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Si la désignation d’un administrateur provisoire est possible dans le cadre de différends entre associés ou administrateurs, ce conflit doit bloquer le fonctionnement de la société, ce qui exclut un simple dissentiment. Ainsi, le conflit doit s’accompagner de circonstances particulières, telles que vacance et carence des dirigeants, atteinte à l’objet social, risque d’accomplissement d’actes préjudiciables à la société, mésentente générant de nombreuses procédures, les parties refusant toute solution amiable de leur conflit, etc…
En l’espèce, l’organe de gouvernance essentiel dans cette société anonyme, malgré son statut de coopérative, est le conseil d’administration , ce qui est rappelé par l’article L.225-35 du code de commerce, ainsi par les statuts de la société en son article 21 : ‘Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en oeuvre.
Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées générales d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toutes questions intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent […].
Le conseil d’administration procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns. Chaque administrateur soit recevoir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission et peut obtenir auprès de la direction générale tous les documents qu’il estime utiles.’
Le président de son côté ‘représente le conseil d’administration. Il organise et dirige les travaux de celui-ci dont il rend compte à l’assemblée générale et exécute ses décisions. Il veille au bon fonctionnement des organes de la société et s’assure que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission.’
Ainsi que le soutient le groupe [N], le président appuyé en cela par une partie des administrateurs, refuse de réunir le conseil d’administration pour évoquer les mesures à prendre pour faire face à la perte du marché ATM, tout en menaçant les administrateurs du groupe [N] et en réclamant leur démission. Ce qui a commencé comme un désaccord sur l’orientation des activités de la SA SOPA entre les deux groupes d’administrateurs, a pris des proportions bien plus importantes puisque désormais le conseil d’administration refuse de débattre : les conseils d’administration sont réunis mais tout débat sur les enjeux quant à la pérennité des activités de la société est refusé et est devenu impossible.
Dans sa lettre du 19 janvier 2022, le président a écrit, s’agissant de la sous-traitance proposée par le groupe [N], ‘il n’est pas question dans l’esprit des administrateurs du monde agricole, de débattre de cette modalité d’exploitation’, alors même que le conseil d’administration du 19 janvier avait précisément pour objet de débattre de ces projets. Il est ainsi pratiqué une politique de l’obstruction privant les administrateurs de la SA SOPA d’un débat sur les questions essentielles. L’approbation ou l’absence d’approbation de la sous-traitance proposée par le groupe [N] relève du conseil d’administration, ce qu’avait rappelé le conseil de la SA SOPA lors du conseil d’administration du 13 janvier 2022.
Si les conseils d’administration et l’assemblée générale des actionnaires de la SA SOPA se sont tenus depuis le 1er janvier 2022 à plusieurs reprises, le président et les sociétés intimées refusent de voir aborder les conséquences attachées à la perte du marché ATM, seules les questions de fonctionnement courant de la société sont évoqués (quitus, approbation des comptes, rapport annuel).
De surcroît, le président se prévalant d’un mandat d’une partie des administrateurs, a entamé deux procédures judiciaires, l’une visant à engager la responsabilité des administrateurs du groupe [N] et obtenir leur révocation, et l’autre aux fins de contester les modalités de l’appel d’offres ATM. Or, ces actions que le président a choisi d’initier, se situent en dehors du cadre des actes de direction générale de la société, elles nécessitaient l’approbation du conseil d’administration.
Ainsi, suite aux demandes répétées par le groupe [N], plusieurs décisions importantes auraient dû être soumises au conseil d’administration, et faute de l’avoir été, l’organe de gouvernance se trouve paralysé. Le fait de ne pas user de la faculté de l’article 42 des statuts de poser des questions écrites deux fois par an au président du conseil d’administration ne saurait justifier cette absence de débat au sein du conseil d’administration.
La paralysie du conseil d’administration de la SA SOPA, et les conflits entre sociétaires et administrateurs ouvertement partagés auprès des tiers, notamment dans la presse, exacerbés par les différentes procédures judiciaires existantes, caractérisent les circonstances rendant impossible son fonctionnement normal, et ce, peu important la partie à laquelle incombe la responsabilité du blocage ou encore l’ancienneté du litige.
Il résulte des conclusions de la SA SOPA que son chiffre d’affaire qui s’établit à un montant d’environ 7 millions d’euros par an, est réalisé à hauteur de 50 % environ par le marché ATM, soit environ 3,5 millions par an ; que son expert-comptable a estimé la perte financière du marché ATM à une somme de 5 100 000 euros pour la seule année 2022.
La SA SOPA a entamé une procédure judiciaire aux fins d’obtenir l’annulation de la décision d’attribution du marché des ATM. Toutefois, depuis le 31 janvier 2022, l’attribution de ce marché au groupe [N] est entrée en vigueur. Or, la SA SOPA continue volontairement d’assurer la collecte des animaux trouvés morts sur les zones attribuées au groupe [N], et ce à titre gracieux, ce qu’elle ne conteste pas. Elle effectue ainsi des prestations qu’elle sait non rémunérées, ce qui aggrave encore les conséquences de la perte du marché en engageant des coûts et des frais de collecte puisque les associations ATM ne peuvent régler que l’attributaire du marché. La SA SOPA met ainsi en péril sa situation financière. Le président de la SA SOPA se prête à des agissements contraires à l’intérêt social : au 30 juin 2022, la SA SOPA a déjà subi une perte d’exploitation d’environ 500 000 euros.
La SA SOPA soutient que si la perte du marché ATM a pour elle, des conséquences financières, tout comme la poursuite des opérations de collecte et de traitement des ATM nonobstant la décision prise par les ATM, cette décision est la seule de nature à préserver ses intérêts dans l’hypothèse de l’annulation des marchés d’attribution des ATM.
La SA SOPA est toutefois dans l’impossibilité de déterminer la durée de cette procédure judiciaire (ainsi que son issue), et elle ne peut raisonnablement poursuivre une telle politique, qui n’a pas été approuvée par le conseil d’administration, et qui risque de la conduire à des pertes d’exploitation excessivement importantes, malgré les réserves et placements financiers qu’elle détient. Le risque de péril imminent est ainsi caractérisé.
Les conditions pour la désignation d’un administrateur provisoire sont ainsi caractérisées
8 mars 2023
Cour d’appel de Riom
RG n°
22/01687
COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 08 Mars 2023
N° RG 22/01687 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F3YU
VTD
Arrêt rendu le huit Mars deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 20 Juillet 2022 par le président du tribunal de commerce d’AURILLAC (RG n° 2022R00007)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La société [N]
SAS immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 552 002 255 00677
[Adresse 6]
[Localité 15]
en sa qualité d’administrateur de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
La société [N]
SAS immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 552 002 255 00677
[Adresse 6]
[Localité 15]
en sa qualité d’actionnaire de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
La société SECANIM SUD-EST
SAS immatriculée au RCS de Cusset sous le n° 403 264 641 00032
[Adresse 4]
[Localité 1]
en sa qualité d’administrateur de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
La société SECANIM SUD-EST
SAS immatriculée au RCS de Cusset sous le n°403 264 641 00032
[Adresse 4]
[Localité 1]
en sa qualité d’actionnaire de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
La société SECANIM BRETAGNE
SAS immatriculée au RCS de Vannes sous le n° 403 264 757 00028
[Localité 3]. [Localité 20]
[Localité 11]
en sa qualité d’administrateur de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
La société SECANIM BRETAGNE
SAS immatriculée au RCS de Vannes sous le n° 403 264 757 00028
[Localité 3]. [Localité 20]
[Localité 11]
en sa qualité d’actionnaire de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
La société SECANIM CENTRE
SAS immatriculée au RCS de Laroche-Sur-Yon sous le n° 403 264 161 00049
[Adresse 21]
[Localité 13]
en sa qualité d’administrateur de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
La société SECANIM CENTRE
SAS immatriculée au RCS de Laroche-Sur-Yon sous le n° 403 264 161 00049
[Adresse 21]
[Localité 13]
en sa qualité d’actionnaire de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
La société REFOOD BIOGAZ
SAS immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 479 939 209 00033
[Adresse 6]
[Localité 15]
en sa qualité d’administrateur de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
La société SARVAL RHÔNE-CUIRS
SAS immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 411 586 431 00040
[Adresse 9]
[Localité 12]
en sa qualité d’administrateur de la société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux, SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021, dont le siège social est [Adresse 22].
Toutes les sociétés représentées par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Emmanuel D’ANTIN et Me Romain LANTOURNE de la SCP FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS (plaidant)
APPELANTES
ET :
La société SOCIETE POUR LA TRANSFORMATION DE SOUS-PRODUITS ANIMAUX
SA à conseil d’administration immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 312 540 958 00021
[Adresse 17]
[Localité 3]
CHAMBRE D’AGRICULTURE DE LA CORREZE
[Adresse 19]
[Localité 5]
CHAMBRE D’AGRICULTURE DU CANTAL
[Adresse 7]
[Localité 2]
CHAMBRE D’AGRICULTURE DU LOT
[Adresse 8]
[Localité 10]
Groupement CORREZIEN DE DEFENSE SANITAIRE
[Adresse 19]
[Localité 5]
UNION DE COOPERATIVES AGRICOLES ALTITUDE
Union de coopératives agricoles immatriculée au RCS d’Aurillac sous le n° 323 138 776 00014
[Adresse 16]
[Localité 2]
Tous les intimés représentés par Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
(postulant) et la SCP MOINS, avocats au barreau d’AURILLAC (plaidant)
INTIMÉS
DEBATS : A l’audience publique du 11 Janvier 2023 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 08 Mars 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 08 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SA SOPA (Société pour la Transformation de Sous-Produits Animaux) est une société d’intérêt collectif agricole (SICA) constituée sous forme de société anonyme à capital et personnel variable dont l’objet est :
‘Toutes opérations de collecte, de traitement et de transformation de produits d’animaux, tant dans un but d’assainissement que pour réaliser des fabrications de produits commercialisables, en vue de leur utilisation agricole et industrielle. Elle peut notamment effectuer les opérations suivantes dont la liste n’est pas limitative :
– ramassage et traitement des déchets d’abattoirs, du sang, d’ateliers de transformation de viande, des boucheries et d’enlèvement des cadavres d’animaux, spécialement à la ferme ;
– transformation de tout produit ou sous-produit en vue notamment de la production de protéines sous diverses formes, telles que farine de viande, matières grasses ou autres éléments susceptibles d’être utilisés tant dans la composition d’aliments destinés aux animaux que dans celle d’engrais ou toutes autres fabrications susceptibles de provenir des matières collectées.’
Son siège social est situé à [Localité 18]) où se trouve le site de transformation des produits et sous-produits de viande de boucherie et cadavres d’animaux.
En conséquence de différentes augmentations et cessions de parts, les actionnaires de la SA SOPA sont les suivants :
– la SAS [N] : 7 200 parts, soit 40 % ;
– l’Union des Coopératives Agricoles Altitude : 3 550 parts, soit 19,72 % ;
– la Chambre d’Agriculture du Lot : 1 940 parts, soit 10,78 % ;
– la SAS Secanim-Sud-Est : 1 798 parts, soit 9,98 % ;
– le Groupement Corrézien de Défense Sanitaire : 1 675 parts, soit 9,31 % ;
– la Chambre d’Agriculture du Cantal : 965 parts, soit 5,36 % ;
– la Chambre d’Agriculture de la Corrèze : 870 parts, soit 4,83 % ;
– la SAS Secanim Bretagne : 1 part, soit 0,01 % ;
– la SAS Secanim Centre : 1 part, soit 0,01 %.
Le capital social est ainsi détenu à hauteur de 50 % par le groupe [N] et ses filiales, et à hauteur de 50 % par des représentants des agriculteurs des départements du Cantal, de la Corrèze et du Lot, ainsi que par l’Union des Coopératives Agricoles Altitude dont les coopérateurs sont des agriculteurs.
La collecte des animaux morts en élevage était une activité de service public avant d’être rendue au secteur marchand privé et ouverte à la concurrence par une loi de finances pour 2009. La SA SOPA s’est trouvée titulaire de ce marché sur les départements du Lot, de la Corrèze et du Cantal.
Le marché étant arrivé à son terme le 31 décembre 2021, la SAS [N] et la SA SOPA ont répondu séparément au nouvel appel d’offres qui a été remporté par la SAS [N].
A la suite de la perte de ce marché, les rapports entre la SAS [N] et la SA SOPA se sont fortement dégradés. Aucun accord sur la pérennité de la SA SOPA n’a été trouvé entre les membres du conseil d’administration, sachant que l’activité ATM intervenait à hauteur environ de 50 % du chiffre d’affaires de la SA SOPA.
Par actes d’huissier du 25 mai 2022, la SAS [N], la SAS Secanim Sud-Est, la SAS Secanim Bretagne, la SAS Secanim Centre agissant en qualités d’administrateurs et d’actionnaires de la SA SOPA, ainsi que la SAS Refood Biogaz et la SAS Sarval Rhône-Cuirs agissant en qualité d’administrateurs, ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce d’Aurillac la SA SOPA, au visa des articles 872, 873 et 875 du code de procédure civile, aux fins notamment de voir :
– désigner un administrateur provisoire avec mission de gérer et d’administrer la SA SOPA avec tous pouvoirs dévolus aux dirigeants ;
– faire injonction à la SA SOPA de cesser de collecter des animaux trouvés morts en élevage sur les départements du Cantal, de l’Aveyron, du Lot et de la Corrèze, sous astreinte d’un montant de 5 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, et ce, jusqu’au complet arrêt de ladite collecte ;
– faire interdiction à la SA SOPA de dénigrer publiquement et/ou de publier des informations trompeuses sur ses concurrents ou la décision d’attribution des marchés du Cantal, de l’Aveyron, du Lot et de la Corrèze par les associations ATM, par voie de presse ou par tout autre moyen.
Par ordonnance du 20 juillet 2022, le président du tribunal de commerce d’Aurillac, statuant en référé, a :
– déclaré recevables et bien fondées les Chambres d’Agriculture du Cantal, du Lot et de la Corrèze, le groupement Corrézien de Défense Sanitaire et l’Union des coopératives Altitude, en leurs interventions volontaires ;
– débouté la SAS [N], la SAS Secanim Sud-Est, la SAS Secanim Bretagne, la SAS Secanim Centre, la SAS Refood Biogaz et la SAS Sarval Rhône-Cuirs en toutes leurs fins et demandes ;
– condamné solidairement la SAS [N], la SAS Secanim Sud-Est, la SAS Secanim Bretagne, la SAS Secanim Centre, la SAS Refood Biogaz et la SAS Sarval Rhône-Cuirs à payer à la SA SOPA la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SAS [N], la SAS Secanim Sud-Est, la SAS Secanim Bretagne, la SAS Secanim Centre, la SAS Refood Biogaz et la SAS Sarval Rhône-Cuirs aux entiers dépens.
Le juge a rejeté la demande de nomination d’un administrateur provisoire, considérant au visa de l’article 872 du code de procédure civile, que la SAS [N] ne rapportait pas la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement régulier de la SA SOPA et menaçant celle-ci d’un péril imminent, compromettant les intérêts sociaux de cette dernière. Il a relevé à cette fin :
– qu’il était incontestable qu’un différend existait entre [N] et SOPA, différend né de la décision unilatérale de [N] de candidater seule à un appel d’offres visant à obtenir le bénéfice du marché ATM jusqu’alors attribué à SOPA sur les départements du Lot, du Cantal et de la Corrèze ;
– que si l’attribution du marché des ATM au profit de [N] engendrait pour SOPA une perte de chiffre d’affaires, la SOPA disposait toutefois de réserves à hauteur de 10 522 000 euros et de valeurs mobilières de placement pour 12 478 000 euros qui lui permettraient de procéder à son adaptation ;
– qu’alors que les statuts permettaient aux sociétaires de poser deux fois par an par écrit des questions au président du conseil d’administration sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, [N] ne justifiait pas avoir utilisé cette faculté, et était ainsi malvenue de faire grief à SOPA de restreinte la communication à l’égard des sociétaires.
Sur la demande de cessation de la collecte des animaux morts, le juge a énoncé que ces animaux demeuraient la propriété de l’éleveur et le choix de l’équarrisseur relevait de son propriétaire ; que les éleveurs étaient libres de faire appel à l’équarrisseur de leur choix et qu’en agissant ainsi, ils s’exposaient uniquement à supporter des frais d’enlèvement supérieurs à ceux pratiqués par les attributaires du marché ATM.
Sur la demande d’interdiction d’exercer une campagne de dénigrement, le juge a considéré que les articles de presse produits, certes peu flatteurs pour [N] et ses filiales, ne constituaient pas une campagne de dénigrement et que [N] disposait d’un droit de réponse si elle considérait que les informations portées à la connaissance du public étaient erronées ; que la preuve du dénigrement n’était pas rapportée.
La SAS [N], la SAS Secanim Sud-Est, la SAS Secanim Bretagne, la SAS Secanim Centre agissant en qualités d’administrateurs et d’actionnaires de la SA Sopa, ainsi que la SAS Refood Biogaz et la SAS Sarval Rhône-Cuirs agissant en qualité d’administrateurs ont interjeté appel de l’ordonnance, suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 9 août 2022.
Suivant une ordonnance du 19 septembre 2022 rendue au visa des articles 904-1 et 905 du code de procédure civile, la présidente de la 3ème chambre civile et commerciale de la cour d’appel de Riom a fixé l’affaire, à bref délai, à l’audience collégiale du 11 janvier 2023.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 30 décembre 2022, les appelantes demandent à la cour, au visa des articles 872, 873 alinéa 1er, 905 et suivants du code de procédure civile de :
– les déclarer recevables et bien fondées en leur appel et en leurs demandes ;
– infirmer l’ordonnance et statuant à nouveau, de :
– désigner un administrateur provisoire avec pour mission de gérer et d’administrer la SA SOPA avec tous pouvoirs dévolus aux dirigeants par les dispositions légales et statutaires, et notamment de :
décider de toutes mesures d’urgence propres à éviter tout péril et maintenir l’activité de l’entreprise et la continuité du service et de l’emploi ;
inventorier les scénarios possibles pour l’avenir et solliciter à cette fin de manière apaisée les propositions et objectifs de tous les administrateurs et actionnaires ;
organiser un débat apaisé et des délibérations opportunes entre les parties prenantes ;
échanger avec les autorités publiques compétentes ;
rendre compte régulièrement à la cour d’appel de Riom ;
– dire que l’administrateur provisoire rendra compte de l’accomplissement de sa mission auprès de la cour d’appel de Riom dans un délai de trois mois à compter de sa désignation ;
– fixer la durée de l’administrateur ainsi désigné à trois mois, délai au terme duquel la cour d’appel de Riom pourra réexaminer à la lumière des constats du rapport de l’administrateur provisoire, si la mesure est toujours justifiée ;
– dire que la rémunération définitive sera arrêtée par la cour d’appel de Riom à l’issue de son choix ;
– dire que l’administrateur provisoire pourra se faire assister de toute personne de son choix ;
– dire que l’administrateur provisoire s’en référera à la cour d’appel de Riom qui l’a désigné en cas de difficulté ;
– ordonner à la diligence de l’administrateur provisoire, la mention au registre du commerce et des sociétés de la décision à intervenir ;
– faire injonction à la SA SOPA de cesser de collecter des animaux trouvés morts en élevage sur les départements du Cantal, de l’Aveyron, du Lot et de la Corrèze, sous astreinte d’un montant de 5 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, et ce, jusqu’au complet arrêt de ladite collecte ;
– faire interdiction à la SA SOPA de dénigrer publiquement et/ou de publier des informations trompeuses sur ses concurrents ou la décision d’attribution des marchés du Cantal, de l’Aveyron, du Lot et de la Corrèze par les associations ATM, par voie de presse ou par tout autre moyen, sous astreinte de 10 000 euros par manquement constaté ;
– se réserver le pouvoir de liquider les astreintes ainsi ordonnées ;
– condamner chaque société intimée à payer à chacune des appelantes la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum les sociétés intimées aux entiers dépens.
Elles exposent tout d’abord que les associations ATM négocient les contrats avec les sociétés d’équarrissage afin d’obtenir les prestations et les prix les plus compétitifs possibles. Or, elles considèrent que face à cela, le conseil d’administration de la SA SOPA n’a jamais été impliqué dans la réponse proposée à cet appel d’offres par la société. Aussi, elles font valoir que [N] s’est légitimement inquiétée du risque pour la SA SOPA de perdre ce marché au profit de la concurrence et a déposé par l’intermédiaire de sa filiale Secanim, son offre dans le but de défendre ses intérêts, d’autres concurrents pouvant récupérer le marché. Toutefois, elles reconnaissent que consciente des difficultés induites par la perte du marché ATM, Secanim a proposé à la SA SOPA de sous-traiter ce marché de façon pérenne.
Elles estiment qu’à la suite de la perte de ce marché, le PDG de la SA SOPA a limité la communication des informations légales envers les administrateurs issus du groupe [N], ce qui les empêche d’effectuer leur mission de contrôle et amplifie les craintes de [N] quant à l’avenir de la SA SOPA. Elles reprochent au PDG, M. [B] [E] d’outrepasser ses fonctions de président du conseil d’administration, et le rendent responsable de la situation de blocage qui en résulte.
Elles font valoir que la situation de péril financier dans laquelle se trouve la SA SOPA ressort de sa situation comptable, telle que présentée lors du conseil d’administration du 16 décembre 2022. En outre, les périls imminents résultent aussi des pratiques contraires à l’intérêt social mises en oeuvre par la SA SOPA à l’initiative de l’actuelle direction et de l’un de ses administrateurs : ainsi, notamment des messages ont été adressés au nom de la Chambre d’Agriculture du Cantal et de la SA Sopa, invitant les éleveurs à violer la décision d’attribution d’un marché par les associations ATM, la SA SOPA continuant d’assurer la collecte des animaux trouvés morts sur les zones attribuées à Secanim par les associations ATM, et ce, à titre gracieux. Elles estiment que ces actes sont constitutifs d’acte de concurrence déloyale et aggravent les conséquences économiques de la perte du marché.
Elles considèrent qu’il existe une paralysie des organes légaux et statutaires de gestion de la SA SOPA qui constitue une menace sur la poursuite de ses activités justifiant la nomination d’un administrateur provisoire. Lorsque deux groupes égalitaires se partagent les sièges du conseil d’administration et qu’ils sont en désaccord, peu importe celui des deux auquel incombe la responsabilité du blocage, cette seule paralysie justifiant la désignation d’un administrateur provisoire.
Elles ajoutent que la désignation d’un administrateur provisoire ne contrevient à aucune disposition légale et ne saurait être écartée par des stipulations statutaires.
Elles reprochent également à la direction de SOPA d’organiser une campagne de dénigrement à son encontre. Elles dénoncent les actions conjointes de la Chambre d’Agriculture et de la SA SOPA visant à violer les accords issus du marché ATM.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 4 janvier 2023, la SA SOPA, la Chambre d’Agriculture de la Corrèze, la Chambre d’Agriculture du Cantal, la Chambre d’Agriculture du Lot, le Groupement Corrézien de Défense Sanitaire et l’Union de Coopératives Altitude demandent à la cour, au visa des articles L.531-1 et suivants du code rural et R.531 et suivants du même code, 873 et suivants du code de procédure civile, de :
– déclarer irrecevables et mal fondées les appelantes en leurs demandes ;
– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions ;
– en conséquence, débouter les appelantes de l’ensemble de leurs fins et conclusions ;
– y ajoutant, condamner solidairement les appelantes au paiement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Rahon.
Ils exposent en premier lieu que les administrateurs du groupe [N] au sein de la SA SOPA ont commis, à compter du mois de juin 2021, plusieurs agissements fautifs, à savoir :
– non-reconduction de la durée de la SA SOPA au-delà du 30 mars 2028 : les administrateurs de [N] ont rejeté la prorogation de la durée de la SA SOPA au-delà du 30 mars 2028 lors de l’AGE du 3 juin 2021, agissant ainsi au détriment des intérêts de la SA SOPA ; que cette décision s’inscrivait dans la stratégie de [N] visant à fragiliser la SA SOPA dans le cadre des négociations en vue de l’attribution des ATM ;
– offre concurrente à la SA SOPA au nouvel appel d’offres ATM : la SA OPA reproche à [N] d’avoir présenté une offre globale auprès des ATM, intégrant le périmètre géographique de la SA SOPA, sans en avoir informé préalablement le conseil d’administration ; qu’en refusant de retirer son offre, [N] s’est retrouvée en situation de concurrence avec son actionnaire sur le périmètre géographique d’activité de la SA SOPA ; que cette concurrence déloyale sera à l’origine de graves difficultés financières et économiques ; que se voyant privée du marché des ATM, la SA SOPA ne sera plus en conformité au regard des dispositions des articles L.532-1 et R.532-4 du code rural et de la pêche qui imposent aux SICA de réaliser plus de 50 % de leur activité avec des sociétaires ayant la qualité d’agriculteurs ;
– proposition de contrats de sous-traitance : ces contrats de sous-traitance ont été proposés à des conditions économiquement déséquilibrées, mettant la SA SOP sous la contrainte économique du groupe [N] ; que les propositions faites sont précaires et ne peuvent assurer la pérennité de la SA SOPA ; que la grille tarifaire proposée est en deçà de celle pratiquée par Agrimer (service public d’Etat) ;
– demande de désignation d’un administrateur provisoire de la SA SOPA : cette demande est formée dans l’unique but de se substituer au PDG désigné par les administrateurs, issu du monde agricole pour contrevenir aux dispositions statutaires et réglementaires afin de porter atteinte à la prééminence du monde agricole, des administrateur de la SA SOPA, représentant les intérêts des agriculteurs ; que cette situation la priverait d’une action visant à défendre ses intérêts au regard de l’attribution du marché ATM dont elle conteste la régularité d’attribution (recours devant le tribunal de commerce de Paris en cours).
Ils considèrent que les administrateurs du groupe [N] n’ont pas respecté leur devoir de loyauté vis-à-vis de la SA SOPA, en déposant une offre concurrente à celle de la SA SOPA, [N] ayant porté atteinte à l’intérêt social.
Ils rappelle que la désignation d’un administrateur provisoire exige la réunion de deux conditions : la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la preuve de circonstances menaçant la société d’un péril imminent.
Or, ils considèrent qu’aucune des deux conditions requises cumulatives ne sont satisfaites :
– il n’existe aucune atteinte au fonctionnement normal de la SA SOPA, celle-ci continuant à exercer des opérations de collecte ainsi que de transformation à l’égard des abattoirs et au titre du marché France Agrimer, et à assumer l’ensemble de ses missions et ses charges notamment envers ses salariés ;
– le PDG, administrateur de la SA SOPA issu du monde agricole en application des statuts, dispose d’une voix prépondérante qui permet le fonctionnement de la SA SOPA, nonobstant l’opposition des administrateurs industriels du groupe [N], ceci conformément aux dispositions du code rural qui donnent aux administrateurs du monde agricole, le contrôle de la SICA (article L.532-1, R.532-3) ;
– les demandes de réunion du conseil d’administration de la SA SOPA, telles que sollicitées par le groupe [N], ont été satisfaites, ce conseil s’étant réuni depuis janvier 2022, les 13 janvier, 22 avril, 6 juillet, 28 septembre et 16 décembre 2022 ;
– il en est autrement des demandes des administrateurs agricoles de la SA SOPA, à l’égard du groupe [N], énoncées lors du conseil d’administration du 13 janvier 2021 ;
– s’il existe un désaccord entre associés, depuis la décision du groupe [N] de venir concurrencer la SA SOPA sur sa zone historique de collecte, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et la perte du marché ATM n’empêche pas que la SA SOPA continue d’assurer des opérations de collecte et de traitement de cadavres d’animaux, offrant ainsi le maintien de leur emploi aux 39 salariés de la SA SOPA alors qu’il en sera différemment avec la fermeture du site voulue par [N] ;
– au regard de l’importance de ces réserves constituées au fil des années, la SA SOPA n’est pas en situation de péril imminent ni même en difficultés financières particulières, malgré les agissements fautifs du groupe [N] à son égard.
Ils concluent que les ‘divergences concernant l’avenir de la société entre les sociétaires’ ne constituent pas une atteinte au fonctionnement de la société et ne justifient pas la désignation d’un administrateur provisoire.
Sur les deux autres demandes, ils soutiennent tout d’abord que les animaux trouvés morts en élevage restent la propriété des éleveurs jusqu’à leur enlèvement par l’équarrisseur et les éleveurs n’ont aucune obligation de recourir à la société d’équarrissage bénéficiant du marché ATM.
Par ailleurs, ils contestent avoir pratiqué une campagne de dénigrement à l’encontre de [N] car exposer son différend aux médias constitue un droit d’expression auquel les appelantes pouvaient user de leur droit de réponse.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023.
MOTIFS
Sur la désignation d’un administrateur provisoire
– Selon l’article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce, peut dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
L’article 873 alinéa 1er dispose que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il résulte de ces dispositions que la désignation judiciaire d’un administrateur provisoire, qui constitue une mesure dérogatoire aux règles de gestion normales de la société, est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent.
– La SA SOPA fait valoir que la demande du groupe [N] visant à voir désigner un administrateur provisoire n’a pour seul objectif que d’écarter la prééminence du monde agricole dans la gestion de la SICA, ce qui est contraire aux dispositions de l’article L.532-1 du code rural et aux statuts, et de tenter de museler les administrateurs issus du monde agricole de la SA SOPA.
Il convient néanmoins de rappeler que la désignation d’un administrateur provisoire est une mesure temporaire qui consiste à désigner un professionnel indépendant figurant sur la liste des administrateurs judiciaires afin d’assurer l’administration d’une société dans le respect des dispositions légales qui lui sont applicables et de l’intérêt social.
Cette mesure peut s’appliquer à toute entité juridique peu important sa nature civile ou commerciale, et sa forme d’exploitation.
En outre, une mesure d’administration provisoire confiée à un professionnel indépendant ne donne pas le pouvoir à l’un ou à l’autre des groupes d’associés, ni ne permet de placer l’un sous la tutelle de l’autre. Il s’agit au contraire d’identifier les issues raisonnables à mettre en oeuvre et de remédier de manière transitoire à une crise de gouvernance mettant en danger l’intérêt social.
Ainsi la désignation d’un administrateur provisoire ne contrevient à aucune disposition légale et ne saurait être écartée par des stipulations statutaires.
– Il convient donc de déterminer si la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la SA SOPA et menaçant celle-ci d’un péril imminent est rapportée par le groupe [N] à l’origine de la demande de désignation d’un administrateur provisoire.
Il ressort des éléments versés aux débats qu’alors que la SA SOPA était attributaire depuis 2013 du marché ATM sur les départements du Cantal, de la Corrèze, de l’Aveyron et du Lot et qu’une consultation avait été lancée par le groupement de commandes des ATM en août 2021, le groupe [N] a annoncé en conseil d’administration de la SA SOPA du 9 novembre 2021 qu’il avait déposé une offre globale auprès des ATM, intégrant le périmètre de la SA SOPA.
La SA SOPA a elle aussi déposé une offre d’attribution des ATM sur la zone géographique du Cantal, du Lot et de la Corrèze.
Le groupe [N] expose avoir déposé cette offre concurrente avant celle de la SA SOPA pour répondre à l’évolution du marché que le président et certains administrateurs refusaient de voir ; que percevant le risque de voir ces marchés attribués aux concurrents, le groupe [N] a répondu directement à cet appel d’offre, car habitué à être confronté aux concurrents du secteur sur tout le territoire national, et notamment à Akiolis, qui est historiquement présent dans la partie sud de la zone géographique couverte par la SA SOPA.
Or, le 22 décembre 2021, le groupement des commandes ATM a décidé d’attribuer au groupe [N] (les sociétés Secanim Sud-Est et Secanim Centre, filiales du groupe [N]), la collecte et la transformation des cadavres d’animaux sur les départements du Cantal, Corrèze, Aveyron et Lot.
Dès le 26 novembre 2021, le groupe [N] a sollicité par écrit, la tenue en urgence d’une réunion du conseil d’administration au vu du ‘ contexte de l’appel d’offres des ATM, des appréciations très différentes du modèle économique de SOPA se manifestant au sein de son conseil d’administration, mettant en exergue les incertitudes stratégiques pesant depuis plusieurs années sur la société’.
Le président du conseil d’administration a répondu le 13 décembre 2021 que ce conseil sur le devenir de la société se tiendrait au cours de la première semaine de janvier 2022.
Le 23 décembre 2021, le groupe [N], au vu de son courrier du 26 novembre et de l’annonce de l’attribution des ATM le 22 décembre, a proposé une réunion devant se tenir le 28 décembre 2021 et ce, ‘afin d’évaluer les conséquences’ de cette attribution des marchés ATM et de ‘envisager la meilleure façon de préserver les intérêts futurs de SOPA’.
Par courrier du 24 décembre 2021, le président a indiqué maintenir la tenue d’un conseil d’administration au cours de la première quinzaine de janvier 2022.
Lors du conseil d’administration du 13 janvier 2022, le groupe [N] a exposé qu’il allait proposer une sous-traitance de collecte, mais que concernant l’usine, il conviendrait de trouver une solution transitoire, le groupe [N] ayant de son côté des coûts d’usine largement inférieurs à ceux de la SA SOPA ; que le groupe [N] voulait s’inscrire dans la durée sur la collecte, mais pas sur l’usine. Il a été précisé qu’une proposition écrite serait faite le lendemain.
Le conseil de la SA SOPA présent lors de cette réunion a indiqué que ‘l’approbation de la sous-traitance pourrait éventuellement relever de la direction opérationnelle de SOPA mais qu’au regard des enjeux considérables qui s’attachent à cette décision, il paraît bien préférable qu’elle soit prise par le conseil d’administration. Il rappelle à cet égard la répartition des pouvoirs entre la direction, qui assure la direction opérationnelle de la société, et le conseil d’administration, qui décide des grandes orientations stratégiques de la société. Cette question lui paraît relever du dernier. Il précise toutefois que, conformément au code de commerce et à l’article 24 des statuts, il s’agit d’une convention dite réglementée, soumise à un formalisme spécial : seuls les administrateurs agricoles, qui ne sont pas concernés directement ou indirectement par la convention, pourront voter celle-ci.’.
Le 14 janvier 2022, le groupe [N] a adressé une proposition de formalisation contractuelle de sous-traitance, l’une pour la collecte d’équarrissage à durée indéterminée, et l’autre pour la transformation de cadavres d’animaux d’une durée de six mois.
Le 18 janvier 2022, le président du conseil d’administration a énoncé qu’il reportait le conseil d’administration qui devait se tenir le 19 janvier, ‘n’ayant pas reçu les éléments attendus de [N]’.
Le groupe [N] a écrit au président le 20 janvier 2022 afin de faire part de sa surprise de ce report sine die du conseil d’administration au vu de l’urgence de la situation, la date d’entrée en vigueur du nouveau marché des ATM étant fixée au 31 janvier. Il a indiqué qu’il avait prévu de proposer une méthodologie au cours de ce conseil pendant lequel chaque administrateur aurait pu partager sa vision et ainsi fixer un calendrier et les modalités d’un scénario consensuel.
Le président a répondu le 26 janvier 2022 que le groupe [N] lui avait effectivement fait parvenir le 14 janvier deux projets de contrats de sous-traitance qu’il avait répercutés aux administrateurs du monde agricole, mais qui présentaient un caractère inacceptable au vu des durées et des tarifs proposés ; que ‘il n’est pas question dans l’esprit des administrateurs du monde agricole, de débattre de cette modalité d’exploitation’ et que ceux-ci lui avaient conféré le mandat de contester les modalités de l’appel d’offres ATM et d’envisager les modalités de mise en cause de la responsabilité des administrateurs du groupe [N]. Il concluait que ‘face à l’attitude aussi ouvertement hostile aux intérêts’ de la SA SOPA que le groupe [N] avait eue les derniers mois précédant, il invitait les administrateurs de ce groupe à donner sa démission.
Le groupe [N] produit des justificatifs de messages émanant notamment de la Chambre d’Agriculture du Cantal adressés aux éleveurs, leur demandant de ‘soutenir la SOPA en continuant de s’adresser à elle pour le ramassage des animaux’.
La SA SOPA ne conteste pas cet état de fait, elle écrit notamment dans ses conclusions qu’elle poursuit ces opérations de collecte, gratuitement, dans l’intérêt des agriculteurs puisqu’elle n’a jamais imaginé de venir demander à ces agriculteurs de payer leur cotisation volontaire ainsi que les frais de collecte, et ce alors que le marché des ATM sur cette zone géographique a été attribué au groupe [N].
Le groupe [N] a écrit le 4 février 2022 au président du conseil d’administration et aux administrateurs agricoles de la SA SOPA pour contester cet état de fait.
Le 31 janvier 2022, le groupe [N] a fait délivrer une première assignation afin d’obtenir la désignation d’un administrateur provisoire, assignation qui a toutefois été déclarée nulle le 3 mai 2022. Une seconde assignation aux mêmes fins a été délivrée le 25 mai 2022.
Parallèlement, la SA SOPA a fait assigner le 6 avril 2022 les administrateurs de la SA SOPA issus du groupe [N] aux fins de voir engager leur responsabilité pour faute et d’ordonner leur révocation judiciaire.
Le 11 juillet 2022, la SA SOPA a fait assigner les associations ATM et la société Secanim Sud-Est devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir prononcer la nullité de la décision d’attribution du marché d’équarrissage sur les départements du Cantal, de Corrèze, du Lot et de l’Aveyron.
La SA SOPA soutient que malgré ce conflit, postérieurement au conseil d’administration du 13 janvier 2022, celui-ci a été réuni les 22 avril, 6 juillet, 28 septembre et 16 décembre 2022, ce qui témoigne selon elle d’une absence de fonctionnement anormal de la société.
Sont notamment versés aux débats, le procès-verbal de constat d’huissier mandaté par le groupe [N] lors du conseil d’administration du 22 avril 2022, ou encore le procès-verbal du conseil d’administration du 6 juillet 2022. Celui du 22 avril portait principalement sur la présentation des comptes de l’année précédente. Au cours de cette réunion, un administrateur du groupe [N] a fait valoir que le rapport de gestion devait être prospectif, qu’il existait un risque d’exploitation et qu’il fallait pouvoir l’évoquer dans le cadre de ce rapport. Le président a alors répondu qu’il n’appartenait pas au conseil d’administration de le faire, qu’il existait un juriste pour cela. Dans un courrier du 23 mai 2022, le groupe [N] a rappelé qu’il s’agissait du rapport du conseil d’administration et non du président, et qu’il devait être débattu en conseil d’administration et arrêté par ce dernier.
Au cours du conseil d’administration du 6 juillet 2022, les administrateurs du groupe [N] ont souhaité faire un amendement concernant l’évolution de la société durant l’exercice au sein du rapport du conseil d’administration, ce qui a été refusé par les administrateurs agricoles. Dans le cadre des questions diverses, le président a rappelé les deux procédures judiciaires engagées par la SA SOPA, demandant aux administrateurs de confirmer la poursuite par la SA SOPA de ces deux actions. Un administrateur du groupe [N] a demandé à faire figurer ces éléments dans le rapport de gestion et a demandé si le président envisageait de tenir un conseil d’administration ou une AGE sur ces questions afin de mener des discussions au fond. Le président a répondu qu’en fonction des décisions de justice, des décisions seraient prises concernant l’évolution de la société, que la sous-traitance ne faisait pas partie de l’objet social de la société. Un administrateur [N] a demandé pour quelles raisons les administrateurs n’avaient pas été consultés avant d’engager des actions alors qu’il était demandé au cours de ce conseil d’approuver la poursuite des actions contre [N] et les ATM. Le président a répondu que son rôle était de préserver les intérêts de la société.
Si la désignation d’un administrateur provisoire est possible dans le cadre de différends entre associés ou administrateurs, ce conflit doit bloquer le fonctionnement de la société, ce qui exclut un simple dissentiment. Ainsi, le conflit doit s’accompagner de circonstances particulières, telles que vacance et carence des dirigeants, atteinte à l’objet social, risque d’accomplissement d’actes préjudiciables à la société, mésentente générant de nombreuses procédures, les parties refusant toute solution amiable de leur conflit, etc…
En l’espèce, l’organe de gouvernance essentiel dans cette société anonyme, malgré son statut de coopérative, est le conseil d’administration , ce qui est rappelé par l’article L.225-35 du code de commerce, ainsi par les statuts de la société en son article 21 : ‘Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en oeuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées générales d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toutes questions intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent […]. Le conseil d’administration procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns. Chaque administrateur soit recevoir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission et peut obtenir auprès de la direction générale tous les documents qu’il estime utiles.’
Le président de son côté ‘représente le conseil d’administration. Il organise et dirige les travaux de celui-ci dont il rend compte à l’assemblée générale et exécute ses décisions. Il veille au bon fonctionnement des organes de la société et s’assure que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission.’
Ainsi que le soutient le groupe [N], le président appuyé en cela par une partie des administrateurs, refuse de réunir le conseil d’administration pour évoquer les mesures à prendre pour faire face à la perte du marché ATM, tout en menaçant les administrateurs du groupe [N] et en réclamant leur démission. Ce qui a commencé comme un désaccord sur l’orientation des activités de la SA SOPA entre les deux groupes d’administrateurs, a pris des proportions bien plus importantes puisque désormais le conseil d’administration refuse de débattre : les conseils d’administration sont réunis mais tout débat sur les enjeux quant à la pérennité des activités de la société est refusé et est devenu impossible. Dans sa lettre du 19 janvier 2022, le président a écrit, s’agissant de la sous-traitance proposée par le groupe [N], ‘il n’est pas question dans l’esprit des administrateurs du monde agricole, de débattre de cette modalité d’exploitation’, alors même que le conseil d’administration du 19 janvier avait précisément pour objet de débattre de ces projets. Il est ainsi pratiqué une politique de l’obstruction privant les administrateurs de la SA SOPA d’un débat sur les questions essentielles. L’approbation ou l’absence d’approbation de la sous-traitance proposée par le groupe [N] relève du conseil d’administration, ce qu’avait rappelé le conseil de la SA SOPA lors du conseil d’administration du 13 janvier 2022.
Si les conseils d’administration et l’assemblée générale des actionnaires de la SA SOPA se sont tenus depuis le 1er janvier 2022 à plusieurs reprises, le président et les sociétés intimées refusent de voir aborder les conséquences attachées à la perte du marché ATM, seules les questions de fonctionnement courant de la société sont évoqués (quitus, approbation des comptes, rapport annuel).
De surcroît, le président se prévalant d’un mandat d’une partie des administrateurs, a entamé deux procédures judiciaires, l’une visant à engager la responsabilité des administrateurs du groupe [N] et obtenir leur révocation, et l’autre aux fins de contester les modalités de l’appel d’offres ATM. Or, ces actions que le président a choisi d’initier, se situent en dehors du cadre des actes de direction générale de la société, elles nécessitaient l’approbation du conseil d’administration.
Ainsi, suite aux demandes répétées par le groupe [N], plusieurs décisions importantes auraient dû être soumises au conseil d’administration, et faute de l’avoir été, l’organe de gouvernance se trouve paralysé. Le fait de ne pas user de la faculté de l’article 42 des statuts de poser des questions écrites deux fois par an au président du conseil d’administration ne saurait justifier cette absence de débat au sein du conseil d’administration.
La paralysie du conseil d’administration de la SA SOPA, et les conflits entre sociétaires et administrateurs ouvertement partagés auprès des tiers, notamment dans la presse, exacerbés par les différentes procédures judiciaires existantes, caractérisent les circonstances rendant impossible son fonctionnement normal, et ce, peu important la partie à laquelle incombe la responsabilité du blocage ou encore l’ancienneté du litige.
– Il convient dans un second temps de déterminer si l’intérêt social est exposé à un péril imminent.
Il résulte des conclusions de la SA SOPA que son chiffre d’affaire qui s’établit à un montant d’environ 7 millions d’euros par an, est réalisé à hauteur de 50 % environ par le marché ATM, soit environ 3,5 millions par an ; que son expert-comptable a estimé la perte financière du marché ATM à une somme de 5 100 000 euros pour la seule année 2022.
La SA SOPA a entamé une procédure judiciaire aux fins d’obtenir l’annulation de la décision d’attribution du marché des ATM. Toutefois, depuis le 31 janvier 2022, l’attribution de ce marché au groupe [N] est entrée en vigueur. Or, la SA SOPA continue volontairement d’assurer la collecte des animaux trouvés morts sur les zones attribuées au groupe [N], et ce à titre gracieux, ce qu’elle ne conteste pas. Elle effectue ainsi des prestations qu’elle sait non rémunérées, ce qui aggrave encore les conséquences de la perte du marché en engageant des coûts et des frais de collecte puisque les associations ATM ne peuvent régler que l’attributaire du marché. La SA SOPA met ainsi en péril sa situation financière. Le président de la SA SOPA se prête à des agissements contraires à l’intérêt social : au 30 juin 2022, la SA SOPA a déjà subi une perte d’exploitation d’environ 500 000 euros.
La SA SOPA soutient que si la perte du marché ATM a pour elle, des conséquences financières, tout comme la poursuite des opérations de collecte et de traitement des ATM nonobstant la décision prise par les ATM, cette décision est la seule de nature à préserver ses intérêts dans l’hypothèse de l’annulation des marchés d’attribution des ATM.
La SA SOPA est toutefois dans l’impossibilité de déterminer la durée de cette procédure judiciaire (ainsi que son issue), et elle ne peut raisonnablement poursuivre une telle politique, qui n’a pas été approuvée par le conseil d’administration, et qui risque de la conduire à des pertes d’exploitation excessivement importantes, malgré les réserves et placements financiers qu’elle détient. Le risque de péril imminent est ainsi caractérisé.
Les conditions pour la désignation d’un administrateur provisoire sont ainsi caractérisées. L’ordonnance sera donc infirmée sur ce point.
Sur les autres demandes du groupe [N]
L’article 873 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le groupe [N] demande à la cour de :
– faire injonction à la SA SOPA de cesser de collecter des animaux trouvés morts en élevage sur les départements du Cantal, de l’Aveyron, du Lot et de la Corrèze, sous astreinte d’un montant de 5 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, et ce, jusqu’au complet arrêt de ladite collecte ;
– faire interdiction à la SA SOPA de dénigrer publiquement et/ou de publier des informations trompeuses sur ses concurrents ou la décision d’attribution des marchés du Cantal, de l’Aveyron, du Lot et de la Corrèze par les associations ATM, par voie de presse ou par tout autre moyen, sous astreinte de 10 000 euros par manquement constaté.
S’agissant du second point, la demande visant à ‘faire interdiction à la SA SOPA de dénigrer publiquement et/ou de publier des informations trompeuses sur ses concurrents ou la décision d’attribution des marchés par les associations ATM’, n’a pas de sens, dans la mesure où les faits pour lesquels il est sollicité une interdiction constituent par définition des fautes. Il appartiendra au groupe [N] de saisir la juridiction compétente aux fins de voir sanctionner de tels comportements si ceux-ci se trouvaient être caractérisés.
Sur la demande visant à faire injonction à la SA SOPA de cesser la collecte des ATM sur les départements du Cantal, de l’Aveyron, du Lot et de la Corrèze, le groupe [N] soutient que la politique mise en oeuvre par le présidente de la SA SOPA fait peser un risque important à cette dernière et à ses dirigeants au travers les actions qu’elle entreprend ; qu’au delà des dommages caractérisés, ces comportements sont de nature à engager la responsabilité délictuelle de la société, s’agissant d’actes de concurrence déloyale ou de procédés susceptibles de caractériser des actes anormaux de gestion du fait de leur gratuité.
La SA SOPA a démontré que l’attribution des marchés ATM ne confère pas une exclusivité d’enlèvement des animaux morts en ferme sur les départements concernés. En effet, les éleveurs n’ont pas l’obligation de recourir à la société d’équarrissage bénéficiant du marché ATM, le seul bénéfice pour eux d’avoir recours à l’attributaire du marché est de leur permettre de bénéficier d’un coût d’enlèvement de l’animal au tarif prévu à la cotisation volontaire obligatoire. Il appartiendra au groupe [N] de saisir le juge du fond s’il entend soutenir que ces agissement constituent des actes de concurrence déloyale, en caractérisant les éléments constitutifs de cette qualification, qui en l’état, d’évidence, ne sont pas démontrés.
Par ailleurs, la désignation d’un administrateur provisoire va permettre de porter un jugement impartial sur les suites à donner dans cette affaire.
Ainsi, les deux demandes d’injonction formées par le groupe [N] seront rejetées.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Succombant principalement à l’instance, la SA Sopa, la Chambre d’Agriculture de la Corrèze, la Chambre d’Agriculture du Cantal, la Chambre d’Agriculture du Lot, le Groupement Corrézien de Défense Sanitaire et l’Union de Coopératives Altitude seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel, et à verser à la SAS [N], la SAS Secanim Sud-Est, la SAS Secanim Bretagne, la SAS Secanim Centre, la SAS Refood Biogaz et la SAS Sarval Rhône-Cuirs, la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, en matière de référé, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Confirme par motifs substitués, l’ordonnance en ce qu’elle a débouté la SAS [N], la SAS Secanim Sud-Est, la SAS Secanim Bretagne, la SAS Secanim Centre, la SAS Refood Biogaz et la SAS Sarval Rhône-Cuirs de leurs demandes aux fins de :
faire injonction à la SA SOPA de cesser de collecter des animaux trouvés morts en élevage sur les départements du Cantal, de l’Aveyron, du Lot et de la Corrèze, sous astreinte d’un montant de 5 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, et ce, jusqu’au complet arrêt de ladite collecte ;
faire interdiction à la SA SOPA de dénigrer publiquement et/ou de publier des informations trompeuses sur ses concurrents ou la décision d’attribution des marchés du Cantal, de l’Aveyron, du Lot et de la Corrèze par les associations ATM, par voie de presse ou par tout autre moyen, sous astreinte de 10 000 euros par manquement constaté ;
Infirme le surplus des dispositions de l’ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau :
Désigne M. [T] [S] exerçant au sein de la Selarl AJ UP, [Adresse 14], inscrit sur la liste des administrateurs judiciaires, en qualité d’administrateur provisoire avec pour mission de gérer et d’administrer la SA SOPA avec tous pouvoirs dévolus aux dirigeants par les dispositions légales et statutaires, et notamment de :
décider de toutes mesures d’urgence propres à éviter tout péril et maintenir l’activité de l’entreprise et la continuité du service et de l’emploi ;
inventorier les scénarios possibles pour l’avenir et solliciter à cette fin de manière apaisée les propositions et objectifs de tous les administrateurs et actionnaires ;
organiser un débat apaisé et des délibérations opportunes entre les parties prenantes ;
échanger avec les autorités publiques compétentes ;
rendre compte régulièrement à la cour d’appel de Riom ;
Dit que l’administrateur provisoire rendra compte de l’accomplissement de sa mission auprès de la cour d’appel de Riom dans un délai de trois mois à compter de sa désignation ;
Fixe la durée de l’administrateur ainsi désigné à trois mois, délai au terme duquel la cour d’appel de Riom pourra réexaminer à la lumière des constats du rapport de l’administrateur provisoire, si la mesure est toujours justifiée ;
Dit que la rémunération définitive sera arrêtée par la cour d’appel de Riom à l’issue de son choix ;
Dit que l’administrateur provisoire pourra se faire assister de toute personne de son choix ;
Dit que l’administrateur provisoire s’en référera à la cour d’appel de Riom qui l’a désigné en cas de difficulté ;
Ordonne à la diligence de l’administrateur provisoire, la mention au Registre du Commerce et des Sociétés de la décision à intervenir ;
Condamne in solidum la SA SOPA, la Chambre d’Agriculture de la Corrèze, la Chambre d’Agriculture du Cantal, la Chambre d’Agriculture du Lot, le Groupement Corrézien de Défense Sanitaire et l’Union de Coopératives Altitude aux dépens de première instance et d’appel, et à verser à la SAS [N], la SAS Secanim Sud-Est, la SAS Secanim Bretagne, la SAS Secanim Centre, la SAS Refood Biogaz et la SAS Sarval Rhône-Cuirs, la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,