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L’employeur qui ne satisfait pas à son obligation d’entretien professionnel dédié tous les deux ans aux perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d’emploi de la salariée s’expose à une condamnation.
L’employeur n’a pas rempli son obligation de formation à l’égard d’une salariée en contrevenant aux dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail alors que depuis son embauche, elle n’a bénéficié d’aucune formation significative, ni d’entretiens prévus par la loi, justifiant sa demande de dommages et intérêts en raison des répercussions importantes sur son salaire et sur ses droits à la retraite.
En effet, selon l’article L. 6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences.
Et l’article L6315-1 du même code énonce notamment que :
I- A l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.
II. – Tous les six ans, l’entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s’apprécie par référence à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.
Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d’apprécier s’il a :
1° Suivi au moins une action de formation ;
2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
3° Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
En matière de formation professionnelle, l’employeur a donc une double obligation : payer ses contributions et veiller au maintien de l’adaptation et de l’employabilité de ses salariés.
17 mars 2023
Cour d’appel de Bourges
RG n°
22/00289
SD/SLC
N° RG 22/00289
N° Portalis DBVD-V-B7G-DN6A
Décision attaquée :
du 1er février 2022
Origine :
conseil de prud’hommes – formation paritaire de NEVERS
——————–
S.A.S. DREKAN ÉLECTROMÉCANIQUE
C/
Mme [Y] [V]
——————–
Expéd. – Grosse
Me ALLAIN 17.3.23
Me LAVAL 17.3.23
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 MARS 2023
N° 40 – 14 Pages
APPELANTE :
S.A.S. DREKAN ÉLECTROMÉCANIQUE
[Adresse 1]
Ayant pour avocate Me Julie ALLAIN de la SELARL Julie ALLAIN AVOCAT, du barreau de LILLE
INTIMÉE :
Madame [Y] [V]
[Adresse 3]
Représentée par Me Cathie LAVAL, substituée par Me Anne-Laure BEZARD-VILLARD, de la SCP SOREL & ASSOCIES, avocate au barreau de BOURGES
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre, rapporteur
en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE
Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre
Mme de LA CHAISE, présidente de chambre
Mme CLÉMENT, présidente de chambre
Arrêt n°40 – page 2
17 mars 2023
DÉBATS : A l’audience publique du 6 janvier 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 3 mars 2023 par mise à disposition au greffe. A cette date le délibéré était prorogé au 17 mars 2023.
ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 17 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Drekan Electromecanique est spécialisée dans la réparation d’équipements électriques notamment de moteurs électriques, de pompes et de surpresseurs et employait plus de 11 salariés au moment de la rupture.
Mme [Y] [V] a initialement été embauchée suivant contrat à durée déterminée du 23 mars au 23 juin 1992 par la société Champeau et Casanave en qualité de secrétaire comptable, puis à compter du 24 juin 1992, la relation de travail s’est continuée par la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée avec reprise d’ancienneté.
Le contrat de travail de la salariée a été repris au fil des années avec reprise d’ancienneté par la société ODI investissement, puis de nouveau par la SAS Champeau et Casanave et enfin, à compter du 1er janvier 2016, par la SAS Drekan Electromecanique avec une ancienneté acquise au 23 mars 1992.
Au dernier état de la relation de travail, elle percevait pour son emploi de secrétaire comptable, statut technicien, niveau III, échelon 3, coefficient 240, un salaire mensuel brut de 1 960 euros, pour 130 heures de travail mensuel.
Cet emploi relève de la convention collective de la métallurgie.
Par courrier du 27 avril 2020, Mme [V] a été convoquée pour le 19 mai 2020 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.
Par courrier du 25 mai 2020, Mme [V] a été licenciée pour faute grave.
Contestant son licenciement et sollicitant paiement de sommes, Mme [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Nevers le 1er octobre 2020, lequel par jugement du 1er février 2022, a :
– dit le licenciement de Mme [V] sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la SAS Drekan Electromecanique à lui payer les sommes de :
-3 920 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 392 euros au titre des congés payés afférents,
– 16 878 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 37 240 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 000 euros en réparation de l’absence d’évolution de carrière et du manquement à l’obligation de formation,
– 800 euros au titre de l’inégalité de traitement en lien avec le non-respect des règles en matière d’activité partielle,
– 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
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– ordonné sous astreinte à la SAS Drekan Electromecanique de délivrer à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés et un bulletin de salaire complémentaire afférent aux condamnations prononcées,
– débouté Mme [V] du surplus de ses demandes,
– débouté la SAS Drekan Electromecanique de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que du surplus de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
La SAS Drekan Electromecanique a interjeté appel le 07 mars 2022 de la décision prud’homale, qui lui a été notifiée le 22 février 2022.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2022, la SAS Drekan Electromecanique demande à la cour de :
1. Sur le licenciement
A titre principal
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a estimé le licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
– dire que le licenciement de Mme [V] est fondé sur une faute grave,
En conséquence,
– débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes,
Subsidiairement
– dire que le licenciement de Mme [V] repose sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
-rejeter la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre infiniment subsidiaire,
– réduire à de plus justes proportions la condamnation du conseil de prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit à la somme de 5 880 €,
2. Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour absence d’évolution salariale et manquement à l’obligation de formation
A titre principal
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a accordé à Mme [V] la somme de 2 000 €,
– rejeter la demande de dommages et intérêts de Mme [V]
A titre subsidiaire,
– débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts, manifestement excessive, en l’absence de démonstration d’un préjudice,
A titre infiniment subsidiaire,
– réduire à de plus justes proportions la condamnation de la société par le conseil de prud’hommes, en l’absence de justification sérieuse,
3. Sur la demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement
A titre principal,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a accordé à Mme [V] la somme de 800 €
– rejeter la demande de dommages et intérêts de Mme [V]
A titre subsidiaire,
– débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts, manifestement excessive, en l’absence de démonstration d’un préjudice,
A titre infiniment subsidiaire,
– réduire à de plus justes proportions la condamnation de la société par le conseil de prud’hommes, en l’absence de justification sérieuse,
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4. Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral
A titre principal,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Mme [V] de sa demande,
Subsidiairement,
– débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts, manifestement excessive, en l’absence de démonstration d’un préjudice,
5. Sur la demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Mme [V] de sa demande
Subsidiairement,
– débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts, manifestement excessive, en l’absence de démonstration d’un préjudice,
En tout état de cause,
– débouter Mme [V] de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [V] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et mettre à sa charge les frais et les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, Mme [V] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
– dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la SAS Drekan Electromecanique à lui verser les sommes suivantes :
o 3 920 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 392 € au titre des congés payés afférents,
o 16 878 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,
o 37 240 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonné à la SAS Drekan Electromecanique de délivrer les documents de fin de contrat rectifiés et un bulletin de salaire complémentaire afférent aux condamnations prononcées,
– dit que la remise de l’ensemble de ces documents est assortie d’une astreinte provisoire de 30 € par jour de retard, commençant à courir au-delà d’un délai d’un mois suivant la notification du présent jugement,
– débouté la SAS Drekan Electromecanique de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses demandes,
– condamné la SAS Drekan Electromecanique aux entiers dépens,
– l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau sur ces points :
– condamner la SAS Drekan Electromecanique à lui verser les sommes suivantes :
o 15 000 € en réparation de l’absence d’évolution de carrière et du manquement à l’obligation de formation,
o 3 000 € au titre de l’inégalité de traitement en lien avec le non-respect des règles en matière d’activité partielle,
o 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi ou, subsidiairement, de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
– A titre subsidiaire, sur le licenciement, le requalifier en licenciement pour faute simple et, en conséquence, condamner l’employeur à lui régler les sommes suivantes :
o 3 920 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
o 392 € au titre des congés payés afférents,
o 16 878 € à titre d’indemnité légale de licenciement.
– débouter la SAS Drekan Electromecanique de ses demandes plus amples ou contraires.
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– déclarer la demande de la SAS Drekan Electromecanique au titre de l’article 700 du code de Procédure civile irrecevable ou à tout le moins mal fondée et l’en débouter,
– condamner la SAS Drekan Electromecanique à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est en date du 04 janvier 2023.
SUR CE
1) Sur l’obligation de formation et l’absence d’évolution de carrière
Selon l’article L. 6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences.
Et l’article L6315-1 du même code énonce notamment que :
I- A l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.
II. – Tous les six ans, l’entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s’apprécie par référence à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.
Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d’apprécier s’il a :
1° Suivi au moins une action de formation ;
2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
3° Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
En matière de formation professionnelle, l’employeur a donc une double obligation : payer ses contributions et veiller au maintien de l’adaptation et de l’employabilité de ses salariés.
En l’espèce, Mme [V] soutient que l’employeur n’a pas rempli son obligation de formation à son égard en contrevenant aux dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail alors que depuis son embauche, elle n’a bénéficié d’aucune formation significative, ni d’entretiens prévus par la loi, justifiant sa demande de dommages et intérêts en raison des répercussions importantes sur son salaire et sur ses droits à la retraite. Elle ajoute qu’en raison notamment de cette absence de formation, elle ne peut que plus difficilement retrouver un emploi, ou un emploi moins qualifié.
La SAS Drekan Electromécanique réplique à tort que n’ayant travaillé pour M. [P] qu’à compter du 1er août 2015, soit quatre années, Mme [V] a été remplie de ses droits :
– à formation par une formation sur les EPI le 26 mai 2016, une autre sur les évolutions numériques liées à la mise en place d’un portail spécifique le 10 mai 2019 et deux autres programmées en début d’année 2020 mais annulées en raison de la crise sanitaire,
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– à entretien en ce qu’elle a bénéficié d’un entretien professionnel le 19 avril 2019.
En effet, l’employeur qui admet la reprise de la société ODI Investissement et le contrat de travail de la salariée ainsi que son ancienneté, ne démontre pas avoir rempli son obligation légale de formation au sens des dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail susvisé par la participation à une journée de formation le 10 mai 2019 – ou 07 mai en pièce 42 de l’employeur – que la salariée affirme sans être contredite nécessaire à la gestion des commandes auprès du fournisseur ABB et une journée de formation ‘équipier de première intervention’ sans lien avec son poste de travail et son évolution professionnelle.
Il n’établit pas plus avoir satisfait à son obligation d’entretien professionnel dédié tous les deux ans aux perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi de la salariée puisqu’il a réalisé un unique entretien le 19 avril 2019.
La cour, par infirmation du jugement sur le quantum des dommages et intérêts alloués, condamnera la SAS Drekan Electromécanique à verser à Mme [V], qui n’a bénéficié d’aucune évolution de carrière en ce qu’elle avait au moment de la rupture du contrat de travail le même coefficient de rémunération qu’à tout le moins en 2011 mais ne justifie pas d’un préjudice plus important, la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice né de l’absence de formation.
2) Sur l’inégalité de traitement en lien avec le non-respect des règles en matière d’activité partielle
Les articles L. 3221-2 et suivants du Code du travail imposent à l’employeur d’assurer pour un même travail ou de valeur égale, une égalité de rémunération.
Un employeur doit donc attribuer les mêmes droits à ses salariés selon le principe d’égalité de traitement.
Et selon l’article L. 3221-4 du Code du travail, ont une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
Seules seront donc admises les différences de traitement justifiées par des éléments objectifs, pertinents et vérifiables.
En l’espèce, Mme [V] sollicite à hauteur de 3 000 euros réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison d’une inégalité de traitement en matière d’activité partielle en ce qu’il a été instauré une différence entre les salariées et plus particulièrement entre elle-même et Mme [A], appartenant au même service et effectuant le même travail par une individualisation de la mesure.
Selon l’article L5122-1 du code du travail :
I. – Les salariés sont placés en position d’activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l’autorité administrative, s’ils subissent une perte de rémunération imputable :
-soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établissement ;
-soit à la réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement ou partie d’établissement en deçà de la durée légale de travail.
En cas de réduction collective de l’horaire de travail, les salariés peuvent être placés en position d’activité partielle individuellement et alternativement.
II. – Les salariés reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil
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d’Etat. L’employeur perçoit une allocation financée conjointement par l’Etat et l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage. Une convention conclue entre l’Etat et cet organisme détermine les modalités de financement de cette allocation.
Le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité.
Il est établi et non contesté qu’en raison de la crise sanitaire, il a été décidé qu’au sein de l’agence de [Localité 2] dans laquelle travaillaient Mme [V] et Mme [A] , le service commercial ferait l’objet d’une fermeture partielle et l’atelier d’une réduction d’activité, l’intimée ayant été placée sans discontinuité en activité partielle du 19 mars 2020 au 01 mai 2020 inclus et Mme [A] du 14 au 21 avril et du 24 avril au 1er mai inclus.
Si les fonctions pour lesquelles ces deux salariées ont été recrutées n’étaient pas similaires – secrétaire comptable pour Mme [V] et assistante commerciale pour Mme [A] – il se déduit néanmoins du mail daté du 06 février 2019 organisant leur rôle au sein du ‘support agence sédentariat’ ainsi que du mail daté du 15 juillet 2019 organisant les congés d’été, qu’un mode de fonctionnement commun avait été adopté afin de pouvoir assurer un intérim de l’une à l’autre en cas d’absence et qu’elles étaient amenées à travailler en binôme et à se remplacer.
C’est donc inutilement que l’employeur s’oppose à la demande indemnitaire en soutenant que la mesure d’activité partielle instaurée au sein de l’agence de [Localité 2] a bien été collective et alternative et qu’en tout état de cause, les missions réalisées par les deux salariées n’étaient pas identiques.
Aux termes de l’article 10 ter de l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle:
I. – Par dérogation au I de l’article L. 5122-1 du code du travail, l’employeur peut, soit en cas d’accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de convention ou d’accord de branche, soit après avis favorable du comité social et économique ou du conseil d’entreprise, placer une partie seulement des salariés de l’entreprise, d’un établissement, d’un service ou d’un atelier, y compris ceux relevant de la même catégorie professionnelle, en position d’activité partielle ou appliquer à ces salariés une répartition différente des heures travaillées et non travaillées, lorsque cette individualisation est nécessaire pour assurer le maintien ou la reprise d’activité.
L’accord ou le document soumis à l’avis du comité social et économique ou du conseil d’entreprise détermine notamment :
1° Les compétences identifiées comme nécessaires au maintien ou à la reprise de l’activité de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier ;
2° Les critères objectifs, liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles, justifiant la désignation des salariés maintenus ou placés en activité partielle ou faisant l’objet d’une répartition différente des heures travaillées et non travaillées ;
3° Les modalités et la périodicité, qui ne peut être inférieure à trois mois, selon lesquelles il est procédé à un réexamen périodique des critères mentionnés au 2° afin de tenir compte de l’évolution du volume et des conditions d’activité de l’entreprise en vue, le cas échéant, d’une modification de l’accord ou du document ;
4° Les modalités particulières selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés concernés ;
5° Les modalités d’information des salariés de l’entreprise sur l’application de l’accord pendant toute sa durée.
II. – Les accords conclus et les décisions unilatérales prises sur le fondement du présent article cessent de produire leurs effets à la date fixée en application de l’article 12 de la présente ordonnance.
Et l’article 12 de ladite ordonnance énonce que les dispositions de la présente ordonnance sont
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applicables à compter du 12 mars 2020 jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2022 pour les articles 2,3,5,6,8 ter, 9 et 10, et jusqu’au 31 décembre 2021 pour les autres articles, sous réserve des alinéas suivants.
Ainsi, si aux termes de ces ordonnances, l’employeur avait dès le 12 mars 2020 la possibilité d’individualiser la mesure de mise en activité partielle, il se devait d’en démontrer la nécessité pour assurer le maintien ou la reprise d’activité.
A défaut de cette démonstration et de l’objectivation des critères liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles ayant justifié le placement de Mme [V] en activité partielle pendant plus de six semaines quand Mme [A] ne l’a été que pendant deux semaines et demie, la SAS Drekan Electromécanique n’a pas traité également ses salariées, générant pour l’intimée un préjudice qui sera justement réparé par la somme de 800 euros que l’employeur sera condamné à lui verser par confirmation du jugement critiqué.
3) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et subsidiairement pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail
a) Sur le harcèlement moral
Il résulte de l’article L. 1152-1 du code du travail que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, il incombe au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement, éléments au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, l’appelante fait grief à la décision attaquée de l’avoir déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral en considérant à tort, sans autre motivation, que les ‘conditions strictes posées par les textes et la jurisprudence pour la reconnaissance d’un harcèlement moral ne sont pas remplies’, alors qu’il lui incombe seulement de démontrer la matérialité des faits allégués, et de ne pas avoir examiné sa demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi de son contrat de travail.
Mme [V] invoque ainsi à l’appui du harcèlement moral qu’elle dit avoir subi :
– de précédentes procédures disciplinaires injustifiées et avortées,
– des réunions souvent programmées en son absence la mettant à l’écart ou à tout le moins ne lui donnant pas de droit de réponse,
– l’absence de mise en place de solutions face à ses alertes devant sa charge de travail,
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– l’information des autres salariés avant elle de son licenciement,
– son exclusion totale de l’entreprise par sa mise en chômage partiel.
Elle verse en premier lieu aux débats :
– une attestation de M. [I] [H] datée du 05 juillet 2020 affirmant dans des termes non circonstanciés que des réunions se sont tenues en l’absence de la salariée et que la décision de partager le téléphone une semaine sur deux n’a pas été appliquée,
– une attestation de M. [U] [M] indiquant que les réunions de travail avaient souvent lieu quand ‘[Y]’ était absente sans aucune autre précision.
En l’absence d’élément pouvant objectiver ces allégations, la salariée échoue à démontrer la matérialité de ces faits.
Elle produit encore :
– une attestation de M. [D] [F], responsable de l’agence de [Localité 2] du 03 août 2015 au 25 mai 2020, affirmant l’existence de deux procédures disciplinaires n’ayant pas abouti,
– une lettre de convocation datée du 17 mars 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant avoir lieu le 26 avril 2016,
– des attestations de M. [I] [H] et de M. [U] [M], datées des 1er juillet et 09 août 2020 affirmant avoir appris le 27 mai 2020 au matin le licenciement de Mme [V] qui interrogée par téléphone en début d’après midi n’en avait pas encore connaissance,
– une note de service relative à l’instauration de l’activité partielle – chômage partiel – de la salariée pour la période du 19 mars 2020 au 1er mai 2020 inclus et le récapitulatif de ses heures travaillées du 30 mars au 30 avril 2020.
Il se trouve ainsi matériellement établi que Mme [V] a fait l’objet de précédentes procédures disciplinaires, que ses collègues ont eu connaissance de son licenciement alors qu’elle n’en était pas encore informée et qu’elle a subi une mise en chômage partiel à compter du 19 mars 2020.
Elle verse encore aux débats :
– une demande de rendez-vous à la médecine du travail par email du 13 novembre 2019 en raison d’une situation de harcèlement qu’elle affirme subir,
– un certificat médical du docteur [S], médecin généraliste, daté du 21 juin 2022 attestant avoir été consulté par la salariée entre novembre 2019 et mars 2020 en raison d’une oppression thoracique et d’un surmenage.
Ainsi, pris dans leur ensemble avec les éléments médicaux qui viennent d’être décrits, les procédures disciplinaires entamées, l’annonce de son licenciement aux autres salariés et sa mise en chômage partiel, ainsi que leur impact sur sa santé et ses conditions de travail, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
La SAS Drekan Electromecanique conteste les faits de harcèlement moral et produit aux débats :
– un email du 04 février 2016 émanant de M. [W] [P] adressé à la salariée par lequel il lui est fait notamment un rappel d’un échange intervenu le 08 janvier précédent et de la nécessité de lui faire parvenir les éléments de ‘reporting’ sollicités, sans lesquels la bonne marche de l’entreprise serait compromise et l’informe qu’à défaut d’une organisation rapidement revue ‘nous ne pourrons avancer ensemble dans la durée et de manière sereine’, ce qui a manifestement été le cas puisqu’il a pu le 16 juin 2016 lui indiquer également par email qu’il
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appréciait beaucoup la manière dont elle avait réagi après les tensions de début d’année où il avait eu des doutes sur ses capacités à s’adapter à la croissance de l’entreprise et la remercie.
Il est ainsi démontré que c’est dans l’exercice de son pouvoir de direction que l’employeur avait estimé nécessaire de convoquer la salariée le 17 mars 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui n’a pas été suivi d’effet en raison des adaptations de Mme [V] à ses missions,
– la lettre de licenciement de Mme [V] datée du 25 mai 2020, soit antérieurement à l’annonce qui en a été faite aux autres salariés du site de [Localité 2] le 27 mai 2020, lui enlevant tout caractère fautif.
Dès lors, l’ensemble de ces décisions prises par la SAS Drekan Electromécanique a été justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, en l’occurrence l’exercice de son propre pouvoir de direction.
L’inégalité de traitement, lors de la mise en activité partielle de Mme [V], ne peut caractériser des agissements répétés en ce qu’il s’agissait d’un fait unique.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [V] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
b) Sur l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail
Aux termes de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
S’il vient d’être démontré que c’est avec une particulière déloyauté que l’employeur a fait le choix de placer Mme [V] en activité partielle pendant plus de six semaines, le préjudice en résultant a d’ores et déjà été indemnisé et Mme [V] sera déboutée, par ajout au jugement critiqué, de sa demande du même chef fondée sur l’exécution déloyale du contrat de travail.
4) Sur la contestation du licenciement et les demandes indemnitaires subséquentes
a) Sur la cause du licenciement
Il résulte de l’article L. 1235-1 du code du travail que le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être existante et exacte ce qui oblige le juge à vérifier que d’autres faits allégués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement. La cause sérieuse est celle d’une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.
La faute grave, enfin, est une cause réelle et sérieuse mais d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Seuls les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs profes-sionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié peuvent être considérés comme fautifs.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement pour faute grave du 25 mai 2020, trop longue pour être entièrement reproduite, il est fait grief à Mme [Y] [V] d’avoir, malgré de multiples rappels écrits et un entretien tenu le 24 octobre 2019, fait preuve d’insubordination et de négligences fautives répétées en ces termes :
‘(…)1. Le 05 mars 2020, notre client Decize Carrelage a signé un devis pour un montant de 1 118 Euros. Il vous incombait alors de passer la commande chez les fournisseurs concernés. Vous avez noté sur le bon de commande en question qu’il vous fallait consulter vos collègues le 09 mars 2020 afin qu’ils valident les commandes des pièces. Or, au jour de l’entretien (le 19 mai 2020) aucune commande n’a été passée et le client attendait toujours la livraison ! Nous vous rappelons que selon les consignes relatives au traitement des dossiers client, les
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approvisionnements doivent être lancés dans le délai de 2 jours ouvrés.
2. Nous avons découvert le 27 mars 2020 que vous avez à nouveau bafoué la procédure relative au suivi commercial : au lieu d’établir un devis, comportant entre autres nos conditions générales de vente, pour un client particulier, vous lui avez simplement fait signer une page d’un catalogue correspondant au produit souhaité. Aucun enregistrement de l’affaire dans l’intranet n’a été effectué. Il ne s’agit pas d’un fait isolé.
3. Affaire [J] : suite à l’expertise d’une pompe défaillante de notre client ‘Centre voiries’, nous vous avons demandé, le 03 mars 2020, de passer commande d’une pompe de remplacement chez un nouveau fournisseur : l’entreprise ‘[J]’. Nous constatons que contrairement aux consignes données vous n’avez pas transmis en interne les informations nécessaires pour la création du compte fournisseur et le règlement de la facture pro-forma qui permettait de valider la commande fournisseur. De nouveau, ce sont vos collègues qui se sont chargés d’effectuer les tâches qui vous incombaient. Comme c’est souvent le cas, nous étions mis au courant du dossier par le client lui-même suite a sa relance.
4. De manière générale, lors d’une commande fournisseur sur Sage, il vous est demandé de renseigner les codes affaires pour le suivi de la facturation. Le 09/03/2020, vous avez inversé les matériels sur les codes affaires suivant (N°FORR2013942 et FORR2019941) faussant ainsi les marges dans notre intranet, et compliquant la gestion et le suivi de la commande auprès de notre fournisseur.
5. Le O2 mars 2020 notre client ‘Compagnie Française du Parquet’ vous a informée que, suite à une erreur dans les spécifications du fournisseur, il convenait de modifier la commande initiale. Pour cela, vous en étiez consciente et informée, la première pompe livrée devait être retournée chez le fournisseur afin qu’un avoir du montant de la commande initiale puisse être établi. Il était ensuite nécessaire de procéder à la commande du matériel correspondant au nouveau chiffrage du fournisseur que vous avez reçu le 12 mars 2020. Nous vous rappelons que vous avez reçu la consigne de traiter les approvisionnements dans le délai de 2 jours ouvrés.
Contrairement au bon sens, vous n’avez tout simplement pas passé la nouvelle commande.
Pire encore, vous n’avez pas pris le soin de communiquer les informations nécessaires au suivi du dossier à vos collègues ! C’est suite à la relance du client que les collaborateurs ont dû à votre place, s’occuper de la commande, qui a enfin été passée le 20 avril. Ce sont vos collègues qui ont retourné la mauvaise pompe au fournisseur. Notre client a dû donc attendre jusqu’au 19 mai pour se voir enfin livrer le bon matériel.
6. Le 14 octobre 2019 vous avez suivi une formation relative à l’utilisation du portail de notre fournisseur ABB, portail permettant de passer des commandes du matériel en ligne. Ce mode de fonctionnement donne à l’entreprise le droit à une réduction de 4 a 6%. Il a donc été ensuite demandé à l’ensemble du personnel concerné de se servir exclusivement de ce portail pour passer les commandes. Le 06 février, un rappel a été adressé, car vous étiez la seule à ne pas utiliser cet outil. Nous vous avions également demandé de nous informer si vous éprouviez des difficultés à son utilisation, afin de vous aider. Nous n’avons reçu aucun retour. Mais nous avons constaté que malheureusement vous continuiez à utiliser la procédure ‘papier’ et email qui ne rentre pas dans le cadre de l’accord avec le fournisseur qui s’est plaint du non-respect de la procédure. Quant aux conséquences immédiates pour l’entreprise, nous ne bénéficiions pas de la remise complémentaire pourtant intégrée dans nos coûts de revient.
7. Ce n’est pas la première fois qu’une gestion négligente des dossiers de votre part entraîne des délais supplémentaires pour nos clients et des problèmes de gestion liés à l’absence de toute communication dans le traitement des dossiers-vos collègues découvrent les problèmes par hasard et/ou après des relances bien embarrassantes des fournisseurs ou des clients qui prennent note d’une mauvaise organisation de notre entreprise. La gestion calamiteuse de l’affaire [Z] s’est avérée coûteuse financièrement mais aussi en termes d’image et en retard très important dans la facturation (plus de 2 mois de retard).
Et c’est justement notre client [Z] qui nous a fait part d’une nouvelle erreur dans la facturation de sa commande. Le montant de l’item H820 est erroné, il devait être facturé à un montant de 5 860 Euros, mais a été facturé pour 11 620 Euros. Vous n’avez en effet pas indiqué le bon prix sur les bordereaux de livraison.
Le client est très déçu de notre traitement des commandes. Il nous a indiqué par courrier ne plus souhaiter travailler avec l’agence de [Localité 2] à cause de la gestion calamiteuse des dossiers. Seule l’excellent relationnel de M. [C] avec le client a permis de lui faire accepter de refaire un essai mais avec une autre de nos agences ( …)’.
Il convient tout d’abord de constater que contrairement à ce qu’avance la SAS Drekan Electromécanique, Mme [V] conteste formellement ne pas avoir suivi les consignes qu’elle aurait trouvées ‘lourdes’ et les reproches qui lui sont ainsi faits.
Sur la matérialité des faits
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– S’agissant du dossier du client Decize Carrelage, l’employeur produit un email du directeur du site de Decize en date du 19 février 2020 ayant validé un accord sur le devis vu avec le commercial et un bon de commande client établi le 05 mars 2020 par la SAS Drekan Electromécanique pour un montant de 11 188 euros sur lequel, sans que cela soit contesté, Mme [V] a écrit ‘Voir [N] et [L] lundi 9 mars pour commande’. L’employeur entend déduire de l’absence de bon de commande passé au jour de l’entretien préalable, soit le 19 mai 2020, une faute de la salariée qui avait deux jours pour y procéder selon le processus interne auquel il se réfère. Il ne démontre néanmoins pas la carence de Mme [V] à avoir tenté d’obtenir les éléments nécessaires à l’établissement du bon de commande susdit le 9 mars 2020, ni qu’elle a été en mesure de l’établir avant son placement en activité partielle le 19 mars suivant.
Ainsi, l’employeur échoue à apporter la preuve que Mme [V] n’aurait pas traité la demande de la société Decize avec la célérité requise.
– Sur le non respect de la procédure d’établissement d’un devis pour un particulier qu’il aurait découvert le 27 mars 2020, l’employeur produit une page de catalogue, non datée, sur laquelle Mme [V] admet avoir écrit : ‘attendre commande à regrouper’ et ‘ à commander’ sur instruction de son collègue, M. [G], ayant lui même inscrit le nom du client qui a signé. Il ne peut se déduire de ce document qu’aucun enregistrement de l’affaire dans l’intranet n’a été effectué, qu’aucun devis n’a ensuite été établi comprenant les conditions générales de vente conformément aux directives données, ni que la salariée a été en mesure de le faire avant son placement en activité partielle le 19 mars 2020.
– S’agissant de l’affaire [J], l’employeur verse aux débats le bon de commande du 21 février 2020, le processus de création d’un compte nouveau fournisseur, et les rappels des 06 août et 8 décembre 2018 adressés à l’ensemble de l’équipe.
En l’absence de réelle contestation de la salariée, le grief relatif à la non-transmission des informations nécessaires pour la création du fournisseur [J] doit être considéré comme établi.
– La SAS Drekan Electromécanique ne verse aucun document s’agissant de l’inversion des codes affaires autre que des emails généraux sur le remplissage des données intranet et ne démontre donc pas la matérialité du grief allégué.
– S’agissant de la nouvelle commande dans le dossier ‘Compagnie Française du Parquet’, l’employeur verse aux débats le bon de commande d’une pompe le 25 février 2020, le bon de livraison le 02 mars 2020 d’une pompe qui ne convenait pas en raison d’une erreur du fournisseur, revenue à l’atelier le 13 mars et réceptionnée par le magasinier le 16 mars selon les écrits de la salariée. Cette dernière admet qu’une nouvelle offre a été reçue le 12 mars et qu’elle n’a pas passé commande dans le délai de deux jours imparti.
En l’absence de réelle contestation de la salariée, le grief relatif à l’absence de gestion du retour de la pompe initiale et au fait de ne pas avoir passé de nouvelle commande suite au nouveau chiffrage du fournisseur doit être considéré comme établi.
– La SAS Drekan Electromécanique ne verse aucun document s’agissant du non respect par la salariée des procédures et instructions de l’entreprise en ce qu’elle continuait à passer des commandes en dehors du logiciel mis à disposition à cet effet, l’email de rappel du 06 février 2020 visé étant adressé à l’ensemble de l’agence de [Localité 4] et M. [X] attestant le 8 janvier 2021 avoir formé Mme [V] à l’outil informatique cBOL.
La matérialité du grief allégué n’est ainsi pas démontrée.
– L’employeur produit, s’agissant du dossier [Z], la facture délivrée le 30 novembre 2019 pour un montant de 11 620 euros et le courrier des établissements [Z] signalant un suivi inadéquat de ses commandes par Mme [V] et indiquant avoir dû le contacter le 15 mai 2020 pour soumettre un nouveau problème sur le montant de la facture. Il s’en déduit que l’employeur ayant eu connaissance du manquement de sa salariée à cette date, c’est de manière erronée que Mme [V] soulève la prescription des faits.
Ainsi, le grief d’erreur de facturation doit être considéré comme établi.
– Sur la gravité des griefs
Par un email du 16 mars 2020 à 14h37, l’employeur a préconisé : ‘ avant les annonces de ce soir,
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merci de
1) faire le point avec les techniciens,
2) procéder en urgence à la facturation de tous les travaux terminés ou presque, même si le client n’est pas venu chercher son matériel,
3) éditer les bons de livraisons et les faire parvenir aujourd’hui.
Tous les bons de livraison SAGE seront facturés aujourd’hui. Merci de régulariser avec les numéros de commandes.
Merci de prendre la mesure de l’importance de la demande’.
L’absence d’une nouvelle commande d’une pompe pour le client Compagnie Française du Parquet entre le jeudi 12 mars et la mise en activité partielle de Mme [V] à compter du 19 mars 2020 apparaît en conséquence dépourvu de tout caractère fautif en raison des circonstances et des priorités assignées par l’employeur.
Il est par ailleurs acquis que le 16 juin 2016 l’employeur considérait que Mme [V] avait su réagir et s’adapter à la croissance de l’entreprise et que c’est de manière erronée qu’il est indiqué que la relation de travail ne s’est pas déroulée sans encombre et a été ponctuée de rappels alors que seul un email du 1er octobre 2019 est spécifiquement adressé à la salariée.
Ainsi, il y a lieu de considérer, eu égard à l’ancienneté de plus de 28 années de la salariée, que la non-transmission des informations nécessaires pour la création du fournisseur [J] ainsi qu’ une erreur de facturation ne rendaient pas impossible le maintien de Mme [V] dans l’entreprise.
Il en résulte que la faute grave n’est pas caractérisée, ni aucun manquement fautif susceptible de justifier un licenciement.
En conséquence, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
b) Sur les demandes indemnitaires subséquentes
Mme [V] conclut à la confirmation du jugement sans énoncer de moyen au soutien de ses demandes relatives aux conséquences indemnitaires du licenciement, de sorte qu’elle sera réputée s’approprier les motifs du jugement conformément à l’article 954, alinéa 6, du code de procédure civile.
– Sur les demandes en paiement de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, et de l’indemnité légale de licenciement
Le licenciement de Mme [V] ayant été déclaré sans cause réelle et sérieuse et l’employeur ne critiquant pas la somme allouée par le conseil de prud’hommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que de l’indemnité légale de licenciement, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la SAS Drekan Electromécanique à payer à Mme [V] les sommes de :
– 3 920 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 392 euros au titre des congés payés afférents,
– 16 878 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, à défaut de réintégration dans l’entreprise employant habituellement au moins onze salariés, le juge octroie au salarié ayant une ancienneté d’au moins vingt huit années complètes, comme c’est le cas de Mme [V], une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre 3 mois et 19,5 mois de salaire brut.
En l’espèce, Mme [V] était âgée de 51 ans au jour du licenciement. Au regard des éléments portés à la connaissance de la cour, et notamment le niveau de la rémunération et les conditions de la rupture, mais également les difficultés à retrouver un emploi dont justifie la salariée qui n’a retrouvé qu’en juillet 2021 un emploi de secrétaire administrative de catégorie B non pérenne moyennant un salaire mensuel brut de 1 746,01 euros pour 151,67 heures travaillées, ainsi que des démarches qu’elle établit avoir effectuées pour se former et retravailler, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a condamné la société Drekan Electromécanique à lui payer la somme
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de 37 240 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement attaqué est confirmé de ce chef.
5) Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles
Compte tenu de ce qui précède, la demande de remise sous astreinte de documents de fin de contrat rectifiés et d’un bulletin de salaire complémentaire était fondée et c’est ainsi exactement que les premiers juges y ont fait droit.
Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Drekan Electromécanique, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel.
L’issue de la procédure et l’équité commandent par ailleurs de la condamner à payer à Mme [V] une somme complémentaire de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande d’indemnité de procédure.
Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail qui l’imposent, d’ordonner d’office à l’employeur, par voie complétive, de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [V] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
CONFIRME la décision déférée, sauf en ce qu’elle a fixé à 2 000 euros le montant de l’indemnité allouée au titre du manquement à l’obligation de formation,
Statuant du chef infirmé,
CONDAMNE la SAS Drekan Electromécanique à verser à Mme [Y] [V] la somme de 5 000 € au titre du manquement à son obligation de formation,
Y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [Y] [V] de sa demande indemnitaire formée au titre de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail,
CONDAMNE la SAS Drekan Electromécanique à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [Y] [V] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités,
CONDAMNE la SAS Drekan Electromécanique à payer à Mme [Y] [V] la somme complémentaire de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Drekan Electromécanique aux dépens d’appel et la DÉBOUTE de sa propre demande d’indemnité de procédure.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
S. DELPLACE C. VIOCHE