ces propos sont tronqués et sortis de leur contexte, dénaturés.

En effet, ce chapitre n’est pas consacré à ‘révéler’ l’identité du corbeau en la personne de [G] [ZO], mais à énumérer et à retracer les éléments de l’enquête recueillis grâce au témoignage de Mme [ZT] [T] qui ont conduit les enquêteurs à s’intéresser à [G] [ZO]. Et le chapitre débute par les derniers développements de cette enquête la concernant, sa garde à vue en 2017 après celle qui avait été interrompue en 1984. Mme [ZJ] reprend les différents éléments de l’enquête depuis l’origine soit le 2 novembre 1984 où elle est interrogée sur son emploi du temps le jour du meurtre de [F]. Elle retrace les différents indices concordants ayant conduit la justice à ‘inculper [G] [ZO]’.

Les propos dénoncés entre guillemets dans le paragraphe ci-dessus numéroté 5 par cette cour, en particulier l’attitude de [G] [ZO] qualifiée de ‘désinvolte’ et ‘(faire) l’imbécile’ sont en réalité tenus par le capitaine [ZC], dont le nom a été volontairement effacé par les appelants. C’est lui qui qualifie l’attitude de [G] [ZO] durant l’exercice de la dictée à laquelle il a été soumis comme ‘quinze autres personnes habitant les villages autour de la Vologne pour débusquer les corbeaux’ de ‘désinvolte’ et qui précise que [G] [ZO] ‘fait l’imbécile’ durant la dictée. Ces propos (diffamation n° 2, paragraphe 5) sont sortis de leur contexte, amalgamés avec d’autres passages du livre, eux-mêmes sortis de leur contexte, ainsi qu’il l’a été relevé par la cour précédemment, certains des propos qui indiquent clairement la piste de l’existence de plusieurs corbeaux ayant par ailleurs été volontairement effacée des propos présentés par les consorts [ZO] comme diffamatoires, pour établir une vérité qui leur est propre à savoir que Mme [ZJ] présente [G] [ZO] comme le corbeau alors que ce livre ne le dit pas.

Dans la mesure où ces propos sont tronqués et sortis de leur contexte, ils ne peuvent nullement être considérés comme répondant à la définition d’un fait précis et déterminé diffamatoire au sens des textes susvisés.

– 66 (numéroté 6 par la cour dans la transcription ci-dessus), les propos sont extraits du chapitre 6, intitulé ‘Pour le ‘petit juge’, le costume était trop grand’ (pages 59 à 61), contenant deux sections intitulées ‘Comment devenir riche et célèbre ‘ ‘ (pages 61 à 67), ‘Un signe du destin’ (pages 67 à 71) et une nouvelle fois, la cour constate que ces propos sont sortis de leur contexte et dénaturés.

Ce chapitre débute par le rappel des développements récents de l’enquête en 2017 et le suicide de [BL] [AC] le 11 juillet 2017. Il retrace sa personnalité, sa conduite de cette enquête, à partir de différentes archives journalistiques, constituées en particulier d’interviews, des livres de l’intéressé, des notes du juge [ZI], du livre de la journaliste [AT] [AL].

Les propos reproduits par les consorts [ZO] extraits de la page 66 de l’ouvrage n’ont nullement pour ambition et ne disent nullement que les expertises favorables à [G] [ZO] ne sont pas pertinentes. Ils ne sont nullement diffamatoires à l’égard de la mémoire de [G] [ZO], ils ne disent pas que [G] [ZO] est le corbeau, mais se rapportent à la façon de mener cette instruction par le juge [AC]. Les propos dénoncés interviennent après la narration de la confrontation pratiquée par le juge le 29 janvier 1985 entre les gendarmes et Mme [ZT] [T] telle que rapportée par le capitaine [ZC] que ce dernier qualifie d’humiliante. Ces propos disent seulement que la méthode du juge [AC] consistant, notamment, à multiplier les mesures d’investigations expertales contradictoires a fragilisé le dossier qu’il instruisait et ne pouvait qu’aboutir à l’élargissement de [G] [ZO].

Dans la mesure où ces propos sont sortis de leur contexte, qu’ils ne contiennent aucun fait précis et déterminé diffamatoire au sens des textes susvisés à l’encontre de la mémoire de [G] [ZO], c’est en vain que les consorts [ZO] prétendent que le délit dénoncé est constitué.

La cour constate que les préventions des consorts [ZO] dénoncées dans ces différents propos reproduits dans leur assignation et dans leurs dernières conclusions sont dénuées de pertinence au regard des exigences des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse puisque les appelants sont obligés de commenter, d’extrapoler, d’expliquer, de construire tout un récit destiné à convaincre la cour que Mme [ZJ] a écrit un récit à charge contre [G] [ZO] en le désignant comme le corbeau ce qui constituerait une diffamation. Or, le livre ne le dit pas.

Au reste, les consorts [ZO] indiquent eux-mêmes que ce qu’ils dénoncent est la thèse du livre, selon eux, destinée à présenter [G] [ZO] comme coupable d’être le corbeau alors que, par un jugement rendu le 5 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Strasbourg a jugé que l’identité du corbeau et/ou de l’assassin de [F] n’avait pas été identifié’. Cependant, une ‘thèse’ ne répond pas à la définition de ‘l’imputation d’un fait précis et déterminé’ et ne constitue donc pas le délit de diffamation. Et malgré la peine des proches de [G] [ZO] à voir associer le nom du défunt, celui qu’ils portent eux-mêmes, à ‘l’affaire [F]’, ils ne peuvent sérieusement reprocher à un journaliste se livrant à une enquête exhaustive sur cette affaire et ses derniers rebondissements, de suivre les différentes pistes et donc de revenir sur l’ ‘inculpation’ de [G] [ZO] et les différents éléments ou indices l’ayant justifiée. Malgré la douleur de ses proches de voir constamment le nom de [G] [ZO] ressurgir à l’évocation de cette enquête sur la mort jamais élucidée de [F] [ZP], le nom de [G] [ZO] sera toujours associé à l’enquête sur la mort de cet enfant de quatre ans quand bien même le ou les auteurs de cet assassinat seront un jour condamné(s). Retracer une enquête et ses rebondissements récents dus à la mise en oeuvre de méthodes modernes d’investigations policières au sujet d’un crime aux répercussions médiatiques majeures, communément désigné sous le titre ‘l’affaire [F]’, passe nécessairement par la description de cet aspect de l’enquête et occulter complètement les soupçons pesant sur [G] [ZO] ne répondrait pas à la définition d’une enquête sérieuse et exhaustive.

Il découle de ce qui précède que la deuxième série de propos retranscrits ci-dessus ne sont pas des propos diffamatoires à l’égard de [G] [ZO] au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

1.c. L’enlèvement et l’assassinat de l’enfant (3ème diffamation)

Les propos reproduits en italique dans l’assignation au titre de la 3ème diffamation sont les suivants :

1. ‘Ce n’est pas le cas de son mari [de [ZL]-[P] [ZO]], qui présente un trou dans ses activités entre 16h30 et 18 heures. L’après midi de ce 5 novembre, [G] [ZO] est arrêté sur son lieu de travail à [Localité 18] d’où il sort en bleu de chauffe, menotté à un gendarme, sous les flashes des photographes et les objectifs des caméras, répétant d’une voix mécanique : ‘Je suis innocent !’ ‘ (page 44)

2. ‘ Le ‘petit juge’ confirme, un brin surpris, le nom du suspect numéro un et ‘conciliant’ ajoute qu’il possède ‘le résultat d’expertises qui désigne le cousin des [ZP]’ comme le corbeau. A leur tour, les reporters dévoilent des éléments de la biographie de [G] [ZO]. Le juge leur révèle alors son intention de l’inculper pour assassinat dès le lendemain et leur promet de les en informer les premiers’ (page 63).

3. ‘Malgré l’existence de charges sérieuses contre [G] [ZO] d’avoir kidnappé son neveu [F], son décès le 29 mars 1985 par arme à feu imputé à son cousin [BK] [ZP], alors qu’il était toujours inculpé pour assassinat, a entraîné l’extinction des poursuites judiciaires à son encontre’ (page 7).

4. ‘Pour le procureur général de Dijon, [AP] [B], en kidnappant l’enfant, ce corbeau à deux têtes aurait concrétisé le projet criminel envisagé dans un millier d’appels téléphoniques et trois lettres anonymes. Pas forcément tout seuls. Sûrement en compagnie de [G] [ZO], cousin de [BK] [ZP], qui fut inculpé et emprisonné pour cet assassinat à l’époque, puis abattu à sa libération par le père de [F]. Si son décès a entraîné l’extinction de l’action judiciaire à son encontre, son rôle, établi alors, a consisté à embarquer [F] à bord de sa voiture verte’ (pages 19-20).

5. ‘Bien conscient que [ZO] mort, ‘la recherche des complices est essentielle et indispensable tactiquement, pour avancer’ (page 150).

6. ‘Soudain, placée devant ses mensonges, l’adolescente craque et avoue. Sur le procès-verbal, [ZT] [T] explique : ‘je vous ai menti. Lorsque je me rendais au bus j’ai été appelée par mon surnom ‘[Z]’ par mon beau-frère [G] [ZO]’ […] Il l’a fait monter à l’avant de sa Peugeot 305 verte, [ZU] était assis à l’arrière. Ils ont roulé vers [Localité 13] puis [Localité 22] où [ZO] a stoppé. Il est revenu avec un petit garçon coiffé d’un bonnet qu’il a installé à l’arrière. Ils sont ensuite descendus vers le village où ils se sont arrêtés un moment, à un endroit où la route était barrée. Puis ils sont repartis dans l’autre sens vers un autre bourg. Là ‘près d’une petite place’, [G] s’est garé puis est sorti de la voiture. Il a emmené l’enfant au bonnet. Elle ne sait pas ce qui s’est passé, mais ‘une chose est sûre, [G] est revenu seul’. […] C’est le lendemain, en voyant la photo de [F] dans le journal, que [ZT] [T] dit avoir compris l’identité et le sort du petit garçon au bonnet’ (pages 41-42) ;

7. ‘A 8h30 le samedi, [ZT] [T] répète ses déclaration, en les précisant : c’est la première fois que [G] venait la chercher à l’école, et, à son avis, c’était pour qu’elle s’occupe de [ZU] dans la voiture’ (page 43) ;

8. ‘Elle révélera le rôle de [G] [ZO] dans l’enlèvement de [F]’ (page 233) ;

9. ‘[…]Tante [ZW] […] a en effet expliqué par trois fois au président [ZI] et à ses enquêteurs que [ZT] lui avait confié après le crime, ‘en pleurant beaucoup, beaucoup’, qu’elle se trouvait dans la voiture de [G] [ZO] avec [ZU] et [F], et que son beau-frère était descendu avec le petit au bonnet puis revenu tout seul’ (page 47) (redite page 87).

10. ‘ L’auteur affirme que [ZW] [AD], par trois fois, raconta que [ZT] lui avait confié après le crime, ‘ en pleurant beaucoup, beaucoup’ qu’elle s’était trouvée dans la voiture de [G] [ZO] avec [ZU] et [F], que [G] était descendu avec ce dernier et était revenu seul’ (page 232).

11. ‘Cette ex-infirmière des [T] ([S] [YR]-[U]) avait recueilli les confidences de [ZT] sur la tombe de sa mère [BP] au cimetière de [Localité 19], qui, en pleurant, lui avait dit, ‘qu’elle était bien dans la voiture avec [G]’ [ZO], le jour du meurtre de [F]. [AT] [AL], qui s’est entretenue avec l’infirmière au printemps 1993 ; situe cette scène le 31 décembre 1989, pour le deuxième anniversaire de la mort de [BP] [T]. Elle précise que [S] [YR] lui a indiqué : ‘Je me suis retrouvée avec ça mais c’étaient les vacances judiciaires, et je ne pouvais pas joindre le juge [ZI]’. Le magistrat, victime d’un infarctus deux semaines plus tard, n’a pas pu intégrer ce témoignage majeur à la procédure. [AT] [AL] déplore que l’infirmière n’ait pas rapporté les paroles de [ZT] [T] au procès de [BK] [ZP]’ (page 140).

12. « [G] [ZO], informé des propriétés de l’insuline, a conçu le projet d’anesthésier l’enfant en utilisant les produits pharmaceutiques de sa belle-mère et la compétence de sa belle-s’ur. Les hauts juges n’écartent toutefois pas complètement cette hypothèse « du fait de la découverte du flacon d’insuline et de la seringue à proximité du lieu d’immersion possible à la victime » (page 48).

13. « Même si elle avait piqué [F] [ZP], il est douteux que cette jeune fille de 15 ans, peu instruite, ait compris le but et les conséquences de l’acte demandé par son beau-frère » (page 48).

14. « Le hic, c’est que la piste mène à [G] [ZO], cousin germain de [BK] [ZP], bientôt inculpé d’assassinat et emprisonné le 5 novembre » (page 51).

15. « [ZT] [T] réitère ses aveux et ajoute : « Si je n’ai pas parlé plus tôt, c’est que j’avais un peu peur de [G]. Les gendarmes ont été gentils avec moi. Ils ne m’ont jamais dit qu’il fallait que je dise certains faits et pas d’autres. J’ai vraiment parlé librement » (page 44).

16. La ‘rouste qui change tout’ (page 45).

17. « L’adolescente se retrouve bien seule, le soir, chez ses parents à [Localité 21], à affronter les reproches de sa grande s’ur [ZL]-[P], dont elle vient d’envoyer au trou le mari, certes volage et pas facile à vivre, mais bon père pour [ZU]. [‘] La rouquine a reçu une sacrée « rouste », une raclée, de nature à lui faire ravaler ses mots. » (page 45).

18. « Le lendemain, le 6 novembre, en fin de journée, les yeux rougis et les lèvres tremblantes, l’adolescente escortée par ses frangins se rend au tribunal d’Epinal et demande à voir le juge [AC], qui la reçoit avec sa mère. [ZT] [T] efface alors toutes ses accusations contre [G] [ZO] ‘ « c’est faux » – et prétexte avoir eu peur des gendarmes qui l’auraient menacée de l’enfermer en maison de correction » (page 45).

19. « “[ZT], il faut quand même savoir que, quand elle est emmenée à la gendarmerie la première fois, c’est là qu’elle dit la vérité” insiste [S] [U] au bout du fil. “J’ai assisté à la correction que [ZL]-[P] a filée à sa s’ur quand elle est sortie [‘], elle a pris une rouste, et par sa mère, et par sa s’ur. C’est pour ça qu’elle est complément bloquée, apeurée ! Bien sûr, après elle se rétractait, ben moi ça m’a pas surprise” » (page 162).

20. « Ils découvrent alors qu’il existe bel et bien une rue barrée à cause de travaux, non loin de la Poste de [Localité 22], d’où le corbeau a envoyé un pli aux alentours de 17 heures qui contient le mobile du crime : la vengeance contre le « chef » par haine et jalousie » (page 44).

21. « En définitive, il existe contre [G] [ZO] des charges très sérieuses d’avoir enlevé [F] [ZP] le 16 octobre 1984. En revanche, les raisons profondes de la haine qui semble avoir dicté ce crime demeurent incertaines » (page 46).

22. « À 16h57, une dépêche classée « urgent » de l’AFP annonce, « de source judiciaire », l’arrestation de [G] [ZO] et son inculpation pour assassinat. Les radios reprennent le scoop. Hélas, une nouvelle en provenance du tribunal stoppe net les journalistes de presse écrite dans la rédaction de leurs articles : le procureur et le juge démentent l’inculpation de [ZO] » (page 64).

23. « Les défenseurs de l’ouvrier cégétiste devenu cadre à la filature [O], (‘) vont vite pilonner ses convictions et annuler des pièces majeures qui n’ont pas été traitées suivant les règles de la procédure. Ainsi disparaît le « foulage » des initiales de [ZO] apparues en filigrane de la lettre de revendication du crime » (pages 64 et 65).

24. « Le « petit juge » se désintéresse de son inculpé [ZO] qu’il n’interrogera jamais sur le fond du dossier. Il l’a juste entendu une fois, à la sauvette : le PV du 20 novembre 1984 tient en treize lignes, pour trois questions ineptes : « quand êtes-vous allé pour la dernière fois chez les parents de [F] ‘ », « Avez-vous écrit de manière anonyme aux [ZP] ‘ » et « Leur avez-vous téléphoné de la même façon ‘ ». Réponses de [ZO] : « L’été précédent » et « Non, je suis formel ». Le juge n’organise pas de confrontation avec son voisin et «frère de lait » [ZY] [ZP], le frère analphabète de [BK], que [ZO] a rencontré les après-midis des 15 et 16 octobre. Il ne vérifie pas plus la façon qu’a l’inculpé de nouer des cordelettes, ni si ce sont des n’uds de tisserand qui attachaient [F]. Il ne tente pas d’identifier la femme corbeau qui envoyait les pompes funèbres ou les pompiers chez [E] et [ZA] [ZP], les parents de [BK]. « Rien n’est entrepris par le juge pour valider ou invalider ces hypothèses apparues au cours des premières semaines de l’enquête » (page 65).

25. « À force de torpiller son propre dossier, une énième expertise en écritures vient contredire les précédentes. Le juge [AC] entend donc relâcher [G] [ZO] » (page 66) ;

26. « Les gendarmes qui bossent quinze heures par jour sont agacés par les absences du juge le matin à 9h30 à son bureau, par l’impossibilité de le joindre au téléphone, par ses “escapades”, “sa propension à entretenir une cour de journalistes autour de lui” et par ses évitements des pistes à creuser. A chaque suggestion, [AC] sort sa formule favorite : “Je vais voir et réfléchir ‘” » (page 66) ;

27. « C’est bel et bien la piste originelle, celle qu’il [le juge [AC]] a sabotée, qui vient de reprendre corps un tiers de siècle plus tard » (page 69).

28. « Le juge s’apitoie sur le sort de [G] [ZO], ce « citoyen ordinaire pris dans la nasse judiciaire ». [‘] Il le fait passer pour un innocent. Pourtant c’est bel et bien la piste originelle, celle qu’il a sabotée, qui vient de reprendre corps un tiers de siècle plus tard. Le juge [AC] avait encore tout faux » (page 69).

29. « La remise en liberté, le 4 février précédent, du suspect numéro 1 du crime, [G] [ZO], les avait révoltés. Puis le 8 mars, le reporter de Paris Match [AE] [AK], devenu leur confident et leur « détective », était venu leur faire écouter l’enregistrement des premiers procès-verbaux de [ZT] [T] sur le rôle de [ZO] dans l’enlèvement de [F] » (page 97).

30. « Le père de [F] exige des comptes de son cousin sur sa dernière interview à [H] où il a lâché que les expertises contre [Y] ne l’ont pas étonné. [ZO] a rétorqué avec un demi-sourire « Les experts ont dû se faire payer ! ». Alors, le père de [F] fait feu » (page 99).

‘ Moyens des parties

Selon les consorts [ZO], Mme [ZJ] s’efforce tout au long de son ouvrage, et en particulier dans les paragraphes 1, 2 susvisés, à persuader le lecteur de l’implication de [G] [ZO] dans l’enlèvement et l’assassinat de [F] [ZP] alors qu’il a été innocenté par le juge [AC], la cour d’appel de Nancy et par les débats contradictoires devant la cour d’assises de Dijon de 1993.

Selon les appelants, les propos dans les paragraphes 3, 4, 5 susvisés portent gravement atteinte à la mémoire de [G] [ZO] ainsi qu’à la considération de ses héritiers en ce qu’il conduit le lecteur à conclure que celui-ci aurait participé à l’acte criminel alors que la culpabilité de [G] [ZO] a été écartée dans cette affaire par des décisions aujourd’hui définitives et contrairement à ce qu’écrit Mme [ZJ] il n’existe aucune charge sérieuse contre [G] [ZO] de son implication dans cet assassinat. Ils ajoutent que ces propos, reproduits dans les paragraphes 3, 4, 5 susvisés, sont d’autant plus diffamatoires que l’auteure indique que c’est le décès de [G] [ZO] qui a entraîné l’extinction de l’action publique et que c’est l’unique raison pour laquelle il n’a pas été condamné alors que les décisions de justice disent bien qu’il n’existe aucune preuve de la culpabilité de [G] [ZO] ou de son implication dans la mort de [F] [ZP].

Ils soulignent que toujours dans son intention d’étayer l’hypothèse fausse de la culpabilité de [G] [ZO], l’auteure évoque les premières déclarations de Mme [ZT] [T] accusant son beau-frère en paragraphes 6, 7, 8 susvisés, sans cependant rapporter les éléments de l’enquête qui ont mis en évidence les incohérences des accusations de Mme [ZT] [T], les erreurs des témoins sur la date à laquelle celle-ci n’avait pas pris le bus, les déclarations de Mme [ZT] [T] disculpant par la suite son beau-frère, le fait que l’enquête a démontré que les empreintes de pneus de la voiture de [G] [ZO] ne correspondent pas à celles relevées par les gendarmes.

Selon les appelants, s’agissant des déclarations de Mme [ZW] [AD] reproduites en page 87 de l’ouvrage (paragraphe 9 susvisé), l’auteure aurait dû préciser que dans sa déposition que Mme [ZW] [AD] a mis tour à tour en cause Mme [Y] [ZP] puis [G] [ZO] preuve que sa déposition n’est pas crédible. En omettant de le préciser, les consorts [ZO] prétendent que la preuve de la volonté de Mme [ZJ] de diffamer la mémoire de [G] [ZO] est rapportée.

Les appelants poursuivent en relatant que les déclarations de M. [ZY] [ZP], celles tendancieuses de M. [ZN] [R] , cousin de Mme [ZT] [T], ont pour objectif de présenter [G] [ZO] comme l’auteur de l’enlèvement et de diffamer sa mémoire.

Les consorts [ZO] prétendent que les propos retranscrits en paragraphes 12, 13, 14, 15 précités tendent à faire accréditer la thèse de la complicité de Mme [ZT] [T] dans l’enlèvement et l’assassinat de [F] [ZP], propos qui vont même jusqu’à prétendre que [G] [ZO] avec la complicité de sa belle-soeur a injecté une dose d’insuline pour anesthésier l’enfant ; que Mme [ZJ] accuse [G] [ZO] d’être l’instigateur de l’empoisonnement de l’enfant avec la complicité active de Mme [ZT] [T] qui a injecté la dose d’insuline et que cette dernière n’avait pas compris les conséquences de son acte. Il s’agit selon eux d’une diffamation à l’encontre de [G] [ZO]. Ils ajoutent que Mme [ZJ] laisse à penser que les auditions de Mme [ZT] [T] ont été gentilles et douces alors qu’il a été démontré lors de l’enquête, de l’instruction et du procès de [Localité 16] en 1993 que celles-ci furent brutales ce que le gendarme [ZZ] a reconnu.

Ils soutiennent encore que les propos retranscrits en paragraphes 17, 18 et 19 susvisés selon lesquelles Mme [ZT] [T] aurait été frappée après la dénonciation de son beau-frère dans l’enlèvement de [F] [ZP] sont destinés à convaincre le lecteur de la véracité des premiers témoignages de l’intéressée et des pressions qu’elle aurait subies de la part de sa famille et notamment de Mme [ZL]-[P] [ZO] pour qu’elle revienne sur ceux-ci. Selon eux, ces propos sont diffamatoires.

Ils font valoir que, en paragraphe 20 susvisé, pour corroborer son point de vue, Mme [ZJ] évoque le transport sur les lieux qui corroboreraient des éléments énoncés par Mme [ZT] [T] sans mentionner toutefois qu’au cours de ce transport, le 5 novembre 1984, le juge [AC] a pu constater les hésitations de celle-ci, hésitations et absence de reconnaissance des lieux par l’intéressée qui ont conduit le juge à se méfier de la fiabilité de son témoignage. Ils en concluent que cet ouvrage passe délibérément sous silence des éléments du dossier établissant que la dénonciation de Mme [ZT] [T] envers [G] [ZO] était fausse et contredite par l’enquête.

S’agissant du rôle du juge [ZI] et de ses conclusions en février 1993, ils prétendent que les propos retranscrits en paragraphe 21 susvisé sont diffamatoires puisqu’ils conduisent le lecteur à conclure que [G] [ZO] a enlevé [F] [ZP] alors que sa culpabilité a été écartée par la cour d’assises de Dijon en 1993. Ils ajoutent que l’ouvrage présente le juge [ZI] comme l’anti [AC], qui a fait un travail rigoureux et qui a forcément débouché sur la vérité judiciaire alors que le travail de ce juge à l’encontre de [G] [ZO] a été mené à charge au mépris de la présomption d’innocence de ce dernier et des intérêts de sa famille.

Ils rappellent que l’Etat a été condamné pour faute lourde au titre de la déficience généralisée dont il a fait preuve dans cette affaire.

Ils affirment que le fait de présenter ce magistrat comme un magistrat modèle vise en réalité à crédibiliser les charges contre [G] [ZO] ce qui prouve l’absence d’impartialité et de neutralité de l’auteur et de son ouvrage ce qui est manifeste dans les propos retranscrits en paragraphe 22 susvisé. Ils insistent sur le fait que de tels propos traduisent en outre la déception personnelle de l’auteure au démenti sur l’inculpation de [G] [ZO].

Ils s’insurgent de ce que Mme [ZJ] puisse, en paragraphe 23 précité, prétendre avec une mauvaise foi certaine que [G] [ZO] a été innocenté à la suite des stratagèmes mis en place par ses avocats visant à déstabiliser le juge [AC]. Ils soutiennent que Mme [ZJ] s’efforce encore de convaincre le lecteur de la culpabilité de [G] [ZO] dans l’enlèvement et l’assassinat de [F] [ZP].

Ils exposent que Mme [ZJ] s’acharne contre [G] [ZO] par ses propos contre le juge [AC] en paragraphes 24, 25, 26, 27 et 28 précités, mettant directement en cause sa compétence et son intégrité professionnelles dans le seul but d’accréditer la thèse de la culpabilité de [G] [ZO] dans l’enlèvement et l’assassinat de [F] [ZP] en dénaturant et ridiculisant toutes les preuves le disculpant.

Les consorts [ZO] soulignent que les propos retranscrits, paragraphes 29 et 30 précités, sont encore diffamatoires envers [G] [ZO] en ce que, selon Mme [ZJ], M. [BK] [ZP] avait une bonne raison de tuer [G] [ZO]. Ils soulignent que même l’assassinat de [G] [ZO] n’est pas relaté de manière exacte puisqu’il est mis dans sa bouche les propos ‘les experts ont dû se faire payer’ laissant ainsi penser que ce sont ces paroles qui ont déclenché sa mort.

Les intimés poursuivent la confirmation du jugement qui retient l’absence de caractère diffamatoire des propos ainsi retranscrits sous cette troisième série de propos poursuivis. Ils soutiennent que le premier juge a exactement retenu qu’aucun de ces propos retranscrits en italique ne répond à la définition de diffamation à l’encontre de la mémoire de [G] [ZO], à son honneur et à sa considération, au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Au surplus, ils soutiennent que ces prétendues atteintes se trouvent contredites par les pièces de l’offre de preuve.

‘ Appréciation de la cour

La cour rappelle que ce ne sont que les propos en italique qui sont dénoncés comme étant diffamatoires de sorte que la cour n’examinera que ces seuls propos.

La cour constate que dans les assignations, les consorts [ZO] reproduisent différents paragraphes en italique, en précisant les pages du livre de Mme [ZJ] d’où ils sont extraits. Ces paragraphes ne suivent pas l’ordre chronologique de l’ouvrage.

Les consorts [ZO] procèdent encore une fois de la même façon que ce qui a été décrit précédemment à l’occasion de l’examen de la deuxième diffamation dénoncée.

La cour constate encore que ces propos retranscrits sous un titre ‘3ème diffamation sur l’enlèvement et l’assassinat de l’enfant’ ne contiennent aucun sous-titre dans l’assignation alors que dans les dernières conclusions notifiées à la cour par les appelants, ils sont énumérés et regroupés dans des sous-titres allant d’un point a) à un point n) ainsi intitulés :

– a) sur l’implication (pages 44, 63) ;

– b) sur l’extinction de l’action publique (pages 7, 19-20, 150) ;

– c) sur les déclarations de [ZT] [T] (pages 41-42, 43, 233) ;

– d) sur les déclarations de Mme [ZW] [AD] (page 87) ;

– e) sur les déclarations de M. [ZY] [ZP] (pages 232, 140) ;

– f) sur la complicité de [ZT] [T] (pages 48, 51, 44) ;

– g) sur l’implication de [ZL]-[P] [ZO] (pages 45, 162) ;

– h) sur le transport sur les lieux (page 44) ;

– i) sur le rôle du juge [ZI] (page 46) ;

– j) sur la condamnation de l’Etat pour le dysfonctionnement du service public de la justice ;

– k) sur l’implication des avocats de [G] [ZO] (pages 64 et 65) ;

– l) sur le sabotage de l’enquête par le juge [AC] (pages 65, 66, 69) ;

– m) sur l’assassinat de [G] [ZO] (pages 97, 99) ;

– n) sur l’intention de nuire aux proches.

Les propos figurant dans le paragraphe 1 susvisé sont extraits du chapitre 4, que la cour a pu décrire précédemment. Il n’impute aucun fait précis et déterminé de nature diffamatoire à l’égard de [G] [ZO], mais rapportent des éléments de l’enquête.

Ceux reproduits dans le paragraphe 2 susvisé sont extraits du chapitre 6, précédemment examiné par cette cour. Il n’impute aucun fait précis et déterminé de nature diffamatoire à l’égard de [G] [ZO]. Ils n’entrent donc pas dans les prévisions des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Il sera observé que le fait de mettre en parallèle ces deux séries de propos, de les extraire de leur contexte, de les commenter et ainsi d’expliquer les ‘intentions’ de l’auteure démontre encore plus, si besoin était, que ces propos ne sont ni précis ni déterminés ni de nature à répondre aux exigences des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Au reste, le fait que les appelants aient ressenti le besoin dans leurs dernières écritures d’intituler les séries de propos dénoncés renforce cette conclusion.

Les paragraphes 3 à 5 précités sont de la même manière extraits de leur contexte, s’éloignent du déroulement chronologique de la narration de l’ouvrage, juxtaposent des propos tenus en 2017 lors d’une conférence de presse du procureur général de Dijon, par le colonel [ZC] à l’occasion de l’interview contemporaine pratiquée par l’auteure et font dire à l’auteure ce qu’elle ne dit pas.

Ces propos ne sont ni précis, ni déterminés, ni de nature à répondre aux exigences des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

C’est par d’exacts motifs, adoptés par cette cour, que le premier juge a retenu que les propos retranscrits dans les paragraphes 6 à 8 n’imputent aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de feu [G] [ZO] et ne répondent pas aux exigences des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les propos retranscrits au paragraphe 9 susvisé sont tronqués et dénaturés. En effet, contrairement à la présentation des consorts [ZO], ce n’est pas ‘l’auteur qui prétend que Tante [ZW]….’ mais qui rapporte les propos du juge [ZI] tels qu’il figure dans ses carnets ou/et dans les lettres qu’il adresse à son fils.

Ils ne relèvent donc pas des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les propos retranscrits au paragraphe 10 précité ne sont pas tenus pas l’auteure, contrairement à ce que soutiennent les appelants, mais sont tirés de l’ordonnance de non-lieu prononcée par le juge [ZI] à l’encontre de Mme [Y] [ZP] le 3 février 1993. L’auteure n’affirme rien, elle rapporte les énonciations d’une décision de justice dans un chapitre qui est consacré à Mme [ZT] [T]. Mme [ZJ] ajoute même à la suite de ces propos dénoncés comme étant diffamatoires envers la mémoire de [G] [ZO] que ‘le 28 juin 2017, Me [YX] ne veut plus entendre parler de ce ‘témoignage abusivement utilisé de [ZW] reconnue atteinte de troubles psychiques’ ‘. Là encore, il apparaît que le livre de Mme [ZJ] a pour ambition de faire le point, le récit complet, sur cette ‘machination familiale’, thèse avancée par la justice dans ses derniers développements sur l’affaire du meurtre de [F] [ZP] en 2017.

De tels propos ne relèvent donc pas des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse puisqu’ils n’imputent aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de [G] [ZO] et ne répondent pas aux exigences des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les propos reproduits dans le paragraphe 11 susmentionnés ne sont nullement tenus par Mme [ZJ], mais par Mme [AT] [AL] lors de son interrogatoire par les gendarmes de [Localité 16] le 24 mars 2016. Ils figurent dans le chapitre 11 consacré à cette journaliste.

De tels propos ne relèvent donc pas des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse puisqu’ils n’imputent aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de [G] [ZO] et ne répondent pas aux exigences des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les propos retranscrits dans les paragraphes 12 et 13 sont tronqués, voire dénaturés, sortis du contexte narratif et font dire à l’auteure ce qu’elle ne dit pas.

En effet, contrairement à ce qu’affirment les consorts [ZO], à savoir que Mme [ZJ] prétend (au paragraphe 12 susvisé) que « [G] [ZO], informé des propriétés de l’insuline, a conçu le projet d’anesthésier l’enfant en utilisant les produits pharmaceutiques de sa belle-mère et la compétence de sa belle-s’ur. Les hauts juges n’écartent toutefois pas complètement cette hypothèse « du fait de la découverte du flacon d’insuline et de la seringue à proximité du lieu d’immersion possible à la victime » (page 48), il résulte de l’ouvrage que ce n’est pas l’auteure qui le prétend, mais qui rapporte les énonciations de l’arrêt de la cour d’appel de Dijon à la suite de la plainte avec constitution de partie civile des parents de [F] [ZP] et de la grand-mère [ZA] le 25 novembre 1985 contre Mme [ZT] [T] pour ‘complicité d’assassinat, non-opposition à la réalisation d’un crime, non-assistance à personne en danger, abstention volontaire de témoigner et non-dénonciation d’un crime’.

Selon l’ouvrage, ce sont les parties civiles qui sont persuadées que ‘ [G] [ZO], informé des propriétés de l’insuline, a conçu le projet d’anesthésier l’enfant en utilisant les produits pharmaceutiques de sa belle-mère et la compétence de sa belle-s’ur. Les hauts juges n’écartent toutefois pas complètement cette hypothèse « du fait de la découverte du flacon d’insuline et de la seringue à proximité du lieu d’immersion possible à la victime » (page 48). Il est donc clair que Mme [ZJ] rapporte les affirmations des parties civiles, les réticences de la cour d’appel de Dijon sur ce terrain, mais le fait que cette piste n’est pas écartée puisque des éléments matériels ont été découverts à proximité du lieu d’immersion de [F] [ZP].

S’agissant du paragraphe 13, c’est toujours la cour d’appel de Dijon qui énonce et les propos sont encore une fois tronqués et ne disent pas ce que les appelants soutiennent à savoir que ‘l’auteur semble aller jusqu’à prêter à l’acte de l’injection de la dose d’insuline à [ZT] [T]’. En effet, dans l’ouvrage, il est indiqué que les hauts magistrats ne suivent pas la thèse soutenue par les parties civiles, ‘Mais (qu’) ils se montrent prudents : ‘En l’absence d’autres indices et de témoignages, il est impossible d’imputer une telle injonction à [ZT] [T] qui, à s’en tenir à la déposition de Mme [U], ne savait pas encore faire des piqûres à sa mère au mois d’octobre 1984. Même si elle avait piqué [F] [ZP], il est douteux que cette jeune fille de 15 ans, peu instruite, ait compris le but et les conséquences de l’acte demandé par son beau-frère » (page 48)’.

C’est également par d’exacts motifs que les premiers juges ont retenu que les propos reproduits au paragraphe 14 susvisé n’étaient pas diffamatoires envers la mémoire de [G] [ZO] dès lors qu’ils n’imputaient aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération. Il convient en outre d’observer que ces propos sont encore une fois sortis de leur contexte narratif. Ils ne figurent pas dans le même chapitre que ceux figurant aux paragraphes 12 et 13, qui sont inclus au chapitre 4, intitulé ‘[ZT] [T], celle qui sait’, mais au chapitre 5, intitulé ‘La fabrique d’une coupable’ et ils visent à expliquer les raisons du non-lieu prononcé en faveur de Mme [Y] [ZP].

De tels propos ne relèvent donc pas des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse puisqu’ils n’imputent aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de [G] [ZO] et ne répondent pas aux exigences des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

C’est par d’exacts motifs adoptés par cette cour que le premier juge a retenu que les paragraphes 15 à 20 sont consacrés aux développements de l’enquête et de l’instruction concernant Mme [ZT] [T]. Ils n’imputent aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de [G] [ZO] et ne répondent pas aux exigences des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Comme le retient le premier juge, dans le paragraphe 21 susvisé, les propos rapportés par Mme [ZJ] sont ceux du juge [ZI] tels qu’ils figurent dans ses conclusions de l’époque. C’est donc à tort que les consorts [ZO] prétendent qu’en les reproduisant, les intimés ont imputé un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de [G] [ZO], ce qui n’est pas exact. Ils ne relèvent donc pas des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Contrairement à ce que prétendent les consorts [ZO], au paragraphe 22 susvisé, ce n’est pas Mme [ZJ] qui ‘fait état de sa déception personnelle’, mais elle rapporte, à partir de documents d’archives et de livres de témoins, gendarmes et journalistes, l’état d’esprit des journalistes à l’époque des faits qui avaient annoncé un ‘scoop’, à savoir, l’arrestation de [G] [ZO], après avoir partagé les confidences du juge [AC] en octobre 1984 attablés avec lui dans un restaurant voisin du palais de justice et qui se trouvaient dépités en raison d’un démenti.

Encore une fois, les consorts [ZO] sortent les propos de leur contexte narratif, de la chronologie du livre, et les dénaturent en leur faisant dire ce qu’ils ne disent pas. Ces propos figurent au chapitre 6, intitulé ‘Pour le ‘petit juge’, le costume était trop grand’. Les propos ne se rapportent pas à [G] [ZO], ne lui imputent aucun fait, mais ont trait au juge [AC] et à sa manière d’instruire cette affaire.

De tels propos ne relèvent donc pas des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse puisqu’ils n’imputent aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de [G] [ZO].

C’est encore de manière erronée que les consorts [ZO] prétendent qu’au paragraphe 23 susvisé, Mme [ZJ] ‘profère des accusations graves et infamantes à l’encontre des avocats de [G] [ZO]’. En effet, il sera d’abord observé que ce paragraphe figure au chapitre 6, susmentionné, consacré à l’instruction du juge [AC]. Ils sont tronqués, sortis du contexte narratif et font dire à l’auteur ce qu’elle ne dit pas. En effet, ce qui est indiqué dans l’ouvrage est ceci : ‘Après le dîner en compagnie des reporters, [BL] [AC] répond à l’interview de [ZK] [ZS] qui publie dans Le Figaro du 8 novembre ‘Les certitudes du juge’ qui, selon [AT] [AL], apparaissent ‘sans faille’ sur l’implication de [ZO]’. Suivent les propos dénoncés ‘Mais les défenseurs de l’ouvrier cégétiste devenu cadre à la filature [O], (‘) vont vite pilonner ses convictions et annuler des pièces majeures qui n’ont pas été traitées suivant les règles de la procédure. Ainsi disparaît le « foulage » des initiales de [ZO] apparues en filigrane de la lettre de revendication du crime’.

Ainsi, Mme [ZJ] se borne à rapporter que les avocats de [G] [ZO] ont obtenu l’annulation de certaines pièces de la procédure et ébranler les convictions ‘sans faille’ du juge. Non seulement ces propos n’imputent aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de [G] [ZO], mais ils ne disent pas ce que les consorts [ZO] prétendent.

De tels propos ne relèvent donc pas des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les propos retranscrits sous les paragraphes 24 à 28 ne concernent pas [G] [ZO], ne lui imputent aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération, mais concernent uniquement le juge [AC].

C’est donc avec raison que le premier juge a retenu qu’il ne s’agissait pas de propos diffamatoires relevant des dispositions des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Il en va de même pour les propos retranscrits aux paragraphes 29 et 30, rien dans ceux-ci ne permet de retenir l’existence de faits diffamatoires envers la mémoire d’un mort. Il sera ajouté que, contrairement à ce que soutiennent les consorts [ZO], ce n’est pas Mme [ZJ] qui relate l’assassinat de [G] [ZO] dans ce passage, mais elle rapporte le récit de M. [BK] [ZP] extrait du livre qu’il a écrit avec sa femme [Y] intitulé ‘Le seize octobre’. Au reste, les propos reproduits aux paragraphes 29 et 30 susvisés figurent au chapitre 9 intitulé ‘Le chagrin dans le sang’ consacré aux parents de [F] [ZP].

En définitive, la troisième série de propos qualifiés par les appelants de ‘Diffamation sur l’enlèvement et l’assassinat de l’enfant’ ne constitue pas des propos diffamatoires portant atteinte à la mémoire de [G] [ZO] au sens des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

1.d. La participation à un acte criminel (4ème diffamation)

Les propos reproduits en italique dans l’assignation au titre de la 4ème diffamation sont les suivants :

‘Mon scénario, c’est le coup de folie d’un seul homme, ravagé qui passe à l’acte en prenant [F] et qui va jusqu’au bout. Sinon, comment expliquer les risques pris en postant cette lettre anonyme juste après l’enlèvement et dans le village même de [Localité 22] où l’enfant vient d’être kidnappé ‘ Il est rare d’ailleurs qu’un corbeau exécute ses menaces. J’ai du mal à penser que la folie criminelle soit partagée entre plusieurs individus”. Toutefois, sa thèse n’exclut pas l’existence de comparses sachant ce qui se tramait pour attraper le fils du “chef” et ayant pu participer à l’élaboration du projet d’enlèvement’ (page 151).

Ces propos sont ceux du colonel [ZC] et figurent dans l’ouvrage au chapitre 12, intitulé ‘La constance du gendarme [ZC]’. C’est exactement que le premier juge a retenu qu’ils ne constituaient pas des propos diffamatoires portant atteinte à l’honneur ou à la réputation de [G] [ZO] au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Au reste, dans ce passage, il n’est nullement question de [G] [ZO]. La reproduction de ce passage, mis en parallèle avec les derniers éléments de l’enquête apparaît cohérent, logique compte tenu du propos de l’auteur dans cet ouvrage et nullement de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la réputation de [G] [ZO] au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. En effet, l’ouvrage de Mme [ZJ] a pour ambition de livrer aux lecteurs les derniers développements de l’enquête qui ont conduit le 14 juin 2017 aux arrestations de membres de la famille [AD] et le dernier scénario envisagé par les enquêteurs, celui d’un acte collectif, enquêteurs qui ont repris l’enquête avec les dernières méthodes d’investigation. L’ensemble de la procédure, depuis son commencement, a été passé au crible du logiciel AnaCrim ce qui a permis de mettre en relation les éléments du dossier et de cibler les pistes possibles et utiles pour les enquêteurs. L’auteure explique dans son livre qu’elle a pu consulter ce travail d’analyse remis à la magistrate, présidente de la chambre de l’instruction de Dijon, Mme [N] [D]. Elle livre donc aux lecteurs ces éléments. Elle les informe.

Ce faisant, elle exerce une liberté fondamentale, celle de la liberté d’expression et du droit à l’information, l’autorisant à exprimer son opinion, à informer le lecteur sur une affaire criminelle non élucidée, qui a connu et connaît encore un retentissement médiatique majeur. Citer [G] [ZO], énoncer les différents épisodes judiciaires le concernant, jusqu’à cette conférence de presse du procureur général près la cour d’appel de Dijon, M. [B], constitue une information journalistique et ne peut en soi être considéré comme diffamatoire dès lors que l’ouvrage livre les derniers développements de cette enquête et le dernier scénario envisagé. Admettre la thèse inverse des consorts [ZO], contraire tant à la lettre qu’à l’esprit de l’article 34 de la loi du 29 juillet 1881, texte de nature pénale et donc d’interprétation stricte, reviendrait à interdire à la presse ne serait-ce que de mentionner le fait objectif que [G] [ZO] ait été à un moment donné soupçonné d’être le corbeau de l’affaire, le kidnappeur de l’enfant assassiné, tout aussi objectif que le fait lui-même qu’il ait ensuite été disculpé, que le fait encore que les derniers développements de l’enquête se dirigent vers la thèse de la machination familiale impliquant différents membres de la famille de l’enfant assassiné. Or, il est indubitable qu’une telle interdiction heurterait de manière frontale la liberté d’expression garantie tant par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen que par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et la liberté de la presse garantie par cette même loi du 29 juillet 1881.

En définitive, la quatrième série de propos qualifiée par les appelants de ‘Diffamation sur la prétendue participation à un acte criminel collectif’ ne constitue pas des propos diffamatoires portant atteinte à la mémoire de [G] [ZO] au sens des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

1.e. Les prétendus mobiles de l’acte criminel (5ème diffamation)

Les propos reproduits en italique dans l’assignation au titre de la 5ème diffamation sont les suivants :

‘Bien que l’auteur énonce que « les raisons profondes de la haine qui semble avoir dicté ce crime demeurent incertaines » (page 46) ‘elles avancent plusieurs explications, à l’évidence infamantes, conduisant le lecteur à conclure que [G] [ZO] avait bel et bien de sérieux mobiles pour commettre ce crime atroce. 1. « Les corbeaux en connaissaient davantage encore sur les secrets de famille des [ZP], les infidélités et les soucis de chacun, grâce à [G] [ZO] qui les tenait de [ZY] [ZP] [‘] [ZY] [ZP] et [G] [ZO], dévorés par la jalousie à l’égard du contremaître, constituerait pour l’accusation le déclencheur de l’explosion de haine dont le fils fut la victime » (page 20).

2. ‘Depuis l’été 1981, l’apparition du duo de corbeaux en même temps que l’installation du téléphone chez les [ZP] a exacerbé les ranc’urs que l’on remâche sur les hauteurs d'[Localité 11], entre les [AD] et les [ZO], intimement liés’ (page 21) ;

3. « Et puis [BK] veut absolument savoir si [J], marraine du petit [ZU] [ZO], atteint d’hydrocéphalie, a répété aux parents de celui-ci les paroles récentes de [Y] lors d’un repas de famille. [ZU] venait de faire sa première rentrée scolaire en septembre 1984, un an après [F]. [J] discutait avec [Y] des soucis de [ZL]-[P], «embêtée », et qui avait demandé à la maîtresse de « faire attention à ce que son fils ne soit pas bousculé ». Et [Y] avait lancé qu’il ne faut quand même pas pénaliser tous les gamins et les empêcher de jouer dans la cour, sinon « mieux vaut qu’elle mette [ZU] dans une école spécialisée ». Connaissant la susceptibilité de son cousin [ZO] sur le handicap de son fils, [BK] se demande après coup si « de simples maladresses ont pu entraîner chez des gens mauvais » un acte sans commune mesure » (page 37) ;

4. ‘Les analystes criminelles de la gendarmerie qui mettent à plat toutes ces histoires de famille sur 105 pages ont repéré que « les [AD] vouent une haine inconsidérée aux [ZP]» depuis des lustres et en retracent différents épisodes’ (pages 170-171).

‘Elle énonce notamment que, d’après le procès-verbal d’analyse criminelle dressé par les gendarmes, [ZY] et [J] [ZP], lors d’une visite à [BK] [ZP],

5. «apprennent que [BK] « peut toucher des commissions s’il vend des maisons », qu’il a reçu une prime de participation aux bénéfices de son usine Autocoussin et contracté un prêt à un taux très avantageux pour agrandir son domicile. Outre sa cave garnie de bonnes bouteilles de vin achetées chez Champion, le couple avise son « très beau salon en cuir payé comptant 20 000 francs ». Et [ZY], qui en est resté baba, on s’en souvient, lui a lancé : « Il faut vraiment être un chef pour se payer çà ! » » (pages 181 et 182).

6. « [G] [ZO] lui demande si, par hasard, il n’y aurait pas une place dans son entreprise à [Localité 20]. Le « chef » [BK] [ZP] lui répond, un peu trop vite à son goût, que « la fabrique Autocoussin n’embauche pas ». Dans la même période, deux appels silencieux sont passés chez les parents du contremaître, [E] et [ZA] [ZP] » (page 107).

7. « Ta femme [à [ZY] [ZP]] te fait cocu avec Popof » que « [ZO], réputé coureur de jupons, courtise [J] qu’il vient chercher tous les soirs à l’arrêt de bus, mais elle aurait repoussé ses avances » (7.1 page 174) et affirme que [G] [ZO] était « connu pour être un « coureur de jupons » » (7.2 page 195).

8. « La synthèse d’analyse criminelle en déduit que « le lien très étroit » entre [ZX] [AD] et le couple [ZY] et [J] [ZP] est « la clé de voûte de la manipulation qui a permis le passage à l’acte de [G] [ZO] dans l’enlèvement de [F], sans qu’il ait connaissance de l’issue fatale qui lui était réservée ». Son « intention coupable » serait circonscrite au kidnapping » (page 189).

9. « Le mobile de ce crime d’enfant relève d’une « vengeance » contre le chef [BK] [ZP], comme l’a revendiqué le meurtrier, et c’est donc au sein des clans jaloux de la réussite du père de [F] qu’il faut chercher. La magistrate [N] [D] et le colonel de gendarmerie [I] [AH] traquent donc au sein de la lignée [ZP]-[AD]-[ZO] les malfaisants ayant déversé des heures de méchancetés téléphoniques aux grands-parents de [F] et à leurs fils » (page 170).

Les propos retranscrits aux paragraphes 1 à 6 susmentionnés n’imputent aucun fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de [G] [ZO] et ne répondent pas aux exigences des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les propos retranscrits au paragraphe 7.1 sont des extraits des allégations du corbeau qui, par téléphone, livre cette information à M. [ZY] [ZP], frère de [BK], sur les infidélités de sa femme ; ceux retranscrits au 7.2 sont des questions posées par les enquêteurs à Mme [S] [AD] le 16 octobre 1984. Sortis de leur contexte, commentés de manière orientée par les consorts [ZO], prêtant à l’auteure des propos qu’elle ne tient pas, ils ne peuvent être considérés comme diffamatoires au sens des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les propos retranscrits aux paragraphes 8 et 9 résultent de la synthèse d’analyse criminelle issue du travail de 350 analystes criminels qui ont utilisé le logiciel AnaCrim et de l’exploitation des différents éléments de l’enquête, depuis son début, analysés par ces derniers et livrés au dernier magistrat chargé d’instruire l’enquête sur le meurtre de [F] [ZP]. Mme [ZJ] livre ainsi au lecteur les dernières orientations de l’enquête, son dernier état.

Ces propos ne peuvent être considérés comme diffamatoires au sens des articles 29, alinéa 1er, et 34, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ainsi qu’il l’a été exposé in fine du paragraphe 1.d.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que les infractions dénoncées ne sont pas constituées et, par voie de conséquence, les demandes des consorts [ZO], infondées, seront rejetées.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les demandes accessoires

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [ZO], parties perdantes, supporteront les dépens d’appel. Leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Il apparaît équitable d’allouer la somme de 2 500 euros à chaque intimé (soit la somme totale de 7 500 euros).

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

Dans les limites de l’appel,

CONFIRME l’ordonnance du 18 juin 2019 rendue par le juge de la mise en état de la 1ère chambre du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Versailles ;

CONFIRME le jugement du 17 septembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Versailles ;

CONDAMNE Mme [ZL]-[P] [T], veuve [ZO], M. [ZU] [ZO] et M. [AO] [ZO] aux dépens d’appel ;

CONDAMNE Mme [ZL]-[P] [T], veuve [ZO], M. [ZU] [ZO] et M. [AO] [ZO] à verser à chacun des intimés (M. [C], Mme [ZJ] et la société Les Éditions du Seuil) la somme de 2 500 euros (soit 7 500 euros au total) ;

REJETTE toutes autres demandes.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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