Cour d’appel de Riom, Chambre Commerciale, 22 mars 2023, 21/01484

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Cour d’appel de Riom, Chambre Commerciale, 22 mars 2023, 21/01484
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En l’espèce, les époux [Y] soutiennent que la société AB Services s’est rendue coupable de plusieurs mensonges, appuyés par ses écritures dans le book client puisqu’elle leur a affirmé qu’ils bénéficieraient d’un crédit d’impôt de 1 700 euros relatif à la centrale solaire, que le bénéfice de production des panneaux leur permettrait de couvrir sans difficulté les échéances de crédit et qu’ils bénéficiaient d’un prix extrêmement avantageux sur ce type d’installation ; que le document de présentation n’est pas une simple brochure publicitaire et que les informations manuscrites ajoutées sur ce document de présentation ainsi que les informations qu’il contient font partie des documents entrant dans le champ contractuel ; qu’en outre, pour une raison ignorée, si ce n’est de tromper le consommateur, la société AB Services fait couramment signer deux bons de commande différents lors de chaque vente ; que les déclarations préalables de travaux sont déposées après que les panneaux photovoltaïques aient été installés sur le toit des acheteurs.


 

 

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 22 Mars 2023

N° RG 21/01484 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FUF5

VTD

Arrêt rendu le vingt deux Mars deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 02 avril 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’AURILLAC (RG n° 11-19-0311)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [G] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentants : la SELARL AURIJURIS, avocats au barreau d’AURILLAC (postlant) et la SELARL C. DURIF AVOCATS, avocats au barreau de SENS (plaidant)

Mme [E] [X] épouse [Y]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentants : la SELARL AURIJURIS, avocats au barreau d’AURILLAC (postlant) et la SELARL C. DURIF AVOCATS, avocats au barreau de SENS (plaidant)

APPELANTS

ET :

La société ENERGYGO anciennement dénommée AB SERVICES

SAS immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 525 176 228 00050

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL C&S AVOCATS, avocats au barreau de LYON (plaidant)

La société CA CONSUMER FINANCE

SA immatriculée au RCS d’Evry sous le n° 542 097 522 03309

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentants : Me Xavier BARGE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(postulant) et la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON (plaidant)

INTIMÉES

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 25 Janvier 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF et Madame DUFAYET, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 22 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon bon de commande n°35 562 en date du 28 mai 2018, M. [G] [Y] a commandé auprès de la SAS AB Services, devenue la SAS Energyco, la livraison et l’installation d’une centrale aérovoltaïque de 4,5 Kwc composée de 15 panneaux, ainsi que d’un ballon thermodynamique, moyennant un prix global de 29 900 euros TTC.

Cette acquisition a été financée intégralement par un contrat de crédit souscrit le même jour auprès de la société Sofinco devenue la SA CA Consumer Finance. L’épouse de M. [Y], Mme [E] [X] a également souscrit audit crédit en qualité de co-emprunteuse.

Le 11 juin 2018, un second bon de commande concernant les mêmes produits et portant la mention ‘annule et remplace BDC n°35562″ a été régularisé.

Par acte d’huissier du 29 octobre 2019, la SA CA Consumer Finance a fait assigner les époux [Y] devant le tribunal d’instance d’Aurillac, aux fins de :

-les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 34 547,33 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 16 septembre 2019 ;

– les condamner solidairement à lui verser la somme de 350 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonner la restitution du kit aérovoltaïque 15 panneaux + ballon thermodynamique 200 L financé ;

– ordonner l’exécution provisoire ;

– les condamner solidairement aux dépens.

Par actes d’huissier du 30 janvier 2020, M. [G] [Y] et Mme [E] [X] épouse [Y] ont fait assigner la SAS AB Services et la SA CA Consumer Finance afin de voir annuler les contrats de vente et de crédit souscrits.

Les instances ont été jointes par mention au dossier.

Par jugement du 2 avril 2021, le tribunal a :

– débouté M. [Y] de ses demandes tendant à la nullité du contrat de vente ;

– débouté M. et Mme [Y] de leur demande d’annulation ou de suspension du contrat de crédit affecté ;

– ‘débouté M. et Mme [Y] de leurs demandes tendant à retenir la faute du prêteur et l’absence des obligations des restitutions réciproques’ ;

– débouté M. et Mme [Y] de leur demande en garantie et en remboursement ;

– débouté M. et Mme [Y] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

– prononcé l’irrecevabilité de la demande de la SA CA Consumer Finance en paiement de la somme de 34 547,33 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 16 septembre 2019 ;

– débouté M. et Mme [Y] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la SA CA Consumer Finance de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la SA AB Services de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné chaque partie à conserver la charge de ses propres dépens ;

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a énoncé :

– s’agissant de la demande en nullité du contrat de vente pour dol, que l’erreur sur la rentabilité de l’opération ne constitue pas en soi un vice du consentement ; que les plaquettes et documents remis lors de la signature du bon de commande sont rédigés de façon très générale et n’engagent la société sur aucun taux de rendement précis ; que concernant la non perception d’un crédit d’impôt ou d’une prime EDF, outre qu’il n’est pas justifié que la plaquette en faisant état soit l’exemplaire remis à M. [Y], il n’est pas justifié qu’il n’ait pas pu bénéficier des avantages financiers ; que les arguments relatifs à la signature de deux bons de commande ou à la date de déclaration des travaux et de leur réalisation ne sont pas davantage de nature à constituer un dol ;

– s’agissant de la demande en nullité du contrat pour absence des mentions obligatoires, que le bon de commande mentionne la marque et les caractéristiques des panneaux ; que le prix unitaire n’est pas une caractéristique essentielle de la marchandise ; que l’obligation d’information de la société apparaît satisfaite par la remise à son client des plaquettes d’information ;

– s’agissant de la demande en nullité pour violation du délai de réflexion, que le contrat dispose d’un formulaire détachable de renonciation ; que le contrat de vente a été régularisé le 11 juin 2018 et la facture portant la mention ‘payée’ a été émise le 21 juin 2018; que le délai de sept jours a été respecté ;

– s’agissant des demandes de restitutions et de garantie, que le prêteur ne peut solliciter que les emprunteurs soient condamnés à restituer l’installation, tout comme le vendeur ne peut solliciter que l’acheteur soit condamné à rembourser le crédit ; que la nullité du contrat principal n’étant pas acquise, l’annulation de plein droit du contrat de crédit affecté n’est pas encourue ;

– s’agissant de la demande en paiement de la SA CA Consumer Finance, que le non respect du préalable de la mise en demeure antérieur au prononcé de la déchéance du terme rend l’organisme de crédit irrecevable en sa demande de paiement.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 6 juillet 2021, M. [G] [Y] et Mme [E] [X] épouse [Y] ont interjeté appel du jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 4 octobre 2021, les appelants demandent à la cour, au visa de l’article 1122 du code civil, de :

– les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes ;

– infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes tendant à la nullité du contrat de vente, à l’annulation ou la suspension du contrat de crédit affecté, à retenir la faute du prêteur, ainsi que de leur demande en garantie et en remboursement, et de leurs demandes de dommages et intérêts, ainsi que celle fondée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé l’irrecevabilité des demandes de la SA CA Consumer Finance en paiement de la somme de 34 547,33 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 16 septembre 2019 ;

– débouter la SA CA Consumer Finance et la SAS AB Services devenue Energyco de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires ;

En conséquence :

– constater leur consentement exprimé au moment de la vente comme vicié par un dol ;

– prononcer la nullité du bon de commande régularisé entre eux et la société AB Services devenue Energyco ;

En conséquence,

– annuler le contrat de crédit conclu entre eux et la SA Sofinco marque de la SA CA Consumer Finance ;

– à défaut constater l’absence de mentions obligatoires à peine de nullité sur le bon de commande n°36142 du 11 juin 2018 entre eux et la société AB Services devenue Energyco ;

– prononcer la nullité du bon de commande n°36142 du 11 juin 2018 entre eux et la société AB Services devenue Energyco ;

– par voie de conséquence, prononcer la nullité du contrat de crédit conclu entre eux et la SA Sofinco – CA Consumer Finance ;

– à défaut, constater la violation par la société AB Services devenue Energyco du délai de réflexion imposé par la loi ;

– en conséquence, annuler le contrat conclu entre eux et la société AB Services devenue Energyco pour violation par cette dernière du délai de réflexion accordé au consommateur ;

– par voie de conséquence, suspendre l’exécution du contrat de crédit conclu entre eux et la SA Sofinco – CA Consumer Finance, crédit affecté au financement du contrat conclu avec la société AB Services devenue Energyco, et ce, jusqu’à la solution du litige ;

– in fine, annuler le contrat de crédit conclu entre eux et la SA Sofinco – CA Consumer Finance;

– dans l’hypothèse où ils étaient amenés à régler quelque somme que ce soit à la SA CA Consumer Finance, dire qu’ils devraient être garantis des sommes versées ou à verser, et ainsi du remboursement du prêt par la société AB Services devenue Energyco sur le fondement de l’article L.312-56 du code de la consommation ;

– en tout état de cause, condamner la société AB Services devenue Energyco au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance et la procédure d’appel ;

– condamner la société AB Services devenue Energyco aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées en date du 23 mars 2022, la SAS Energyco anciennement dénommée AB Services demande à la cour, au visa des articles 1122 et 1137 du code civil, L.111-1, L.221-5, L.221-10, et L.221-18 et suivants du code de la consommation, de :

à titre principal :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné chaque partie à conserver la charge de ses propres dépens et l’infirmer sur ce point ;

– rejeter la demande de la société CA Consumer Finance tendant à voir ordonner la restitution du kit aérovoltaïque et du ballon thermodynamique ;

à titre subsidiaire :

– déclarer que M. [Y] a tacitement confirmé le bon de commande signé le 11 juin 2018 et ainsi couvert toute cause éventuelle de nullité ;

– rejeter les demandes de nullité des époux [Y] ;

– rejeter la demande de la société CA Consumer Finance tendant à voir ordonner la restitution du kit aérovoltaïque et du ballon thermodynamique ;

à titre infiniment subsidiaire :

– condamner les époux [Y] à lui restituer à leur frais le kit aérovoltaïque et le ballon thermodynamique installés en exécution du contrat de vente ;

– condamner les époux [Y] à rembourser à la société CA Consumer Finance venant aux droits de la société Sofinco les sommes dues au titre du contrat de prêt ;

– rejeter la demande de garantie formulée par les époux [Y] ;

en tout état de cause :

– rejeter chacune des demandes, fins et prétentions adverses ;

– condamner solidairement les époux [Y] à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 23 décembre 2021, la SA CA Consumer Finance demande à la cour au visa des articles L.111-1 et suivants, et L.312-1 et suivants, L.312-56 du code de la consommation, de :

– infirmer le jugement en ce qu’il : « prononce l’irrecevabilité de la demande de la SA CA Consumer Finance en paiement de la somme de 34 547,33 euros, augmentée des intérêts au taux

contractuel à compter du 16 septembre 2019 » ;

En conséquence et en statuant à nouveau :

– prononcer la résiliation du contrat du ’28 septembre 2018″ pour manquement des consorts [Y] à leur obligation contractuelle ;

– condamner solidairement Mme [E] [Y] et M. [G] [Y] à payer à la société CA Consumer Finance au titre du contrat du ’28 septembre 2018″, la somme de 34 547,33 euros, outre les intérêts contractuels au taux de 5,709 % à compter du 16 septembre 2019 et la somme de 350 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonner la restitution du kit aérovoltaïque 15 panneaux + ballon thermodynamique 200 L Financé ;

– confirmer le jugement pour le surplus ;

– à titre subsidiaire, si le jugement était infirmé et si la cour devait recevoir les demandes des consorts [Y], dire et juger que la société CA Consumer Finance n’a commis aucune faute la privant d’un droit à restitution en cas de prononcé de la nullité des contrats ;

– en tout état de cause, débouter Mme [E] [Y] et M. [G] [Y] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner solidairement Mme [E] [Y] et M. [G] [Y] à payer à la société CA Consumer Finance une somme de 850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les mêmes aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile par Me Xavier Barge qui en a fait la demande.

Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022.

MOTIFS

– Sur la nullité du contrat de vente pour dol

M. [Y] a signé avec la société AB Services un premier bon de commande n°35562 le 28 mai 2018. En raison d’une erreur matérielle figurant dans ce premier bon de commande, un second a été signé le 11 juin 2018 n°36142. La seule différence entre les deux concerne le mode de raccordement choisi : ‘autoconsommation’ sur le premier, ‘surplus’ dans le second.

Au vu des dates de souscription figurant sur ces bons de commande, ce sont les dispositions du code civil issues de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 qui sont applicables.

L’article 1130 du code civil énonce que l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Selon l’article 1137, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

En l’espèce, les époux [Y] soutiennent que la société AB Services s’est rendue coupable de plusieurs mensonges, appuyés par ses écritures dans le book client puisqu’elle leur a affirmé qu’ils bénéficieraient d’un crédit d’impôt de 1 700 euros relatif à la centrale solaire, que le bénéfice de production des panneaux leur permettrait de couvrir sans difficulté les échéances de crédit et qu’ils bénéficiaient d’un prix extrêmement avantageux sur ce type d’installation ; que le document de présentation n’est pas une simple brochure publicitaire et que les informations manuscrites ajoutées sur ce document de présentation ainsi que les informations qu’il contient font partie des documents entrant dans le champ contractuel ; qu’en outre, pour une raison ignorée, si ce n’est de tromper le consommateur, la société AB Services fait couramment signer deux bons de commande différents lors de chaque vente ; que les déclarations préalables de travaux sont déposées après que les panneaux photovoltaïques aient été installés sur le toit des acheteurs.

En premier lieu, ils font valoir que le commercial leur a affirmé qu’ils pourraient obtenir un crédit d’impôt de 1 700 euros et ils se prévalent des mentions manuscrites figurant sur le book de présentation soutenant que les mêmes informations ont été écrites de la même main et au même endroit du book, dans le document remis aux époux [F] et aux époux [S], les époux [F] ayant parrainé les deux autres couples.

Toutefois, le fait de produire ce document n’établit pas que les annotations ont été faites par le commercial de la société AB Services alors même que la pièce produite par les époux [Y] en pièce n°1 est strictement la même que celle produite en n°14 qui est sensée être le document communiqué aux époux [S]. Il s’agit en réalité du même document. Il existe ainsi un doute sur l’origine de ces mentions manuscrites qui font en outre état d’un ‘CI de 1200 et 900 €’et non de 1 700 euros. De surcroît, les époux [Y] ne démontrent pas que ces mentions manuscrites relatives aux crédits d’impôts et à la prime EDF auraient été déterminantes du consentement de M. [Y] au contrat de vente. Le tribunal a relevé à juste titre que le crédit d’impôt résulte des dispositions du code général des impôts, qu’il appartient au contribuable d’en solliciter le bénéfice, l’affirmation de l’acheteur selon laquelle il n’a pas pu en bénéficier ne suffisant pas à établir un manquement ou une tromperie, et que le contrat n’avait pas expressément mentionné le bénéfice d’un crédit d’impôt, mais l’éligibilité du dispositif sous réserve de l’évolution législative.

En second lieu, les époux [Y] affirment que le commercial leur avait garanti une rentabilité de l’installation d’environ 150 euros par mois ; que la production d’électricité ne leur rapporte rien ; qu’ils étaient dans la croyance que les mensualités qui leur seraient réclamées seraient automatiquement couvertes par le bénéfice rapporté par l’installation.

Ici encore, les appelants ne rapportent pas la preuve de ce qu’une certaine rentabilité ou un autofinancement leur auraient été annoncés par la société AB Services. Aucune mention du contrat n’en fait état, et les époux [Y] procèdent par simples allégations outre le fait qu’aucun justificatif n’est produit concernant la production de l’installation alors même qu’il n’est pas contesté qu’elle fonctionne et qu’elle produit de l’électricité dont le surplus est revendu à EDF. Les plaquettes et documents remis lors de la signature du premier bon de commande, qui sont rédigés de façon très générale, n’engagent pas la société sur un taux de rendement précis applicable au contrat ou quant à un autofinancement.

Il sera observé que la rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d’une installation photovoltaïque au sens de l’article L.111-1 du code de la consommation qu’à la condition que les parties l’aient fait entrer dans le champ contractuel (Cass. Civ 1ère, 21 octobre 2020, n°18-26.761).

M. [Y] ne peut prétendre avoir été empêché de connaître les conditions de paiement des biens achetés alors que lesdites conditions sont renseignées sur le bon de commande. Le coût total du crédit était mentionné.

Les arguments relatifs à la signature de deux bons de commande ou à la date de déclaration des travaux et de leur réalisation ne sont pas de nature à constituer un dol.

L’exercice de pressions du commercial pour obtenir la signature de M. [Y] n’est pas non plus caractérisé.

Aucune pratique commerciale trompeuse constitutive de manoeuvres dolosives ne peut être reprochée à la société AB Services. Et en tout état de cause, aucun élément intentionnel n’est démontré pour caractériser un dol.

Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en nullité du contrat de vente pour dol, les éléments constitutifs de ce vice du consentement et son caractère déterminant n’étant pas caractérisés.

– Sur la nullité du contrat de vente pour défaut de mentions obligatoires

Il résulte des articles L.221-5 et L.111-1 du code de la consommation, que le contrat hors établissement doit comprendre à peine de nullité :

– les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;

– le prix du bien ou du service ;

– en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

– les informations permettant l’identification du professionnel ainsi que ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques ;

– s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales ;

– la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation ;

– les conditions, le délai et les modalités d’exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type de rétractation ;

– le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

– l’information sur l’obligation du consommateur de payer les frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation.

Les époux [Y] reprochent tout d’abord au bon de commande de ne pas mentionner le prix unitaire de chaque élément de la prestation, ni la marque, ni les caractéristiques des panneaux en terme de rendement, ni leur capacité de production et de performance. Ils estiment que le bon de commande si succinct et manquant de clarté, ne permet pas aux acheteurs de prendre une décision éclairée.

Les appelants soutiennent ensuite que la société venderesse ne fait jamais mention dans son contrat de la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.

Or, le bon de commande indique la marque du kit aérovoltaïque (GSE Air System), la marque et le nombre de panneaux (15, Soluxtec ou Francilienne ou Eurener), la puissance électrique globale de l’installation (4,5 kWc), la puissance thermique globale (9,45 kWc), le détail du contenu du kit : coffrets de protection, disjoncteur et parafoudre, kit d’intégration au bâti de marque GSE, la marque des micro-onduleurs (Enphase), la capacité (200 litres) et la marque du ballon thermodynamique (Thermor).

Les caractéristiques technique des biens vendus sont donc détaillées dans le bon de commande.

En outre, ainsi que le fait observer la SAS Energyco, M. [Y] a reçu, préalablement à la signature du bon de commande, un livret présentant les caractéristiques techniques du matériel, et s’est trouvé en mesure de se rendre compte de la nature et des caractéristiques de l’installation, notamment de sa puissance globale.

Sur la question du rendement, il a été rappelé que la rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d’une installation photovoltaïque au sens de l’article L.111-1 du code de la consommation qu’à la condition que les parties l’aient fait entrer dans le champ contractuel (Cass. Civ 1ère, 21 octobre 2020, n°18-26.761).

Outre le fait que le vendeur peut difficilement s’engager contractuellement sur une estimation de production qui dépend de nombreux critères dont il n’a pas la maîtrise (conditions météorologiques, consommation personnelle du client), il n’a en l’espèce pris aucun engagement sur ce terrain. Le tribunal a relevé à juste titre que si les plaquettes publicitaires faisaient état de ‘un coefficient de performance inégalé’, de ‘une économie jusqu’à 50 % sur la facture de chauffage’, ces documents étaient rédigés de façon très générale et faisaient usage de moyennes et de fourchettes de pourcentage, ils ne contenaient aucune étude particulière de la situation propre à M. [Y] au regard du matériel installé, de son orientation en toiture et de l’ensoleillement compte tenu de sa localisation géographique.

S’agissant du prix, aucun texte n’exige la mention du prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert ou du service proposé, et l’annulation du contrat n’est pas encourue en l’absence d’une telle mention (Cass. Civ 1ère, 2 juin 2021, n°19-22607). Seule l’indication du prix de l’ensemble de l’installation constituée par un ‘kit’ composé de pièces formant un tout indissociable, est requise.

M. [Y] a souhaité acquérir un ‘kit’ aérovoltaïque et non ses différents composants séparément : le bon de commande ne saurait ainsi encourir la nullité sur ce fondement.

Enfin, la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation en cas de litige a bien été indiquée à M. [Y]. La cour adopte les motifs du premier juge sur ce point en ce qu’il a énoncé que la plaquette publicitaire versée aux débats était suffisamment précise pour être entrée dans le champ contractuel permettant d’informer de la possibilité de saisir un médiateur et de dispenser une information.

Ainsi, aucun manquement quant aux mentions obligatoires devant figurer dans le bon de commande n’est démontré, et M. [Y] doit être débouté de sa demande aux fins de voir annuler le contrat principal sur ce fondement.

– Sur le non respect du délai de réflexion

Selon l’article 1122 du code civil, la loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion, qui est le délai avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation, ou un délai de rétractation, qui est le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement.

Au visa de ce seul article du code civil qui définit le délai de réflexion et le délai de rétractation, M. [Y] soutient que le délai de réflexion n’a pas été respecté en raison des délais mis en oeuvre par la société AB Services : le bon de commande est daté du 11 juin 2018, le délai de réflexion de 7 jours avait pour date d’échéance le 18 juin 2018, or l’attestation de fin de travaux est datée du 18 juin 2018, puis a été corrigée par la société AB services en notant le 20 juin 2018. Il note également que l’arrêté municipal autorisant les travaux est daté du 22 juin 2018, le mettant ainsi dans une position délicate vis-à-vis de l’administration.

L’article L.221-18 du code de la consommation énonce que le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement.

Ce droit de rétractation qui court à compter de la réception du bien par le consommateur a été rappelé à M. [Y] dans le bordereau de rétractation figurant au verso du bon de commande qui énonce les modalités de calcul et d’exercice du droit de rétractation.

Par ailleurs, l’article L.221-10 du code de la consommation prévoit que le professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contre-partie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement.

Ainsi que l’a relevé le tribunal, le bon de commande a été signé le 11 juin 2018 et la facture portant la mention ‘payée’ a été émise le 21 juin 2018 ce qui tendait à établir que le délai de sept jours avait été respecté. En effet, le paiement peut être qualifié au sens de l’article 1122 du code civil, comme l’acte manifestant l’acceptation de l’offre. La société AB Services n’a pu recevoir les fonds de l’établissement de crédit qu’après l’émission de la facture datée du 21 juin 2018. De surcroît, l’attestation de fin de travaux est datée du 20 juin 2018.

Il sera para ailleurs relevé que la mairie ne s’est pas opposée à la déclaration préalable de travaux déposée par la société AB Services.

Enfin, aucun des moyens invoqués par les appelants ne sont sanctionnés par la nullité du contrat. Aussi, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a n’a pas droit à la demande de nullité de la convention sur le fondement du non respect du délai de réflexion.

Dans ces circonstances, les demandes fondées sur l’interdépendance des contrats de vente et de crédits sont sans objet, tout comme celles fondées sur la confirmation de l’acte nul.

– Sur les demandes indemnitaires des époux [Y]

Selon les époux [Y], ‘il semble que l’installation des panneaux aérovoltaïques soit source de problèmes de santé important pour la famille [Y], constamment exposée à ce dispositif depuis son installation. En effet, des problèmes de santé de type ORL à répétition ont été médicalement constatés sur des membres de la famille [Y]’.

Ils ajoutent que ‘ils demeurent depuis avec le sentiment d’avoir été trompés et d’être pris dans un engrenage les dépassant sans possibilité aucune, de consentir librement à l’offre proposée.’

Il sera en premier lieu constaté que le dol n’a pas été retenu par la cour ; que les époux [Y] ne peuvent se contenter de reprocher à la société AB Services l’installation de panneaux solaires qu’ils ont acceptés sans réserve en exécution d’un contrat signé.

De surcroît, il n’est nullement justifié par les pièces produites du lien entre le fonctionnement de l’installation et des problèmes ORL évoqués par les certificats médicaux concernant Mme [E] [Y] et Mme [P] [Y].

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts.

– Sur l’appel incident et la demande en paiement de la SA CA Consumer Finance

Le tribunal a considéré que la déchéance du terme et donc la résiliation du contrat de crédit nécessitaient la justification de l’envoi d’une mise en demeure sollicitant la régularisation des mensualités échues impayées par les emprunteurs ; que tel n’était pas le cas et que si l’assignation pouvait être considérée comme la mise en demeure préalable, il n’y était fait état que d’une demande globale après déchéance et non du détail des échéances impayées ; que le non respect de ce préalable nécessaire rendait la SA CA Consumer Finance irrecevable en sa demande de paiement.

La clause d’un contrat de prêt prévoyant la déchéance du terme en cas de défaillance de l’emprunteur non commerçant, ne peut produire effet qu’après une mise en demeure précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Cass. Civ. 1ère, 3 juin 2015, n°14.15-655).

En l’espèce, le contrat de crédit litigieux prévoit dans les conditions générales :

‘En cas de défaillance de la part de l’emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. […]’

Ainsi, si le contrat de prêt prévoyait que la défaillance de l’emprunteur entraînerait la déchéance du terme, il n’était nullement stipulé de manière expresse et non équivoque qu’elle pouvait être déclarée acquise à l’établissement de crédit sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet.

La SA CA Consumer Finance produit en pièce n°5 deux courriers en date du 13 août 2019 adressés aux emprunteurs faisant état de sommes impayées d’un montant de 2 723,89 euros et d’un délai de 15 jours pour régulariser, à défaut de quoi la déchéance du terme du prêt serait prononcée. Néanmoins, s’agissant de lettres simples, la preuve de l’envoi de ces mises en demeures n’est pas rapportée.

La déchéance du terme ne pouvait dans ces circonstances être déclarée acquise au bénéfice de la SA CA Consumer Finance à l’encontre de M. et Mme [Y], et la demande en paiement fondée sur le constat de l’acquisition de cette clause résolutoire devait être rejetée et non déclarée irrecevable.

Toutefois, la SA CA Consumer Finance sollicite à titre subsidiaire le prononcé de la résiliation du contrat sur le fondement de l’article 1224 du code civil, faisant valoir que l’assignation suffit à mettre en demeure le débiteur qui n’a pas rempli son obligation et que le défaut de paiement constitue une inexécution du contrat de prêt suffisamment grave pour justifier la résiliation.

Dans le cadre d’un contrat de prêt, l’obligation de remboursement du débiteur constitue l’obligation principale de celui-ci.

Il n’est pas contesté que les époux [Y] n’ont procédé à aucun paiement : le manquement contractuel est donc suffisamment grave pour prononcer la résiliation du contrat de prêt.

Aussi, le contrat étant résilié à la date de l’arrêt, à savoir le 22 mars 2023, les sommes dues devraient s’élever à 39 198,34 euros, à savoir :

– mensualités impayées : 51 x 294,03 = 14 995,53 euros ;

– capital restant dû : 22 410,01 euros ;

– indemnité légale de 8 % :1 792,80 euros.

La cour ne pouvant statuer ultra petita, les époux [Y] seront condamnés solidairement à payer à la SA CA Consumer Finance la somme de 34 547,33 euros, outre intérêts contractuels au taux de 5,709 % l’an.

Par ailleurs, le prêteur sollicite la restitution du kit aérovoltaïque sans invoquer de fondement à l’appui de cette demande. A défaut de justifier à quel titre la SA CA Consumer Finance pourrait obtenir la restitution du matériel vendu, elle en sera déboutée.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Succombant à l’instance, les époux [Y] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

La distraction des dépens sera ordonnée conformément à l’article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Me Barge, avocat.

Néanmoins, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a prononcé l’irrecevabilité de la demande de la SA CA Consumer Finance en paiement de la somme de 34 547,33 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 16 septembre 2019 et condamné chaque partie à conserver la charge de ses propres dépens ;

Infirmant le jugement sur ces deux points et statuant à nouveau,

Prononce la résiliation du contrat de crédit souscrit le 28 mai 2018 par M. [G] [Y] et Mme [E] [X] née [Y] auprès de la SA CA Consumer Finance, aux torts des emprunteurs pour défaut de paiement des mensualités ;

Condamne solidairement M. [G] [Y] et Mme [E] [X] née [Y] à payer à la SA CA Consumer Finance la somme de 34 547,33 euros, outre intérêts contractuels au taux de 5,709 % l’an ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [G] [Y] et Mme [E] [X] née [Y] aux dépens de première instance et d’appel ;

Ordonne la distraction des dépens au profit de Me Barge, avocat.

Le greffier, La présidente,


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