Accès au dossier médical du salarié
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Le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée du salarié qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi notamment au respect de la vie personnelle du salarié.

Le dossier médical du salarié

Le dossier médical du salarié est couvert par le secret médical. Il est ainsi de principe que la production par l’employeur d’éléments médicaux relatifs au salarié tirés de son dossier médical est fautive indépendamment de l’objectif poursuivi par l’employeur.

Les pouvoirs du juge

Il est également de principe qu’il appartient au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.

Demande de l’employeur rejetée

En l’espèce, s’il ne peut être fait droit à la demande de l’employeur d’enjoindre la production du dossier médical du salarié dans son intégralité en application du secret médical ci-dessus rappelé, ni d’écarter des débats les éléments médicaux versés par le salarié, il appartient à la juridiction d’apprécier la force probante de ces seuls éléments de son dossier médical que le salarié a souhaité lui produire.


 

6 juin 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/02500

C4

N° RG 21/02500

N° Portalis DBVM-V-B7F-K46A

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ABSIDE AVOCATS

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 JUIN 2023

Appel d’une décision (N° RG F19/00047)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE

en date du 28 avril 2021

suivant déclaration d’appel du 02 juin 2021

APPELANTE :

Société CELETTE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me David BREUIL de la SELARL ABSIDE AVOCATS, avocat au barreau de CUSSET-VICHY,

INTIME :

Monsieur [H] [G]

né le 08 Octobre 1969 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Carine AMOURIQ de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 avril 2023,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente Conseillère chargée du rapport, et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 06 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 06 juin 2023.

Exposé du litige :

M. [G] a été engagé le 30 octobre 1989 en qualité de préparateur de commandes (emballages) en contrat à durée indéterminée par la SA CELETTE FRANCE. Au dernier état de la relation contractuelle, M. [G] exerçait les fonctions de responsable location statut employé.

Le 18 décembre 2002, M. [G] s’est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé à la suite d’un accident de la voie publique en faisant son jogging le 12 mai 1999 (fracture de l’omoplate, humérale et luxation de l’épaule).

Le 23 avril 2018, M. [G] déclarait avoir été victime d’un accident du travail en manipulant des caisses contenant des ferrures. L’attestation d’accident mentionnant un traumatisme au bras droit. M. [G] a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter de cette date jusqu’au 31 janvier 2019. Cet accident a été reconnu le 25 avril 2018 comme d’origine professionnelle par la CPAM.

La SA CELETTE FRANCE a contesté cette reconnaissance par recours amiable en date du 26 juin 2018 puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne le 31 août 2018.

Par courrier avec accusé de réception date du 14 mai 2018, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave fixé au 25 mai 2018.

M. [G] a été licencié pour faute grave par courrier recommandé avec avis de réception du 29 mai 2018.

M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Vienne en date du 8 février 2019 aux fins de voir juger que la SA CELETTE FRANCE a manqué à son exécution loyale du contrat de travail et annuler son licenciement comme intervenu pendant sa suspension de contrat de travail arrêt de travail d’origine professionnelle en sa qualité de travailleur handicapé, outre différentes indemnités notamment pour licenciement vexatoire.

Par jugement du 28 avril 2021, le conseil des prud’hommes de Vienne, a :

Jugé M. [G] partiellement bien fondée en ses demandes

Jugé que la faute grave qui lui était reprochée n’était pas suffisamment établie et que son licenciement pendant la suspension de son contrat de travail dû à son accident du travail était nul

Condamné la SASU CELETTE FRANCE à payer à M. [G] les sommes suivantes :

39 866 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

7720,50 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

772,05 € au titre des congés payés afférents

22 530,45 € nets à titre d’indemnité légale de licenciement

1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Débouté M. [G] du surplus de ses demandes

Débouté la SASU CELETTE FRANCE de ses demandes

Condamné la SASU CELETTE FRANCE aux entiers dépens

Ordonné l’exécution provisoire totale de la décision en application de l’article 515 du code de procédure civile

Fixé le salaire de référence de M. [G] à 2573,50 € bruts.

La décision a été notifiée aux parties et la SASU CELETTE FRANCE en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats en date du 02 juin 2021.

Par conclusions du 26 juillet 2021, la SASU CELETTE FRANCE demande à la cour d’appel de :

Ordonner à M. [G] d’avoir à produire dans son intégralité :

La copie de son dossier médical médecine du travail pour la période allant du 30 octobre 1989 auquel la Société CELETTE FRANCE n’a pas accès et qu’il produit de manière parcellaire pour la seule période allant du 20 avril 2000 au 4 septembre 2000.

La page 2 du certificat médical de liaison établi par le Docteur [D], du S.M.I.E.V.E, le 20 janvier 2003.

Ordonner le rejet des débats de la pièce adverse :

Au visa des dispositions des articles R 4127-28 du Code de la Santé Publique et de l’article 28 du Code de déontologie des Médecins, n°7, à savoir le courrier du Docteur [L] au Docteur [Y] du 26 avril 2018

n°12 constituée par l’Attestation de M. [I] [B] comme violant une obligation contractuelle de ce dernier à l’encontre de la Société CELETTE FRANCE.

n°14 et n°18 comme ne respectant pas les conditions de fond et de forme des attestations en justice.

Pièces n°5 TER, n°7, n°7 BIS, n° 19, n°20, n° 20 BIS

Pièce n°25 paires n’a pas été produites avec une copie de la pièce identité de la personne attestant

Au fond et à titre principal :

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le licenciement de M. [G] en licenciement nul et les conséquences pécuniaires en découlant

Débouter M. [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions

le condamner sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer à la SASU CELETTE FRANCE , la somme de 2500 €, et aux entiers dépens.

Au fond et à titre subsidiaire en cas d’annulation du licenciement :

Limiter les condamnations de la SASU CELETTE FRANCE à hauteur de :

,50 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

772,0 5 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

22 530,45 € nets au titre de l’indemnité de licenciement

15 441 € nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul

500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Rejeter les demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Rejeter la demande d’exécution provisoire intégrale du jugement à intervenir

Prononcer le partage des dépens.

Par conclusions du 25 octobre 2021, M. [G] demande à la cour d’appel de :

Juger recevables et bien fondées ses demandes;

Sur l’exécution du contrat de travail :

Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Vienne en date du 28 avril 2021 en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail à hauteur de 15 000 euros nets ;

Statuant à nouveau :

Juger que la société CELETTE France a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail ;

En conséquence,

Condamner la société CELETTE France à lui verser la somme de 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Sur la rupture du contrat de travail :

Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Vienne en date du 28 avril 2021 en qu’il a Jugé que la faute grave reprochée à M. [G] n’est pas suffisamment établie et que son licenciement pendant la suspension de son contrat de travail dû à son accident du travail est nul ;

En conséquence,

Condamner la société CELETTE France à lui payer les sommes suivantes :

o 7 720.50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, o 772.05 euros au titre des congés payés afférents, o 22 530.45 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement, o 1 500.00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Statuant a nouveau sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement nul :

Condamner la société CELETTE France à lui verser la somme de 64 337.50 euros nets (25 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Subsidiairement,

Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Vienne en date du 28 avril 2021 en qu’il a condamné la société CELETTE à lui payer 39 866.00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Vienne en date du 28 avril 2021 en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Statuant à nouveau :

Juger que le licenciement de M. [G] est survenu dans des circonstances vexatoires,

En conséquence,

Condamner la société CELETTE France à lui la somme de 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances vexatoires dans lesquelles son licenciement est survenu

Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Vienne en date du 28 avril 2021 en ce qu’il a débouté la société CELETTE France de sa demande tendant à voir ordonner à M. [G] d’avoir à produire dans son intégralité :

La copie de son dossier médical Médecine du travail pour la période allant du 30 octobre 1989 auquel la société CELETTE France n’a accès et qu’il produit de manière parcellaire pour la seule période allant du 30 avril 2000 au 4 septembre 2000,

La page 2 du certificat médical de liaison établi par le Dr [D], du SMIEVE le 20 janvier 200 ”

Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Vienne en date du 28 avril 2021 en ce qu’il a débouté la société CELETTE France de sa demande tendant à voir ordonner le rejet des débats des pièces :

N°7, à savoir le courrier du Docteur [L] au Docteur [Y] du 26 avril 2018, N°12 constituée par l’attestation de Monsieur [I] [B] comme violant une obligation contractuelle de ce dernier à l’encontre de la société CELETTE France,

N°14 et 18 comme ne respectant pas les conditions de fond et de forme des attestations en justice,

N°5 TER,

N°7,

N°7 BIS,

N°19,

N°20,

N°20 BIS,

N°25 car n’a pas été produite avec une copie de la pièce d’identité de la personne attestant,

Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Vienne en date du 28 avril 2021 en ce qu’il a condamné la société CELETTE France aux entiers dépens,

En toutes hypothèses :

Débouter la société CELETTE France de sa demande tendant à limiter les condamnations,

Condamner la société CELETTE France à verser à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d’Appel,

Condamner la société CELETTE France aux entiers dépens pour la procédure d’Appel,

Débouter la société CELETTE France de sa demande de condamnation de M. [G] à payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouter la société CELETTE France de sa demande de condamnation de M. [G] aux entiers dépens,

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur la demande de communication de pièces :

Moyens des parties :

La SASU CELETTE FRANCE soutient que le salarié qui tend à conclure qu’elle n’a pas aménagé son poste de travail après son accident de 1999 et son statut de travailleur handicapé et n’a pas respecté les restrictions à son aptitude en l’obligeant à porter quotidiennement des charges de 5 à 90 KGS, a produit des éléments parcellaires et non versés dans leur intégralité ; elle sollicite la production de la copie intégrale de son dossier médical de son embauche jusqu’au mois de mai 2018.

Elle soutient que si le salarié ne souhaite pas produire son entier dossier médical de médecine du travail au motif qu’il ne verse que les extraits en rapport avec sa pathologie de l’épaule, cela revient donc à dire que dans le cadre des avis du 5 octobre 2011, 25 février 2015 et 22 février 2017, le médecin du travail n’a pas évoqué son problème d’épaule et donc par voie de conséquence n’a préconisé, comme le prétend pourtant M. [G], aucun aménagement de poste en raison de ladite pathologie. La production de l’entier dossier médical du salarié aurait pu établir qu’aucune demande d’aménagement n’a été réalisée auprès de l’employeur.

L’employeur allègue que M. [G] ne place pas la juridiction prud’homale en position de prendre une décision reposant sur des éléments de preuve, et d’autre part, manque aux dispositions de l’article 1353 du code civil. Il ne peut faire valoir le secret médical si il produit lui-même les éléments de son dossier médical en son unique faveur.

M. [G] fait valoir en réponse qu’il n’a pu produire que les seuls éléments qui lui ont été transmis par le médecin du travail et rappelle que les éléments médicaux d’un salarié sont par nature confidentielles et couvertes par le secret médical. Il affirme fournir de manière légitime les éléments médicaux destinés à démontrer les circonstances et les conséquences sur son état de santé de son accident du travail du 23 avril 2018 et qu’il n’y a aucun intérêt à verser l’intégralité de son dossier médical, y figurant des éléments qui ne concernent pas son activité dans l’entreprise.

Sur ce :

Vu l’article 9 du code civil,

Le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi notamment au respect de la vie personnelle du salarié.

Le dossier médical du salarié est couvert par le secret médical. Il est ainsi de principe que la production par l’employeur d’éléments médicaux relatifs au salarié tirés de son dossier médical est fautive indépendamment de l’objectif poursuivi par l’employeur.

Il est également de principe qu’il appartient au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.

En l’espèce, s’il ne peut être fait droit à la demande de l’employeur d’enjoindre la production du dossier médical de M. [G] dans son intégralité en application du secret médical ci-dessus rappelé, ni d’écarter des débats les éléments médicaux versés par le salarié (Pièces N° 5 ter, 7, 7 bis, 19, 20, 20 bis), il appartiendra à la cour d’apprécier la force probante de ces seuls éléments de son dossier médical que le salarié a souhaité lui produire.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [G] soutient, au visa des articles L.1222-1, L. 4624-3 et 4624-6 du code du travail que son employeur avait connaissance du fait qu’il était travailleur handicapé et qu’il n’a pas respecté les restrictions médicales émises par le travail du 20 janvier 2003 à la suite de son accident non professionnel (« pas de port de charges lourdes, pas de travail les bras en hauteur ») soit avant son accident du travail d’avril 2018.

M. [G] fait également valoir que lors d’une visite médicale du 21 septembre 2017, soit moins d’un an avant son accident du travail, le médecin du travail a précisé « Diminution de l’amplitude de l’épaule D, douleur si port de charges lourdes » identifiant ainsi une contre-indication au port de charges lourdes.

Il soutient enfin que l’employeur demeurait par ailleurs lié par les préconisations émises par le médecin du travail sous l’empire de l’ancienne direction et qu’il n’a pas aménagé son poste de travail qui l’a conduit à manipuler des caisses quotidiennement contenant des ferrures dont le poids pouvait varier de 5 à 90 kg. Les transpalettes ne pouvaient pallier la nécessité de manipuler manuellement ces caisses notamment dans le cadre des opérations de contrôle du matériel. C’est dans ces conditions qu’il a été victime d’un accident du travail le 23 avril 2018 en manipulant une caisse contenant des ferrures.

La SASU CELETTE FRANCE fait valoir en réponse qu’elle n’a pas manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail de M. [G] ni à celle de respecter les préconisations médicales du médecin du travail.

Elle rappelle d’une part que son handicap ne provient pas d’une cause professionnelle comme il le sous-entend mais d’un accident de la vie privée.

Elle fait valoir que lors de sa reprise le 20 avril 2000, le médecin du travail a sollicité « un mi-temps thérapeutique pendant 2 mois avec travaux administratif pendant deux mois – saisie à l’expédition » sans préconiser de contre-indication au port de charges lourdes . Ce n’est que lors de la visite après un mois de reprise du 24 mai 2000, que le médecin du travail préconisera la nécessité de ne pas faire soulever de charges lourdes à M. [G]. Le salarié sera ensuite déclaré apte avec reprise à plein temps sans aucune réserve le 4 septembre 2000.

L’employeur soutient que pour la suite de son parcours médical, M. [G] ne fournit pas l’intégralité de son dossier médical et ne démontre pas qu’il avait connaissance de son état de santé et de la nécessité d’adapter son poste de travail pour éviter le port de charges lourdes.

La SA CELETTE FRANCE affirme également que M. [G] a, sous l’empire de l’ancienne direction, occupé ensuite le poste d’employé de bureau Ordonnancement de 2000 à 2003, à savoir sans port de charges lourdes, et qu’il était possible de le maintenir à son poste comme confirmé par le médecin du travail dans son certificat médical de liaison du 20 janvier 2003. L’employeur indique qu’il a ensuite occupé des postes d’employé de bureau magasin SAV de 2006 à 2008, puis d’employé du service qualité de 2009 à 2010, puis de responsable du service location à compter de janvier 2010. Aucun avis d’inaptitude ou de nécessité d’aménager un quelconque poste de travail n’a été émis de janvier 2000 à janvier 2011. M. [G] a été déclaré apte le 22 février 2017 sans aucune préconisation ou nécessité d’aménager son poste de travail. C’est sur la demande du salarié que le médecin du travail a, le 21 septembre 2017, précisé « diminution de l’amplitude de l’épaule D, douleurs si port de charges lourdes, si activité » sans toutefois préconiser une quelconque inaptitude, restriction aux ports de charges ou aménagement de son poste, ni postérieurement.

Une visite médicale demandée par le salarié est intervenue le 25 mai 2018 postérieurement à son entretien préalable à une mesure disciplinaire et seulement 4 jours avant la notification de son licenciement, l’employeur ne pouvant en aucun cas aménager son poste de travail suite à cette visite médicale de pré reprise.

La production de l’entier dossier médical du salarié aurait pu établir qu’aucune demande d’aménagement n’a été réalisée auprès de l’employeur.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s’abstenir de tout acte contraire à l’intérêt de l’entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l’égard de l’entreprise. Il lui est notamment interdit d’abuser de ses fonctions pour s’octroyer un avantage particulier.

En application des dispositions des articles L. 4624-3 et L 4624-6 du code du travail, lorsque le médecin du travail constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver. L’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.

L’employeur est tenu de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l’employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.

En l’espèce, il est constant que M. [G] a été victime d’un accident de la voie publique en faisant son jogging datant de 12 mai 1999 (fracture de l’omoplate, humérale et luxation de l’épaule).

Le 18 décembre 2002, M. [G] s’est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé à la suite de son accident non professionnel de 1999.

Il ressort des extraits partiels du dossier médical produits par le salarié (dossier médical non produit dans son intégralité et pages ne se suivant pas outre des pages manquantes) que le Dr [D], médecin du travail, précise:

-Le 20 avril 2000 « demande de ¿ temps thérapeutique pour 2 mois ” mi juin, travail administratif pendant 2 mois, Saisie à l’expédition »

-Le 26 mai 2000, « reprise depuis 1 mois 4 heures par jour en partie à l’expédition et au magasin : saisies surtout. Depuis 2 jours à l’ordonnancement. Poste intéressant mais pas de charges qui peuvent être partagées avec d’autres personnes. Apte à un poste sans port de charges lourdes. Essai de travail à l’ordonnancement à revoir après le 15 juin. »

-Le 4 septembre 2000 « Apte ‘

-Une copie de document intitulé « certificat médical de liaison » de deux pages dont seule la première page est produite, de la cellule départementale de maintien dans l’emploi de l’Isère, complété et tamponné par le Dr [D], en date du 20 janvier 2003 qui indique que M. [G] a subi un accident de la voie publique en mai 1999 opéré 1999 et que « des séquelles restent importantes avec une limitation de la mobilité dans tous les secteurs et une baisse de la force liée à une paralysie post traumatique des nerfs sus scapulaire. ». Le médecin décrit le poste occupé comme suit en précisant « Reclassement le 20 avril 2000 », « 3 le/ Jour magasin emballage : suivi des colis- tache administrative et des’petits colis ». 5 le/jour ordonnancement : suivi des pièces détachées, vérification des colis à envoyer, manutention des petites pièces ». Il donne ensuite un avis sur la restriction d’aptitude au poste de travail comme suit « pas de port de charges lourdes, pas de travail bras en hauteur », précisant dans le paragraphe « avis sur un aménagement de poste » que le maintien est possible au poste, la mention « avec aménagement » étant barrée.

Il résulte de ces documents que M. [G] a été déclaré apte à la reprise du travail le 4 septembre 2000 après avoir bénéficié de reprise en mi-temps thérapeutiques et de modifications de services.

Non seulement M. [G] ne justifie pas que le certificat de liaison de 2003, dont la deuxième page du document est manquante, a effectivement été transmis à l’employeur, mais il doit être constaté que le médecin du travail y décrivait l’organisation de son poste au sein de l’entreprise et jugeait que le salarié pouvait être maintenu dans le poste occupé sans aménagement, conformément aux restrictions constatées à savoir le port de charges lourdes et l’absence de travail bras en hauteur.

La cour constate que le salarié ne produit pas le résultat des visites périodiques ou autres visites de 2003 à 2017 se retranchant sous le secret médical face à la demande de l’employeur.

M. [G] ne démontre par conséquent pas que l’employeur n’aurait pas respecté les préconisations du médecin du travail et ainsi exécuté de manière déloyale du contrat de travail jusqu’en 2017.

M. [G] produit ensuite aux débats un tableau extrait de son dossier médical et les « observations » du médecin du travail suite à :

Une visite périodique du 22 février 2017 comme suit « poste : technicien de vente, responsable service location’ conc Ex NI Apte ».

Une visite à la demande du salarié le 21 septembre 2017/RQTH en vue de son renouvellement qui indique que suite à son accident de 1999 « séquelle : diminution de l’amplitude de l’épaule D, douleur si port de charges lourdes, si activité ».

Il doit au préalable être noté que ces éléments ne constituent pas des « avis » comme conclu par M. [G] mais des observations extraites de son dossier médical par le salarié.

Il ne résulte pas de ces éléments, l’existence de restrictions médicales de la part du médecin du travail à l’activité professionnelle exercée par M. [G] destinées à l’employeur, -M. [G] ne démontrant d’ailleurs pas que la SA CELETTE FRANCE aurait eu connaissance de ces « observations du dossier médical »-, mais le seul constat, en vue du renouvellement par celui-ci de sa RQTH, que toute activité et ports de charges lourdes par M. [G], que ce soit de nature professionnelle ou non, lui occasionneraient des douleurs. Etant rappelé que le salarié n’est pas dans l’obligation d’informer son employeur qu’il a été reconnu travailleur handicapé ou que le renouvellement de cette RQTH est soutenu ou non par le médecin du travail.

M. [G] fait ensuite l’objet d’un arrêt de travail à la suite de son accident de travail déclaré du 23 avril 2018.

Le seul courrier du Dr [L], chirurgien ayant opéré M. [G] à la suite de son accident de la voie publique en 1999 et praticien extérieur au service de la médecine du travail qui ne connait pas l’entreprise, qui, non seulement indique de façon erronée que cet accident était d’origine professionnelle, mais se contente de relayer la parole subjective du salarié qui indique que l’employeur a continué à lui faire « occuper un poste mixte avec des efforts importants et des charges lourdes jusqu’à se blesser tout récemment en soulevant une charge d’environ 70 kg», n’est pas pertinent dans la démonstration du respect par l’employeur de son onligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.

De la même façon, dans les observations produites par le salarié de sa visite du médecin du travail en mai 2018 à la suite de son accident du travail d’avril 2018, le Dr [F] qui indique que « avant cet accident, le salarié avait signalé à l’employeur la nécessité d’aménager son poste de travail p.r. à RQTH. L’employeur n’aurait pas aménagé ce poste’. » emploie le conditionnel, car se contentant de relayer la parole du salarié. Le praticien ne se réfère d’ailleurs à aucune préconisation expresse et datée de son prédécesseur.

Ainsi, faute pour M. [G] de justifier de l’existence de restrictions au port de charges lourdes et du non-respect de celles-ci par l’employeur avant le 23 avril 2018, il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l’exécution déloyale du contrat de travail par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur l’existence d’une discrimination liée à l’état de santé et au handicap du salarié et la nullité du licenciement :

Moyens des parties :

M. [G] soutient que son licenciement est nul au visa de l’article L. 1132-1 du code du travail, qu’il a été licencié pour faute grave le 29 mai 2018 alors qu’il était en arrêt de travail d’origine professionnelle depuis le 24 avril 2018 directement imputable au comportement de l’employeur qui s’était abstenu d’aménager son poste de travail malgré son état de santé qui ne lui permettait pas de manipuler des charges lourdes et son interpellation de l’employeur sur la nécessité d’aménager le poste de travail et qu’il n’a commis aucune faute grave. Cet accident ayant eu pour conséquence de dégrader de manière notable son état de santé déjà fragile et c’est dans ce cadre qu’il a été licencié. La véritable raison de ce licenciement étant économique.

La SASU CELETTE FRANCE conteste toute discrimination, et fait valoir que dans le cadre du projet de licenciement économique avorté, elle avait privilégié les salariés ayant le statut de travailleur handicapé en leur attribuant un point supplémentaire du fait de leur handicap.

Sur ce,

Il ressort des dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Il résulte des dispositions de l’article L. 1226-9 du code du travail, qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail en cas de maladie professionnelle ou accident du travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

Il est de principe que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé au sein de l’entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.

Aux termes des dispositions de l’article l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

La procédure doit être lancée dans un délai restreint sauf à faire perdre le caractère de gravité des faits.

En l’espèce, M. [G] précisant en cause d’appel ne pas fonder sa demande de nullité du licenciement sur le fait d’avoir été licencié pendant sa période de suspension du contrat de travail après son accident du travail, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.

M. [G] sollicite la nullité de son licenciement comme résultant d’une discrimination liée à son état de santé qui se serait aggravé du fait du non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail et son statut de travailleur handicapé.

Il doit en premier lieu être rappelé que la cour a débouté M. [G] de sa demande au titre du non-respect de l’employeur de son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail du fait du non-respect de préconisations du médecin de travail avant l’accident du travail d’avril 2018 et donc que l’aggravation de son état de santé en découlerait.

Il en résulte que la cour doit statuer sur la question de savoir si le salarié a été licencié en raison de son état de santé et de son statut de travailleur handicapé.

Il est constant que M. [G] avait le statut de travailleur handicapé, qu’il a été victime d’un accident de travail le 23 avril 2018, a fait l’objet d’un arrêt de travail jusqu’au 30 juin 2018 et que l’employeur l’a convoqué à un entretien en vue de son licenciement par courrier du 14 mai 2018 puis licencié pour faute grave le 29 mai 2018, soit au cours de la suspension d’origine professionnelle de son contrat de travail.

Il incombe par conséquent à l’employeur de démontrer que le licenciement de M. [G] est justifié par une faute grave ou son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

La Cour note que le salarié avait le statut de travailleur handicapé depuis 2002 à la suite de son accident de la route de 1999 sans que l’employeur n’ait manifesté son intention de le licencier avant 2018 et la SA CELETTE FRANCE justifie qu’elle emploie un autre salarié ayant le statut de travailleur handicapé, M. [K] (2016 à 2021) et que celui-ci n’a pas été licencié. Le seul fait qu’il n’ait pas été victime d’un accident de travail comme conclu par M. [G] est inopérant s’agissant d’apprécier de la volonté de l’employeur de conserver ou non dans ses effectifs des travailleurs handicapés.

La SA CELETTE FRANCE invoque une faute grave de M. [G] alléguant les faits suivants :

Des propos injurieux et déplacés, répétés et fréquents vis-à-vis de la direction auprès de l’une de ses collègues de travail, Mme [R] [P], occupant le poste de coordinatrice marketing

Une attitude passive dans l’accomplissement de son travail ne respectant pas sa collègue de travail ; Mme [P]

La suppression de la page FACEBOOK de l’entreprise le 10 mai 2018.

Le grief relatif à la suppression de la page FACEBOOK de l’entreprise est daté du 10 mai et la procédure de licenciement a été déclenchée dès le 14 mai 2018, soit 3 jours après. S’agissant des propos et du comportement reprochés à M. [G] à l’encontre de sa collègue, ces faits ont été dénoncés par celle-ci dans attestation du 14 mai, soit le jour du déclenchement de la procédure de licenciement. L’employeur ayant engagé les poursuites dans un délai de deux mois à compter de la connaissance des faits. Ces faits ne sont par conséquent pas prescrits.

S’agissant du respect du délai restreint dans le cadre du licenciement pour faute grave, la SA CELETTE FRANCE justifie avoir convoqué M. [G] à un entretien préalable fixé au 25 mai 2018 par courrier du 14 mai 2018. M. [G] a sollicité un report de la date de cet entretien. La SA CELETTE FRANCE a proposé une changement d’horaires mais a refusé le changement de date par courrier de réponse du 22 mai. M. [G] s’est vu notifier son licenciement par courrier du 29 mai, soit 11 jours ouvrés après le déclenchement de la procédure de licenciement, ce qui constitue un délai suffisamment restreint pour fonder un licenciement pour faute grave.

Sur le grief relatif aux propos malveillants :

La SA CELETTE FRANCE verse aux débats l’attestation de Mme [P], coordinatrice marketing de l’entreprise, qui déclare que « M. [G] a tenu à plusieurs reprises et de façon répétée ces derniers mois, des propos malveillants et déplacés visant la société CELETTE en la qualifiant de maison de, et sa direction en évoquant son souhait de « leur mettre une carotte dans le cul » ou de « leur mettre bien propre ». M. [G] a également déclaré pouvoir jouer sur son statut de travailleur handicapé et sur le fait de ne pas pouvoir porter de charges lourdes. « Il a qu’un bras [G] ! » alors qu’il le faisait tous les jours. »

Mme [P] indique également que le poste de M. [G] et le sien étaient liés, son téléphone fixe basculant sur le sien lorsqu’il ne répondait pas, chose devenue courante ces derniers mois alors qu’il était tout à fait disponible pour répondre. Elle précise que lorsqu’elle lui a spécifié que lorsqu’il ne prenait pas les appels, c’était son poste qui sonnait et elle qui répondait, il a déclaré de façon cinglante « eh bien tu fais comme moi tu réponds pas ». Elle relate qu’il maugréait contre la direction à cause de la charge de travail alors que celle-ci avait diminué au mois d’octobre 2017 sur la partie commerciale et la gestion des calculs et études de prix. Que cependant il avait continué à se plaindre à qui voulait l’entendre de sa charge de travail mais prenait de longs moments dans les bureaux à chanter une chanson « La Française des jeux-FDJ » ce qui dérangeait et déconcentrait certains des collaborateurs du plateau.

Cette attestation est corroborée par le témoignage de M. [C], directeur d’usine Thailande et donc extérieur au cadre des relations de travail de proximité de M. [G] et Mme [P], qui relate que le 19 décembre 2017, alors qu’il était sur le site de CELETTE à [Localité 3], il a assisté à une altercation entre M. [G] et Mme [P], M. [G] refusant de prendre le téléphone et encourageant Mme [P] à faire de même, M. [G] lui disant « d’aller se faire foutre et qu’au lieu de faire chier, elle avait qu’à se barrer ». Il précise que durant son séjour de 2 semaines sur le site, M. [G] sifflotait en permanence et a dit à plusieurs reprises à propos de la société CELETTE « qu’il allait leur mettre profond dans le cul ».

Les attestations de M. [B] et de M. [K], collègues de travail, versées par le salarié, sont inopérantes s’agissant du comportement reproché à M. [G], ces salariés relatant uniquement l’accident de travail de M. [G] ou les missions qui lui étaient imparties.

Le témoignage de M. [M] [V], qui juge « satisfaisante l’activité salariée de M. [G] » alors qu’il était placé sous la responsabilité hiérarchique de M. [G], est sujet à caution. Son appréciation également subjective s’agissant de Mme [P] qui « se comportait en patronne des lieux et se mettait toujours en avant » ne suffit pas à contredire les attestations susvisées concordantes d’autant qu’il confirme que « les rapports avec M. [G] étaient devenus très compliqués » et que «  Malgré tous ses efforts et sa volonté, M. [G] se contentait de rapports strictement professionnels pour éviter tout dérapage de sa part », cette formulation sous entendant que M. [G] pouvait déraper. Par ailleurs le seul fait qu’il n’ait pas assisté à ces « dérapages » ne démontre pas qu’ils n’ont pas existé comme attestés.

Ce grief est établi.

Sur le grief relatif à la passivité de M. [G] au travail :

Le fait que M. [G] refusait de prendre le téléphone laissant cette charge à Mme [U] a été corroboré par M. [C] comme susvisé. Toutefois, M. [G] produit son entretien annuel du 24 octobre 2017 qui ne fait mention d’aucun reproche sur son activité professionnelle et le salarié verse des attestations de clients qui louent son professionnalisme et sa disponibilité. De plus contrairement à ce qui est conclu, Mme [X] (P22 employeur) ne confirme pas les éléments décrits par Mme [P] mais évoque uniquement l’accidnent du travail de M. [G] .

Ce grief n’est pas établi.

Sur le grief relatif à la suppression de la page FACEBOOK de l’entreprise le10 mai 2018 :

La SA CELETTE FRANCE justifie que :

La page FACEBOOK de l’entreprise a été supprimée à 13h05 le 10 mai 2018 par la réception d’un mail du système à Mme [E] qi précise « [H] [G] has scheduled the Page « celette » for deletion . You have 14 days to restore the page before the page is deleted permanently. You are receiving this message because you are an admin of this page ».

Le suivi du fil d’actualité de la page FACEBOOK qui précise que M. [G] a planifié la suppression de la page FACEBOOK « celette » avec la photo de profil d’enfants dont M. [G] n conteste pas qu’ils sont les siens

M. [G] figurait bien dans la liste des 7 administrateurs de la page le 3 mai 2018, soit quelques jours avant sa suppression

Le contrat de travail de M. [G] était suspendu pour accident du travail à cette date

L’employeur produit également les attestations de:

Mme [X], comptable RRH, qui indique que lors de l’entretien de M. [G] le 25 mai 2018, en présence de Mme [Z] et de Mme [A], secrétaire de la DUP, M. [G] a indiqué que la page FACEBOOK de l’entreprise avait été supprimée par mégarde par sa femme et non par lui.

M. [Z] qui confirme que M. [G] a indiqué que son épouse avait fermé le site internet CELETTE par inadvertance.

Il ressort des éléments susvisés et notamment de l’accusation de négligence à l’encontre de son épouse qu’il a reconnu, que son compte administrateur était bien à l’origine de la tentative de suppression de la page FACEBOOK de l’entreprise.

Or, non seulement il n’explique pas les raisons pour lesquelles son épouse disposerait de ses codes d’accès pour naviguer en qualité de propriétaire de la page de l’entreprise, mais la suppression d’un compte FACEBOOK étant longue et nécessitant plusieurs actions de confirmation, elle ne peut être réalisée par simple négligence ou inattention et ne peut résulter que d’une action volontaire.

M. [G] qui soutient en cause d’appel que Mme [P] qui a attesté à son encontre était également administratrice de la page FACEBOOK de l’entreprise et aurait pu, comme une autre personne, utiliser son compte, n’explique pas comment elle aurait pu disposer de ses propres comptes d’accès aux données administrateur.

S’agissant des captures d’écrans illisibles versées aux débats par M. [G] pour justifier d’un « like » de la page de sa part le soir de la suppression, il ressort du suivi du fil d’actualité de la page FACEBOOK de la SA CELETTE FRANCE que les deux « like » datent d’avant la suppression de la page par le compte de M. [G]. M. [G] ayant également modifié sa photo de profil le même jour.

Le seul fait que la société n’ait pas subi de préjudice financier car ayant pu intervenir à temps pour enrailler le processus de suppression de la page FACEBOOK de l’entreprise, document qui constitue à l’heure du numérique la vitrine publicitaire de l’entreprise, n’enlève pas à ce fait son caractère fautif eu égard à l’obligation de loyauté à la charge du salarié. Etant également rappelé que M. [G] n’avait pas à interagir sur la dite page FACEBOOK de la SA CELETTE FRANCE pendant la suspension de son contrat de travail.

Ce fait fautif particulièrement grave, eu égard au caractère déloyal du comportement du salarié à l’égard de son employeur, à lui seul, empêche le maintien de M. [G] dans l’entreprise et s’ajoute aux propos inadaptés tenus à l’encontre de Mme [P] et de l’entreprise. La faute grave étant ainsi caractérisée, l’employeur justifie le licenciement de M. [G] pendant la suspension de son contrat de travail du fait d’un accident du travail par voie d’infirmation du jugement déféré.

Le licenciement pour faute grave étant fondé, l’employeur justifie d’une cause étrangère à toute discrimination, et M. [G] doit par conséquent être débouté de la demande de nullité de son licenciement fondée sur une discrimination due à son état de santé par voie d’infirmation du jugement déféré.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du caractère vexatoire du licenciement :

Moyens des parties :

M. [G] soutient que son licenciement est intervenu dans des conditions particulièrement vexatoires, la sanction étant plus que disproportionnée au regard de son ancienneté, de l’absence d’antécédents disciplinaires, de son accident du travail et des prétendus griefs. Il indique avoir été affecté psychologiquement par la rupture de son contrat de travail.

La SA CELETTE FRANCE pour sa part, revendique le droit de l’employeur au regard de son pouvoir disciplinaire, de licencier M. [G] sous le contrôle de la juridiction prud’homale, son ancienneté ne constituant pas une cause d’exonération, et conteste tout comportement fautif dans les circonstances de la rupture du contrat de travail ; M. [G] ne démontrant pas l’existence et de l’étendue d’un préjudice à ce titre.

Sur ce,

Il est de principe que le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire et de justifier de l’existence de ce préjudice et que le licenciement soit ou non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Faute pour M. [G] de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement et de l’existence d’un préjudice distinct de celui pouvant résulter de la seule rupture de son contrat de travail, il convient de confirmer la décision déférée qui a rejeté sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré excepté en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

Y ajoutant,

REJETE la demande de production par l’emplyeur du dossier médical de M. [G] dans son intégralité,

REJETE la demande de rejet de pièces de la SA CELETTE FRANCE,

JUGE que le licenciement de M. [G] est fondé sur une faute grave,

DEBOUTE M. [G] de sa demande de nullité de son licenciement pour discrimination,

DEBOUTE M. [G] de l’ensemble de ses autres demandes,

CONDAMNE M. [G] à verser à la SA CELETTE FRANCE, la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au en première instance et en cause d’appel,

CONDAMNE M. [G] aux dépens de l’instance.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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