Droit de réponse en ligne : décision du 15 février 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/59491

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Droit de réponse en ligne : décision du 15 février 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/59491
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 23/59491 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3ROC

FMN° : 1

Assignation du :
15 Décembre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 15 février 2024

par Delphine CHAUCHIS, Première vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier.

DEMANDERESSE

S.A. PERENCO OIL & GAS GABON
[Adresse 4]
[Localité 3] (GABON)

représentée par Maître Jonathan MATTOUT du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocats au barreau de PARIS – #J0025, Maître Clément DUPOIRIER du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocats au barreau de PARIS – #J0025

DEFENDEUR

Monsieur [H] [S] en sa qualité de directeur de la publication des sites internet www.africaintelligence.fr et www.africaintelligence.com
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Maître Bruno ANATRELLA de l’AARPI BAGS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #E1404

Assignation dénoncée le 18 décembre 2023 à Madame la Procureure de la République du Tribunal Judiciaire de Paris

DÉBATS

A l’audience du 16 Janvier 2024, tenue publiquement, présidée par Delphine CHAUCHIS, Première vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu l’assignation délivrée par acte d’huissier du 15 décembre 2023, à la requête de la société PERENCO OIL & GAS GABON à [H] [S], directeur de publication des sites internet www.africaintelligence.fr et www.africaintelligence.com, au visa des articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et libertés fondamentales, 6 IV de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, 13 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 491 et 835 du code de procédure civile et du décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007, devant le juge des référés de ce tribunal auquel elle demande :

D’ordonner à [H] [S], en sa qualité de directeur de la publication des sites internet www.africaintelligence.fr, de publier in extenso sur ce site, immédiatement à la suite de l’article intitulé en français « Perenco dans le viseur de la junte », disponible à l’adresse url https:/www.africaintelligence.fr/afrique-centrale/2023/11/20/perenco-dans-le-viseur-de-la-junte,110099155-art, dans un délai de 24 heures à compter de la signification de l’ordonnance, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai, le texte suivant :
« Dans le prolongement de la publication de l’article « Perenco dans le viseur de la junte », le 20 novembre 2023, qui suggère des liens avec des membres de la famille [P] faisant l’objet de poursuites pénales au Gabon, fait état de soupçons de comportements délictuels et remet en cause les conditions d’attribution du champ Sardine, Perenco Oil & Gas Gabon tient à apporter les précisions suivantes, pour la parfaite information de vos lecteurs.
L’article fait état de « liens présumés entre Perenco et l’ancienne première dame [L] [P] et son fils [A] [P], tous deux incarcérés et accusés notamment de « corruption », « détournements de fonds publics » et « blanchiment de capitaux » ». Or, il n’existe aucun lien entre notre société, d’une part, et Mme [L] [P] et M. [A] [P], d’autre part.
L’article mentionne que « Perenco Oil & Gas Gabon, est entre autres soupçonnée de manœuvres financières hasardeuses, d’évasion fiscale, d’arriérés d’impôts et taxes sur les profits générés par les 120 000 barils/jour qu’elle produit dans le pays grâce à l’exploitation d’une quarantaine de champs » et suggère un rapprochement entre des « contrats, accords et pratiques en vigueur sous l’ancien régime » et les accusations portées contre MM. [A] [P] et [Y] [G]. Perenco Oil & Gas Gabon dément fermement les insinuations dont elle fait ainsi l’objet, précise qu’elle paie tous les impôts dont elle est redevable en application de la loi gabonaise et qu’elle est totalement étrangère aux accusations portées contre MM. [A] [P] et [Y] [G].
A propos du champ Sardine, l’article fait état du fait que des « [f]lux financiers entre Perenco et le clan de l’ancien président [B] [P] sont aussi analysés par les enquêteurs et les font s’interroger sur les conditions d’obtention du champ Sardine ». Perenco Oil & Gas Gabon a obtenu le permis d’exploitation du champ Sardine, inexploité depuis une quarantaine d’années en raison des défis techniques qu’il soulevait, et en est devenue opérateur de façon parfaitement régulière, conformément aux lois en vigueur au Gabon ».

D’ordonner à [H] [S], en sa qualité de directeur de la publication des sites internet www.africaintelligence.com, de publier in extenso sur ce site, immédiatement à la suite de l’article intitulé en anglais « Perenco in the junta’s crosshairs », disponible à l’adresse url https:/www.africaintelligence.com/central-africa/2023/11/20/perenco-in-the-junta-s-crosshairs,110099213-art, dans un délai de 24 heures à compter de la signification de l’ordonnance, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai, le texte suivant :
« Further to the publication of an article titled « Perenco in the junta’s crosshairs » on 20 November 2023, which suggests links with members of the [P] family who are investigated in Gabon, mentions suspicions of illegal behaviours, and calls into questions the circumstances in which the Sardine oilfield was obtained, Perenco Oil & Gas Gabon wishes to bring the following clarification to your readers.
The article refers to « alleged links between Perenco and the former first lady [L] [P], as well as her son [A] [P]. [L] and [A] [P] are currently in prison facing accusations of « corruption », « embezzlement of public funds » and « money laundering » ». There is no link between our company, on the one hand, and Ms [L] [P] and Mr [A] [P], on the other hand.
The article mentions that « Perenco Oil & Gas Gabon, is suspected, among other things, of risky financial manœuvres, tax evasion and tax arrears on the profits generated by the 120,000 barrels per day it produces in the country thanks to the operation of some 40 oilfields » and suggests a link between « contracts, agreements and practices in force under the former regime » and charges pressed against MM. [A] [P] et [Y] [G]. Perenco Oil & Gas Gabon firmly denies the insinuations against it, stresses that it pays all taxes which it has to pay pursuant to Gabonese law, and that it has nothing to do with the accusations brought against Messrs [A] [P] et [Y] [G].
Regarding the Sardine oilfield, the article states that « [f]inancial flows between Perenco and former president [B] [P]’s clan are also being analysed by the investigators in charge of the case, which mainly targets the conditions under which the Sardine oilfield was obtained. » Perenco Oil & Gas Gabon obtained the exploration permit for the Sardine oilfield, which was on hold for 40 years because of the technical challenges it raised, and operates it in a perfectly legitimate manner, in accordance with the laws in force in Gabon ».

de juger que cette insertion devra être précédée d’un avertissement ;
de condamner [H] [S], en sa qualité de directeur de la publication des sites internet www.africaintelligence.fr et www.africaintelligence.com, à payer à PERENCO OIL & GAS GABON la somme d’un euro symbolique à titre de provision sur dommages-intérêts ;
de condamner [H] [S], en sa qualité de directeur de la publication des sites internet www.africaintelligence.fr et www.africaintelligence.com, à payer à PERENCO OIL & GAS GABON la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Vu l’acte de dénonciation de ladite assignation au ministère public, en date du 18 décembre 2023,

Vu les conclusions déposées et soutenues à l’audience du 16 janvier 2024, par lesquelles [H] [S] demande au juge des référés, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, de :

Constater l’absence de trouble manifestement illicite ;
Constater l’existence de contestations sérieuses ;
Déclarer la société PERENCO OIL & GAS GABON irrecevable et mal fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
Débouter la société PERENCO OIL & GAS GABON de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Condamner la société PERENCO OIL & GAS GABON à verser au défendeur la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société PERENCO OIL & GAS GABON aux entiers dépens.
Lors de l’audience du 16 janvier 2024, les conseils des parties ont oralement soutenu leurs écritures.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 15 février 2024, par mise à disposition au greffe.

Par voie électronique, le conseil de la société demanderesse a communiqué, le 19 janvier 2024, un extrait du registre du commerce et du crédit mobilier du Tribunal de Libreville au GABON, après avoir souligné à l’audience que les conclusions déposées par son confrère la veille ne lui avait pas permis de se munir de pièces actualisées sur la structure de sa cliente.

Par message électronique, le conseil du défendeur a sollicité le rejet de ce document communiqué postérieurement aux débats et, en tout état de cause, souligné que cet élément ne venait aucunement remettre en cause les arguments développés pour le compte de [H] [S] tant dans ses conclusions que lors de l’audience de plaidoirie, notamment sur le fait que les prétendus droits de réponse avaient été adressés par une personne dont il n’était pas démontré qu’elle était habilitée à cette fin.

MOTIFS

Sur la publication litigieuse

Dans ses écritures, la société PERENCO OIL & GAS GABON (POGG) se présente comme une entité de droit gabonais qui exploite des champs pétroliers au Gabon (pièce n°1 en demande).

Il est constant que [H] [S] est le directeur de publication des sites internet www.africaintelligence.fr et www.africaintelligence.com.

Il est établi que, le 20 novembre 2023, a été mis en ligne sur le site internet www.africaintelligence.fr, un article intitulé « Perenco dans le viseur de la junte », et sur le site internet www.africaintelligence.com, le même article en version anglaise sous le titre « Perenco in the junta’s crosshairs » (pièce n°2 en demande, procès-verbal de constat d’huissier).

Il ressort de l’article en langue française que le président de la transition du Gabon, [O] [N] [U], et ses services de renseignement ont mis en lumière des « liens présumés » entre la société PERENCO, “premier opérateur pétrolier du pays” et l’ancienne première dame du Gabon [L] [P] ainsi que son fils [A] [P], rappelant que ces derniers sont « incarcérés et accusés notamment de « corruption », « détournements de fonds publics » et « blanchiment de capitaux ».

L’article avance que sa filiale locale, la société POGG est « soupçonnée de manœuvres financières hasardeuses, d’évasion fiscale, d’arriérés d’impôts et taxes sur les profits générés » par son exploitation d’une quarantaine de champs. Selon l’article, « les contrats, accords et pratiques en vigueur sous l’ancien régime » sont « passés au crible et confrontés aux réponses des interrogatoires de [A] [P] et de l’ancien ministre du pétrole, [Y] [G] », ce dernier étant « lui aussi en prison et inculpé de détournement de fonds publics ».

L’article, soutenant que cette information est confirmée par des sources provenant de la présidence gabonaise, révèle que les enquêteurs s’intéressent également aux « flux financiers entre Perenco et le clan de l’ancien président [B] [P] » et qu’ils s’interrogent « sur les conditions d’obtention du champ Sardine ».

La position de la société pétrolière est évoquée, à travers la mention de la réponse apportée par un porte-parole de cette dernière, contacté par le journal, avec l’indication que celle-ci “dément catégoriquement », précisant que “ni son directeur général au Gabon ni son PDG n’ont été informés d’investigations visant leurs activités”.
L’article conclut en mentionnant que le pouvoir à [Localité 3] n’exclut pas la saisie d’actifs mais “semble disposé à privilégier la négociation avec la société contrôlée par la famille [V]”, dont il est précisé que l’actuel président du conseil d’administration et fils du fondateur est “familier des arcanes du pouvoir gabonais depuis près de vingt ans”.

La société POGG communique une copie du courrier recommandé adressé au directeur de publication des sites internet susvisés, en date du 5 décembre 2023, reçu le 6 décembre 2023 (pièces n°3 et 4 en demande).

La société demanderesse y sollicitait la publication d’un droit de réponse sur les sites internet précités, au visa de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 et de l’article 6 IV de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Par courrier daté du 13 décembre 2023 et signé par [M] [Z] (pièce n°4 en défense), celui-ci a répondu, au nom d’AFRICA INTELLIGENCE, à la société demanderesse qu’il ne serait pas donné suite à sa demande d’insertion au motif que cette dernière ne respectait pas certaines des conditions énoncées par les textes en vigueur.

C’est dans ces circonstances que la présente instance a été engagée.

Sur la non-insertion de la réponse :

La société POGG soutient que le refus de [H] [S] de publier un droit de réponse répondant aux exigences légales constitue un trouble manifestement illicite. Elle rappelle que le directeur de la publication ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire s’agissant de la publication d’un droit de réponse. La société fait valoir que certains propos de l’article litigieux sont extrêmement stigmatisants et préjudiciables et qu’il est nécessaire qu’elle puisse user de ce droit. Elle soutient que les conditions du droit de réponse étaient réunies. En premier lieu, elle indique que la communication en ligne nomme et désigne expressément la société POGG à plusieurs reprises. S’agissant de la forme et du contenu du droit de réponse, elle relève que la demande contenait la mention des passages contestés dans chacun des articles, ainsi que la teneur de la réponse correspondant à chacun d’eux, que les réponses sollicitées prenaient la forme d’un écrit et ne dépassaient pas la longueur des textes qui les ont chacun provoquées et que la réponse se contentait de faire connaitre ses explications et réserves sur les circonstances de sa mise en cause, sur un ton neutre et mesuré. Enfin, elle souligne la corrélation entre le texte de la réponse et les passages de chacun des articles. Ainsi, la société demanderesse estime que la demande de droit de réponse satisfaisait à toutes les conditions légales et qu’elle s’imposait au directeur de la publication.
En réponse à la contestation de la qualité à agir du directeur général ayant adressé la demande de droit de réponse, elle rétorque que ce dernier représentait valablement la société s’agissant d’une société anonyme.

[H] [S] soutient, en premier lieu, qu’il n’y a pas lieu à référé en l’absence de trouble manifestement illicite. Il fait valoir que les droits de réponse sollicités par la société demanderesse n’étaient pas conformes aux conditions prévues par l’article 6 IV de la loi du 21 juin 2004 et du décret du 24 octobre 2007.
A ce titre, il invoque un défaut de qualité à agir, la demande de droit de réponse ayant été formulée par [R] [F], directeur général, et partant, n’ayant pas été adressée par le représentant légal de la société, sans pour autant être accompagnée d’un pouvoir spécial lui permettant de la représenter.
Par ailleurs, il conteste la légalité du droit de réponse sollicité au regard de la longueur de celles-ci.
En second lieu, il soutient que l’existence de contestations sérieuses s’oppose à ce qu’il soit fait droit aux demandes de la société POGG.

*

L’article 6 IV de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dite LCEN dispose que toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service.

La demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l’anonymat, à la personne mentionnée au 2 du I qui la transmet sans délai au directeur de la publication. Elle est présentée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant cette demande.

Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne sous peine d’une amende de 3.750 euros, sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.

Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent IV.

Le décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 vient notamment préciser, en son article 2, que la demande indique les références du message contenant mise en cause, ses conditions d’accès sur le service de communication au public en ligne et, s’il est mentionné, le nom de son auteur et qu’elle contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse sollicitée.
En son article 3, il ajoute que la réponse sollicitée prend la forme d’un écrit quelle que soit la nature du message auquel elle se rapporte. Elle est limitée à la longueur du message qui l’a provoquée ou, lorsque celui-ci ne se présente pas sous une forme alphanumérique, à celle de sa transcription sous forme d’un texte. La réponse ne peut être supérieure à 200 lignes.

Les conditions d’insertion de la réponse sont également celles prévues par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881.
Il est prévu, au surplus, que la réponse sera toujours gratuite.

Il résulte de ces dispositions que le droit de réponse est un droit général et absolu, destiné à assurer la protection de la personnalité et que la réponse apportée à l’article doit donc concerner la défense de cette personnalité. Ce droit de réponse ne peut donc tendre à devenir une tribune libre pour défendre des thèses. Celui qui en use est seul juge de la teneur, de l’étendue, de l’utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l’insertion. Le refus d’insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste ou si elle porte sur un objet différent de celui qui a été traité dans l’article étant rappelé que la réponse est indivisible et que le directeur de la publication ne peut en retrancher le moindre élément.
Seule une personne physique ou morale nommée ou désignée dans un article de presse est titulaire d’un droit de réponse.

Le droit de réponse, qui constitue une limite à la liberté d’expression puisqu’il conduit un directeur de la publication d’un site internet à faire publier un texte contre sa volonté doit, en application de l’article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, être strictement limité à ce qui est nécessaire à la protection de la réputation et des droits d’autrui.

Sur la qualité à exercer le droit de réponse :

En l’espèce, il est établi que le droit de réponse en cause a été sollicité, auprès de [H] [S], directeur de publication du journal en ligne AFRICA INTELLIGENCE, au moyen d’un courrier en date du 5 décembre 2023, à en-tête de la société POGG, dont la forme sociale était également mentionnée, signé d’“[R] [F], directeur général” (pièces n°3 en demande).
Pour établir que ce dernier avait qualité pour exercer ladite demande, au nom de la société POGG, celle-ci communique un extrait du registre du commerce et du crédit mobilier du tribunal de commerce de Libreville (GABON) délivré le 13 octobre 2022 (sa pièce n°1), qu’elle a actualisé postérieurement à l’audience au moyen d’un document émanant du même tribunal daté du 19 janvier 2024.
Dans la mesure où, par ce document, la société demanderesse répond à un moyen soutenu en défense qui a été porté à sa connaissance par des écritures communiquées par le défendeur la veille de l’audience, en fin de journée, et où elle a soulevé, à l’audience, la difficulté dans laquelle elle s’était trouvée, dans ces conditions, pour actualiser les données transmises à notre juridiction et dès lors que ledit document a pu être examiné, en cours de délibéré, par le défendeur qui a fait valoir sa position à cet égard, il n’y a pas lieu d’en ordonner le rejet.

Il ressort de ces éléments que la société POGG est une société anonyme avec conseil d’administration ayant son siège social à [Localité 3] (GABON). Le président du conseil d’administration est [T] [C] et le directeur général de la société [R] [F].

Pour démontrer que ce dernier a seul qualité pour représenter la société POGG, la demanderesse communique les extraits d’un “Acte uniforme relatif au Droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique” publié le 30 janvier 2014 (sa pièce n°6) qui, en son article 487 relatif aux sociétés anonymes, prévoit que “le directeur général assure la direction générale de la société. Il la représente dans ses rapports avec les tiers. Pour l’exercice de ses fonctions, il est investi des pouvoirs les plus étendus qu’il exerce dans la limite de l’objet social et sous réserve de ceux expressément attribués aux assemblées générales ou spécialement réservés au conseil d’administration par des dispositions légales ou statutaires”.

Ces éléments suffisent à démontrer que la personne physique signataire de la demande d’exercice du droit de réponse litigieux, identifiée comme directeur général de la société POGG, société anonyme, avait qualité pour exercer ce droit en son nom.

Sur la teneur de la réponse exigée :

Comme précisé ci-avant, il résulte des duspositions de la LCEN applicables en l’espèce que la réponse doit notamment contenir la mention des passages contestés et la teneur de la réponse sollicitée, cette dernière, qui ne peut être supérieure à 200 lignes, étant nécessairement limitée à la longueur du message qui l’a provoquée.
Les conditions d’insertion de la réponse sont également celles prévues par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 qui mentionne un “article” donnant lieu à réponse quand la LCEN et son décret d’application mentionnent “un message” contenant mise en cause.

En l’espèce, la lettre adressée au directeur de publication contient la mention des passages contestés, au nombre de trois -en page 1- et la teneur de la réponse sollicitée -en page 2.

Les messages qui ont provoqué la demande d’insertion consistent dans l’article intitulé “Perenco dans le viseur de la junte” et, dans sa version anglaise, “Perenco in the junta’s crosshairs”. C’est dans cette limite que doivent être encadrées les réponses sollicitées.

Ici, le défendeur compare la longueur de ces dernières à la longueur des seuls passages contestés (un peu moins de trois passages sur les six que contient chaque article au total), comparaison qui n’est pas pertinente au regard des exigences légales et réglementaires ci-avant précisées.

Il n’est ainsi pas établi que le droit de réponse sollicité, pour chacun des articles litigieux, soit d’une longueur supérieure à celle de l’article publié en ligne sur les sites en cause, de sorte que ce moyen doit être rejeté.

En revanche, il convient de constater que les articles publiés dans la version française et la version anglaise du journal AFRICA INTELLIGENCE évoquent tant la firme franco-britannique PERENCO, que sa filiale au Gabon, la société POGG.
Seul le deuxième passage cité dans la demande de droit de réponse vise, sans ambiguïté, cette dernière, les deux autres passages contestés évoquant, l’un l’existence de “liens présumés entre Perenco” et les membres de la famille [P], l’autre l’existence de “flux financiers entre Perenco et le clan de l’ancien président [B] [P]”, renvoyant possiblement à la société mère au vu des détails donnés par ailleurs sur celle-ci dans le corps des articles.

Dès lors que l’exercice du droit de réponse est strictement personnel et que seule la filiale locale de la société PERENCO a agi à cette fin, la réponse sollicitée ne pouvait s’étendre à des actes qui ne la visaient pas mais impliquaient la firme pétrolière elle-même.

Dans ces conditions, en présence, en l’espèce, d’une contestation sérieuse, et en l’absence de trouble manifestement illicite causé par le refus d’insertion des deux réponses sollicitées par la société POGG, il convient de dire n’y avoir lieu à référé.

Sur les demandes accessoires

La société POGG qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance.
En équité, il convient de la condamner à payer la somme de 2.000 euros à [H] [S] au titre des frais irrépétibles, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant, après débats publics, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort :

Déclarons recevable l’action engagée par la société PERENCO OIL & GAS GABON,

Disons n’y avoir lieu à référé,

Rejetons l’ensemble des demandes de la société PERENCO OIL & GAS GABON,

Condamnons la société PERENCO OIL & GAS GABON aux dépens,

Condamnons la société PERENCO OIL & GAS GABON à payer à [H] [S] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Fait à Paris le 15 février 2024

Le Greffier,Le Président,

Flore MARIGNYDelphine CHAUCHIS

 


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