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S’il résulte de l’article D. 8222-5 du code du travail que le donneur d’ordre est considéré comme ayant procédé aux vérifications requises par l’article L. 8222-1 du même code lorsqu’il s’est fait remettre par son cocontractant les documents qu’il énumère, seuls ces documents permettent au contractant de s’acquitter de son obligation de vérification.
Il se déduit en outre de ces textes que l’attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale doit être délivrée à la signature de chaque contrat et non lors du début d’exécution des travaux, de telle sorte qu’une attestation délivrée il y a moins de six mois pour un chantier, dans le cadre d’une relation contractuelle, ne peut être opposée par le donneur d’ordre dans le cadre d’une nouvelle convention que si le sous-traitant la produit à nouveau, le donneur d’ordre n’étant pas dispensé de s’assurer à nouveau de son authenticité.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 26 MAI 2023
(n° 422, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/08959 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6EDB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 juin 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’EVRY RG n° 17/01204
APPELANTE
SAS [4]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me André DERUE, avocat au barreau de LYON, toque : 741, substitué par Me Florian DA SILVA, avocat au barreau de LYON, toque : 1698
INTIMÉE
URSSAF ILE DE FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Mme [W] [Y] en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Sophie BRINET, présidente de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, conseiller,
Madame Natacha PINOY, conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 21 avril 2023 et prorogé au 26 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Sophie BRINET, présidente de chambre et Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la S.A.S. [4] (la société) d’un jugement rendu le 28 juin 2018 par le tribunal de sécurité sociale d’Évry dans un litige l’opposant à l’Urssaf Île-de-France (l’Urssaf).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par la cour de céans dans son arrêt du 13 mai 2022 au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la société a fait l’objet d’un contrôle comptable d’assiette pour les années 2012 à 2014 ; que par ailleurs, un contrôle inopiné effectué le 1er juin 2015 dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé a révélé que la S.A.R.L. [3], sous-traitante de la société, avait eu recours à du travail dissimulé ; qu’un procès-verbal pour travail dissimulé n°354/2015 a été établi le 22 octobre 2015 et transmis le lendemain au procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Évry ; que l’Urssaf a demandé à la société, en sa qualité de donneur d’ordre, de justifier qu’elle avait rempli ses obligations au titre de la vigilance ; que dans le cadre du contrôle d’assiette, l’Urssaf a notifié à la société par lettre d’observations le 28 juillet 2015 des observations pour l’avenir au titre de l’obligation de vigilance des articles L. 243-15 et suivants du code de la sécurité sociale et L. 8222-1 et suivants du code du travail (point n°5 de la lettre d’observations) ; que l’Urssaf a notifié ensuite par deux lettres d’observations du 4 octobre 2016 la mise en ‘uvre de la solidarité financière en lui réclamant la quote-part des cotisations non réglées par la société sous-traitante, au prorata de sa facturation pour un montant de 56 930 euros en cotisations pour la période du 1er janvier 2014 au 31 mai 2015 d’une part et l’annulation des exonérations de charges du donneur d’ordre non vigilant pour un montant de 75 000 euros pour la même période ; que la société a formé des observations en réponse le 4 novembre 2016 ; que les inspecteurs du recouvrement ont répondu par lettre du 19 décembre 2016 en maintenant les redressements envisagés ; que l’Urssaf a adressé à la société une mise en demeure le 11 mai 2017 ; qu’arguant que l’Urssaf ne pouvait pas opérer un redressement sur une période couverte par une observation pour l’avenir, la société a saisi la commission de recours amiable, laquelle a rejeté le recours le 11 septembre 2017 ; que la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Évry le 29 septembre 2017 ; que par jugement du 28 juin 2018, le tribunal a rejeté le recours et condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 56 930 euros au titre des cotisations et des majorations de retard, outre la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ; que la société a relevé appel de ce jugement le 20 juillet 2018 qui lui avait été notifié le 2 juillet 2018.
Par arrêt du 13 mai 2022, cette cour a ordonné la réouverture des débats afin que l’Urssaf produise le procès-verbal n°354/2015 en date du 22 octobre 2015, renvoyé l’affaire à l’audience du 20 octobre 2022 et sursis à statuer sur les demandes.
L’affaire a été appelée à l’audience du 22 octobre 2022 et renvoyée à l’audience du 23 février 2023 lors de laquelle elle a été plaidée.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son conseil, la société demande à la cour de :
À titre principal,
Dire et juger que l’observation pour l’avenir portée dans la lettre d’observations du 28 juillet 2015 par l’Urssaf a fait naître une décision implicite ;
Annuler les redressements opérés par les deux lettres d’observations du 4 octobre 2016 ;
En conséquence, infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 28 juin 2018 (RG 17/01204) ;
À titre subsidiaire,
Constater que le procès-verbal de travail dissimulé daté du 22 octobre 2015 n’est pas celui ayant fondé le redressement ;
Constater que l’Urssaf est défaillante dans la transmission du procès-verbal de travail dissimulé, fait générateur de la mise en ‘uvre de la solidarité financière de l’appelante, qu’elle mentionne dans son courrier du 10 juin 2015 ;
Annuler les redressements opérés par les deux lettres d’observations du 4 octobre 2016 ;
En conséquence infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 28 juin 2018 (RG 17/01204) ;
En tout état de cause,
Condamner l’Urssaf au paiement de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son représentant, l’Urssaf demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamner la société à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l’audience du 23 février 2023 et qui ont été visées à cette date par le greffe pour un exposé complet des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
SUR CE :
Au rappel de l’affaire, il est constant que l’Urssaf a produit le procès-verbal de travail dissimulé n°354/2015 du 22 octobre 2015.
Sur les lettres d’observations et le procès-verbal de travail dissimulé
La société soutient que le procès-verbal de travail dissimulé doit lui être communiqué. Or elle observe que les deux lettres d’observations mettant en ‘uvre la solidarité financière ne mentionnent aucun procès-verbal et renvoient à la lettre du 10 juin 2015 qui indique qu’un procès-verbal a été transmis au procureur de la République, de sorte que le procès-verbal du 22 octobre 2015 ne peut pas être celui sur lequel le redressement contesté est fondé. Elle soutient en conséquence que, l’Urssaf n’ayant versé que le procès-verbal du 22 octobre 2015, le redressement doit être annulé dans la mesure où le procès-verbal mentionné dans la lettre du 10 juin 2015 ne lui a jamais été communiqué et qu’il est impossible d’en vérifier l’existence. En outre, elle se prévaut de la lettre d’observations du 28 juillet 2015 pour opposer à l’Urssaf une décision implicite prise en toute connaissance de cause dès lors que le procès-verbal de travail dissimulé est nécessairement antérieur au 10 juin 2015.
L’Urssaf rétorque qu’elle n’a pas à communiquer le procès-verbal dressé à l’encontre de la société sous-traitante au cours de la procédure de redressement mais que la Cour de cassation a jugé qu’elle doit le transmettre dans le cadre de l’instance judiciaire dès lors que le donneur d’ordre en conteste l’existence et le contenu. Elle observe qu’elle a communiqué le procès-verbal en cause avec ses précédentes conclusions, de sorte que le moyen tiré de la non-communication du procès-verbal n’a plus lieu d’être à ce stade de la procédure. Elle ajoute que la chronologie des faits suffit pour se convaincre que c’est le procès-verbal du 22 octobre 2015 qui fonde le redressement notifié par la lettre d’observations du 4 octobre 2016, la société ayant fait l’objet de deux contrôles distincts.
Les alinéas 5 à 9 de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable, disposaient que :
« À l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés. En cas de réitération d’une pratique ayant déjà fait l’objet d’une observation ou d’un redressement lors d’un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d’absence de mise en conformité défini à l’article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l’employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d’absence de mise en conformité et le constat d’absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu’il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix.
« En l’absence de réponse de l’employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l’organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement.
« Lorsque l’employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement ne peut intervenir avant l’expiration de ce délai et avant qu’il ait été répondu par l’inspecteur du recouvrement aux observations de l’employeur ou du travailleur indépendant.
« L’inspecteur du recouvrement transmet à l’organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s’il y a lieu, de la réponse de l’intéressé et de son propre courrier en réponse.
« L’absence d’observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l’organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n’ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme. »
L’article L. 8222-1 du code du travail dispose que :
« Toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte :
« 1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;
« 2° de l’une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. »
En l’espèce, il est établi par les pièces versées aux débats que l’Urssaf a procédé à un contrôle comptable d’assiette de la société sur le fondement de l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale ayant donné lieu à une lettre d’observations le 28 juillet 2015 au titre des années 2012 à 2014 comprenant à son point n°5 une observation pour l’avenir rappelant à la société ses obligations en matière de devoir de vigilance des articles L. 243-15 et suivants du code de la sécurité sociale et L. 8222-1 et suivants du code du travail sans se référer à un procès-verbal de travail dissimulé ni à une société sous-traitante en particulier, l’observation étant générale et abstraite.
Postérieurement à la clôture du contrôle comptable d’assiette, l’Urssaf a notifié à la société, en sa qualité de donneur d’ordre, deux lettres d’observations le 4 octobre 2016 mettant en ‘uvre la solidarité financière de cette dernière avec un co-contractant sous-traitant défaillant, nommément identifié et visé par un procès-verbal de travail dissimulé, peu important qu’à ce stade ce dernier ne soit pas indiqué par sa date et son numéro, sur le fondement des articles L. 8222-1 à L. 8222-3 et R. 8222-1 du code du travail, dont l’une opère le rappel des cotisations correspondant à la quote-part des cotisations non réglées par la société sous-traitante, au prorata de sa facturation pour un montant de 56 930 euros pour la période du 1er janvier 2014 au 31 mai 2015.
La cour observe que ces lettres d’observations ne reposent pas sur le même fondement juridique et qu’en outre, l’une porte sur la période 2012 à 2014 et émet une observation pour l’avenir rappelant à la société ses obligations dans le cadre d’une sous-traitance et les secondes portent sur la période 2015 et 2016 et font reproche à la société de ne pas avoir demandé la communication des documents exigés aux articles D. 8222-5 et D. 8222-7 du code du travail tous les six mois.
Il convient d’ajouter à la lumière des explications données à la suite de la réouverture des débats et des pièces du dossier que la lettre du 10 juin 2015 avait pour objet d’informer la société des sanctions encourues à l’avenir, notamment au regard de l’obligation de diligence, si elle maintenait des liens commerciaux avec la société sous-traitante ayant fait l’objet d’un contrôle inopiné le 1er juin 2015 qui a révélé le recours à du travail dissimulé.
Lors de la lettre d’observations du 28 juillet 2015 adressée à la société, la procédure de redressement pour travail dissimulé à l’encontre de son sous-traitant n’avait pas encore été menée à son terme et, notamment, la défaillance de cette société n’était pas encore établie, de sorte qu’au 10 juin 2015 comme au 28 juillet 2015, l’Urssaf n’était pas fondée à mettre en ‘uvre la solidarité financière du donneur d’ordre. Néanmoins, au regard des anomalies constatées dans la comptabilité de la société, notamment au sujet des pièces devant être produites en cas de sous-traitance, l’Urssaf était fondée à émettre une observation pour l’avenir rappelant à la société ses obligations en qualité de donneur d’ordre, quel que soit le sous-traitant.
Le 4 janvier 2016, la société sous-traitante a fait l’objet d’un jugement d’ouverture de liquidation judiciaire puis d’une décision de clôture pour insuffisance d’actifs.
À compter de cette date, la défaillance de la société sous-traitante étant établie, l’Urssaf était fondée à mettre en ‘uvre la procédure de solidarité financière du donneur d’ordre sur la base du procès-verbal de travail dissimulé adressé au procureur de la République, tel que mentionné en son principe dans les lettres d’observations du 4 octobre 2016.
Il est donc établi par l’ensemble des pièces versées et la chronologie des deux redressements consécutifs de la société donneur d’ordre et du redressement parallèle de la société sous-traitante qu’après l’avertissement du donneur d’ordre le 10 juin 2015 sur la situation irrégulière de son sous-traitant, les lettres d’observations du 4 octobre 2016 critiquées ont mis en ‘uvre un redressement au titre de la solidarité financière à l’encontre de la société donneur d’ordre à la suite du contrôle inopiné de la société sous-traitante, qui s’est révélée depuis défaillante, ayant donné lieu préalablement à la transmission au procureur de la République du procès-verbal d’infraction de travail dissimulé n°354/2015 du 22 octobre 2015, lequel a été produit en cours de procédure.
Si l’Urssaf a informé la société de la transmission d’un procès-verbal de travail dissimulé dans une lettre du 10 juin 2015, cette lettre ne comporte aucun numéro de procès-verbal ni aucune date de procès-verbal, de sorte que cette mention de pure forme, qui suit de peu la date du contrôle inopiné effectué le 1er juin 2015, n’emporte pas la preuve qu’un procès-verbal avait bien été dressé au 10 juin 2015 et que l’inspecteur du recouvrement en avait connaissance lors de la notification de la lettre d’observations du 28 juillet 2015, mais seulement qu’à cette dernière date l’inspecteur du recouvrement avait connaissance qu’un contrôle et un redressement pour travail dissimulé concernant la société sous-traitante était en cours, lequel devait donner lieu à l’envoi d’un procès-verbal de travail dissimulé au procureur de la République. Seule les lettres d’observations du 4 octobre 2016 mentionnent un procès-verbal, lequel est identifiable par son numéro et sa date. Il s’ensuit que ce n’est qu’à la date du 4 octobre 2016 que l’inspecteur du recouvrement avait connaissance certaine à la fois du procès-verbal du 22 octobre 2015 et de la défaillance de la société sous-traitante en 2016, soit des deux éléments nécessaires à la mise en ‘uvre de la solidarité financière de la société donneur d’ordre.
Aucun élément objectif ne permet d’établir qu’un autre procès-verbal de travail dissimulé aurait été établi et transmis entre le 1er et le 10 juin 2015 et sur lequel le redressement serait fondé. Une simple mention imprécise et formelle ne peut pas susciter un doute raisonnable sur l’absence de matérialité d’un procès-verbal antérieur au 10 juin 2015, lequel rendrait d’ailleurs incohérent, sinon inutile, le second procès-verbal du 22 octobre 2015 établi pour les mêmes faits.
Par ailleurs, ne s’agissant pas de la même période (2012-2014 et 2015-2016), la société ne peut pas tirer argument d’une décision implicite liée à la délivrance d’une simple observation pour l’avenir lors du contrôle ayant donné lieu à la notification de la lettre d’observations du 28 juillet 2015 pour faire obstacle aux lettres d’observations du 4 octobre 2016 en arguant que la première lettre d’observations avait été émise alors que le procès-verbal de travail dissimulé avait déjà été transmis, de sorte que l’inspecteur du recouvrement aurait eu connaissance en 2015 des faits, qu’il avait admis en n’opérant aucun redressement et en ne formant que des observations, qui ont fondé le redressement notifié en 2016.
Dans ces conditions, le moyen tiré de la connaissance des faits nécessaires à la mise en ‘uvre de la solidarité financière dès le 28 juillet 2015 et celui tiré de l’existence d’un procès-verbal de travail dissimulé antérieur au 10 juin 2015 sont mal fondés.
Sur les conditions de la mise en ‘uvre de la solidarité financière
Il a été rappelé que selon l’article L. 8222-1 du code du travail, « toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte :
« 1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;
« 2° de l’une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. »
L’article L. 8222-2 du code du travail ajoute que :
« Toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :
« 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;
« 2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;
« 3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l’emploi de salariés n’ayant pas fait l’objet de l’une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie. »
L’article D. 8222-5 du même code, dans sa version applicable, précise que :
« La personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution :
« 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
« 2° Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants :
« a) Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;
« b) Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers ;
« c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ;
« d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription. »
S’il résulte de l’article D. 8222-5 du code du travail que le donneur d’ordre est considéré comme ayant procédé aux vérifications requises par l’article L. 8222-1 du même code lorsqu’il s’est fait remettre par son cocontractant les documents qu’il énumère, seuls ces documents permettent au contractant de s’acquitter de son obligation de vérification.
Il se déduit en outre de ces textes que l’attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale doit être délivrée à la signature de chaque contrat et non lors du début d’exécution des travaux, de telle sorte qu’une attestation délivrée il y a moins de six mois pour un chantier, dans le cadre d’une relation contractuelle, ne peut être opposée par le donneur d’ordre dans le cadre d’une nouvelle convention que si le sous-traitant la produit à nouveau, le donneur d’ordre n’étant pas dispensé de s’assurer à nouveau de son authenticité.
Au cas particulier, la cour a déjà relevé dans son arrêt du 13 mai 2022 que la société ne démontre et n’allègue pas avoir procédé aux vérifications exigées par les textes.
À la réouverture des débats, la société ne développe aucun moyen ou argument supplémentaire sur ce point.
Il est donc établi que le donneur d’ordre n’a pas rempli son obligation de vigilance.
Sur le quantum
La société ne conteste pas le quantum du redressement.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, aucun des moyens soutenus par la société étant susceptibles d’emporter la conviction de la cour, la décision du premier juge doit être confirmée.
Sur les mesures accessoires
La société sera condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, sa propre demande formée à ce titre étant rejetée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
DÉCLARE l’appel recevable ;
CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Évry du 28 juin 2018 (RG 17/01204) ;
DÉBOUTE la S.A.S. [4] de l’ensemble de ses demandes y compris celle formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la S.A.S. [4] à payer à l’Urssaf d’Île-de-France la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
CONDAMNE S.A.S. [4] aux dépens.
La greffière La présidente