Droit de préemption et contestation de la vocation agricole des parcelles : enjeux et implications

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Droit de préemption et contestation de la vocation agricole des parcelles : enjeux et implications

Notification du projet de donation

Le 04 août 2021, Maître [B] [D] a informé la SAFER d’un projet de donation de parcelles de terre situées à Gréasque, appartenant à Madame [P] [X], en faveur de ses nièces, Mesdames [U] et [T] [H]. Les parcelles concernées sont cadastrées H n°19, H n°36 et H n°5, pour une superficie totale de 57 a 69 ca.

Exercice du droit de préemption

Le 04 octobre 2021, la SAFER a exprimé son intention d’exercer son droit de préemption sur les parcelles mentionnées. En réponse, le 12 octobre 2021, Maître [D] a transmis à la SAFER une lettre de renonciation à la donation signée par Madame [X] le 09 octobre 2021.

Refus de retrait de la préemption

Le 26 octobre 2021, la SAFER a informé Maître [D] que le droit de retrait du bien, prévu par l’article L143-10 du Code rural, ne s’appliquait pas au donateur, refusant ainsi la renonciation de Madame [X].

Assignation en justice

Le 25 février 2022, Madame [P] [X] a assigné la SAFER PACA devant le Tribunal judiciaire de Marseille, demandant l’annulation de la préemption. Dans ses conclusions du 21 septembre 2023, elle a demandé la nullité de la décision de préemption et une indemnisation de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments de la demanderesse

Madame [P] [X] soutient que les parcelles sont boisées et que la SAFER n’a pas de droit de préemption sur des terres classées espaces boisés, sans vocation agricole. Elle conteste également la motivation de la préemption, la jugeant insuffisante au regard des exigences légales.

Réponse de la SAFER

Dans ses conclusions du 23 octobre 2023, la SAFER PACA a demandé le déboutement de Madame [P] [X] et a justifié la légalité de la préemption. Elle a affirmé que la vocation agricole d’une parcelle dépendait de son classement dans le document d’urbanisme et que les parcelles en question n’étaient pas classées comme bois au cadastre.

Validité du droit de préemption

Le Tribunal a confirmé que le droit de préemption de la SAFER s’appliquait à la donation, conformément à l’article L 143-16 du Code rural. Il a également précisé que les parcelles préemptées n’étaient pas classées en nature de bois au cadastre, permettant ainsi l’exercice du droit de préemption.

Motivation de la préemption

Le Tribunal a examiné la motivation de la préemption, notant que la SAFER avait justifié sa décision par des objectifs légaux et des éléments concrets, tels que la pression foncière dans le secteur et des projets agricoles potentiels.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a débouté Madame [P] [X] de sa demande d’annulation de la préemption, déclarant que la SAFER était devenue propriétaire des parcelles pour un montant de 8500 euros. Le jugement a été déclaré exécutoire à titre provisoire.

Dépens et article 700

Madame [P] [X] a été condamnée aux dépens, et le Tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile, en raison de l’équité.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quel est le cadre juridique du droit de préemption exercé par la SAFER ?

Le droit de préemption exercé par la SAFER est régi par les articles L143-1 et L143-16 du Code rural et de la pêche maritime.

L’article L143-1 stipule que :

« Sont considérés comme à vocation agricole, pour l’application du présent article, les terrains situés soit dans une zone agricole protégée créée en application de l’article L. 112-2 du présent code, soit à l’intérieur d’un périmètre délimité en application de l’article L. 113-16 du code de l’urbanisme, soit dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d’urbanisme.

En l’absence d’un document d’urbanisme, sont également regardés comme terrains à vocation agricole les terrains situés dans les secteurs ou parties non encore urbanisés des communes, à l’exclusion des bois et forêts. »

L’article L143-16 élargit ce droit de préemption aux cessions à titre gratuit, sauf dans certains cas limités, notamment entre ascendants et descendants, collatéraux jusqu’au sixième degré, et entre époux ou partenaires de PACS.

Ainsi, le droit de préemption de la SAFER s’applique dans le cadre d’une donation, comme c’est le cas dans l’affaire en question.

La préemption de la SAFER est-elle valide si les parcelles sont classées comme boisées ?

La validité de la préemption de la SAFER dépend de la classification des parcelles au cadastre et de leur vocation agricole.

L’article L143-4 du Code rural et de la pêche maritime précise que le droit de préemption ne s’applique pas aux acquisitions de parcelles classées en nature de bois et forêts au cadastre, sauf dans certaines exceptions.

En l’espèce, Madame [P] [X] soutient que les parcelles sont classées comme boisées, ce qui devrait les exclure du droit de préemption. Cependant, la SAFER argue que la vocation agricole d’une parcelle est déterminée par son classement dans le document d’urbanisme.

Elle affirme que les parcelles en question ne sont pas classées comme « bois » au cadastre, mais plutôt dans la catégorie n°2, correspondant à des prés, prairies, herbages et pâturages.

Ainsi, si les parcelles ne sont pas classées comme bois au cadastre, elles peuvent être préemptées par la SAFER, conformément à l’article L143-4.

Quelles sont les exigences de motivation pour la décision de préemption de la SAFER ?

L’article L143-3 du Code rural et de la pêche maritime impose à la SAFER de justifier sa décision de préemption par une référence explicite et motivée à l’un ou plusieurs des objectifs définis par la loi.

Ces objectifs sont énoncés dans l’article L143-2, qui précise que la préemption doit viser à favoriser l’installation, le maintien et la Jonction d’exploitations agricoles ou forestières.

La motivation ne doit pas se limiter à une simple référence à ces objectifs, mais doit clairement expliquer pourquoi l’acquisition du bien est nécessaire pour atteindre ces buts.

Dans l’affaire en question, la SAFER a fourni des éléments concrets, tels que la situation foncière locale et des projets agricoles spécifiques, justifiant son droit de préemption.

Ainsi, la décision de préemption répond aux exigences légales de motivation, et le tribunal a jugé que la SAFER a respecté ces obligations.

Quels sont les effets de la décision de préemption sur la propriété des parcelles ?

La décision de préemption a pour effet de transférer la propriété des parcelles à la SAFER, comme le stipule l’article 514 du Code de procédure civile, qui dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Dans le cas présent, le tribunal a déclaré que la SAFER est devenue propriétaire des parcelles préemptées pour le prix de 8500 euros.

En l’absence de régularisation de l’acte authentique de vente, le jugement rendue par le tribunal tiendra lieu d’acte de vente, ce qui est conforme à l’article 514 précité.

Ainsi, la décision de préemption a des effets immédiats sur la propriété, permettant à la SAFER d’exercer ses droits sur les parcelles concernées.

Quelles sont les conséquences financières pour la partie perdante dans ce litige ?

Les conséquences financières pour la partie perdante, en l’occurrence Madame [P] [X], sont régies par les articles 696 et 700 du Code de procédure civile.

L’article 696 stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

Dans ce cas, le tribunal a condamné Madame [P] [X] aux entiers dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais de la procédure.

En ce qui concerne l’article 700, il prévoit que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir les frais non compris dans les dépens.

Cependant, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à application de cet article, ce qui signifie que Madame [P] [X] ne sera pas condamnée à verser une somme supplémentaire à la SAFER au titre des frais exposés.

Ainsi, les conséquences financières pour Madame [P] [X] se limitent aux dépens de la procédure.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n° 22/02345
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/02345 – N° Portalis DBW3-W-B7G-ZVRV

AFFAIRE :

Mme [P], [Y], [L] [X] (la SCP AMIEL – SUSINI)
C/
S.A. SOCIETE D’AMENAGEMENT FONCIER ET D’ETABLISSEMENT R URAL PROVENCE ALPES COTE D’AZUR (SAFER PACA) (Me Salima GOMRI)

Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l’audience Publique du 17 Octobre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Mme Anna SPONTI,

Greffier : Madame Inès MOUSSA, lors des débats
Madame Olivia ROUX, lors du délibéré

A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 12 Décembre 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2024

PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2024

Par Mme Anna SPONTI,

Assistée de Madame Olivia ROUX,

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [P], [Y], [L] [X]
née le 07 Janvier 1949 à MARSEILLE
de nationalité Française, demeurant 356 Rue Saint-Pierre – 13005 MARSEILLE

représentée par Maître François SUSINI de la SCP AMIEL – SUSINI, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

C O N T R E

DEFENDERESSE

S.A. SOCIETE D’AMENAGEMENT FONCIER ET D’ETABLISSEMENT R URAL PROVENCE ALPES COTE D’AZUR (SAFER PACA)
immatriculé au RCS Manosque 707 350 112
pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
dont le siège social est sis 580 Avenue de la Libération – 04100 MANOSQUE

représentée par Me Salima GOMRI, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE :

Le 04 août 2021, Maître [B] [D] a notifié à la SAFER, le projet de donation de parcelles de terre situées sur la commune de Gréasque et cadastrées H n°19, H n°36 et H n°5, d’une surface totale de 57 a 69 ca, appartenant à Madame [P] [X], au profit de ses nièces Mesdames [U] et [T] [H].

Par courrier en date du 04 octobre 2021, la SAFER a indiqué vouloir exercer son droit de préemption sur les parcelles susvisées.

Par courrier en date du 12 octobre 2021, Maître [D] a communiqué à la SAFER une lettre de renonciation à la donation établie par Madame [X] le 09 octobre 2021.

Le 26 octobre 2021, la SAFER a indiqué à Maître [D] que l’option offerte au vendeur, en vertu de l’article L143-10 du Code rural, de retirer le bien de la vente n’était pas offerte au donateur et a ainsi refusé le retrait effectué par Madame [X].

Par acte d’huissier en date du 25 février 2022, Madame [P] [X] a assigné la Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural Provences alpes Côte d’Azur (ci-après SAFER PACA), devant le Tribunal judiciaire de Marseille, aux fins notamment de voir prononcer la nullité de la préemption.

Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 21 septembre 2023, au visa des articles L143-3 et L143-16 du code rural, la demanderesse sollicite l’annulation de la décision de préemption prise par la SAFER PACA et sa condamnation au paiement d’une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Madame [P] [X] affirme que les parcelles objets de la préemption de la SAFER sont des parcelles boisées, or la SAFER ne dispose pas de droit de préemption sur des terres classées espaces boisés et qui n’ont pas de vocation agricole. En outre, la préemption n’apparait pas fondée sur les objectifs limitativement énumérés par l’article L 143-16 du code rural et pas suffisamment motivée au regard des exigences légales.

Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 23 octobre 2023, au visa des articles L141-1-1 et suivants, L 412-8 et L143-16 du code rural et de la pêche maritime, 1583 du code civile, la SAFER PACA sollicite de voir le tribunal débouter Madame [P] [X] de ses demandes, ordonner que le jugement à intervenir vaille titre de propriété, condamner Madame [P] [X] à céder les parcelles précitées à la SAFER ainsi qu’au paiement de l’intégralité des frais liés à la publication du jugement à intervenir au service de la publicité foncière, ainsi qu’à 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la SAFER fait valoir que la préemption exercée est parfaitement conforme à la loi. Elle soutient que la vocation agricole d’une parcelle est fonction du classement de cette dernière dans le document d’urbanisme et que la présence d’un espace boisé n’exclut pas la vocation agricole dès lors que la parcelle n’est pas classée au cadastre en nature de bois, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
S’agissant du défaut de motivation, elle expose avoir précisément mentionné les raisons qui l’ont conduite à préempter et cité des données concrètes permettant de vérifier la réalité de l’objectif allégué et sa concordance avec les finalités légales.

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la validité du droit de préemption exercée par la SAFER

L’article L143-1 du code rural et la pêche maritime institue au profit de la SAFER un droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole.

Ce droit de préemption est étendu aux cessions entre vifs à titre gratuit par l’article L 143-16., sauf :
1° Entre ascendants et descendants ;

2° Entre collatéraux jusqu’au sixième degré ;

3° Entre époux ou partenaires de pacte civil de solidarité ;

4° Entre une personne et les descendants de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité, ou entre ces descendants.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le droit de préemption de la SAFER s’exerce à l’occasion d’une donation entrant dans le champ d’application de l’article L 143-16.

Sur la nature des parcelles préemptéesAux termes de l’article L143-1 du CRPM : « Sont considérés comme à vocation agricole, pour l’application du présent article, les terrains situés soit dans une zone agricole protégée créée en application de l’article L. 112-2 du présent code, soit à l’intérieur d’un périmètre délimité en application de l’article L. 113-16 du code de l’urbanisme, soit dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d’urbanisme. En l’absence d’un document d’urbanisme, sont également regardés comme terrains à vocation agricole les terrains situés dans les secteurs ou parties non encore urbanisés des communes, à l’exclusion des bois et forêts. »
L’article L143-4 du code rural et de la pêche maritime liste les situations excluant le droit de préemption de la SAFER et notamment :
6° Les acquisitions de parcelles classées en nature de bois et forêts au cadastre, sauf :
a) Si ces dernières sont mises en vente avec d’autres parcelles non boisées dépendant de la même exploitation agricole, l’acquéreur ayant toutefois la faculté de conserver les parcelles boisées si le prix de celles-ci a fait l’objet d’une mention expresse dans la notification faite à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural ou dans le cahier des charges de l’adjudication ;
b) S’il s’agit soit de semis ou plantations sur les parcelles de faible étendue dont la commission communale d’aménagement foncier a décidé la destruction en application de l’article L. 123-7, soit de semis ou plantations effectués en violation des dispositions de l’article L. 126-1 ;
c) Si elles ont fait l’objet d’une autorisation de défrichement ou si elles sont dispensées d’une déclaration de défrichement en application du 1° de l’article L. 342-1 du code forestier ;
d) Si elles sont situées dans un périmètre d’aménagement foncier agricole et forestier en zone forestière prévu aux articles L. 123-18 à L. 123-22 ;
[P] [X] soutient que les parcelles sont classées au cadastre en nature de bois ou « espaces boisés » et ne peuvent dès lors faire l’objet d’un droit de préemption de la SAFER. En outre, elles se situent en zone naturelle et aucune activité agricole n’est autorisée compte tenu du plan local d’urbanisme.
La SAFER soutient quant à elle que la vocation agricole est fonction du classement de la parcelle dans le document d’urbanisme. Dès lors, une parcelle en zone A ou N du PLU, tel que les parcelles objets de la préemption, a une vocation agricole, peu important qu’elle soit boisée. Les parcelles litigieuses sont en nature réelle de friche ou de landes boisées et ne sont pas classées comme « bois » au cadastre et peuvent dès lors être préemptées. Elle fait valoir en effet que les parcelles litigieuses sont classées dans la catégorie n°2, ce qui correspond à des prés, prairies, herbages et pâturages, les bois étant classés dans la catégorie n°5.
En l’espèce, il ressort du relevé communal de propriété communiqué par la SAFER que les parcelles appartiennent toutes à la classe cadastrale n°2, que la nature cadastrale soit mentionnée comme « terres » s’agissant des parcelles H n°5 et 36 ou « bois » s’agissant de la parcelle H n°19. Dès lors, les parcelles objets de la préemption de la SAFER ne sont pas classées au cadastre en catégorie « bois et forêts » et ne sont donc pas exclues par nature du droit de préemption, au sens de l’article L143-4 du code rural et de la pêche maritime.
En outre, elles sont classées au PLU de la ville de Gréasque en zone N, qui selon extrait du plan local d’urbanisme de la ville de Gréasque recouvre « des espaces à dominante d’espace naturel ». dès lors il s’agit d’un espace naturel considéré comme ayant vocation agricole au sens de l’article L 143-1 du code rural et de la pêche maritime, sans qu’il ne soit nécessaire de s’interroger sur leur vocation agricole effective et peu important qu’elles soient en parties boisées.

Sur la motivation de la préemption
Aux termes de l’article L143-3 du code rural et de la pêche : « A peine de nullité, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l’un ou à plusieurs des objectifs ci-dessus définis, et la porter à la connaissance des intéressés ».

L’article L 143-2 énonce quant à lui neufs objectifs que doit poursuivre la décision de préemption de la SAFER.

Toutefois le droit de préemption de la SAFER prévu en cas de donation sur le fondement de l’article L 143-16 du code rural et de la pêche maritime, ne peut être mis en œuvre que pour des motifs qui se rattachent principalement à leur mission de favoriser l’installation, le maintien et la Jonction d’exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles, ainsi que l’amélioration de la répartition parcellaire des exploitations.

Il est constant que la motivation de la décision de préemption de la SAFER ne doit pas se limiter à une simple référence à l’un des neuf objectifs énumérés par la loi, mais doit exprimer clairement et précisément pourquoi l’acquisition du bien doit lui permettre d’atteindre le but poursuivi. L’exigence de motivation implique que la décision de la SAFER se réfère à un ou à plusieurs des objectifs légaux et s’appuie sur des éléments concrets lui permettant de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales.Néanmoins, le contrôle juridictionnel de la décision de préemption doit se limiter à l’appréciation de leur légalité et de leur régularité sans porter en aucune façon sur l’opportunité de l’action menée par la SAFER.

En l’espèce, il ressort du courrier adressé par la SAFER au notaire le 4 octobre 2021, que celle-ci a entendu exercer son droit de préemption dans un secteur péri-urbain soumis à de fortes pressions foncières et où les opportunités sont rares, voire inexistante, afin de favoriser les projets de mise en valeur agricole du bien et de garantir cet usage sur le long terme. Il est précisé que compte tenu de la localisation d’une des parcelles en bord de voie passante, qui confère au bien un intérêt tout particulier pour des projets agricoles avec vente directe, qui permettrait notamment l’installation d’un porteur de projet en reconversion professionnelle qui souhaite développer un élevage de poules pondeuses et une activité apicole. La SAFER a précisé que la publicité d’appel de candidatures permettait d’identifier l’ensemble des projets agricoles, dont celui-ci, qui seront alors examinés et arbitrés par la SAFER.

Par ailleurs, il ressort de la note de présentation d’un projet d’acquisition adressée aux commissaires de gouvernement le 30 août 2021, des précisions complémentaires détaillées, s’agissant des projets justifiant l’exercice du droit de préemption.

La SAFER ne se contente pas d’une référence à l’objectif énuméré par la loi, à savoir de « favoriser l’installation, le maintien et la Jonction d’exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable ». Elle fait en effet concrètement référence à la situation foncière locale, aux caractéristiques du bien qui sont de nature à conférer au projet une viabilité économique (en bordure de voie passante permettant la vente directe) et fournit deux exemples concrets de projets agricoles susceptibles d’être installés sur les parcelles (élevage de poules pondeuse, activité apicole), sans pour autant être affirmative, dans la mesure où la rétrocession n’est pas effective au moment de l’exercice du droit de préemption.

Dès lors, le droit de préemption de la SAFER répond aux exigences légales et [P] [X] sera déboutée de ses demandes tendant à la nullité de la décision de préemption.

En conséquence il sera dit que la SAFER est devenue propriétaire par préemption exercée le 4 octobre 2021, des parcelles cadastrées H n°19, H n°36 et H n°5 pour le prix de 8500 euros et qu’en l’absence de régularisation de l’acte authentique de vente le présent jugement tiendra lieu de cet acte.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il y a lieu de condamner [P] [X], déboutée de ses demandes aux entiers dépens.

En application de l’article 700 1° du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile

Sur l’exécution provisoire :

L’article 514 du code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :

DEBOUTE [P] [X] de sa demande tendant à voir annuler la décision de préemption de la SAFER PROVENCE ALPES COTE D’AZUR du 4 octobre 2021 ;

DIT que la SAFER PROVENCE ALPES COTE D’AZUR est devenue propriétaire par préemption exercée le 4 octobre 2021, des parcelles sises à Gréasque Lieu-dit Les Revaux, cadastrées H n°19, H n°36 et H n°5, pour le prix de 8500 euros ;

DIT qu’en l’absence de régularisation de l’acte authentique de vente le présent jugement tiendra lieu de cet acte ;

ORDONNE la transcription du présent jugement au livre foncier compétent aux frais de [P] [X] ;

CONDAMNE [P] [X] aux entiers dépens ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et DEBOUTE les parties de leur demande en ce sens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;

REJETTE les prétentions pour le surplus ;

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


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