Publicité en faveur de l’Alcool : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16596

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Publicité en faveur de l’Alcool : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16596

18 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/16596

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 18 JANVIER 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/16596 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCVEE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/12812

APPELANTE

S.A.S. KRONENBOURG prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée et assitée par Me Eric ANDRIEU de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

INTIMÉE

ASSOCIATION NATIONALE DE PREVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTOLOGIE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me François LAFFORGUE de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0268

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été plaidée le 16 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Florence PAPIN dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Président, et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier présent lors du prononcé.

***

Rappel des faits et de la procédure :

La société Kronenbourg commercialise notamment la bière Grimbergen.

L’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) est une association régie par la loi de 1901 reconnue d’utilité publique par décret du 5 février 1880 dont l’objet statutaire est de lutter contre l’alcoolisme. Elle est habilitée à poursuivre judiciairement les infractions aux dispositions des articles L. 3323 ‘ 2 et suivants du code de la santé publique et R. 3323 ‘1 et suivants dudit code, dispositions issues de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Evin.

Faisant valoir que l’utilisation des deux slogans « La flamme ne s’éteint jamais », « Ardet nec consumitur », et la représentation d’un phénix au profit de la boisson alcoolique Grimbergen par voie d’affichage et d’une publication dans le magazine du Monde étaient illicites, par acte d’huissier en date du 24 octobre 2018, l’ANPAA a fait assigner la société Kronenbourg devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir interdire, sous astreinte, ces slogans et cette représentation et indemniser le préjudice qu’elle expose avoir subi.

Le 22 octobre 2020, le tribunal judiciaire a :

Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Déclaré illicite le slogan « La flamme ne s’éteint jamais » ;

Déclaré illicite la représentation du phénix ;

Et par conséquent,

Fait interdiction à la société Kronenbourg de faire usage du slogan « La flamme ne s’éteint jamais » sous tout support publicitaire et ce, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour et par infraction constatée, à compter de la signification de la présente décision ;

Fait interdiction à la société Kronenbourg de faire usage de l’image du phénix au profit de la marque de boisson alcoolique Grimbergen sous tout support publicitaire et ce, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour et par infraction constatée, à compter de la signification de la présente décision ;

Condamné la société Kronenbourg à payer à l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Débouté l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie de ses demandes au titre de la devise « Ardet nec consumitur » ;

Condamné la société Kronenbourg à payer à l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société Kronenbourg aux dépens ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 17 novembre 2020, la société Kronenbourg a interjeté appel.

Le 18 octobre 2021, les parties ont fait connaître leur refus de recourir à une médiation.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 13 juillet 2023, la société Kronenbourg demande à la cour de  :

Vu les articles 5 et 2224 du code civil,

Vu l’article 122 du code de procédure civile,

Vu l’article L. 3323-4 du code de la santé publique,

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 22 octobre 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie de ses demandes au titre de la devise « Ardet Nec Consumitur » ;

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie de ses demandes au titre de la devise « Ardet nec consumitur » ;

Statuant de nouveau,

Vu l’article 2224 du code civil,

Vu l’article 122 du code de procédure civile,

Constater la prescription de l’action ;

Déclarer l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie irrecevable en ses demandes ;

Subsidiairement,

Vu l’article L. 3323-4 du code de la santé publique,

Juger que la mention la mention « Ardet nec consumitur », la mention « La flamme ne s’éteint jamais » et la représentation litigieuse du phénix ne constituent pas des publicités illicites en faveur de la bière Grimbergen ;

Débouter l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie de l’ensemble de ses demandes ;

Condamner l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie à payer à la société Kronenbourg la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 06 mai 2021, l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Déclaré illicite le solgan « La flamme ne s’éteint jamais » ;

Déclaré illicite la représentation du phénix ;

Et par conséquent,

Fait interdiction à la société Kronenbourg de faire usage du slogan « La flamme ne s’éteint jamais » sous tout support publicitaire et ce, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour et par infraction constatée, à compter de la signification de la présente décision ;

Fait interdiction à la société Kronenbourg de faire usage de l’image du phénix au profit de la marque de boisson alcoolique Grimbergen sous tout support publicitaire et ce, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour et par infraction constatée, à compter de la signification de la présente décision ;

Condamné la société Kronenbourg à payer à l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société Kronenbourg aux dépens ;

Infirmer le jugement pour le surplus ;

Statuer à nouveau :

Juger illicites le slogan « Ardet nec consumitur » au profit de la boisson alcoolique Grimbergen ;

Faire interdiction à la société Kronenbourg de faire usage du slogan « Ardet nec consumitur » sur tout support publicitaire et sous astreinte de 10 000 euros par jour et par infraction constatée ;

Condamner la société Kronenbourg à payer à l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Condamner la société Kronenbourg à régler à l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’en tous les dépens.

La clôture a été prononcée le 20 septembre 2023.

MOTIFS

*Sur la prescription :

Le tribunal a considéré que l’action intentée n’était pas prescrite, le point de départ du délai de prescription n’étant pas le dépôt de la marque mais toute nouvelle campagne publicitaire mise en cause comme étant illicite.

L’appelante fait valoir, sur le fondement de l’article 2224 du code civil, que le Phénix est l’emblème de sa marque de bière au moins depuis 1958, qu’il a été déposé à titre de marque en France dès 1982 (faisant l’objet d’une publication au bulletin officiel de la propriété industrielle) puis avec la mention « Ardet nec consumitur » en 2011, que ces mentions sont présentes sur les produits depuis le lancement de la marque en France en 1989 et que l’intimée n’a jamais critiqué l’utilisation de ce signe alors qu’elle en avait nécessairement connaissance. Elle rajoute que depuis la publication au BOPI, les tiers sont réputés en avoir connaissance et que dès lors que les demandes de l’intimée sont générales et ne visent pas une campagne de publicité en particulier, il n’est pas possible de considérer que le point de départ de la prescription n’aurait débuté qu’au jour du constat huissier.

Elle relève également l’interdiction de prononcer des interdictions générales telle que « faire usage de l’image du Phénix » résultant de l’article 5 du code civil et que les juges ne peuvent prononcer de mesures d’interdiction qu’à l’encontre de campagnes publicitaires précises et déterminées concernant le cas échéant la représentation spécifique du Phénix telle qu’elle est en cause dans la publicité litigieuse, objet du présent litige.

L’ANPAA fait valoir que tant que la marque et le logo ne s’inscrivaient pas dans une campagne publicitaire, elle n’en a pas eu connaissance et que toute diffusion d’une publicité illicite constitue une faute de nature délictuelle faisant courir un nouveau délai de 5 ans.

Elle rajoute que le tribunal n’a pas statué par voie de dispositions générales mais a prononcé une injonction de faire cesser le trouble constitué par les publicités représentant un phénix.

Sur ce,

Selon les dispositions de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.

Le point de départ du délai de prescription quinquennale est non le dépôt de la marque mais la publicité qui serait non conforme aux dispositions de l’article L. 3323 ‘ 4 du code de la santé publique et en l’espèce la campagne publicitaire relative à la bière Grimbergen qui a donné lieu au constat d’huissier en date du 10 avril 2018 et a été diffusée notamment dans le magazine M Le Magazine du Monde en date du 31 mars 2018 en quatrième de couverture, sur le fondement desquels l’ANPAA a agi.

Par le biais de cette publicité, l’ANPAA a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son action et dès lors son assignation délivrée le 24 octobre 2018, moins de 5 ans après la date du constat, n’était pas prescrite.

*Sur le bien-fondé des demandes de l’ANPAA :

La société Kronenbourg fait valoir que la fonction de la publicité est d’inciter à l’achat d’un produit et d’en donner une image valorisante et ne peut donc être parfaitement neutre, ne pouvant être confondue avec l’information, la seule restriction résultant de la loi Evin étant d’éviter toute incitation à une consommation excessive.

Elle rajoute que le lien avec l’origine historique du produit, de la devise et du Phénix est expressément rappelé par une mention explicative parfaitement lisible sur l’affiche litigieuse, la mention et la flamme évoquant à la fois les incendies qui ont ravagé l’abbaye à plusieurs reprises, la résistance et la persistance de l’abbaye qui n’a pas été consumée par ces événements, qu’elle ne conteste pas que la bière est produite en dehors de l’abbaye mais que les Pères veillent au respect de la filiation de la bière actuelle avec sa tradition de brassage et attestent eux-mêmes des liens très étroits qui existent et qu’il est inconcevable de penser que les consommateurs pourraient s’imaginer « renaître de leurs cendres » parce qu’ils ont bu de la bière Grimbergen.

Selon elle, la devise en latin se traduirait par la mention « la flamme ne s’éteint jamais ».

L’ANPAA réplique que toute publicité qui présente une boisson alcoolisée de manière valorisante ou incitative est interdite, que la loi n’admet que les publicités purement descriptives et informatives, fonction première de la publicité, que cette restriction est un levier de la lutte contre l’alcoolisme, et que les slogans ‘la flamme ne s’éteint jamais’ ,« Ardet nec Consumitur » et l’utilisation de l’image du phénix sont illicites.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 3323 ‘ 4 du code de la santé publique issu de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Evin, modifié par la loi du 23 février 2005, ‘la publicité pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit.

Cette publicité peut comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine telles que définies à l’article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

Le conditionnement d’une boisson alcoolique ne peut être reproduit que s’il est conforme aux dispositions précédentes.(…)’.

Il en résulte que si la publicité pour les boissons alcooliques est licite, elle demeure limitée aux seules indications et références mentionnées à l’article L. 3323-4 précité, doit présenter un caractère objectif et informatif et ne pas être incitative.

L’emploi du terme ‘indication’ démontre en effet la volonté du législateur de limiter la publicité des boissons alcooliques à une information objective sur l’origine, le dégré volumique d’alcool, la dénomination, la composition du produit, le nom et l’adresse du fabricant.

L’objectivité est également prévue pour les caractéristiques olfactives, gustatives ainsi que la couleur.

Les possibilités d’expression des annonceurs sont donc restreintes par la loi Evin dont l’esprit n’a pas été modifié par l’adoption de la loi du 23 février 2005.

Le Conseil constitutionnel avait déclaré les dispositions de la loi Evin conformes à la Constitution, en énonçant notamment “que les restrictions apportées par le législateur à la propagande ou à la publicité en faveur des boissons alcooliques ont pour objectif d’éviter un excès de consommation d’alcool, notamment chez les jeunes ; que de telles restrictions reposent sur un impératif de protection de la santé publique, principe de valeur constitutionnelle ; que le législateur qui a entendu prévenir une consommation excessive d’alcool, s’est borné à limiter la publicité en ce domaine, sans la prohiber de façon générale et absolue’ (Conseil constitutionnel 8 janvier 1991 DC n° 90-283 §29).

L’affiche critiquée, reproduite par le constat d’huissier en date du 10 avril 2018 dressé par Me [S], huissier de justice à [Localité 6], est constituée pour l’essentiel d’un verre de bière plein sur lequel est gravé un phénix, son pied étant entouré d’un halo de feu. En haut de l’affiche et en gros caractères figure le slogan ‘la flamme ne s’éteint jamais’ suivie d’un astérisque qui renvoie à un texte en plus petits caractères, et sur fond plus sombre, figurant à droite de la base du pied.

Il résulte de ce constat que ce texte est le suivant : « au cours de son histoire, l’abbaye de [Localité 5] a été détruite et reconstruite trois fois. Depuis 1629, le phoenix est son emblème et « Ardet nec Consumitur » sa devise qui signifie «la flamme ne s’éteint jamais en latin ».

Le lien de la devise ‘la flamme ne s’éteint jamais’ et de l’image du Phénix avec l’origine historique du produit est susceptible d’échapper au consommateur moyen, le texte figurant sur l’affiche étant écrit en caractères « très peu lisibles » selon le constat d’huissier et sur fond plus sombre, de sorte que son attention n’est pas attirée.

Cette illisibilité est encore accentuée sur la publicité identique diffusée dans le magazine M Le Magazine du Monde en quatrième de couverture en raison de son format plus petit.

Dans le cadre de l’étude réalisée par le groupe Nielsen pour le compte de l’appelante portant sur les ‘packagings’ de la marque Grimbergen afin de mesurer les performances des nouveaux designs, produite par la société Kronenbourg en pièce 11, aucun commentaire de consommateurs ne le mentionne.

Comme relevé par le premier juge, le slogan ‘la flamme ne s’éteint jamais’ n’est pas une traduction littérale de la devise latine de l’abbaye ‘Ardet nec Consumitur’ se traduisant par ‘il brûle et ne se consume pas’ en référence à la résistance de l’abbaye et de ses moines en dépit des incendies et non avec la permanence des flammes qui évoque pour sa part les propriétés magiques du phénix.

Contrairement à ce que soutient l’appelante, l’utilisation du visuel du phénix vise à valoriser la boisson alcoolique ainsi que cela résulte de l’article intitulé : « Grimbergen de nouvelles ailes’ » publié dans la revue des marques n° 74 d’avril 2011 qui reproduit les explications de Monsieur [Z] [F], directeur de la communication consommateurs et marques brasseries Kronenbourg :

« Notre objectif est de rajeunir la cible vers les 20 ‘ 35 ans en développant davantage l’axe émotionnel qui lui correspond. Il s’agit pour celui qui déguste la bière, de se réinventer dans son monde à soi, de s’évader de son quotidien pour aller dans son propre univers ».

Cet article précise aussi que « d’origine éthiopienne selon Hérodote et Plutarque, le phénix, héron pourpré d’une splendeur sans égale, est doué d’une extraordinaire longévité. Il a également le pouvoir, quand l’heure de sa mort approche, après s’être consumé sur un bûcher, de renaître de ses cendres. Résurrections, immortalité, résurgence cyclique sont trois thèmes clés du symbolisme du phénix aussi bien chez les perses, les Grecs et les Romains’ ».

Cette image du phénix peut faire naitre chez le consommateur l’idée que la bière Grimbergen pourrait lui être utile pour surmonter ses difficultés et comme l’oiseau imaginaire ‘renaitre de ses cendres’. Elle fait appel à ses émotions en valorisant la consommation de cette boisson alcoolisée associée à un oiseau aux pouvoirs exceptionnels.

Elle ne se limite pas aux indications objectives et informatives énumérées par la loi.

Dès lors, le visuel de cet animal mythique associé au slogan ‘la flamme ne s’éteint jamais’ avec une flamme entourant un verre de bière a un caractère incitatif et non purement objectif et cette publicité contrevient donc aux restrictions législatives imposées par l’article L. 3323 ‘ 4 du code de la santé publique précité.

Il y a lieu par conséquent de déclarer illicite cette publicité.

La cour étant saisie sur le fondement d’une campagne publicitaire précise ayant donné lieu au constat d’huissier produit par l’association ne peut interdire l’usage du slogan « la flamme s’éteint jamais » et de la représentation du phénix de façon générale et le jugement déféré sera par conséquent infirmé en ce qu’il n’a pas limité ces interdictions à cette publicité.

Il n’y a pas lieu de prononcer d’astreinte alors qu’il n’est pas démontré que cette campagne publicitaire pour la bière Grimbergen soit toujours en cours.

La mention latine ‘Ardet nec Consumitur’ ne constitue pas à elle seule une atteinte aux dispositions du code de la santé publique précitées. La décision déférée, qui a débouté l’ANPAA de ses demandes relatives à cette mention, est confirmée de ce chef, ses motifs pertinents étant adoptés.

*Sur la demande de dommages et intérêts de l’ANPAA :

Cette association, reconnue d’utilité publique depuis 1880, dont la mission et les efforts humains et financiers tendent à prévenir l’addiction à l’alcool et qui dans ce cadre a pour rôle de veiller à l’application de la législation, a subi un préjudice certain résultant directement de la publicité illicite, qui a contrarié son action.

Il y a lieu d’évaluer son préjudice à la somme de 15’000 euros. La décision déférée est infirmée en ce qui concerne le quantum de la condamnation prononcée.

*Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

La société Kronenbourg est condamnée aux dépens d’appel et à payer à l’intimée la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision déférée, sauf en ce qui concerne le rejet de la fin de non-recevoir relative à la prescription et des demandes relatives à la mention latine ‘Ardet nec Consumitur’, la condamnation de la société Kronenbourg aux dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Déclare illicite la publicité de la bière Grimbergen représentant un phénix associé au slogan ‘la flamme ne s’éteint jamais’ avec une flamme entourant un verre de bière,

Condamne la société Kronenbourg à payer à l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie la somme de 15’000 euros de dommages-intérêts,

Condamne la société Kronenbourg à payer à l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Kronenbourg aux dépens de l’appel,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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