Licenciement pour faute : 28 septembre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01760

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Licenciement pour faute : 28 septembre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01760

28 septembre 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
21/01760

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 28 SEPTEMBRE 2023 à

Me Christine AUBAGUE JOSE

la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES

ABL

ARRÊT du : 28 SEPTEMBRE 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 21/01760 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GMNV

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 21 Mai 2021 – Section : ENCADREMENT

APPELANTE :

Madame [N] [U] épouse [B]

née le 04 Juin 1977 à [Localité 2] (45)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Christine AUBAGUE JOSE, avocat au barreau de PARIS

ET

INTIMÉE :

S.A.S. GROUPE NASSE, société par actions simplifiée à associé unique, inscrite au Registre du commerce et des sociétés d’ORLEANS sous le numéro 334 610 573 dont le siège social est sis, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me François VACCARO de la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 13 avril 2023

Audience publique du 11 Mai 2023 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et par Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre et Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Puis le 28 Septembre 2023, Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [N] [B] épouse [U], née en 1977, a été engagée à compter du 3 septembre 2001 par la SA Groupe Nasse en qualité de juriste d’entreprise, groupe 6, coefficient 200, statut haute maîtrise, suivant contrat de travail à durée indéterminée du même jour. Au dernier état de la relation de travail, elle occupait le poste de directrice des affaires juridiques de la société, groupe 1, coefficient 100, statut cadre.

La société emploie plus de 11 salariés et est spécialisée dans les prestations de déménagement ; elle relève de la convention collective nationale des transports routiers.

Du 24 mars au 16 septembre 2017, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie d’origine non-professionnelle, puis a repris son poste à mi-temps thérapeutique jusqu’au 14 janvier 2018 avant de recouvrer un temps complet.

Par courrier du 24 avril 2018 remis en main propre, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, qui a été fixé au 14 mai 2018. Elle a été licenciée pour faute lourde le 18 mai 2018.

Par requête du 11 septembre 2018, Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois d’une demande tendant à reconnaître notamment la nullité de son licenciement en raison d’un harcèlement moral et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ainsi que le paiement de diverses sommes en conséquence outre un rappel de salaires.

Par jugement du 21 mai 2021, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :

> Dit et jugé que le licenciement de Mme [U] est fondé et repose sur des motifs liés à la faute grave ;

> Ecarté des débats l’enregistrement audio produit par Mme [U] ;

> Débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes ;

> Débouté la société Groupe Nasse de ses demandes reconventionnelles ;

> Condamné Mme [U] aux dépens.

Selon déclaration du 25 juin 2021, Mme [U] a régulièrement relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions (n°2 récapitulatives) notifiées par voie électronique le 7 mars 2022, Mme [U] demande à la cour de :

> Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Blois en date du 21 juin 2021 dans l’affaire inscrite sous le numéro RG 18/000269 l’opposant à la SAS Groupe Nasse en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes au titre du licenciement nul et subsidiairement au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Par conséquent :

A titre principal :

> Prononcer la nullité de son licenciement pour faute lourde notifiée par la SAS Groupe le 18 mai 2021,

> Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme nette de 90 000 euros au titre de l’indemnité d’éviction en vertu des dispositions de l’article1235-3-1 du code du travail,

A Titre subsidiaire :

> Prononcer sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute lourde notifiée par la SAS Groupe Nasse à son égard le 18 mai 2021,

> Ordonner les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail inapplicables in concreto,

> Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme nette de 90 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et subsidiairement la somme nette de 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en vertu des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail,

En tout état de cause :

> Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme brute de 11 122,56 euros, correspondant à une indemnité compensatrice de 3 mois de salaire conformément aux dispositions légale et conventionnelle, ainsi que la somme brute de 1112,25 euros au titre des congés payés afférents,

> Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme nette de 24 840,25 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

> Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme brute de 2 764,19 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire du 24 avril au 18 mai 2018 et les congés payés afférents, soit la somme brute de 276,41 euros,

En tout état de cause,

> Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Blois en date du 21 juin 2021 dans l’affaire inscrite sous le numéro RG 18/000269 l’opposant à la SAS Groupe Nasse en ce qu’il l’ a déboutée de sa demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Par conséquent, Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme nette de 3707,52 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

> Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Blois en date du 21 juin 2021 dans l’affaire inscrite sous le numéro RG 18/000269 l’opposant à la SAS Groupe Nasse en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de l’inégalité de traitement,

Par conséquent : Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme brute de 86 700 euros à titre de rappel de salaire et la somme brute de 8 670 euros au titre des congés payés afférents,

> Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Blois en date du 21 juin 2021 dans l’affaire inscrite sous le numéro RG 18/000269 l’opposant à la SAS Groupe Nasse en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et complémentaires pour la période de juillet 2015 à mars 2017,

Par conséquent : Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme brute de 23 938,06 euros au titre des heures supplémentaires et des heures complémentaires sur la base de la revalorisation de son salaire précitée pour la période du mois de juillet 2015 au mois de mars 2017, ainsi que la somme brute de 2 393,80 euros au titre des congés payés,

Subsidiairement : Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme brute de 12 723,41 euros, ainsi que la somme brute de 1 272,34 euros au titre des congés payés,

> Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme nette de 22 245,12 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au sens des dispositions de l’article L.8223-1 du code du travail,

> Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Blois en date du 21 juin 2021 dans l’affaire inscrite sous le numéro RG 18/000269 l’opposant à la SAS Groupe Nasse en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de protection de la santé du salarié,

Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme nette de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts résultant du harcèlement moral et du manquement de la société à son obligation de sécurité,

> Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Blois en date du 21 juin 2021 dans l’affaire inscrite sous le numéro RG 18/000269 l’opposant à la SAS Groupe Nasse en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de remise de bulletins de salaires rectifiés sous astreinte, ainsi que sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de la première instance,

Condamner la SAS Groupe Nasse à lui remettre les bulletins de salaire afférents aux créances salariales rectifiés dans les 8 jours à compter de la mise à disposition de l’arrêt à intervenir,

Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme nette de 3 500 euros pour les frais irrépétibles de la première instance en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,

Condamner la SAS Groupe Nasse à lui verser la somme nette de 3 750 euros pour les frais irrépétibles de présente procédure en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 27 avril 2022, la SAS Groupe Nasse demande à la cour de :

> Confirmer le jugement rendu le 21 mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes de Blois en ce qu’il a :

«Ecarté des débats l’enregistrement audio produit par Mme [U] ;

Débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes

Condamné Mme [U] aux dépens »

> Infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

En conséquence, statuant à nouveau,

> Juger que le licenciement pour faute lourde de Mme [U] est fondé,

> Débouter Mme [U] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

> Condamner Mme [U] à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

> Condamner Mme [U] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

> Condamner Madame [U] aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur les demandes en paiement de rappels de salaire au titre de l’inégalité de traitement

L’employeur est tenu d’assurer l’égalité des rémunérations entre tous les salariés de l’un et l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique.

Selon ce principe, reconnu comme un principe général du droit, l’employeur doit assurer une égalité de rémunération aux salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, c’est-à-dire qui se trouvent dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail.

Aux termes de l’article L.3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il en résulte qu’il n’est pas interdit à l’employeur d’opérer des différences de traitement des salariés en matière d’avantages et de rémunération, mais qu’il doit les justifier par des éléments objectifs pertinents que le juge contrôle.

Cette règle s’applique non seulement aux salaires de base mais également à toutes les gratifications et primes diverses.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte du principe “à travail égal, salaire égal”, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

En cas d’atteinte au principe d’égalité de rémunération, le salarié a droit à un rappel de salaire correspondant à la rémunération, à la prime ou à l’avantage perçu par le ou les salariés auxquels il se compare ; en outre, il en bénéficiera à l’avenir si son contrat de travail est toujours en cours. Le salarié peut également prétendre à la réparation du préjudice subi de par sa situation.

En l’espèce, Mme [U] réclame la somme de 86’700 euros à titre de rappel de salaires pour inégalité de traitement entre avril 2015 et avril 2018 outre 8 670 euros de congés payés afférents. Elle soutient avoir constaté une différence de rémunération injustifiée avec d’autres salariés de la société ainsi que le révèle la grille des salaires de 2016 selon elle mais aussi la comparaison de son bulletin de salaire avec ceux de trois autres salariés. Elle se fonde encore sur une offre d’emploi publiée au mois de février 2021 en vue du recrutement d’un responsable juridique au sein de la société proposant une rémunération supérieure à la sienne.

Mme [U] justifie être titulaire d’une maîtrise, mention droit privé, et d’un DESS en gestion juridique du contentieux des entreprises, diplômes obtenus à l’université d'[Localité 2] respectivement les 7 juin 1999 et 13 décembre 2001. Son ancienneté depuis le 3 septembre 2001 n’est pas discutée. Elle occupe le poste de directrice du service juridique depuis 2011.

Aux termes de la grille de salaires du groupe Nasse de l’année 2016, il apparaît que la directrice juridique, groupe 1, coefficient 100, perçoit un salaire brut mensuel de 2900,04 euros tandis que d’autres personnels de même classification perçoivent moins comme le responsable RH, le directeur de parc, le directeur informatique, le chef comptable, le chef de projet informatique… et d’autres plus comme le manager commercial (3025,63 euros), le directeur des services généraux et des achats (3096,13 euros), le responsable contrôleur financier (3499,84 euros) mais surtout le directeur des systèmes informatiques (6153,85 euros). Toutefois, ces éléments non circonstanciés ne permettent pas à la cour d’apprécier de la valeur des travaux des personnels concernés et par conséquent de l’inégalité de traitement alléguée.

Mme [U] s’appuie également sur la comparaison des bulletins de salaires de trois collègues. Celui de M. [T], chef de projet informatique, ne pourra être considéré comme pertinent pour dater du mois de décembre 2014 alors que la demande porte sur la période d’avril 2015 à avril 2018 et que la salariée ne verse pas aux débats de bulletin de paie la concernant antérieur au mois de mars 2015. S’agissant du bulletin de salaire de M. [U], son époux, directeur des opérations au sein de la société Optima [Localité 2], il sera rappelé que la règle ‘à travail égal, salaire égal’ ne s’applique pas lorsque les salariés appartiennent à des entreprises différentes, quand bien même celles-ci appartiendraient à un même groupe. Quant à la situation de M. [P], si son bulletin de paie du mois de mars 2018 révèle, qu’en dépit d’une ancienneté de seulement 5 mois, ce dernier, cadre administratif , groupe 1, coefficient 100 comme Mme [U], a été rémunéré sur la base d’un taux horaire de 35,503 euros contre 21,938 euros pour sa collègue, il doit être relevé que son poste de manager commercial, totalement différent de celui de directrice des services juridiques, ne permet pas de considérer qu’il s’agit d’un fait de nature à laisser supposer une inégalité de traitement.

La salariée invoque encore au soutien de ses prétentions, un document intitulé : ‘ Directeur juridique : Structure des rémunérations proposées par le marché’ dont il s’évince que pour un niveau d’études moyen DESS/DEA/Master 2, le salaire moyen pour les femmes s’élève à 105’039 euros, ce qui est bien au-delà de la rémunération moyenne annuelle de Mme [U] sur la période querellée, mais la pièce n’est ni sourcée ni datée de sorte qu’elle ne peut être rapportée au cas présent.

Enfin, la salariée communique une offre d’emploi du 17 février 2021 pour un poste de responsable juridique au sein de la société, entouré d’une équipe de deux collaborateurs, le profil recherché devant être issu d’une formation Bac+5 Master droit privé/droit des affaires avec une expérience supérieure ou égale à 10 ans en entreprise. Le salaire annuel proposé est de 40 K€ pour 169 heures, soit un salaire mensuel moyen légèrement inférieur à celui dernièrement perçu par Mme [U]. L’emploi considéré concerne un responsable et non un directeur, moins expérimenté que Mme [U], et l’offre date de près de trois ans après le licenciement querellé, de sorte qu’il n’est pas permis d’en déduire une éventuelle inégalité de traitement la concernant.

En conséquence de ces développements, il doit être constaté que Mme [U] ne présente pas des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, de sorte que la décision du conseil de prud’hommes sera confirmée en ce qu’elle a dit qu’il n’y a pas lieu d’accorder un rappel de salaire sur le principe ‘à travail égal, salaire égal.’

– Sur la demande en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires

Selon l’article L. 3171- 4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, Mme [U] sollicite, à titre principal, la somme de 23 938,06 euros au titre des heures supplémentaires et complémentaires qu’elle prétend avoir accomplies de juillet 2015 à mars 2017 outre 2 393,80 euros de congés payés afférents ; à titre subsidiaire, elle demande la somme de 12 723,41 euros outre 1 272,34 euros de congés payés afférents.

Elle expose qu’elle n’était pas rémunérée sur la base d’une convention de forfait en jours et qu’il appartient dès lors à l’employeur de procéder au décompte de ses heures. Elle affirme à cet égard démontrer une surcharge de travail et conteste avoir disposé d’une autonomie dans l’organisation de son temps de travail. Elle précise avoir pris en compte dans le tableau récapitulatif des heures supplémentaires et complémentaires revendiquées les jours et heures de récupération ainsi que les événements personnels.

A l’appui de ses prétentions, elle communique deux tableaux, dont un ‘sur requalification’, regroupant ses heures supplémentaires et complémentaires, semaine par semaine, depuis juillet 2015. Elle joint pour chaque année des copies de ses agendas avec des listing de courriels, certains d’entre eux étant en dehors des heures habituelles de travail. Elle fournit également deux attestations de collègues : l’une de M. [L], lequel atteste qu’au cours de sa dernière année de travail au sein de la société, Mme [U] était souvent à son bureau le vendredi matin à 5h30/6 h ; l’autre de Mme [R], dont le témoignage ne saurait être écartée du seul fait qu’il ne répond pas aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, laquelle déclare que Mme [K] ou des membres des ressources humaines cherchaient régulièrement à savoir où se trouvait Mme [U], sa responsable.

Ces éléments sur les horaires de travail que la salariée prétend avoir accomplis, à l’exception de ceux relatifs au congé maternité achevé en mars 2014, soit avant la période visée, et du dernier témoignage, sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L’employeur objecte au préalable d’une part que les calculs de la salariée sont erronés dans la mesure où la demande pour la période du 17 juillet au 11 septembre 2015 est prescrite et d’autre part, que la salariée travaillant à temps complet ne saurait réclamer des heures complémentaires. Mme [U] ne fait valoir aucune observation en réplique sur ces deux points.

– Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, l’action en répétition de salaires se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l’espèce, la salariée sollicite des rappels de salaire pour la période de juillet 2015 à mars 2017 alors qu’elle n’a saisi le conseil de prud’hommes que le 11 septembre 2018 ; c’est donc à bon droit que l’employeur fait valoir qu’elle ne peut prétendre à un rappel de salaire antérieur au 11 septembre 2015.

– S’agissant des heures complémentaires querellées, il sera rappelé que les heures complémentaires sont les heures effectuées par un salarié à temps partiel au-delà de la durée normale prévue par son contrat de travail. Il ressort des débats qu’à l’occasion de sa reprise à mi-temps thérapeutique, Mme [U] a indiqué à la main sur certaines pièces ’90 % payés 100 %’ sans qu’il soit possible de connaître le fondement de cette information, que l’employeur remet en cause. En l’absence de plus amples éléments, étant rappelé que la période de mi-temps thérapeutique ne saurait être prise en compte au titre de la présente demande au vu de ses règles propres outre le fait qu’elle se situe de septembre 2017 à janvier 2018 soit postérieurement à celle considérée, il sera fait droit à la demande de l’employeur de rejeter les prétentions de ce chef.

Au fond, ce dernier estime que les prétentions sont infondées, la salariée bénéficiant d’une totale autonomie dans l’exercice de ses fonctions ainsi qu’il en justifie par diverses attestations et des mails émanant de la salariée elle-même. Il ajoute qu’au surplus les mails de la salariée étaient envoyés à des heures convenables (entre 7 heures et 20 heures) et qu’il ne peut être exclu qu’ils ont été adressés de façon programmée et que tous ne sont pas pertinents.

Il ressort des pièces qu’il produit et notamment des attestations de M. [A], ancien directeur des ressources humaines, de Mme [M], directrice des ressources humaines et de Mme [G], responsable des relations clients, tous anciens collègues de Mme [U] que celle-ci était autonome dans l’organisation de son temps de travail, qu’elle gérait à sa guise, selon ses déplacements, le déroulé des audiences mais aussi ses contraintes familiales ou ses activités personnelles ; que ses horaires oscillaient entre 8 h/8h30 et 17h30/18 heures avec une pause méridienne généralement consacrée au sport ; qu’ils fonctionnaient sur la confiance même s’ils considéraient que ses récupérations étaient un peu surévaluées. A cet égard, Mme [Y] [K], directrice générale, explique dans un mail du 30 août 2019 adressé à son conseil, que l’outil de demande de récupération a été mis en place pendant l’arrêt maladie de Mme [U] et qu’auparavant, celle-ci n’indiquait à personne lorsqu’elle récupérait ses heures ; par ailleurs, les quelques demandes jointes s’avèrent purement formelles.

Force est de constater que ces déclarations coïncident avec les agendas de la salariée qui ne reflètent pas une autre situation que celle décrite par les témoins, à savoir une grande souplesse d’organisation avec une large latitude d’horaires ; de la même façon, le listing des courriels communiqués par Mme [U] ne les remet pas en cause, leur objet étant tantôt personnel tantôt professionnel, et ne suffisant pas à caractériser la nécessité d’y répondre à la demande de l’employeur à de rares fois en dehors des horaires de l’entreprise.

Ainsi, à l’examen des éléments produits par l’une et l’autre des parties, la cour a la conviction que Mme [U] n’a pas accompli d’heures supplémentaires non rémunérées. La décision déférée sera donc confirmée de ce chef.

– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé

Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait par l’employeur de se soustraire intentionnellement soit à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ces derniers un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L. 8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits énoncés à l’article L. 8221-5 du code du travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

En l’espèce, Mme [U] réclame la somme de 22 245,12 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé aux motifs que la société ne pouvait ignorer la réalisation des heures de travail au-delà des dispositions de son contrat de travail, ce qui caractérise selon elle l’infraction querellée. L’employeur relève que ni l’élément matériel ni l’élément moral ne sont établis au cas présent, les allégations de la salariée sur ce point étant infondées.

Il a effectivement été démontré supra que l’entreprise n’était pas redevable d’heures supplémentaires non rémunérées, ce qui ne permet pas de retenir l’infraction dénoncée, en l’absence d’élément matériel.

– Sur les demandes au titre du harcèlement moral

Aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail le harcèlement moral d’un salarié se définit par des agissements répétés, ayant pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, il incombe au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement, éléments au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [U] se plaint de harcèlement moral du fait du management de Mme [K], la directrice générale mais aussi de conditions de travail déplorables. Elle réclame 30 000 euros de dommages et intérêts à ce titre.

Concernant le management de Mme [K], la salariée appuie ses prétentions sur les déclarations de MM. [S] et [T], lesquels évoquent une dégradation de leurs conditions de travail à l’arrivée de Mme [K] au management décrit comme agressif et autoritaire, avec une pression incessante et une charge de travail anormalement élevée. Mme [U] joint le jugement du conseil de prud’hommes d’Orléans du 8 novembre 2017 qui a déclaré le licenciement de M. [T] sans cause réelle et sérieuse surlignant l’extrait suivant ‘une volonté de la direction de blesser volontairement le demandeur’ . Il convient toutefois de relever d’une part que le salarié n’a formé aucune demande au titre d’un harcèlement moral et d’autre part que l’extrait cité apparaît en contradiction avec la décision du conseil de prud’hommes qui rejette la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ‘ [fondant] sa conviction sur les différents éléments de preuve au dossier, dont les échanges difficiles qui, s’ils ne caractérisent pas la faute réelle et sérieuse, laissent supposer la bonne foi de l’entreprise’. Le moyen est donc inopérant. Elle fournit également la décision du TASS d’Orléans du 4 septembre 2018 qui a reconnu le caractère professionnel de l’affection ‘syndrome anxio-dépressif’ déclarée par M. [T] le 12 novembre 2014 aux motifs ‘qu’il existe effectivement des éléments amplement probants qui démontrent l’existence d’un épuisement professionnel sur fond d’harcèlement de l’employeur’ étant observé que M. [T] a été licencié le 3 août 2015, soit antérieurement aux faits dénoncés par Mme [U] et que la décision n’est pas définitive, l’employeur ayant fait appel.

La salariée avance pour sa part qu’elle a été persécutée par Mme [K] à sa reprise de travail à mi-temps thérapeutique, soit en septembre 2017. Pour asseoir ses dires, elle se fonde sur un mail du 30 novembre 2017 à 15 h 17 adressé de sa part à Mme [K] en réponse au sien du même jour à 14 h 05 aux termes duquel la directrice générale la remercie de l’informer de ses absences mais lui indique ‘maintenant que tu es cadre autonome, je te laisse gérer ton planning en fonction des besoins de ton service et en respectant tes contraintes médicales actuelles.’ Mme [U] prétend qu’il s’agit d’ordre et contre ordre en faisant allusion à un entretien du 23 novembre 2017 où Mme [K] l’aurait privée de son autonomie, ce qui n’est corroboré par aucun autre élément extrinsèque. Elle allègue également un second mail du 11 décembre 2017 intitulé ‘service juridique 2018″ aux termes duquel elle demande un rendez-vous à Mme [K] pour s’entretenir des enjeux du service juridique pour 2018 et de sa rémunération ; il n’en ressort aucune difficulté entre les deux femmes. Elle produit un troisième échange de mails les 27 et 28 avril 2018 avec M. [W] qui confirme qu’elle a été placée, à sa demande, sous l’autorité de celui-ci au cours du mois de janvier 2018, son entretien annuel d’évaluation révélant qu’elle déplore une détérioration de sa relation avec [Y] [K], dont elle qualifie le management de ‘directif, motivant, à l’écoute, responsabilisant, dévalorisant et castrateur’. Pour autant la contradiction de ces qualificatifs alliée au fait que les griefs à l’encontre de la directrice générale ne sont illustrés par aucun exemple concret conduit à ne pas retenir le fait allégué, qui au surplus, montre qu’en toute hypothèse, l’employeur s’est montré à l’écoute de sa salariée.

Enfin, si Mme [R] témoigne que sa responsable, Mme [U], ‘était dans le colimateur de la direction et RH’ aux motifs que Mme [K] passait régulièrement pour savoir où elle était’, cette attestation, qui, une nouvelle fois, ne saurait être écartée du seul fait qu’elle ne répond pas aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, est insuffisante à caractériser l’environnement ‘malsain et oppressant’décrit en l’absence de plus amples précisions.

S’agissant de ses conditions de travail, Mme [U] évoque un retour à mi-temps thérapeutique à compter du 18 septembre 2017 extrêmement difficile. Elle prétend en premier lieu n’avoir bénéficié d’aucun soutien de sa hiérarchie ou aménagement de son temps de travail avant la remise d’un avenant le 23 novembre 2017 à l’exception d’un stagiaire qui a poursuivi en CDI au sein du service juridique. Elle produit à l’appui de ce grief, la lettre avenant à son contrat de travail pour une reprise à mi-temps thérapeutique datée du 18 septembre 2017 et remise le 23 novembre 2017 en mains propres ; elle joint des échanges de mail entre le 21 et le 28 septembre 2017 révélant qu’après avoir demandé le transfert de la gestion des avaries gérées par [J] placée en congé maternité, elle était revenue sur sa décision, ne pouvant cumuler ce poste avec le sien et avisait la direction de la situation du service. Il ressort toutefois de ces courriels que son retour a été anticipé par l’entreprise, qui a confié nombre de dossiers à ses conseils, et qu’en toute hypothèse, dès sa reprise, la salariée ne travaillait qu’à 50 % selon une organisation différente une semaine sur deux le mercredi, ce qui a été source de confusion sans qu’il puisse être considéré que son organisation était remise en question par l’employeur. Les éléments fournis par la salariée ne permettent donc pas d’établir le fait allégué.

Par ailleurs, Mme [U] se plaint d’avoir commencé à être écartée des décisions de la direction en n’étant pas conviée à une réunion au mois de décembre 2017 ou en n’étant pas associée à la gestion du personnel de son service entre janvier et mars 2018. Les SMS communiqués ne permettent toutefois aucunement d’établir les premiers faits. Par ailleurs, s’agissant du non-remplacement d’une salariée prénommée ‘[C]’, il résulte de l’aveu même de la salariée et de son mail du 26 mars 2018 que la décision de ne pas embaucher a été prise en amont en COMEX, auquel elle assistait ; quant à la situation de souffrance de ‘[H]’, il apparaît que Mme [U] en a fait état auprès de sa hiérarchie par mail le jeudi 25 janvier 2018 à 8h14 et que Mme [M], responsable des ressources humaines, a reçu la collaboratrice en difficulté avec M. [W] et Mme [K] le même jour à 8 h 25, avant la tenue d’un COMEX, hors la présence de Mme [U] ; ce seul élément demeure insuffisant à caractériser l’éviction supposée, chacun des protagonistes étant dans son rôle et la salariée ayant au surplus reçu un retour de l’entretien par mail du vendredi 26 janvier à 14 h 20 ainsi qu’elle en atteste elle-même.

Mme [U] reproche encore à son employeur d’avoir conditionné la régularisation de son salaire au titre de l’inégalité de traitement à une séance de coaching. Elle en veut pour preuve le mail qu’elle a adressé à M. [D] le 20 avril 2018 à 19 h 32 où elle retrace les termes de leur entretien du jeudi 12 avril 2018. Elle produit la réponse de son interlocuteur lequel indique simplement attendre le retour du coaching avant de prendre position. En l’absence de plus amples éléments, le grief ne pourra être retenu, étant rappelé qu’aux termes des développements précédents, la cour n’a pas considéré que la salariée avait subi une inégalité de traitement.

La salariée indique également avoir été l’objet d’une agressivité injustifiée de deux collègues, Mme [Z] du service relations humaines et Mme [F], responsable contrôleur financier, mais la lecture des mails correspondant reflètent des tensions davantage induites par le comportement de Mme [U], laquelle n’hésite pas à répondre à la première qu’elle n’a pas voix au chapitre et à la seconde que le sujet du mail ne fait pas partie de ses priorités.

Enfin, la salariée dénonce les circonstances de remise de sa lettre de convocation à un entretien préalable le 24 avril 2018 disant avoir été victime de violence et séquestration. Elle rapporte qu’alors qu’elle se trouvait dans un état extrêmement fragile après sa dépression, ce que la direction n’ignorait pas, elle s’est vue remettre une lettre de convocation avec mise à pied immédiate avant d’être conduite par Mme [K] et M. [D] à son bureau pour récupérer son ordinateur portable ; elle dit avoir refusé de s’exécuter, souhaitant au préalable récupérer ses données personnelles. Selon elle, ses employeurs lui ont alors interdit de quitter son bureau et dans ce contexte violent, elle admet s’être mise à hurler, prise de panique. Elle a ensuite porté plainte et a été placée en arrêt maladie le lendemain avec une ITT de 8 jours. Elle en atteste par son dépôt de plainte, le certificat médical du Docteur [I] du 25 avril 2018 et celui des UMJ du 18 mai suivant, sa déclaration d’accident du travail et les attestations de son frère, sa mère et son mari, lesquels ne donnent pas une autre version des faits. Elle verse également aux débats un courrier de M. [D], PDG, daté du 25 avril 2018 dans lequel il indique satisfaire à ses obligations en matière de déclaration d’accident du travail mais conteste l’existence de l’événement évoquant pour sa part une stratégie de provocation de la part de la salariée, laquelle a ‘très violemment réagi en poussant des hurlements, en tapant sur les fenêtres et en [s]’agitant’ à tel point que lui-même et Mme [K] ont essuyé des coups ; il écrit également que la salariée s’est violemment opposée à la remise de son ordinateur. Force est de constater que la présentation des faits par l’employeur n’est pas de nature à remettre en cause leur existence de sorte que le grief doit être admis.

Il s’évince de ces développements que subsiste un seul fait, celui du 24 avril 2018, qui par son caractère isolé, ne peut laisser supposer l’existence du harcèlement moral dont Mme [U] prétend avoir été victime.

La décision sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes de Mme [U] au titre d’un harcèlement moral.

– Sur les demandes au titre du manquement à l’obligation de sécurité

Aux termes des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de santé et sécurité au travail et doit prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire, en ce inclus des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Aux termes de l’article L. 4122-1 du code du travail, conformément aux instructions données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur…il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

En l’espèce, Mme [U] reproche à son employeur de ne pas avoir tenu compte de ses alertes face à sa surcharge de travail, notamment lorsqu’elle se trouvait à mi-temps thérapeutique, ou face au harcèlement moral infligé par Mme [K]. Elle réclame la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.

L’employeur conteste en premier lieu toute surcharge de travail et affirme avoir pris en considération le mi-temps thérapeutique de la salariée dès sa reprise, tous les dossiers anciens et à venir jusqu’au mois de janvier ayant été dispatchés aux différents avocats du groupe selon mail du 22 septembre 2017 en réponse aux inquiétudes de Mme [U]. Il était encore indiqué dans ce document que les avaries restaient problématiques pour des questions de personnels mais que l’embauche d’un renfort était possible, ce qui a été le cas. Enfin, les pièces versées aux débats confirment que, sur la période querellée, la salariée ne travaillait que les matins avec une alternance un mercredi matin sur deux selon une organisation mise en place par ses soins.

S’agissant des faits de harcèlement moral dénoncés par la salariée, il sera rappelé qu’il a été fait droit sans délai à sa demande de changement de supérieur hiérarchique en janvier 2018 et que l’employeur avait prévu d’organiser dès le mois de mars 2018 un coaching d’équipe par un tiers, la salariée refusant d’y participer selon mail du 20 avril précédent.

Il apparaît donc que l’employeur n’a pas failli à ses obligations en matière de sécurité de sa salariée, aménageant son temps de travail et sa charge de travail à sa reprise en septembre 2017 conformément aux préconisations de la médecine du travail puis entendant son mal-être et cherchant à y remédier sans délai.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes de la salariée de ce chef.

– Sur les demandes au titre de la nullité du licenciement

Il résulte de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur.

En l’espèce, Mme [U] sollicite la nullité de son licenciement aux motifs que celui-ci constitue une violation de sa liberté de mettre en demeure son employeur et de marquer son intention d’ester en justice pour faire valoir ses droits. Elle observe à cet égard qu’elle s’est vue remettre une convocation à un entretien préalable le jour même de la réception de sa lettre menaçant son employeur d’agir en justice ; elle souligne par ailleurs que la lettre de licenciement fait état de ses revendications salariales comme constituant un harcèlement du PDG mais aussi de son courrier de mise en demeure comme étant dans une forme totalement inadaptée alors qu’elle n’avait pas d’autre choix face à la déloyauté manifeste et répétée de son employeur ; elle observe enfin que l’employeur ne justifie d’aucun événement grave durant la semaine du 16 au 22 avril 2018 contrairement à ce qu’il prétend. Elle en déduit que son licenciement doit s’analyser en une mesure de rétorsion et doit être annulé sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs retenus à son encontre.

L’employeur ne fait pas valoir d’autres observations sur ce moyen que ceux destinés à asseoir les motifs du licenciement de la salariée pour faute lourde parmi lesquels le harcèlement de la salariée envers M. [D], PDG de la société, reprochant à l’intéressée de s’être obstinée dans une démarche salariale revendicative injustifiée, en n’hésitant pas à lui poser des ultimatums jusqu’à devenir menaçante.

Il ressort des termes de la lettre de licenciement de Mme [U] en date du 18 mai 2018 que les griefs retenus à son encontre portent :

– en premier lieu, sur son management et la souffrance de son équipe,

– en second lieu, sur son comportement manifestement hostile à l’égard de l’entreprise

ainsi que l’illustrent prétendument ses multiples provocations, parmi lesquelles le comportement adopté à l’égard du PDG ; il est ainsi reproché à la salariée ‘un quasi-harcèlement …sur le thème d’une demande d’augmentation que nous considérons comme injustifiée et démesurée (demande de doublement de votre salaire avec une rétroactivité de 3 ans) et en tout état de cause, d’une forme que vous avez retenue totalement inadaptée et alors qu’il s’agissait manifestement de provocations destinées à aboutir à la rupture, alors que nous cherchions à rétablir un certain apaisement au sein de l’entreprise comme dans votre équipe et ce, en vous aidant grâce à l’intervention d’un intervenant extérieur, ce que vous avez en fait refusé.’

Il s’ensuit que la procédure disciplinaire engagée contre Mme [U], repose sur plusieurs griefs distincts de celui querellé, qui n’est donc pas l’unique cause du licenciement querellé.

Par ailleurs, l’employeur rappelle dans ses écritures la chronologie de cet épisode en se fondant sur les pièces adverses dont il s’évince qu’entre le 12 mars et le 20 avril 2018, Mme [U] a adressé cinq écrits à M. [D], ses propos mettant en demeure ce dernier de lui répondre sous quinzaine ou huitaine par des mail ou courriers ayant pour objet ‘revalorisation dernier jour’ ou ‘demande d’explications sur la rupture d’égalité de traitement relativement à ma rémunération’, le dernier se terminant par ces termes ‘Sans un chiffre précis sur ma rémunération et le montant que vous souhaitez régulariser depuis avril 2015 avant la fin de cette semaine (imaginons que nous ne nous sommes pas compris entre semaine en jours ouvrés et semaine en jours calendaires) comme vous me l’avez promis, je poursuivrais afin de faire droit à mes demandes. IL ne s’agit absolument pas de menaces car je ne fonctionne pas ainsi, vous le savez, mais uniquement de faits, simplement de faits.’

Il sera utilement rappelé que la salariée a toutefois été reçue le 12 avril 2018 par le Président en personne, lequel ne se disait pas fermé à la négociation mais attendait le retour du coaching envisagé pour se prononcer.

Quant au dernier envoi de la salariée, une lettre recommandée avec avis de réception du 23 avril 2018 aux termes de laquelle l’intéressée indique : ‘Je vous mets très clairement en demeure d’avoir à régulariser la situation sous 8 jours soit avant le 2 mai 2018, à défaut je saisirais le Conseil de Prud’hommes’, il est indiscutable qu’elle a été distribuée à la société le 24 avril 2018, soit le jour de la remise en main propre à la salariée de sa convocation à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Il doit cependant être constaté que les griefs évoqués tant dans la dite convocation que dans la lettre de licenciement ne vont pas au-delà du 22 avril 2018, exception faite des circonstances de la restitution de l’ordinateur portable le 24 avril 2018. Il ne peut donc être reproché à l’employeur d’avoir pris la décision de licencier Mme [U] à raison de la perspective de la procédure prud’homale évoquée dans son courrier du 23 avril 2018.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de déclarer le licenciement de Mme [U] nul à raison d’une atteinte à sa liberté fondamentale d’agir en justice.

– Sur les demandes au titre du licenciement pour faute lourde

En application de l’article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé réception comportant l’exposé du ou des motifs de rupture du contrat de travail.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige opposant les parties énonce les griefs qui seront examinés au visa de l’article L. 1235-1 du code du travail, le doute profitant au salarié.

L’employeur qui se prévaut d’une faute lourde et sollicite l’indemnisation par le salarié du préjudice en découlant doit démontrer la réalité d’un comportement fautif animé de

l’intention de lui nuire ou de nuire à l’entreprise.

La faute lourde autorise le licenciement immédiat du salarié, lequel perd ses droits aux indemnités de licenciement et de préavis, l’indemnité de congés payés lui restant due, et l’intéressé encourt de surcroît une condamnation à paiement à titre de dommages et intérêts.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié, rendant impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis, et l’employeur, débiteur de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement, doit démontrer la faute grave reprochée.

En application de l’article L 1235-1 du code du travail le doute profite au salarié.

En l’espèce, aux termes de sa lettre de licenciement du 18 mai 2018, il est reproché à Mme [U] deux séries de griefs :

– en premier lieu : l’extrême souffrance de son équipe du fait de son management,

– en second lieu : son comportement manifestement hostile à l’égard de l’entreprise.

S’agissant de la souffrance de son équipe, l’employeur reproche à la salariée un management angoissant depuis son retour de congé-maladie, consistant à souffler sans cesse le chaud et le froid, à exercer une pression anormale sur son équipe, à exiger des horaires stricts du personnel alors qu’elle s’octroie les plus grandes libertés, à ne pas être en capacité d’assurer les plaidoiries contre les salariés du groupe. La salariée s’en défend et dit démontrer qu’elle était une excellente responsable et que son entourage professionnel, pour la plupart, appréciait de travailler avec elle.

A l’appui de ses griefs, l’employeur produit les attestations ou les témoignages de six collaborateurs de Mme [U], lesquels déclarent avoir craint ses critiques sur leur travail, parfois en public ou par mail, alors qu’elle leur déléguait certaines de ses missions dans des délais souvent contraints. Les stagiaires déplorent un manque d’encadrement de sa part. La plupart disent s’être sentis mal à l’aise par son attitude ou ses posts.

Il est également avéré que le 16 novembre 2017, Mme [U] a apposé un écriteau sur sa porte de bureau où était inscrit ‘chez nous, on est vrai’ et a relayé son message sur LinkedIn s’étonnant de l’incompréhension et des rumeurs suscitées.

Il est par ailleurs communiqué une publication sur le même réseau le 19 avril 2018 de Mme [U] brocardant les jeunes recrues, se disant accablée de leur passivité et de leurs exigences à l’exception de belles rencontres. Cet incident était repris au COMEX du même jour ainsi que l’indique expressément la lettre de licenciement pour alerter l’intéressée sur ‘le caractère anormal de [ses] posts, clairement identifiables comme impliquant l’entreprise, et que l’on pourrait qualifier de délirants, gravement dénigrants à l’égard de [son] équipe, gravement dénigrants au regard de la politique de l’entreprise et de ses clients.’

L’employeur se fonde encore sur le témoignage de M. [O], juriste, qui relate que Mme [U] était fréquemment absente sans avertissement préalable, ce qui le mettait en difficulté pour répondre à leurs collègues.

Il excipe aussi d’un mail du 22 septembre 2017 de Mme [K] laquelle indique avoir dispatché tous les dossiers anciens et à venir jusqu’au mois de janvier aux différents avocats du groupe pour que le retour de Mme [U] soit le plus serein possible, ce qui ne saurait être reproché à l’intéressée alors à mi-temps thérapeutique.

De la même façon, l’employeur se prévaut de différentes pièces destinées à établir que Mme [U] n’était plus investie dans ses fonctions mais ce grief excède le cadre de la lettre de licenciement.

Sous ces réserves, la salariée justifie d’un message amical avec M. [O] et un stagiaire ; elle atteste aussi de relations bienveillantes avec ses collaboratrices, notamment en termes d’horaires, par divers SMS quoique antérieurs à sa reprise mais aussi de son souci de leur bien-être au travail n’hésitant pas à alerter la direction en cas de surmenage comme pour [H] en janvier 2018, de ses initiatives de convivialité, notamment au moment de Noël 2017 que l’employeur lui reproche pourtant, motif pris de la surcharge du service. Elle joint une dizaine d’attestations de collaborateurs mais aussi de moralité qui illustrent qu’elle était appréciée tant professionnellement qu’humainement.

Si comme le relève pertinemment l’employeur, ces éléments ne sont pas nécessairement contemporains du grief allégué, il n’en demeure pas moins que seuls sont objectivés les publications LinkedIn des 16 novembre 2017 et 19 avril 2018, qui sont insuffisantes à établir le management angoissant de la salariée à l’égard de son équipe.

En second lieu, il est reproché à la salariée un comportement hostile à l’entreprise exprimé à travers ses posts sur le réseau LinkedIn mais aussi son attitude de quasi-harcèlement du PDG de la société et l’utilisation de l’ordinateur portable professionnel à des fins contraires aux intérêts de l’entreprise.

L’employeur verse aux débats plusieurs publications de Mme [U] sur le réseau LinkedIn parmi lesquelles les deux précédemment évoquées en date des 16 novembre 2017 et 19 avril 2018. Il joint en complément à celle du 16 novembre 2017 la suite le 20 novembre suivant dévoilant un cliché de sa porte de bureau avec le message suivant ‘NOUS DEMECO GROUP, # communication # bienveillance # solution bonbons. N’hésitez pas, ouvrez la porte, et prenez un petit bonbon et discutons.’

Il communique également les posts suivants de la salariée, qui s’ils ne comportent pas tous le rappel de la marque, mentionnent à tout le moins sa qualité de directrice juridique :

– le 19 janvier 2018, après la publication d’une photographie de ses pieds sur un carton DEMECO et la demande de Mme [K] de ne pas associer la marque à ses publications, Mme [U] écrit : ‘CENSURE quand tu nous musèles jusque sur les réseaux ! Post sur mes chaussures de vendredi dernier CENSURE !!! L’originalité pour certains semble être synonyme d’idioties pour ne pas dire de débilité…je ne me renie pas mais je courbe le dos, la subtilité et l’humour sont pourtant des preuves d’intelligence…dont acte’ ;

– le 30 mars 2018 suite à la mise en place des séances de coaching, la salariée déclare : ‘Devant l’explosion des coachs en tout genre…du développement personnel à tout va…des séances de coaching qui n’ont de nom que celui-ci car derrière tout cela que se passe-t-il au réel…qu’elle légitimité ‘ Ne serait-ce pas de la manipulation tout simplement ”’ Pourquoi d’ailleurs se faire coacher ‘ Etre soi-même n’est pas simplement la solution ”

– le 20 avril 2018 est encore relevé le message de Mme [U] en ces termes ‘Dilemme du jour : un ‘grand compte’ ou un ‘bon’ client qui ne règle pas ses factures, de façon récurrente doit il être toujours considéré comme un client ‘protégé’ et de ce fait bénéficier d’un recouvrement en douceur ‘ Ma réalité : faire du sur mesure sans pour autant épargner nos ‘bons’ clients car finalement un client qui ne paie pas …demeure-t-il toujours un bon client au prétexte qu’il nous fait travailler”

Un client atteste avoir accepté une mise en relation sur le réseau LinkedIn avec Mme [U] en sa qualité de directrice juridique du groupe Demeco mais avoir été interpellé par ses prises de position ultérieures, provocatrices, sans intérêt professionnel et à l’encontre de son employeur.

Ce dernier prétend également que la salariée a parfois relayé sur LinkedIn l’annonce publicitaire de concurrents mais les pièces ne sont pas suffisamment lisibles pour en apprécier tout comme celles relatives à des offres d’emplois auxquelles il est reproché à la salariée d’avoir répondu publiquement.

Il s’évince néanmoins de ces constatations, que contrairement à ce que soutient la salariée, le grief allégué à son encontre repose sur des éléments matériels vérifiables et répétés, dont la tonalité excessive et déloyale outrepasse la liberté d’expression de la salariée ainsi que le secret professionnel auquel elle est contractuellement tenue. Est ainsi caractérisé l’abus invoqué et le grief en découlant, quand bien même les autres posts communiqués par la salariée sur la période de septembre 2017 à avril 2018 n’encourent pas la critique, étant toutefois relevé qu’ils ont été émis, sans explication, en sa qualité d’avocate et fondatrice de mon-juriste-sur-mesure.fr.

Par ailleurs, il a été constaté qu’entre le 12 mars et le 20 avril 2018, Mme [U] a adressé pas moins de cinq écrits pour le moins comminatoires à M. [D], PDG, même après que ce dernier ait décidé d’une procédure de coaching d’équipe le 30 mars et l’ait reçue le 12 avril, de sorte que la salariée ne saurait justifier son attitude inappropriée, à tout le moins sur la forme, par l’inertie de l’employeur. Quant au bien fondé des revendications salariales de Mme [U], il sera rappelé qu’elle en a été déboutée par la cour confirmant le conseil des prud’hommes de ce chef. Le grief tenant au comportement inadapté de la salariée à l’égard du dirigeant de l’entreprise doit donc être retenu notamment eu égard à la qualité de directrice juridique de l’intéressée.

Enfin, sur la question des éléments découverts sur l’ordinateur portable de l’entreprise démontrant, selon les termes de la lettre de licenciement, une stratégie de rupture, l’orchestration d’événements destinés à obtenir des avantages indus, un temps conséquent passé à rechercher un nouvel emploi et le transfert sur une boîte mail personnelle d’informations hautement confidentielles de dossiers appartenant au groupe, l’employeur produit un constat d’huissier du 11 mai 2018 sans toutefois joindre les pièces répertoriées par ce dernier. Or la liste des seuls documents, même dressée par un commissaire de justice, est insuffisante à établir les griefs susvisés alors que la salariée fait valoir que les documents trouvés dans son ordinateur étaient destinés à préparer une éventuelle rupture et à se préserver des moyens de défense.

Dans ces conditions, au regard des griefs retenus, il ne saurait être reproché à la salariée l’intention de vouloir nuire à son employeur même si ses fautes, compte tenu notamment de son statut de directrice juridique, sont d’une gravité telle qu’elles justifient son éviction immédiate de l’entreprise.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a requalifié le licenciement pour faute lourde de Mme [U] en licenciement pour faute grave et débouté dès lors les parties de leurs demandes indemnitaires respectives.

– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre du caractère vexatoire et brutal du licenciement

L’employeur qui licencie son salarié de façon brutale, vexatoire ou injurieuse s’expose à une demande de dommages ‘ intérêts de la part de l’ancien salarié qui s’en estime victime, alors même que le licenciement est justifié. Pour que le salarié puisse bénéficier de dommages-intérêts, l’employeur doit avoir commis une faute causant au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi.

En l’espèce, Mme [U] réclame la somme de 3 707,52 euros correspondant à un mois de salaire estimant avoir été licenciée dans des conditions vexatoires ainsi que l’illustrent les circonstances de la remise de sa convocation à un entretien préalable le 24 avril 2018 et la séquestration violente dont elle a été victime à cette occasion.

L’employeur ne formule pas d’autres observations en réponse que celles tenant à contester la présentation des faits par Mme [U] en indiquant que sa directrice générale et son PDG ont été eux-mêmes agressés physiquement et verbalement par la salariée.

Il ressort des pièces versées aux débats et il n’est pas discuté que Mme [U] a été convoquée le 24 avril 2018 en milieu d’après midi par son employeur qui lui a remis dans son bureau une convocation à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire. Le directeur a ensuite raccompagnée la salariée à son bureau pour qu’elle récupère ses effets personnels et il lui a demandé de laisser l’ordinateur portable aux motifs qu’il appartenait à l’entreprise.

Mme [U] ne conteste pas avoir refusé de remettre son ordinateur portable et s’être mise à hurler, ce dont plusieurs témoins attestent. Attirés par le bruit, ils disent avoir constaté que Mme [U] était très agitée tandis que M. [D] restait calme, tentant de raisonner la salariée et de la dissuader de sortir avec l’ordinateur ainsi que d’enregistrer la conversation. Après qu’il ait été démontré à la salariée qu’il s’agissait d’un ordinateur de la société, l’intéressée a accepté de restituer son outil professionnel ayant pu récupérer ses données personnelles.

Il s’évince de ces éléments que la procédure de licenciement de Mme [U] ne s’est pas déroulée dans des conditions brutales et vexatoires, étant rappelé qu’au surplus la salariée, de son propre aveu, admet s’être prémunie contre cette éventualité en réunissant des moyens de défense. La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

– Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles

Partie principalement succombante, Mme [U] sera condamnée aux dépens d’appel. L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement rendu, le 21 mai 2021, entre Mme [N] [U] et la SAS Groupe Nasse par le conseil de prud’hommes de Blois en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne Mme [N] [U] née [B] aux dépens d’appel et la déboute de sa propre demande d’indemnité de procédure ;

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET

 


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