Rentabilité annoncée dans une publicité : pas d’engagement sans étude personnalisée
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La rentabilité d’une opération (énergie) annoncée dans une plaquette publicitaire n’engage son émetteur qu’en cas d’étude de rentabilité individuelle et propre au consommateur.  

En l’espèce, la plaquette publicitaire remise à Mme [L] mentionne en page 4 « Il est possible de revendre l’électricité à un tarif très avantageux. Il est donc conseillé de revendre l’intégralité de l’électricité au réseau ce qui génère des revenus intéressants. ». « Un système d’autofinancement a été pensé avec notre partenaire, la banque Solféa pour vous aider à financer et à amortir votre projet, sans que cela ne s’en ressente dans votre budget au quotidien. Cet autofinancement se fait d’une part, par le biais d’aides octroyées par l’Etat lesquelles se manifestent par un crédit d’impôt et d’autre part, par le biais de revenus générés par la vente à EDF de l’électricité que vous produirez. ».

Le prospectus promet des revenus solaires pendant 20 ans allant de 1 000 à 4 800 euros par an. Enfin la dernière page de la plaquette publicitaire mentionne dans un macaron « Partenaire EDF SUEZ -Dolcevita ».

Toutefois, aucune étude de rentabilité individuelle et propre à Mme [L] n’est mentionnée en marge du contrat ou produite aux débats. Par ailleurs, le partenariat avec EDF GDF n’est pas repris au contrat et n’est pas autrement explicité que par la mention ci-dessus qui utilise le terme « partenaire » de façon générale, lequel peut s’entendre par le fait que la société installatrice s’engage à faire directement les démarches pour le raccordement.

Le manquement au devoir d’information du professionnel n’a pas non plus suffit à caractériser l’existence de manoeuvres dolosives.

 * * *

COUR D’APPEL DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 29 Mars 2023

N° RG 21/01804 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FVBI

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Arrêt rendu le vingt neuf Mars deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 17 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de MONTLUCON (RG n° 11-19-000161)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

La société FRANFINANCE

SA immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 719 807 406 00884

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentants : Me Thierry GESSET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY (postulant) et la SELARL BLG AVOCATS, avocats au barreau de ROANNE (plaidant)

APPELANTE

ET :

Mme [K] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

La société BALLY M.J.

SELARLU immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 821 325 941 00010

[Adresse 5]

[Localité 7]

agissant ès qualités de mandataire liquidateur de la société NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE sous l’enseigne GROUPE SOLAIRE DE FRANCE, SAS immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 524 221 397 00044, dont le siège social est sis [Adresse 3]

Non représentée, assignée à personne morale (personne habilitée)

INTIMÉES

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 02 Février 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 29 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

:

Mme [K] [L] a été démarchée téléphoniquement par un agent de la SASU Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France exerçant sous l’enseigne Groupe solaire de France. Elle a signé le 28 septembre 2013 un bon de commande prévoyant l’installation d’une centrale photovoltaïque pour un prix global de 19.990 euros, financée par un contrat de crédit affecté, accordé par la société anonyme (SA) Franfinance.

La SASU Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 12 novembre 2014.

Par acte d’huissier du 12 avril 2019, Mme [L] a saisi le tribunal judiciaire de Montluçon afin de voir notamment :

-ordonner à la SA Franfinance de produire l’entier dossier et un état liquidatif des sommes remboursées par elle, au titre du contrat de crédit signé le 28 septembre 2013,

-débouter celle-ci de sa fin de non-recevoir tiré du prétendu accord transactionnel passé entre elles,

-dire que ses demandes sont recevables et les déclarer bien-fondées,

-débouter la SA Franfinance de l’ensemble de ses demandes,

-prononcer l’annulation du contrat de vente la liant à la SASU Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France soit les bons de commande numéros 029301, 26674 et 29256,

-prononcer l’annulation du contrat de crédit affecté la liant à la SA Franfinance,

-dire que la SA Franfinance a commis des fautes personnelles engageant sa responsabilité à son égard,

-dire que la SA Franfinance ne pourra se prévaloir des effets de l’annulation à l’égard des emprunteurs,

-ordonner le remboursement par la SA Franfinance de la somme de 20. 975, 69 euros, à parfaire.

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Montluçon a :

-rejeté les demandes de production des pièces de Mme [L] et de la SA Franfinance,

-rejeté les fins de non-recevoir de la SA Franfinance,

-rejeté la demande de constater l’existence d’un accord transactionnel entre la SA Franfinance et Mme [L],

-déclaré recevables les demandes de Mme [L],

-prononcé l’annulation du contrat de vente liant Mme [L] et la société nouvelle régie des jonctions des énergies de France qui a pris la forme de trois bons de commande numérotés 29301, 26674 et 29256,

-prononcé l’annulation du contrat de crédit affecté liant Mme [L] et la SA Franfinance,

-constaté que la SA Franfinance a commis des fautes personnelles engageant sa responsabilité à l’égard de Mme [L],

-déclaré la SA Franfinance responsable d’un manquement à ses obligations en qualité d’établissement bancaire,

-déclaré que cette responsabilité la prive de la restitution de sa créance,

-ordonné le remboursement par la SA Franfinance des sommes qui ont été versées par Mme [L], soit la somme de 20.975,69 euros,

-condamné la SA Franfinance à verser à Mme [L] la somme de 400 euros en réparation de son préjudice financier, la somme de 100 euros en réparation de son trouble de jouissance, la somme de 400 euros en réparation de son préjudice moral,

-condamné la SA Franfinance à verser à Mme [L] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Le tribunal a considéré :

– que le contrat principal est nul pour non-respect des dispositions de l’article L. 121-3 du code de la consommation ainsi que pour dol par l’établissement de man’uvres dolosives et manquements délibérés aux obligations d’informations de la part de la société Groupe solaire de France.

-que par voie subséquente, le contrat de crédit est automatiquement annulé.

-que la SA Franfinance avait l’obligation de vérifier la régularité du bon de commande et a commis une faute en omettant de procéder à cette vérification, cette faute constituant une négligence fautive sanctionnée par la privation de sa créance de restitution.

Par déclaration d’appel le 11 août 2021, la SA Franfinance a, par l’intermédiaire son conseil, interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 25 mars 2022, la SA Franfinance demande à la cour :

A titre principal :

-d’infirmer le jugement en date du 17 décembre 2020, en ce qu’il a déclaré recevables les demandes présentées par Mme [L],

-de déclarer Mme [L] irrecevable en toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

-d’infirmer le jugement en date du 17 décembre 2020 en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat principal et celle du crédit affecté,

-de débouter Mme [L] de se demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat principal et celle du crédit affecté,

-de débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre très subsidiaire,

-d’infirmer le jugement en date du 17 décembre 2020 en ce qu’il a privé la SA Franfinance de sa créance de restitution et en ce qu’il a ordonné le remboursement des sommes versées par Mme [L] soit la somme de 20.975,69 euros au titre du crédit affecté,

-de condamner Mme [L] à lui payer la somme de 19.990 euros ensuite de l’anéantissement du crédit affecté, au titre des restitutions,

-d’ordonner la compensation des sommes respectivement dues au titre des restitutions.

En tout état de cause :

-d’infirmer le jugement rendu le 17 décembre 2020 en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme [L] diverses sommes au titre de dommages et intérêts,

-de débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,

-de condamner Mme [L] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, comprenant ceux de première instance,

-de dire que dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application des articles R.444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier lesdites sommes.

Au soutien de ses demandes, elle allègue :

Sur l’irrecevabilité des demandes :

-que la demande en nullité du bon de commande principal pour irrégularités au regard des dispositions du code de la consommation ainsi que le crédit affecté est irrecevable car prescrite.

-que la demande en nullité du bon de commande principal sur le fondement du dol est irrecevable car prescrite.

Sur la réformation du jugement en ce qu’il a prononcé l’anéantissement du contrat principal et crédit affecté :

-que le bon de commande est régulier puisque l’ensemble des mentions de l’article L. 121-23 du code de la consommation figurent sur le bon de commande et/ou sur les conditions générales de vente;

-que le non-respect des dispositions de l’article L. 121-3 du code de la consommation est sanctionné par la nullité relative du contrat de vente, susceptible de confirmation en cas d’exécution volontaire du contrat : Mme [L] a par son comportement, confirmé l’acte.

-que la nullité du bon de commande principal pour dol et du contrat de crédit affecté est infondée puisque les manquements ne peuvent être assimilés à des réticences ou man’uvres dolosives et qu’aucune notion de rentabilité ou de rendement de production n’avait été contractualisée entre les parties.

Sur la réformation du jugement en ce qu’il a privé la société Franfinance de sa créance de restitution :

-que le bon de commande étant régulier, elle n’a pas commis de faute dans le déblocage des fonds. De plus, il n’appartient pas à la banque de vérifier la régularité du bon de commande. Enfin, l’emprunteur a signé l’attestation de livraison et la demande de déblocage des fonds, reconnaissant la pleine et entière exécution des engagements contractuels de l’enseigne Groupe solaire de France,

-que si aucune faute ne peut lui être imputée, il en est de même d’un quelconque préjudice à l’égard de Mme [L].

-que la sanction de privation de créance de restitution ayant été prononcée, de plus amples indemnisations procèdent par conséquent d’une réparation multiple contraire au principe de réparation intégrale des préjudices,

-qu’il n’existe aucun lien de causalité entre les supposées fautes du prêteur et les préjudices allégués, ainsi que du préjudice de jouissance et des difficultés d’installation et de raccordement qui procèdent éventuellement d’un unique manquement aux obligations contractuelles de l’installateur.

Par conclusions déposées et notifiées le 3 février 2022, Mme [K] [L] demande à la cour :

-de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-de débouter la SA Franfinance de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

-de prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts du crédit affecté.

Au soutien de ses demandes, elle allègue :

-que l’ouverture d’une procédure collective ne s’oppose pas à une action en nullité d’un contrat. Les créances pouvant en exister sont, par ailleurs, postérieures à l’ouverte de la procédure collective.

-que l’action n’est pas prescrite puisque le point de départ du délai de prescription est fixé à la date de la manifestation du dommage ou à la date à laquelle il a été révélé à la victime. Les nullités ne pouvant être identifiées au vu du bon de commande, elle n’a pu en prendre conscience qu’à la date du 12 novembre 2014, date de la publication au BODACC du jugement de liquidation judiciaire de la société Groupe solaire de France.

-qu’il en est de même concernant l’action en nullité pour dol dont le point de départ ne court qu’à compter du jour où les man’uvres et dissimulations ont été découvertes et non soupçonnées, c’est-à-dire à la date du 12 novembre 2014,

-que de nombreuses condamnations pénales ont été prononcées à l’encontre des sociétés installatrices de panneaux photovoltaïques et de leurs dirigeants. Il apparaît que les pratiques mises en place étaient similaires et ont conduit à leur condamnation pour pratiques commerciales trompeuses et non remise au consommateur d’un exemplaire conforme du contrat conclu hors établissement.

-que s’agissant d’une vente dans le cadre d’un démarchage à domicile, elle doit respecter des dispositions particulières du code de la consommation :

-le bon de commande ne contient pas certaines mentions obligatoires de l’article L. 121-3 du code de la consommation, prescrites à peine de nullité,

-les dispositions relatives au droit de rétractation n’ont été ni respectées, ni appliquées,

-qu’elle a été victime de man’uvres frauduleuses de nature à vicier son consentement :

*elle a été privée de certaines informations essentielles et déterminantes : la facturation de frais supplémentaires, l’absence de rentabilité et d’autofinancement de l’opération ce qui caractérise une réticence dolosive.

*la société Groupe solaire de France a commis des man’uvres dolosives, notamment par la présentation mensongère de la rentabilité de l’installation et l’existence de partenariats mensongers,

-que son comportement n’a pu traduire une quelconque renonciation à invoquer les vices susvisés puisqu’elle n’avait pas connaissance des irrégularités de sorte que l’absence d’opposition à l’installation est insuffisante à caractériser une confirmation tacite,

-que la nullité du contrat de crédit affecté découle de la nullité du contrat principal puisqu’ils sont interdépendants,

-que la banque aurait dû vérifier la régularité du bon de commande. A défaut, elle a commis une faute en octroyant un crédit accessoire à un contrat nul, de nature à engager sa responsabilité et à la priver de sa créance de restitution,

-que le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s’assurer que celui-ci a exécuté son obligation commet une faute de nature à le priver de sa créance de restitution : les travaux objets du contrat n’ayant été aucunement achevés, il s’avère que l’installateur n’a pas exécuté son obligation contractuelle,

-qu’il est de jurisprudence constante que la banque ne peut se prévaloir d’une attestation de livraison pour s’exonérer de sa responsabilité, celle-ci ne présumant aucunement de l’exécution totale et complète du contrat de vente et de prestation de service.

-que la banque a commis des manquements à ses devoirs d’information, de mise en garde et de conseil quant à l’opportunité économique du projet et au caractère illusoire des rendements, ce qui la prive de son droit au remboursement des sommes mises à disposition,

-que par application du principe des restitutions, conséquence de la nullité des contrats allégués, les sommes versées par l’intimé au titre du remboursement du contrat de crédit devront lui être restituées,

-qu’elle a subi un préjudice financier du fait des frais de désinstallation de la centrale et de remise en état de la toiture, l’acceptation par la banque du financement de l’opération nulle a été une condition nécessaire à l’installation des panneaux et donc de son dommage,

-qu’elle a subi un préjudice économique et un trouble de jouissance en raison du financement par la banque d’un tel achat,

-qu’elle a subi un préjudice moral par cette installation, les désagréments liés aux travaux et l’angoisse d’avoir à supporter le remboursement de ce crédit.

La SELARL BALLY M.J prise en sa qualité de liquidateur de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France, assignée en personne, n’a pas constitué avocat.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs demandes et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022.

Motivation:

I-Sur la recevabilité de la demande :

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Mme [L] reconnaît avoir signé deux bons de commandes produits aux débats:

-un bon de commande numéro 29301 signé le 28 septembre 2013 annulé et remplacé par le N° 26674,

-un bon de commande N° 29 256 signé le 23 novembre 2013.

Elle n’a jamais engagé d’action à l’encontre de la société installatrice. Elle sollicite la nullité du contrat principal et fait valoir que n’ayant pas été avertie par un professionnel des causes de nullité affectant le contrat, elle n’a pu en prendre connaissance que progressivement, pour savoir à la date de la publication au BODACC du jugement de liquidation judiciaire de la SASU Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France qu’elle ne pourrait tirer aucun revenu de son installation.

Cependant, en fixant au 12 décembre 2014, Mme [L] opère une confusion entre la date à laquelle elle a eu la certitude que la société installatrice n’effectuerait pas le raccordement attendu et n’exécuterait donc pas pleinement ses obligations contractuelles avec la date à laquelle elle a pu prendre connaissance des causes éventuelles de nullité du contrat.

Mme [L] invoque en premier lieu un non respect des dispositions du code de la consommation et l’absence de certaines mentions obligatoires sur le bon de commande.

S’agissant de ce premier fondement, le point de départ du délai de prescription est le jour où Mme [L] a eu connaissance des causes de nullité du bon de commande.

L’article L121-23 du code de la consommation dans sa version applicable au litige disposait :

«Les opérations visées à l’article L. 121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global de l’intérêt déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l’article L. 121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26. »

Mme [L] s’est vue remettre un premier bon de commande et en a signé deux autres identiques. Sur le bon de commande qu’elle produit aux débats, les dispositions de l’article susvisé sont reproduites intégralement, de sorte que Mme [L] pouvait avoir connaissance dès la souscription du contrat des éventuelles causes de nullité dont elle se prévaut.

L’action engagée sur ce fondement est tardive, prescrite et donc irrecevable.

Mme [L] soutient également que son consentement a été vicié par dol.

Suivant l’article 1116 du code civil, dans sa version applicable au contrat, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Mme [L] fait état de pratiques commerciales trompeuses et voit dans les manquements aux obligations définies par le code de la consommation une intention dolosive.

Elle soutient que la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France s’est faussement présentée comme partenaire des sociétés EDF et GDF pour pouvoir gagner sa confiance; qu’elle lui a laissé croire que l’installation s’autofinancerait alors qu’elle ne perçoit aucun revenu énergétique et ne peut auto-consommer sa production. Elle assure que la société installatrice a fait état de perspectives de rendement chiffrées. Elle rappelle enfin « qu’en raison de l’incurie de la société installatrice, Mme [L] ne perçoit aucun revenu énergétique »

S’agissant de la prescription de l’action en nullité pour dol, ce n’est qu’au jour où Mme [L] a pu avoir connaissance des man’uvres dolosives qu’elle dénonce qu’elle a été en mesure d’exercer son action.

Au regard de la motivation susvisée, l’action fondée sur les manquements aux dispositions du code de la consommation et donc sur l’irrégularité du contrat se prescrit à compter de la date de celui-ci. En l’espèce, l’action ayant été engagée le 12 avril 2019 et le dernier bon de commande étant daté du 23 novembre 2013, l’action est prescrite sur ce fondement.

S’agissant des pratiques commerciales trompeuses, il convient d’observer que le bon de commande n’est accompagné d’aucune étude de rentabilité ou de simulation d’autofinancement.

Mme [L] n’a pu se rendre compte progressivement de l’absence de rentabilité de l’installation puisque celle-ci n’a jamais été raccordée.

Elle verse aux débats des courriers aux termes desquels il apparaît que le 14 avril 2014, elle s’est adressée à la société exerçant sous l’enseigne Groupe solaire de France pour signaler qu’en dépit de plusieurs appels téléphoniques de sa part et plusieurs mails d’EDF, le devis adressé par EDF pour réaliser le branchement n’avait toujours pas été accepté et retourné au service concerné.

Mme [L] termine ce courrier en menaçant de s’adresser aux autorités compétentes pour publicité mensongère et abus de confiance.

A cette date, Mme [L] a donc pu avoir connaissance de ce qu’elle estime être des man’uvres ou des réticences dolosives.

L’assignation ayant été délivrée le 12 avril 2019, l’action en nullité engagée sur le fondement du dol n’apparaît pas prescrite.

II- Sur le bien fondé de la demande en nullité pour dol :

La plaquette publicitaire remise à Mme [L] mentionne en page 4 « Il est possible de revendre l’électricité à un tarif très avantageux. Il est donc conseillé de revendre l’intégralité de l’électricité au réseau ce qui génère des revenus intéressants. ». « Un système d’autofinancement a été pensé avec notre partenaire, la banque Solféa pour vous aider à financer et à amortir votre projet, sans que cela ne s’en ressente dans votre budget au quotidien. Cet autofinancement se fait d’une part, par le biais d’aides octroyées par l’Etat lesquelles se manifestent par un crédit d’impôt et d’autre part, par le biais de revenus générés par la vente à EDF de l’électricité que vous produirez. ».

Le prospectus promet des revenus solaires pendant 20 ans allant de 1 000 à 4 800 euros par an. Enfin la dernière page de la plaquette publicitaire mentionne dans un macaron « Partenaire EDF SUEZ -Dolcevita ».

Toutefois, aucune étude de rentabilité individuelle et propre à Mme [L] n’est mentionnée en marge du contrat ou produite aux débats. Par ailleurs, le partenariat avec EDF GDF n’est pas repris au contrat et n’est pas autrement explicité que par la mention ci-dessus qui utilise le terme « partenaire » de façon générale, lequel peut s’entendre par le fait que la société installatrice s’engage à faire directement les démarches pour le raccordement.

Le manquement au devoir d’information ne suffit pas à caractériser l’existence de manoeuvres dolosives.

En outre, la difficulté financière signalée par Mme [L] tient à l’inexécution du contrat et non à sa nullité, la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France n’ayant jamais satisfait aux demandes d’EDF et signé l’attestation de conformité. Mme [L] le reconnaît en concluant de la sorte ‘en raison de l’incurie de la société installatrice, Mme [L] ne perçoit aucun revenu énergétique.’

Il s’ensuit que Mme [L] échoue à démontrer que son consentement a été vicié par dol. L’action judiciaire procède du constat que la liquidation judiciaire mettait un terme à la possibilité pour Mme [L] d’obtenir l’exécution du contrat.

Le jugement sera réformé sur ce point.

III- Sur la responsabilité de la banque :

Au regard des motifs susvisés, il convient de rejeter les demandes de Mme [L] à l’égard de la société Franfinance qui serait fondée sur une non restitution des fonds prêtés, la nullité du contrat principal n’étant pas prononcée.

Par ailleurs, le contrat de prêt étant accessoire à un contrat de vente, il n’appartenait pas à la SA Franfinance d’apporter un conseil à Mme [L] sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée.

La demande de Mme [L] à l’égard de la société Franfinance sera ainsi rejetée.

IV- Sur les autres demandes :

Mme [L] succombant dans la présente procédure sera condamnée aux dépens.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande de la SA Franfinance sur ce point sera rejetée.

L’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution dispose que : « A l’exception des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.’

Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s’ils concernent un acte dont l’accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite, sauf disposition législative contraire.

Cependant, le créancier qui justifie du caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance peut demander au juge de l’exécution de laisser tout ou partie des frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi. »

Cet article n’édicte aucune faculté pour le juge d’imputer ces frais aux débiteurs. En conséquence, la demande de la société Franfinance quant aux frais d’exécution sera rejetée.

Par ces motifs

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement en ce qu’il a :

*prononcé l’annulation du contrat de vente liant Mme [L] et la société nouvelle régie des jonctions des énergies de France qui a pris la forme de trois bons de commande numérotés 29301, 26674 et 29256,

*prononcé l’annulation du contrat de crédit affecté liant Mme [L] et la SA Franfinance,

*constaté que la SA Franfinance a commis des fautes personnelles engageant sa responsabilité à l’égard de Mme [L],

*déclaré la SA Franfinance responsable d’un manquement à ses obligations en qualité d’établissement bancaire,

*déclaré que cette responsabilité la prive de la restitution de sa créance,

*ordonné le remboursement par la SA Franfinance des sommes qui ont été versées par Mme [L], soit la somme de 20.975,69 euros,

*condamné la SA Franfinance à verser à Mme [L] la somme de 400 euros en réparation de son préjudice financier, la somme de 100 euros en réparation de son trouble de jouissance, la somme de 400 euros en réparation de son préjudice moral,

*condamné la SA Franfinance à verser à Mme [L] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Statuant à nouveau, par motifs partiellement substitués,

Déclare irrecevable l’action en nullité pour manquement aux dispositions du code de la consommation ;

Déclare recevable l’action en nullité pour dol engagée par Mme [L] ;

Déboute Mme [L] de sa demande tendant à voir constater la nullité du contrat de vente la liant à la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France ;

Déboute Mme [L] des demandes présentées à l’encontre de la SA Franfinance;

Déboute la SA Franfinance de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [K] [L] aux dépens de première instance et d’appel ;

Rejette la demande de la SA Franfinance présentée au titre des frais d’exécution.

Le greffier, La présidente,


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