CDD d’animation commerciale : la requalification en CDI
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 26 MAI 2023

N° 2023/183

Rôle N° RG 19/10851 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BERQH

SA OPTIMARK

C/

[S] [T]

Copie exécutoire délivrée

le : 26 mai 2023

à :

Me Xavier PIETRA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 106)

Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 227)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° .

APPELANTE

SA OPTIMARK prise en la personne de son représentant légal en exercice,

domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Xavier PIETRA de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [S] [T], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2023, délibéré prorogé au 26 Mai 2023

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [T] [S] a été embauchée au sein de la société OPTIMARK, SA, laquelle est une société de services développant une activité principale d’animation commerciales, proposant notamment des promotions de ventes en grands magasins, à partir du 1er novembre 2012, en qualité d’animatrice, au moyen de contrats d’intervention à durée déterminée en vertu de l’accord de branche du 13 février 2006.

La convention collective applicable est celle des prestataires de service dans le domaine du secteur tertiaire.

La relation de travail a pris fin, au terme du dernier contrat de travail, soit le 31 janvier 2014.

Le 10 décembre 2015, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence d’une demande tendant à la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, en paiement de rappel de salaires et congés payés y afférents sur la base d’un travail à temps complet, en même temps qu’elle sollicitait la rupture de son contrat aux torts de son employeur, avec effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes en découlant.

Un procès-verbal de partage de voix a été rendu le 9 mars 2017.

Selon ses dernières conclusions Mme [T] demandait au conseil de prud’hommes de :

-requalifier les contrats de travail conclus avec la société OPTIMARK en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et ce dès la conclusion de son premier contrat à durée déterminée du 2008,

-condamner la société OPTIMARK au paiement des sommes suivantes

-5.433,56 € à titre de rappel de salaires sur la base d’un temps complet,

-543,35 € à titre de congés payés y afférents,

-2.860,50 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-286,05 € à titre d’incidence congés payés,

-309,89 € à titre d’indemnité de licenciement,

-avec intérêts de droit à compter du 8 décembre 2015 et exécution provisoire de plein droit,

-1.430,25 € à titre d’indemnité spéciale de requalification,

-1.430,25 € à titre d’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement,

-10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d’organisation de la visite médicale d ’embauche,

-1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec les intérêts légaux à compter du jugement sur lesdites créances indemnitaires,

et sollicitait la délivrance sous astreinte des bulletins de salaire rectifiés, d’une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée et le bénéfice de l’exécution provisoire.

Par jugement de départage en date du 20 juin 2019 notifié le 26 juin 2019 à la société OPTIMARK le juge départiteur du conseil de prud’hommes d’Aix en Provence a

-Requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminé à compter du 1 er novembre 2012

-Jugé que la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamné à la société OPTIMARK à payer à Mme [T]

-5433,56 euros outre 543,35 euros d’incidence congés payées à titre de rappel de salaire sur la base d’un temps complet

-2860,50 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 286,05 euros à titre de congés payés y afférent

-309,89 euros à titre d’indemnité de licenciement

Dit que ces sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2015

-5000 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-1430 euros à titre d’indemnité de requalification

-250 euros à titre de dommages intérêts pour défaut de visite d’embauche

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jugement

-1000 euros au titre de l’article 700 du CPC

Ordonné à l’employeur de remettre les documents de rupture rectifiés et un justificatif de la régularisation des cotisations auprès des organismes de retraite

Rejeté le surplus des demandes

Ordonné l’exécution provisoire en application de l’article 515 du CPC

Condamné la société OPTIMARK aux dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 4 juillet 2019 la SA OPTIMARK a interjeté appel de la décision dont elle a sollicité l’infirmation dans chacun des chefs de son dispositif.

Au terme de ses ultimes conclusions déposées et notifiées par RPVA le 23 février 2023 , auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens , elle demande à la cour de

. REFORMER le jugement déféré en ce que le premier juge a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2012 et jugé que la rupture de la relation de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. REFORMER le jugement déféré en ce que le premier juge a condamné la Société OPTIMARK à payer à Madame [S] [T] les sommes suivantes :

– Rappel de salaire ””””’..”””””’5.433,56 €

– Congés payés y afférents”””””””””.543,35 €

– Indemnité compensatrice de préavis””””””’2.860,50 €

– Congés payés sur préavis””””””””” 286,05 €

– Indemnité de licenciement””””””””’…309,89 €

– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse…..5.000 €

– Indemnité de requalification”””””.”””…..1.430 €

– Dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche”’.250 €

– Article 700 du Code de procédure civile””””””…1.000 €

Statuant à nouveau,

. JUGER Madame [S] [T] infondée en ses demandes ;

. DEBOUTER Madame [S] [T] de sa demande de requalification de la relation contractuelle ;

. DEBOUTER Madame [S] [T] de sa demande au titre du rappel de salaire ;

En toute hypothèse,

. JUGER que la demande au titre du rappel de salaire ne peut porter sur la période antérieure au 10 décembre 2012 ;

. DEBOUTER Madame [S] [T] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;

. CONDAMNER Madame [S] [T] à payer à la Société OPTIMARK la somme de 2.000 € (DEUX MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

23

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Dans l’hypothèse où par extraordinaire la Cour ferait droit à la demande de requalification de Madame [S] [T] :

Vu les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail,

Vu les dispositions de l’article L. 1235-5 du Code du travail,

Vu les dispositions de l’article L. 1234-9 du Code du travail,

. JUGER que Madame [S] [T] ne justifie d’aucun préjudice, tant au titre de la rupture du contrat qu’au titre de l’exécution du contrat ;

. JUGER que Madame [S] [T] ne justifie pas être sans emploi ou de la moindre démarche en vue de trouver un emploi ;

. JUGER que Madame [S] [T] bénéficie d’une ancienneté inférieure à deux (2) années ;

. JUGER que Madame [S] [T] ne justifie pas d’une année de travail ininterrompue au sein de la Société OPTIMARK ;

En conséquence,

. DEBOUTER Madame [S] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, ou la réduire à de plus justes proportions ;

. DEBOUTER Madame [S] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour inobservation de la procédure de licenciement ;

. DEBOUTER Madame [S] [T] de sa demande d’indemnité légale de licenciement ;

. DEBOUTER Madame [S] [T] du surplus de ses demandes ;

. DIRE n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du CPC.

A l’appui de ses demandes elle fait valoir

‘que les contrats conclus , autorisés par la règlementation européenne , relèvent de l’article 1242-2 3° du code du travail , de la convention collectives des prestataires de service du secteur tertiaire et des accords conventionnels étendus du 20 septembre 2002 ET 13 février 2006 outre l’accord étendu du 10 mai 2010 qui autorisent la conclusions de plusieurs contrat de travail à durée déterminée d’usage successifs dans le secteur de l’animation commerciale ( article 1.2 de l’avenant du 13 février 2006

‘que l’article L 1244-1 du code du travail valide la conclusion de contrats avec le même salarié en qualité d’animateur sans limiter leur nombre, la cour de cassation limitant l’office du juge à la vérification que le contrat conclu concerne bien un secteur d’activité permettant l’usage du CDD, ce qui est le cas en l’espèce

‘que l’activité confiée à la salariée est par nature temporaire ; qu’à cette égard la dénomination de l’opération de promotion qui relève de la seule décision de l’entreprise cliente SFR est sans incidence sur la nature de l’activité exercée et se réfère simplement à la permanence de la gamme des produits vendus. Qu’en l’espèce les conditions d’exercice de l’activité, variant dans les jours et horaires concernés et les lieux d’intervention déterminés par le client quelques jours à l’avance sont nécessairement temporaires.

‘que contrairement à ce qu’affirme le jugement elle a respecté l’article 2 de l’avenant du 13 février 2006 en éditant un contrat par mission confiée ;

‘que le délai de 10 jours prévus entre la proposition de la mission et le début de son exécution n’est pas sanctionné ; que la salariée n’était pas à sa disposition permanente et pouvait refuser la mission dans les 3 jours de la proposition du contrat

‘qu’elle a respecté les limites posées par les dispositions de l’article 12 de l’avenant du 13 février 2006 en proposant à sa salariée en contrat de travail à durée indéterminée intermittent que cette dernière a refusé de sorte qu’elle ne saurait solliciter le bénéfice de la requalification dans une logique purement financière

‘que la demande de requalification à temps complet est en réalité une demande de rémunération des périodes interstitielles non fondée au regard de la courte durée des missions confiées permettant à la salariée d’organiser son rythme de travail ; qu’en toute hypothèse il convient de faire application de la prescription triennale

‘qu’il appartenait à la salariée de solliciter une visite d’embauche

‘subsidiairement elle considère que la salariée ne peut se prévaloir d’une ancienneté supérieure à deux ans, que le préjudice est inexistant et l’indemnité pour inobservation de la procédure non fondée en application de l’article 1235-5 du code du travail, de même que l’indemnité de licenciement car l’intéressée ne peut se prévaloir d’une année d’activité ininterrompu au regard des dispositions de l’article L 1234-9 du code du travail

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 23 février 2023 , auxquelles il convient de se reporter pour plus amples exposé de ses demandes et moyens, Madame [T] demande à la cour de

Confirmer le jugement entrepris du chef de la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er novembre 2012, de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, de la condamnation de la société OPTIMARK au paiement d’un rappel de salaire à temps complet d’un montant de 5.433,35 €, à son incidence congés payés d’un montant de 543,35 €, à une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 2.860,50 €, à son incidence congés payés d’un montant de 286,05 €, à une indemnité de requalification d’un montant de 1430,00 €, à des dommages intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche d’un montant de 250,00 €,

LE CONFIRMER du chef de l’injonction à la société OPTIMARK, d’avoir à remettre à Madame [T] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées conforme à la décision, et le justificatif de la régularisation des cotisations y afférentes auprès des organismes de retraite,

L’INFIRMER pour le surplus,

CONDAMNER la société OPTIMARK au paiement de la somme de 429,07 € (quatre cent vingt neuf euros et sept centimes) à titre d’indemnité de licenciement,

LA CONDAMNER la société OPTIMARK au paiement de la somme de 10.000,00 € (dix mille euros) à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse),

LA CONDAMNER au paiement de la somme de 1.430,13 € (mille quatre cent trente euros et treize centimes) à titre d’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement,

LA CONDAMNER au paiement de la somme de 2.500,00 € (deux mille cinq cents euros) à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC, en sus de la somme allouée à ce titre par les premiers juges,

DEBOUTER la société OPTIMARK de l’intégralité de ses prétentions,

LA CONDAMNER aux entiers dépens,

Elle fait valoir

‘qu’elle a conclu 68 contrats avec l’entreprise OPTIMARK du 30 octobre 2012 AU 14 aout 2013 , tous pour assurer la vente de produits de téléphonie SFR sur des stands d’animation. , que la société a continuer à l’employer après le terme du dernier contrat fixe au 31 aout 2013 jusqu’en janvier 2014

‘Que la société n’a pas procédé à la visite médicale d’embauche ce qui lui nécessairement causé un préjudice

‘que la requalification de l’ensemble des contrats d’intervention à durée déterminée en contrat à durée indéterminée doit être prononcée car

-nonobstant les dispositions de l’article L 1242-2 du code du travail autorisant la conclusion d’un CDD d’usage l’entreprise ne peut pouvoir par ce moyen un emploi permanent en contrevenant aux dispositions de l’article L 1242-1 du code du travail

-qu’il appartient au juge de vérifier in concreto le caractère temporaire de l’emploi ainsi pourvu

– que la charge de la preuve du caractère temporaire de l’emploi pèse sur l’employeur qui est défaillant en l’espèce, les contrats confiant à la salariée outre une mission d’animation, une mission de vente de produits SFR sur un lieu quasi unique du carrefour de Merlan et dans le cadre d’une opération permanente de semaine en semaine, ce qui est conforté par les bulletins de salaires allouant des primes sur objectif :

– les contrats violent l’article 2 de l’accord de branche du 13 février 2006 qui limite le nombre de contrat d’intervention d’animation commerciale à un seul contrat par animation sauf caractère imprévisible du renouvellement, alors qu’en l’espèce plusieurs contrat sont conclus pour une opération d’animation permanente dont l’imprévisibilité du renouvellement n’est pas démontrée plusieurs contrats étant parfois signés le même jour

– Les contrats violent l’article 3 de l’accord de branche du 13 février 2006 instaurant un délai de 10 jours entre la signature du contrat et le début de l’animation

– Les contrats violent l’article 12 de l’accord de branche du 13 février 2006 de proposer un CDI intermittent de 80% du temps de travail accompli lorsque le salarié à accompli au moins 500 heures de travail sur une période de douze mois , l’appelante ayant accompli 1484 heures sur douze mois en novembre 2013 e. Que le refus de l’appelante de de signer un CDI ne répondant pas aux conditions légales ne peut lui être opposé mais démontre qu’elle occupait un emploi permanent.

‘que le contrat doit être également requalifié à temps complet car elle était dans l’obligation de rester à la disposition permanente de l’entreprise compte tenu de la modification constante de la répartition entre les jours travaillés et les jours de repos l selon 14 répartitions type, lui interdisant de fait de compléter son activité, la possibilité de refuser un contrat demeurant théorique. Qu’en outre elle a travaillé à temps complet

‘qu’en l’état d’une requalification la survenance du terme n’est pas un mode de rupture des relations contractuelles et justifie une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement outre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article 1235-3 du code du travail outre une indemnité de licenciement d’1/5ème de salaire par année d’ancienneté et un préavis de deux mois selon les dispositions de la convention collective.

L’ordonnance de clôture est en date du 27 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

I Sur la demande de requalification des contrats d’intervention à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

L’article L 1242-2 du code du travail dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tache précise et temporaire et seulement dans les cas qu’il énumère parmi lesquels figure au 3° les emplois ” pour lesquels dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention collective ou par accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ”

L article 1244-1 du code du travail permet la conclusions de contrats à durée déterminée successifs avec un même salarié lorsqu’ils sont conclus dans les secteurs d’activité visés par l’article L1242-2 3°

L’article 4 de l’accord du 13 février 2006 relatif à l’animation commerciale portant avenant à la convention collective nationale des prestataires de services du secteur tertiaire étendu par arrêté du 16 avril 2007 énonce que le contrat d’intervention à durée déterminée d’animation commerciale est un contrat de travail à durée déterminée conclu spécifiquement pour pourvoir l’emploi par nature temporaire d’animateur commercial en application de l’article L 1242-2 3° du code du travail.

Ce texte définit la prestation d’animation ou de promotion commerciale comme une action de présence publicitaire, de distribution d’échantillon et /ou de promotions des ventes d’un produit ou service ou groupe de produit ou service précisément déterminé en grands magasins ou espaces public.

Afin d’encadrer l’utilisation du contrat d’intervention à durée déterminée l’article 2 de l’accord du 13 février 2016 prévoit que ne peut être conclu qu’un contrat d’intervention par animation commerciale concernée, et non par mission confiée comme le soutient à tort l’appelant, pour pourvoir à un même poste d’animateur sauf en cas de renouvellement non prévisible de l’animation commerciale confiée à l’employeur ; l’article 3 prévoit qu’un délai minimum de 10 jours sépare la signature du contrat du début d’exécution de l’animation.

Enfin l’article 12 de l’accord prévoit qu’un contrat de travail à durée indéterminée intermittent doit être proposé au salarié ayant effectué de manière régulière plusieurs interventions sous forme de contrat d’intervention dans la même entreprise si le nombre d’heures travaillées pendant les 12 derniers mois est au moins équivalent à 500 heures. Cette disposition consacre, au-delà d’un certain nombre d’heures de travail dans la même entreprise, la nature permanente de l’emploi occupé et en dépit de l’alternance de périodes travaillées et non travaillées.

La possibilité de conclure un contrat d’intervention à durée déterminée n’affranchit pas l’employeur de l’interdiction posée par l’article L 1242-1 du code du travail de pourvoir durablement par un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Ainsi , contrairement à ce que soutient l’appelant , lorsque le caractère temporaire de l’emploi pourvu est contesté il appartient au juge de vérifier in concreto si l’emploi d’un contrat à durée déterminée est justifié par la nature temporaire de l’emploi.La charge de la preuve du caractère temporaire de l’emploi pèse sur l’employeur.

En l’espèce les pièces produites au débat démontrent que la société OPTIMARK a signé avec l’intimée ( pièce 1 ET 2 de l’intimée et pièce 2 de l’appelant ) 111 contrats d’intervention entre le 30 octobre 2012 et le 17 janvier 2014 au profit du seul client SFR . Ces contrats se sont succédés de semaine en semaine pour des durées variant entre 1 et 7 jours; Ils concernaient, à trois exception près le seul magasin carrefour MARSEILLE LE MERLAN ;

Les contrats se réfèrent à une seule opération promotionnelle dénommée SFR PERMANENT MED de 2012 jusqu’au 14 novembre 2013 puis SFR PERMANENT du 27 novembre 2013 au 9 /12/2013 et enfin manifestation SFR GE MED 2013 à compter de cette date de sorte que l’appelant , qui ne verse aux débats aucune pièce permettant d’affirmer que les renouvellements effectués par SFR étaient imprévisibles, n’a pas respecté l’article 2 de l’avenant limitant à un seul par opération commerciale le nombre de contrat d’intervention conclu.

La durée de l’opération SFR dans le temps ( de 2012 à 2014 ) vient démontrer qu’en dépit de son caractère intermittent l’activité de la salariée n’est en rien une activité temporaire , cette analyse est confirmée par le versement de prime sur objectifs venant établir l’exercice d’une activité de vente ( pièce 3 et 4 de l’intimée) d’ailleurs mentionnée dans les contrats et la proposition d’un contrat à durée indéterminé intermittent destiné à pourvoir un emploi permanent de l’entreprise ( pièce 1 de l’appelant) ;

Le refus de ce contrat par l’intimée qui démontre, par la production des contrats d’intervention, qu’elle avait accompli un total de 966 heures sur les douze mois précédent la proposition n’est pas critiquable dès lors que le contrat proposé ne fixait pas une durée minimale de travail de 80% du temps effectivement travaillé sur la période de référence contrairement aux dispositions de l’article 13 de l’accord du 13 février 2006.

En conséquence le jugement est confirmé en ce qu’il a prononcé la requalification des contrats d’intervention en contrat à durée indéterminée depuis le premier novembre 2012 date du début d’exécution du premier contrat. L’indemnité de requalification accordée n’étant pas critiquée dans son montant sera également confirmée.

II Sur la demande de requalification en contrat à temps complet

IL est constant que la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse subsister les dispositions contractuelles relatives à la durée du travail ;

La demande qui s’analyse en l’espèce comme une demande rémunération des périodes non travaillées entre les interventions impose à l’intimée de faire la démonstration qu’elle s’est tenue à la disposition de l’employeur durant celles-ci conformément aux dispositions de l’article L 3121-1 du code du travail .

En l’espèce la cour relève que les contrats se sont succédés chaque semaine selon des horaires définis mais pour des durées variant d’un à 7 jours selon 13 organisations de semaine différentes ; par ailleurs 53 des 111 contrats produis aux débats ne respectent pas le délai 10 jours entre la signature et le début d’exécution de l’intervention ; Dans ces conditions la cour estime que l’organisation des interventions étaient dépourvue de prévisibilité suffisante pour permettre à la salariée de compléter le temps de travail ainsi défini, la contraignant de fait à rester à la disposition de l’employeur.

En conséquence il convient de faire droit à la demande de rappel de salaires sur les périodes interstitielles étant précisé qu’en application de l’article L 3245-1 du code du travail le contrat ayant été rompu en l’espèce à l’issue de la dernière mission achevée le 31 janvier 2014 la demande n’est pas prescrite .Le jugement est donc confirmé sur le montant du rappel de salaires et l’indemnité de congés payés afférente.

III Sur le surplus des demandes

A/ Visite médicale d’embauche

L’obligation de préserver la sécurité et la santé du travailleur pèse sur l’employeur, c’est donc à tort que l’appelant soutient qu’il appartenait à l’intimée de solliciter une visite d’embauche ; Toutefois en l’absence de préjudice démontré la cour infirme le jugement et déboute Mme [T] de sa demande de dommages intérêts à ce titre.

B/Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

Il est constant que la survenance du terme n’est pas un mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée, en conséquence la rupture doit être qualifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La relation de travail ayant été requalifiée à compter du 1 novembre 2012 l’intimée pouvait se prévaloir d’une ancienneté de un an et trois mois à la date de la rupture.

La détermination de l’indemnisation de la perte d’emploi relève des dispositions de l’article L1235-5 dans sa version en vigueur du 01 mai 2008 au 10 août 2016 qui dispose

” Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l’article L. 1235-2 ;

2° A l’absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l’article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Toutefois, en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l’assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l’article L. 1235-2 s’appliquent même au licenciement d’un salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés. ”

En conséquence le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté l’intimée de sa demande au titre de l’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement.

La cour constate que l’ensemble des justificatifs produit par l’intimée pour justifier d’un préjudice est largement postérieur à la rupture et sans lien de causalité démontré dès lors que Mme [T] ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieure au 31 octobre 2014 ; Dans ces conditions la cour, par infirmation du jugement , déboute l’intimée de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Elle adopte en revanche les motifs du premier juge quant au prévis dont elle confirme le montant et l’incidence congés payés .

En vertu de la requalification la salariée est réputée avoir été au service de l’employeur de manière ininterrompue depuis le 1/11/2012 , dans ces conditions elle peut effectivement prétendre à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En l’espèce elle ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoute la somme due prorata temporis pour les mois au-delà d’un an en application des articles L 1234-9 et R 1234-2 du code du travail dans leur version applicable à la date de la rupture.

En conséquence le salaire retenu par le premier juge ne faisant pas débats entre les parties, l’indemnité légale de licenciement fixée à 429, 07 euros, le jugement est donc infirmé de ce chef.

L’appelant qui succombe au principal est condamné à payer à l’intimée la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 et est condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement ;

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné la SA OPTIMARK à payer à Mme [T] des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages intérêts pour absence de visite médicale d’embauche et fixé à 309,89 euros le montant de l’indemnité de licenciement ;

L’infime de ces chefs et statuant à nouveau :

Déboute Mme [T] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Deboute Mme [T] de sa demande de dommages intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche

Condamne la SA OPTIMARK à payer à Mme [T] la somme de 429,07 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

Et y ajoutant :

Condamne la SA OPTIMARK à payer à Mme [T] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 en cause d’ appel ;

Condamne la SA OPTIMARK aux dépens de l’instance d’appel.

Le greffier Le président

 


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