COUR D’APPEL DE RENNES
N° 23/62
N° N° RG 23/00113 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TRKP
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,Statuant sur l’appel formé le 24 Février 2023 à 12 h 25 par la CIMADE pour :
M. [Z] [T]
né le [Date naissance 1] 2002 à [Localité 2] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
ayant pour avocat Me Aurélie ZAEGEL, avocat au barreau de RENNES
d’une ordonnance rendue le 23 Février 2023 à 17 h 36 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [Z] [T] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 23 février 2023 à 15 h 55;
En l’absence de représentant du préfet de MAYENNE, dûment convoqué, (mémoire écrit)
En l’absence du procureur général régulièrement avisé, (avis écrit)
En présence de [Z] [T], assisté de Me Aurélie ZAEGEL, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 24 Février 2023 à 16 h 30 l’appelant assisté de M. [Y] [K], interprète en langue arabe, ayant préalablement prêté serment, et son avocat en leurs observations,
Avons mis l’affaire en délibéré et le 24 Février 2023 à 17 h30, avons statué comme suit :
Par arrêté du 21 février 2023 notifié le même jour le Préfet de la Mayenne a fait obligation à Monsieur [Z] [T] de quitter le territoire français.
Par arrêté du 21 février 2023 notifié le même jour le Préfet de la Mayenne a placé Monsieur [T] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d’une requête en prolongation de la rétention le 22 février 2023.
Par requête du même jour Monsieur [T] a saisi le juge des libertés et de la détention d’une requête en contestation de la régularité de l’arrêté de placement en rétention.
Par ordonnance du 23 février 2023 le juge des libertés et de la détention a dit que le menottage de l’intéressé lors de son interpellation était régulier, que la procédure de notification de ses droits en garde à vue était régulière et a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.
Par déclaration du 24 février 2022 Monsieur [T] a formé appel de cette ordonnance.
Il soutient qu’il a été menotté lors de son interpellation sans que les conditions posées par l’article 803 du Code de Procédure Pénale n’aient été remplies et qu’ainsi la procédure est irrégulière.
Il fait encore valoir que contrairement aux dispositions de l’article 63-1 du Code de Procédure Pénale le formulaire prévu à cet article ne lui a pas été remis et qu’en outre ses droits lui ont été notifiés 55 mn après le début de sa garde à vue.
Monsieur [T] soutient enfin qu’il n’existe pas de perspective d’éloignement dans la mesure où les autorités algériennes ne délivrent plus de document de voyage.Il sollicite la condamnation du Préfet de la Mayenne à payer à son Avocat la somme de 500,00 Euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle.
A l’audience, Monsieur [T], assisté de son Avocat, fait développer oralement les termes de sa déclaration d’appel et maintient sa demande indemnitaire.
Le Préfet de la Mayenne a conclu à la confirmation de l’ordonnance selon mémoire du 24 février 2023.
Le Procureur Général a sollicité la confirmation de l’ordonnance attaquée selon avis du 24 février 2023.
MOTIFS
L’appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.
Sur le menottage,
L’article 803 du Code de Procédure Pénale est ainsi rédigé :
« Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite.
Dans ces deux hypothèses, toutes mesures utiles doivent être prises, dans les conditions compatibles avec les exigences de sécurité, pour éviter qu’une personne menottée ou entravée soit photographiée ou fasse l’objet d’un enregistrement audiovisuel. »
Comme l’a relevé le juge des libertés et de la détention, les mentions du procès-verbal d’interpellation montrent que l’intéressé était susceptible de prendre la fuite.
Sur la notification des droits en garde à vue,
L’article 63-1 du Code de Procédure Pénale prévoit d’une part que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa :
1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet ;
2° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l’article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ;
3° Du fait qu’elle bénéficie :
-du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’Etat dont elle est ressortissante, et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes, conformément à l’article 63-2 ;
-du droit d’être examinée par un médecin, conformément à l’article 63-3 ;
-du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ;
-s’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète ;
-du droit de consulter, dans les meilleurs délais et au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue, les documents mentionnés à l’article 63-4-1 ;
-du droit de présenter des observations au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l’éventuelle prolongation de la garde à vue, tendant à ce qu’il soit mis fin à cette mesure. Si la personne n’est pas présentée devant le magistrat, elle peut faire connaître oralement ses observations dans un procès-verbal d’audition, qui est communiqué à celui-ci avant qu’il ne statue sur la prolongation de la mesure ;
-du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu’un formulaire lui a été remis pour son information immédiate.
Mention de l’information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal de déroulement de la garde à vue et émargée par la personne gardée à vue. En cas de refus d’émargement, il en est fait mention.
En l’espèce, comme l’a relevé le juge des libertés et de la détention, les procès-verbaux de la garde à vue montrent que l’interpellation s’est déroulée le 20 février 2023 à 16 h 15, que les policiers ont mentionné que cette heure était celle du début de la garde à vue, qu’à 16 h 20 ils ont constaté que l’intéressé ne parlait pas la langue française et ont sollicité un interprète, qu’à 16 h 28 soit 13 minutes après l’interpellation, le formulaire prévu à l’article 63-1 du Code de Procédure Pénale a été remis à l’intéressé, qu’il a été constaté à la même heure que la notification des droits avec interprète était différée en attente de ce dernier et finalement qu’à 17 h 10 mn la notification des droits avec interprète avait été effective.
Il en résulte d’une part que Monsieur [T] a été informé immédiatement de ses droits au moyen du formulaire prévu à l’article 63-1 du Code de Procédure Pénale et d’autre part qu’il n’a été porté aucune atteinte à l’exercice de ses droits puisqu’ils lui ont été notifiés par interprète.
S’agissant de l’absence de perspective raisonnable d’éloignement en raison du refus des autorités algériennes de délivrer des laisser-passer Monsieur [T] produit une décision du juge des libertés et de la détention de Toulouse du 17 février 2023 qui fait état de la suspension des auditions consulaires et des délivrances des laisser-passer par le Consul de Toulouse le 14 février 2023 et jusqu’à nouvel ordre.
Il y a lieu d’observer d’une part que la preuve n’est pas rapportée que cette suspension soit nationale et d’autre part que dans la décision produite à l’appui de la déclaration d’appel, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention en considérant qu’il ne pouvait pas être considéré qu’il n’existait pas de perspective d’éloignement (lors de la seconde prolongation de l’intéressé). Enfin, les autorités tunisiennes et marocaines sont également saisies.
L’ordonnance sera confirmée et la demande au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Confirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 23 février 2023 ,
Rejetons les demande au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,
Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.
Fait à Rennes, le 24 février 2023 à 17 heures 30 minutes
LE GREFFIER PAR DELEGATION, LE CONSEILLER
Jean-Denis BRUN
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [Z] [T], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier