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La commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier est chargée de la gestion de l’église Saint Jean-Baptiste de Megève, classée au titre des monuments historiques et appartenant en indivision aux communes de Megève et de Demi-Quartier. Lors des opérations de travaux de restauration de cette église, démarrées au cours de l’année 2017, la commission syndicale a décidé de valoriser son patrimoine par la pose et l’exploitation d’un affichage publicitaire sur certains espaces des échafaudages utilisés à l’occasion des travaux en contrepartie du versement d’une redevance d’occupation du domaine public
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Tribunal administratif de Grenoble, 1ère Chambre, 29 mars 2023, 2002929
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mai 2020 et le 1er septembre 2021, la société Art Boulevard, représentée par Me Dechelette, demande au tribunal :
1°) d’annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 10 mars 2020 par le syndic de la commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier pour le recouvrement d’une créance de 24 000 euros TTC correspondant au solde de la redevance ” minimum garanti ” prévue par l’article 8.1 du contrat de concession signé le 24 juillet 2017 ;
2°) de mettre à la charge de la commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– elle demande l’annulation du titre exécutoire du 10 mars 2020 non pour obtenir réparation de son préjudice mais pour contester le bien-fondé de la créance sur laquelle il se fonde ;
– elle n’est pas redevable de la redevance ” minimum garanti ” prévue à l’article 8.1 du contrat de concession au titre des mois de décembre 2017, juillet et août 2018 pendant lesquels l’espace d’affichage n’a pas été mis à sa disposition pour des raisons qui ne lui sont pas imputables ;
– la baisse du montant de la redevance mensuelle du mois de décembre 2017, la possibilité d’exploiter entre le 8 octobre 2018 et le 15 décembre 2018 ainsi que le prétendu affichage non autorisé en février et mars 2019 ne sont pas de nature à justifier le maintien de la redevance au titre des mois de juillet et août 2018 pendant lesquels l’espace d’affichage n’a pu être exploité ;
– elle n’a pas donné son accord pour le paiement intégral du minimum garanti qui impliquait, en tout état de cause, une modification du contrat par avenant.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2020, la commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier, représentée par Me Bornard, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Art Boulevard de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que ;
– le moyen soulevé par la société requérante pour obtenir réparation de son préjudice résultant de l’exécution du contrat est inopérant à l’appui de sa demande d’annulation du titre exécutoire par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
– ce moyen est également infondé compte tenu des négociations contractuelles menées par les parties en cours d’exécution du contrat qui ont abouti à un accord qui compense le préjudice subi par la requérante en raison des périodes d’inexploitation ;
– le maintien du minimum garanti dans son intégralité est justifié.
Par une ordonnance du 9 février 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au même jour, en application de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des collectivités territoriales notamment son article L. 5222-1 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Ban, premier conseiller,
– les conclusions de Mme Emilie Beytout, rapporteure publique,
– les observations de Me Dechelette, représentant la société Art Boulevard et celles de Me Houssel, représentant la commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier.
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1. La commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier est chargée de la gestion de l’église Saint Jean-Baptiste de Megève, classée au titre des monuments historiques et appartenant en indivision aux communes de Megève et de Demi-Quartier. Lors des opérations de travaux de restauration de cette église, démarrées au cours de l’année 2017, la commission syndicale a décidé de valoriser son patrimoine par la pose et l’exploitation d’un affichage publicitaire sur certains espaces des échafaudages utilisés à l’occasion des travaux en contrepartie du versement d’une redevance d’occupation du domaine public. Le 24 juillet 2017, elle a conclu une concession de services, pour une durée d’exécution de 20 mois au maximum, avec un groupement d’opérateurs composé des sociétés Art Boulevard (mandataire), Publicité Lumineuse Liote et Luminance International. Le 10 mars 2020, la commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier a émis un titre exécutoire à l’encontre de la société Art Boulevard pour le recouvrement d’une créance de 20 000 euros hors taxes correspondant au solde de la redevance ” minimum garanti ” prévue par l’article 8.1 du contrat de concession signé le 24 juillet 2017. Par sa requête, la société Art Boulevard en demande l’annulation.
Sur les conclusions d’annulation du titre exécutoire du 10 mars 2020 :
En ce qui concerne les stipulations du contrat de concession de service :
2. Aux termes de l’article 8 de la concession, relatif au ” minimum garanti et redevance ” : ” 8.1 Le concessionnaire versera au concédant une redevance (ci-après désignée la ” Redevance “) correspondant à un minimum garanti arrêté à la somme de Cent Dix Mille Euros hors taxes (110 000 € HT), plus un pourcentage de Trente Cinq pour cent (35 %) du Chiffre d’Affaires Net global hors taxes relatif à la location de la Bâche comme support publicitaire, moins les frais techniques liés aux affichages publicitaires, comprenant l’impression, la pose et la dépose de la bâche publicitaire. / 8.2 En cas de réduction de la durée de la présente convention, et par voie de conséquence de l’affichage prévu, le Minimum garanti sera réduit au prorata de la réduction de la durée de la convention. Si la réduction de cette durée devenait cependant trop importante et mettait en péril l’équilibre économique de l’exploitation par le concessionnaire de l’Emplacement, les Parties se réuniraient afin de négocier, de bonne foi, le montant de cette redevance minimum garantie. / 8.3 En cas de prolongation de la durée de la présente convention, et par voie de conséquence de l’affichage prévu, conformément à l’article 3, le Minimum garanti sera augmenté au prorata de l’augmentation de la durée de la convention () / 8.8 La Redevance dont le concessionnaire est redevable commencera â courir à compter de la date de l’installation de la Bâche publicitaire telle que constatée contradictoirement entre les Parties par le procès-verbal prévu à l’article 4 des présentes. / Modalités de recouvrement : il sera procédé à un appel à redevance trimestriel et payable sous 30 jours pour la redevance garantie et la redevance variable. () “.
3. Aux termes de l’article 14 intitulé ” modification de la convention ” : ” Toute modification de la présente convention ne pourra être faite que par voie d’avenant écrit et signé par les Parties “.
En ce qui concerne l’office du juge :
4. En sa qualité de juge de plein contentieux, le juge administratif a le pouvoir d’apprécier la régularité formelle ainsi que le bien-fondé d’un titre exécutoire, même si celui-ci est émis pour le recouvrement de sommes dues en exécution d’un contrat.
5. Pour contester le bien-fondé du titre de recettes du 10 mars 2020, la société Art boulevard fait valoir qu’elle n’est pas redevable de la redevance prévue par l’article 8 du contrat de concession faute d’avoir pu exploiter l’espace d’affichage au cours des mois de décembre 2017, de juillet 2018 et août 2018 et non, contrairement à ce que soutient la commission syndicale, qu’elle a subi un préjudice en raison d’une mauvaise exécution du contrat de concession. Dès lors, et eu égard à ce qui a été dit au point précédent, la commission syndicale ne peut utilement soutenir qu’il appartiendrait seulement au juge, saisi de ce titre exécutoire, de se prononcer sur sa régularité formelle et non sur son bien-fondé au regard des stipulations du contrat.
En ce qui concerne les périodes prévisionnels et les périodes effectives d’exploitation de l’espace d’affichage :
6. Le planning prévisionnel de commercialisation mentionné à l’annexe 3 du contrat prévoit, au titre de la phase 1, sous réserve de l’évolution des travaux, l’installation d’une première toile d’habillage sur l’échafaudage situé au niveau de la nef de l’église visible entre le 15 décembre 2017 et le 14 avril 2018 sur une surface de 180 m2. A compter du 1er juillet 2018, au titre de la phase 2, il est prévu l’installation d’une publicité et d’un décor sur un second échafaudage, pour une surface d’affichage de 375 m2 pour des périodes discontinues comportant les mois de juillet et août 2018, puis la période comprise entre le 15 décembre 2018 et le 15 avril 2019 et enfin la période allant du 1er au 31 juillet 2019. L’exploitation par le concessionnaire de l’emplacement est donc prévue pour une période totale de 11 mois.
7. Il résulte toutefois de l’instruction que, lors de la première phase, le groupement concessionnaire a été contraint à démonter la bâche publicitaire mise en place entre le 14 et le 27 décembre 2017 en raison de l’effondrement partiel du premier échafaudage. En outre, lors de la seconde phase, le second échafaudage permettant l’exploitation de l’espace d’affichage publicitaire n’a été réceptionné que le 8 octobre 2018, ce qui a empêché le groupement concessionnaire d’exploiter cet espace pendant les mois de juillet et août 2018 comme cela était prévu au programme prévisionnel. Il s’ensuit que le concessionnaire a été placé dans l’impossibilité d’exploiter effectivement les emplacements prévus au contrat de façon prévisionnel pendant les périodes du 15 au 27 décembre 2017 et au titre des mois de juillet et aout 2018.
En ce qui concerne les mesures prises par les parties durant l’exécution du contrat en raison de la modification du planning prévisionnel de commercialisation :
8. Au titre de la première phase, la commission syndicale a consenti une diminution de la redevance sur le chiffres d’affaire prévue à l’article 8.1 du contrat de concession pour un montant de 50 529 euros au titre du mois de décembre 2017 correspondant à la perte de marge du concessionnaire et aux surcouts liés au démontage et au remontage de la bâche tel qu’évalués par l’expert-comptable du concessionnaire.
9. Au titre de la seconde, phase, le concessionnaire a pu exploiter l’espace d’affichage publicitaire de façon continue entre le 8 octobre 2018 et le 15 décembre 2018, ce qui n’était pas prévu dans le programme prévisionnel de commercialisation, si bien qu’il a bénéficié d’une durée d’exploitation légèrement supérieure à celle de 2 mois initialement prévue dans le planning au titre des mois de juillet et août 2018.
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :
10. Il ressort de l’article 8 du contrat de concession que la redevance d’occupation du domaine public est constituée d’une part fixe appelée ” minimum garanti ” représentant un montant de 110 000 euros HT pour une période de 11 mois et d’une part variable mensuelle calculée sur la base du chiffre d’affaires net global réalisé par le concessionnaire.
11. Le fait générateur de la redevance ” minimum garanti ” et son exigibilité sont donc constitués par la période d’installation de la bâche publicitaire sur les échafaudages de l’église.
12. Il résulte de l’instruction qu’au titre de la première phase, la société Art Boulevard n’a pas été mise en mesure d’exploiter l’espace d’affichage à compter du 15 décembre 2017 jusqu’au 27 décembre 2017. La commission syndicale a alors consenti, après négociations, une diminution de 50 529 euros du montant dû au titre de la part variable de la redevance. Il résulte de l’instruction et notamment du tableau annexé au courrier de l’expert-comptable du concessionnaire du 18 juillet 2018 qui a été validé par le concédant après corrections, que cette baisse de la part variable était exclusivement destinée à compenser la perte de marge ainsi que les surcouts liés au démontage et au remontage de la bâche publicitaire. Elle est dès lors restée sans incidence sur la redevance fixe. Il en résulte que la société Art Boulevard n’est pas redevable de cette redevance au titre de la période courant entre le 15 et le 27 décembre 2017.
13. En revanche, au titre de la seconde phase, il résulte de l’instruction et notamment du courriel du 7 juin 2019 exprimant un accord pour régler une redevance de 70 000 euros de ” loyer fixe ” correspondant aux 7 mois de cette phase, que la société Art Boulevard a accepté et a effectivement exploité l’espace d’affichage à compter du 8 octobre 2018 jusqu’au 15 décembre 2018, au-delà de la période prévue par le planning prévisionnel de commercialisation. Cette modification de planning, lequel avait ” valeur informative ” selon l’article 2 du contrat de concession du fait ” de sa possible évolution “, est intervenue dans le cadre des stipulations de l’article 8 et n’imposait pas la signature d’un avenant pour formaliser ce changement. La société Art Boulevard est donc redevable de la part fixe au titre de cette période pendant laquelle tous les éléments pertinents du fait générateur définis contractuellement étaient réunis. Compte tenu de l’objet du titre exécutoire émis, qui a trait uniquement au recouvrement du ” minimum garanti “, elle ne peut utilement soutenir qu’elle a subi un préjudice résultant de la différence entre le chiffre d’affaires qu’elle était susceptible de réaliser au cours de la période estivale et celui inférieure qu’elle a dégagé au cours de la période différée, cette différence ne pouvant avoir d’incidence que sur la part variable. Il s’ensuit que la société Art Boulevard est débitrice de la redevance ” part fixe ” au titre des mois d’octobre et novembre 2018.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Art Boulevard ayant été privée de 12 jours d’exploitation entre le 15 et le 27 décembre 2018, elle doit être déchargée de la somme arrondie de 3 871 euros, calculée au prorata du nombre de jours perdus d’exploitation. Dès lors qu’elle avait déjà réglé une somme de 90 000 euros hors taxes avant l’émission du titre exécutoire du 10 mars 2020 sur les 110 000 euros en principe dus, le titre contesté, d’un montant total de 20 000 euros, doit être annulé seulement en ce qu’il réclame à la société Art Boulevard une somme supérieure à 16 129 euros HT.
Sur les frais liés à l’instance :
15. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Art Boulevard, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Art Boulevard.
Article 1er : Le titre exécutoire du 10 mars 2020 est annulé en tant qu’il réclame à la société Art Boulevard une somme supérieure à 16 129 euros H.T.
Article 2 : La société Art Boulevard est déchargée de l’obligation de payer la somme de 3 871 euros H.T. sur le paiement de somme totale de 20 000 euros H.T. mise à sa charge par le titre exécutoire du 10 mars 2020.
Article 3 : La commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier versera à la société Art Boulevard une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Art Boulevard et à la commission syndicale des biens indivis de Megève/Demi-Quartier.
Délibéré après l’audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. L’Hôte, président,
M. Ban, premier conseiller.
M. Hamdouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2023.
Le rapporteur,
J-L. Ban
Le président,
V. L’Hôte
Le greffier,
G. Morand
La République mande et ordonne au préfet de l’Isère en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.