Contrat de VRP : 15 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/09784

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Contrat de VRP : 15 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/09784
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15 décembre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/09784

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2023

N° 2023/356

Rôle N° RG 20/09784 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGMEJ

S.A.S. GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION

S.A.S. GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE

S.A.S. INFOCOM EDITION

C/

[M] [H]

Copie exécutoire délivrée le :

15 DECEMBRE 2023

à :

Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Pierre-Hugues POINSIGNON, avocat au barreau de ROUEN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 24 Septembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/01254.

APPELANTES

S.A.S. GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.S. GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.S. INFOCOM EDITION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [M] [H], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pierre-Hugues POINSIGNON, avocat au barreau de ROUEN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique SOULIER, Présidente

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2023

Signé par Mme Véronique SOULIER, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Mme [M] [H] a été engagée le 2 novembre 2015 par la SAS INFOCOM EDITION en qualité de VRP à cartes multiples. Elle était chargée de vendre des espaces publicitaires sur les supports édités par société INFOCOM FRANCE.

Le 9 novembre 2015, Mme [H] a été engagée par SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE en qualité de VRP à cartes multiples en charge de la vente d’espaces publicitaires sur les supports édités par la société EMF.

Le 4 janvier 2016, Mme [H] a été engagée par la SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION en qualité de VRP à cartes multiples en charge de la vente d’espaces publicitaires sur les supports édités par les sociétés MPC et MDC.

Considérant que ses trois employeurs n’en formaient qu’un seul et avoir été victime d’une fraude au statut de VRP, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille par requête réceptionnée le19 juin 2018 aux fins de demander de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, de condamner solidairement les sociétés MEDIA PLUS COMMUNICATION, INFOCOM EDITION et GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE à lui payer des indemnités de rupture et un rappel de salaires (commissions), notamment.

Par courrier du 10 septembre 2018 notifié aux trois sociétés, Mme [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant les griefs suivants : ‘J’ai choisi de saisir le conseil de prud’hommes de Marseille d’une demande de résiliation judiciaire de mon contrat de travail. La situation étant de plus en plus difficile à supporter, j’ai décidé de vous notifier ma prise d’acte de la rupture de mon contrat de travail pour les raisons suivantes (liste non limitatives) :

– les sociétés Média Plus Communication, GEMF et Infocom Editions m’ont abusivement employée en qualité de VRP multicartes alors qu’en réalité je suis VRP exclusive dans le but de ne pas payer la rémunération minimale trimestrielle prévue pour le VRP exclusif.

– les trois mêmes sociétés m’ont abusivement privée de la commission en utilisant une clause abusive de mon contrat de travail’.

Par jugement de départage du 24 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Marseille a :

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE tirée de demandes nouvelles sans lien suffisant avec les demandes originaires.

– requalifié la relation de travail ayant lié Mme [H] aux sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et INFOCOM EDITION en contrat de VRP exclusif par suite d’un co-emploi et de l’existence d’un seul employeur.

– condamné solidairement les sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et INFOCOM EDITION à verser à Mme [H] un rappel de salaire de 7.981 euros bruts concernant les deuxième et troisième trimestres 2017, outre 798 euros bruts de congés payés y afférents.

– débouté Mme [H] de sa demande de voir annuler l’article 12 inséré dans les contrats de travail la liant aux sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et INFOCOM EDITION et de ses demandes subséquentes de rappel de commissions et de congés payés y afférents.

– dit que la prise d’acte de la rupture des contrats de travail du 10 septembre 2018 ayant lié Mme [H] aux sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et INFOCOM EDITION produit les effets d’une démission.

– débouté en conséquence Mme [H] de sa demande de voir requalifier sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires subséquentes ainsi que de sa demande de remise des attestations pôle emploi rectifiée, sous astreinte.

– condamné solidairement les sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et INFOCOM EDITION à verser à Mme [H] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné solidairement les sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et INFOCOM EDITION aux entiers dépens de la procédure.

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION ont interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2023, elles demandent à la cour de :

In limine litis :

– constater que Mme [H] formule une demande nouvelle postérieure à sa requête introductive d’instance en modifiant l’objet même de son fondement en passant « d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail » à « Mme [H] demande au conseil de prud’hommes de juger que sa prise d’acte emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

– déclarer irrecevable les nouvelles demandes présentées par Mme [H] par conclusions postérieurement à sa requête introductive d’instance.

A titre principal :

– réformer le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Marseille du 24 septembre 2020 des chefs de condamnations suivants :

‘Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE tirée de demandes nouvelles sans lien suffisant avec les demandes originaires.

Requalifie la relation de travail ayant lié Mme [H] aux sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE, INFOCOM EDITION en contrat de VRP exclusif par suite d’un co-emploi et de l’existence d’un seul employeur.

Condamne solidairement les sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE, INFOCOM EDITION à verser à Mme [H] un rappel de salaires de 7.981 euros bruts concernant les deuxièmes et troisième trimestre 2017, outre 798 euros bruts de congés payés afférents.

Condamne solidairement les sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE, INFOCOM EDITION à verser à Mme [H] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne solidairement les sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE, INFOCOM EDITION aux entiers dépens de la procédure.

Ordonne l’exécution provisoire.’.

– confirmer le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Marseille du 24 septembre 2020 des chefs de condamnations suivants :

‘Déboute Mme [H] de sa demande de voir annuler l’article 12 inséré dans les contrats de travail la liant aux sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE, INFOCOM EDITION et de ses demandes subséquentes de rappel de commissions et de congés payés y afférents.

Dit que la prise d’acte de la rupture des contrats de travail en date du 10 septembre 2018 ayant lié Mme [H] aux sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE, INFOCOM EDITION produit les effets d’une démission.

Déboute en conséquence Mme [H] de sa demande de voir requalifier sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires subséquentes ainsi que de sa demande de remise des attestations pôle emploi rectifiées sous astreinte.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ‘.

En conséquence, il est demandé à la cour de :

A titre principal,

– déclarer que Mme [H] a plusieurs employeurs et occupe des emplois différents.

– déclarer que les sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et INFOCOM EDITION ne constituent pas un employeur unique.

– déclarer que Mme [H] ne peut pas bénéficier des dispositions applicables aux VRP exclusifs.

– déclarer prescrite la demande d’annulation de la clause de bonne fin.

– débouter Mme [H] de sa demande de rappel de commissions et de salaire.

– débouter Mme [H] de sa demande d’indemnité de licenciement.

– débouter Mme [H] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

– débouter Mme [H] de sa demande de rappel de salaires (commissions) et des congés payés afférents.

– débouter Mme [H] de sa demande de rappel de salaires (ressource minimale forfaitaire) et des congés payés afférents.

– débouter Mme [H] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– débouter Mme [H] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel.

– débouter Mme [H] de l’ensemble de ses demandes.

– condamner Mme [H] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A subsidiaire, dans l’hypothèse d’une condamnation :

– fixer la moyenne mensuelle des salaires de Mme [H] à 2 810,08 euros bruts.

– fixer l’indemnité de licenciement à 1.264,53 euros.

– fixer l’indemnité de préavis à 5.620,17 euros bruts et les congés payés afférents à 562,02 euros bruts.

– fixer les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 1.158 euros.

– débouter Mme [H] de sa demande d’annulation de la clause de bonne fin.

– débouter Mme [H] du surplus de ses demandes.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2023, Mme [H] demande à la cour de :

– réformer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 24 septembre 2020 (RG 20/00104).

Statuant à nouveau :

1) juger que la prise d’acte de la rupture des contrats de travail du 10 septembre 2018 ayant lié Mme [H] aux sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, INFOCOM EDITION et GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2) condamner solidairement les sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, INFOCOM EDITION et GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

– indemnité de licenciement : 1.813 euros

– indemnité compensatrice de préavis : 8.703 euros

– congés payés y afférents : 870 euros

– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8.703 euros

– rappel de salaires (commissions) : 2.600 euros

– congés payés y afférents : 260 euros

– article 700 du code de procédure civile : 2.500 euros

3) ordonner à chacune des sociétés la remise d’une attestation pôle emploi mentionnant comme motif de rupture un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sous astreinte, pour chaque société, de 100 euros par jour de retard à compter du 15 ème jour suivant le jugement à intervenir.

4) confirmer le jugement pour le surplus.

5) condamner les sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, INFOCOM EDITION et GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la demande de nullité de la clause de ‘bonne fin’et la demande en paiement de commissions

La SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION soulèvent, à titre principal, la prescription biennale de la demande sur le fondement de l’article L.1471-1 du code du travail en ce que Mme [H] a été engagée en qualité de VRP par contrats de travail du 2 novembre 2015 par la société INFOCOM EDITION , du 9 novembre 2015 par la société GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et du 4 janvier 2016 par la société GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION et disposait donc d’un délai de deux à compter des conclusions des contrats de travail pour saisir le conseil de prud’hommes et pour contester la régularité de la clause de bonne fin, lequel n’a été saisi que tardivement, le 10 septembre 2018.

Mme [H] ne conclut pas sur ce moyen.

* * *

La détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande.

En l’espèce, Mme [H] invoque la nullité d’une clause de son contrat de travail aux fins de solliciter le paiement de commissions. Ainsi, en raison de la nature de la créance objet de la demande, l’action en paiement de salaire est soumise à la prescription triennale prévue à l’article L.3245-1 du code du travail.

Ayant saisi le conseil de prud’hommes le 19 juin 2018, l’action en paiement n’est pas prescrite s’agissant de créances nées postérieurement au mois de juin 2015.

* * *

Mme [H] fait valoir que ses contrats de travail contiennent tous une clause de bonne fin (article 12) qui subordonne le paiement de la commission due sur une vente au paiement par le client de sa commande dans un délai de soixante jours. A défaut de paiement sous ce délai, elle se trouvait privée de sa commission de manière systématique. Mme [H] soutient que le caractère automatique et systématique du non-paiement de la commission en cas de paiement tardif par le client rend nulle la clause de bonne fin contenue dans les contrats de travail car cela revient à la rendre garante du paiement des commandes passées par les clients, ce qui est incompatible avec sa qualité de salariée.

La SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION concluent que Mme [H] ne démontre pas que ses employeurs ont fait application de cette clause de façon systématique ; qu’il ne saurait leur être reproché de réduire le montant de la rémunération de Mme [H] du fait de prétendus retards car la clause est claire et explicite puisqu’il s’agit de mettre en place une clause de bonne fin liée exclusivement à des « impayés » ; que cette clause est mise en place de bonne foi et ne soumet pas Mme [H] à un aléa financier qui pourrait l’assujettir à une insécurité juridique quant à l’évolution de sa rémunération. Elles concluent enfin que Mme [H] se limite à revendiquer l’allocation d’un rappel de salaire et des congés payés afférents et ne produit aucune pièce probante au soutien d’une demande financière pourtant particulièrement élevée.

* * *

Le droit à commission d’un représentant de commerce lui est acquis dès la passation de la commande, même si celle-ci n’est pas exécutée. Toutefois, par dérogation, les parties peuvent mettre en ‘uvre des clauses dites « de bonne fin », subordonnant le droit à commission à l’exécution de la commande et à l’encaissement du prix mais à la condition que ce soit sans faute de l’employeur et sans que le salarié soit privé des commissions qui lui étaient dues sur les contrats effectivement réalisés.

Il ressort de la clause insérée dans les contrats de travail (article 12) que :

‘ a) impayés avant parution de la publication : Les effets ou chèques d’annonceurs retournés impayés ou prorogés seront décommissionnés au Représentant. Cependant, avant que cette soustraction des sommes dues n’intervienne de façon définitive, un délai de 30 jours lui est imparti soit pour qu’il détermine l’annonceur à honorer ses créances, soit pour qu’il remplace cet annonceur défaillant par un autre, et ce, dans le même délai de 30 jours.

b) Recouvrement des factures clients payables après parution de la publication. A compter de la date d’émission de la facture dont un relevé lui sera remis, le Représentant dispose d’un délai de 60 jours pour obtenir, de son client, le règlement correspondant.

Si au terme de ce délai de 60 jours, cette facture demeure impayée, (l’employeur) met en oeuvre une procédure de recouvrement et le Représentant ne peut plus prétendre au versement du solde de sa commission sur ce contrat. De plus l’avance sur commissions de 10% qui lui aurait été consentie est déduite de ses commissions du mois en cours, ou s’il n’exerce plus d’activité pour (l’employeur), sur le solde des commissions qui lui resteraient dues’.

Il en résulte que, concernant notamment le recouvrement des factures clients payables après parution de la publication, qu’en application de la clause contractuelle de bonne fin litigieuse, le “décomissionnement” du VRP était automatique passé un délai de soixante jours, quel que soit le motif du défaut de paiement du client concerné sans qu’il ne puisse prétendre à “recommissionnement” même dans l’éventualité du règlement par le client et alors même que l’impayé faisait l’objet d’une procédure de recouvrement de la part de l’employeur.

Il en résulte que, du fait de cette clause, Mme [H] se trouvait être privée de sa rémunération. Ladite clause est donc nulle.

Au visa de l’article 1353 du code civil, il incombe à l’employeur d’établir qu’il a effectivement payé au salarié les commissions qu’il lui doit et que, lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.

Or, en l’espèce, les sociétés appelantes ne produisent aucune pièce pour justifier du paiement de l’intégralité des commissions au regard de la nullité de la clause de ‘bonne fin’.

Il convient donc d’accueillir la demande de Mme [H] et de condamner la SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION à lui payer la somme de 2.600 euros, outre la somme de 260 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

II. Sur la demande de requalification de la relation de travail en contrat de VRP exclusif

Mme [H] soutient que ses trois « employeurs » n’en formaient en réalité qu’un seul et qu’en conséquence elle a été victime d’une fraude au statut de VRP multicartes, étant en réalité VRP exclusive, en ce que ces trois sociétés ont la même activité, des objectifs communs et une communauté de moyens et de direction. Ainsi, elles ont le même dirigeant, les salariés sont gérés par le même service de ressources humaines, elles ont diffusé un classement commun des meilleurs commerciaux de l’année 2009, ont délivré à leur salariés des documents commerciaux communs, ont publié en commun leurs résultats cumulés, ont défini et diffusé leurs objectifs communs, ont publié une revue interne commune au groupe PVG MEDIAS. Mme [H] fait encore valoir que ses contrats de travail sont rédigés en des termes strictement identiques, tant sur le fond que sur la forme (mêmes clauses, même typographie, même mise en page), seuls le nom de l’employeur, le secteur de prospection et la date d’embauche diffèrent et qu’elle commercialise le même type de produit (espaces publicitaires sur les supports édités par la société MPC) dans le même secteur. Mme [H] soutient également qu’elle travaille exclusivement pour les sociétés MPC, GEMF et INFOCOM et ses agendas démontrent qu’elle devait consacrer la totalité de son activité professionnelle à ces sociétés sans pouvoir travailler pour un autre employeur.

Les sociétés appelantes font valoir que :

– Mme [H] invoque des décisions de justice qui ont été rendues en 2010 alors que la situation juridique et organisationnelle des sociétés a changé et Mme [H] ne prouve pas que les faits et la situation qui ont conduit à ces décisions se sont répétés et sont identiques à la période d’emploi qui la concerne, soit de novembre 2015 à septembre 2018.

– Mme [H] ne prouve pas que ses employeurs avaient cumulativement une activité identique, des objectifs communs, une communauté de moyens, une communauté de direction et des contraintes imposant un emploi exclusif au profit des employeurs incriminés.

– les sociétés MEDIA PLUS COMMUNICATION et MEDIA DIFFUSION CONSEIL ont eu la nécessité de rapprocher leurs activités afin de rationaliser leurs coûts et donc de développer une stratégie défensive en créant une universalité du patrimoine par une fusion. Au contraire, dans le même temps, les sociétés INFOCOM FRANCE et INFOCOM EDITION ont décidé de mettre en place une stratégie offensive pour développer une activité spécifique dans la publicité.

– chaque société a une activité spécifique. Si toutes les sociétés proposent aux collectivités locales des agendas, il s’agit d’un produit d’appel et de communication classique sollicité par l’intégralité des communes. Cependant, les agendas proposés sont différents esthétiquement et qualitativement en fonction de l’importance des commune, la société GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE ne ciblant que les communes de plus de 2.000 habitants, contrairement aux autres sociétés et propose des agendas de poche et de bureau plus « qualitatifs » que ceux proposés par les autres sociétés aux plus petites communes. La société GEMF propose également des bulletins municipaux, des guides touristiques ou pratiques, des plans, des affiches, des dépliants et du mobilier urbain. La société GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION propose seule des plans guides, des panneaux interactifs, des panneaux plan de ville. La société INFOCOM EDITION est la seule à faire des panneaux d’information (format uniquement vertical – espace libre pour afficher les informations de la ville, entouré de publicités) et à éditer des calendriers. La société INFOCOM France propose de la location longue durée de véhicules aux collectivités avec affichage publicitaire, véhicule utilitaires et minibus pour le transport de personnes média city bus et média city .

– chaque société a sa stratégie de développement et ses moyens propres (chacune dispose de ses propres stands lors des salons et dispose d’un service de publication dit PAO).

– chaque société dispose de son propre découpage des secteurs géographiques de ses VRP, de son propre siège social , de ses propres délégués régionaux chargés des relations publiques justifiant de l’absence de communauté de direction.

– les contrats de travail conclus avec les sociétés appelantes ont laissé à Mme [H] une liberté de travailler pour toutes autres entreprises, sauf concurrentes, et les rapports d’activité hebdomadaires de Mme [H] mettent en évidence qu’elle n’était pas assujettie à un statut de VRP exclusif (au titre de l’année 2018, la salariée a enregistré environ moins de dix rendez-vous par semaine et deux journées prises sur six, entre lundi et samedi et était donc régulièrement disponible au moins cinq jours dans la semaine) et pouvait donc parfaitement avoir une autre activité professionnelle si elle le souhaitait.

– Mme [H] ne peut se prévaloir de sa propre turpitude en ce qu’elle a conclu les contrats de travail de VRP multicartes postérieurement à la jurisprudence de la cour de cassation sur laquelle elle se fonde qu’elle ne pouvait ignorer au moment de la conclusion des contrats.

– Mme [H] ne peut se prévaloir d’une unité d’entités alors qu’un « groupe » n’a pas de personnalité juridique et donc de personnalité morale et qu’elle a signé trois contrats de travail avec trois sociétés différentes ayant une personnalité juridique propre.

* * *

Il ne ressort d’aucun élément du dossier que Mme [H] a délibérément signé les contrats de travail litigieux en ayant connaissance de ce qu’ils étaient privatifs de ses droits.

Les pièces produites font apparaître que chacune des embauches a été formalisée par des contrats identiques, tant dans leur présentation que sur le fond. Il convient de relever l’identité des clauses énumérées, du secteur géographique d’activité de la salariée (62, 59, 80 et 76) ainsi que des objectifs quantitatifs mensuels conditionnant le paiement des commissions

Les trois sociétés appelantes sont dirigées par la SAS PVG MEDIA et partage la même direction des ressources humaines et la même direction commerciale, ce qui ressort :

– d’une note interne (pièce A) relative aux congés payés qui a été adressée à l’ensemble des responsables de vente des sociétés sans distinction, à laquelle sont joints des modèles identiques de demandes d’autorisation d’absence ou de congés et un calendrier duquel il ressort que les sociétés adoptent la même période de fermeture annuelle.

– des classements annuels des meilleurs commerciaux qui sont communs au moins à deux d’entre elles (pièces F).

– des objectifs fixés qui sont formalisés de manière identique, le même jour, suivant avenant signé par le directeur commercial commun aux trois sociétés (pièce H).

– des documents contractuels entre les sociétés GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION et les collectivités locales (prescripteurs) qui sont similaires voire identiques (pièces X,Y et W).

– de la publication d’une revue interne au groupe PVG MEDIA comportant les logos des trois sociétés (pièces B et J).

– des adresses électroniques à destination des annonceurs et des mairies qui sont regroupées sur le même imprimé (pièce S).

– du calendrier de procédure et des motifs de licenciement strictement identiques adoptés par chacune des sociétés à l’occasion du licenciement d’un salarié lié par contrat de travail avec chacune des trois sociétés (pièces C et D).

Par ailleurs, les sociétés obéissent au même principe de fonctionnement qui consiste à éditer ou réaliser, dans le cadre d’une convention passée avec une collectivité locale, différents supports de communication appartenant à la même famille dont le financement est exclusivement assuré par des insertions publicitaires que des commerciaux ou VRP, à l’instar de Mme [H], sont chargés d’obtenir auprès des artisans, commerçants, professions libérales et industriels du territoire concerné.

La salariée verse aux débats des produits pour lesquels elle prospectait (agendas aux couleurs de diverses communes) en tous points semblables commercialisés indifféremment par les trois sociétés quelle que soit la taille de la commune.

L’ensemble de ces éléments caractérise une activité identique, ce que n’ont pas modifié les différentes opérations de fusion-absorption et d’apport partiel d’actifs invoquées par les intimées, des objectifs communs, une communauté de moyens et de direction entre les trois sociétés qui permettent de retenir que, certes juridiquement distinctes, elles ne constituaient en réalité, à l’égard de Mme [H], qu’un seul et même employeur, cette analyse n’étant pas utilement contredite.

Par ailleurs, à l’examen des différents rendez-vous et activités notés sur l’extrait d’agenda fourni par la salariée (pièce 6), il apparaît que son activité, qui ne se quantifie pas uniquement à l’aune des résultats, l’occupait à temps plein, contrairement à ce qui est soutenu par les appelantes, et ne lui permettait pas de travailler pour d’autres employeurs, ce qui est corroboré par le niveau des objectifs qui lui étaient assignés en termes de chiffre d’affaires mensuel, par le fait qu’elle devait rendre compte chaque semaine de son activité, par ses bulletins de paie et par le relevé de situation déclarative à l’impôt sur le revenu dont il ressort que ses revenus provenaient exclusivement de son activité salariée au profit des sociétés GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE, INFOCOM EDITION.

Il apparaît dès lors, nonobstant l’absence de clause contractuelle d’exclusivité et l’intitulé des contrats de travail, que l’activité de Mme [H] était dédiée exclusivement à ces trois sociétés dont il a été dit qu’elles constituaient à son égard un seul et même employeur.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en un contrat de VRP exclusif.

Il en résulte que les sommes dues à Mme [H] donneront lieu à condamnation solidaire des sociétés appelantes et notamment la condamnation déjà prononcée au titre du rappel de commissions.

III. Sur la demande au titre de garantie de ressource minimale forfaitaire prévue par l’article 5-1 de l’accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975

En conséquence de la requalification la relation contractuelle en un contrat de VRP exclusif, Mme [H] est bien fondée à se prévaloir de la garantie de ressource minimale forfaitaire prévue par l’article 5-1 de l’accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975.

L’article 5-1 de l’accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 prévoit que la ressource minimale forfaitaire trimestrielle due au VRP exclusif par l’employeur ne peut être inférieure, déduction faite des frais professionnels, à 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à chaque paiement. Le texte précise que la ressource minimale forfaitaire trimestrielle est réduite à due concurrence lorsque le contrat de travail débute ou prend fin au cours d’un trimestre ou en cas de suspension temporaire d’activité du représentant au cours de ce trimestre.

Si Madame [H] a, dans un premier temps, perçu une rémunération supérieure au minimum prévu par l’accord national interprofessionnel, sa rémunération de VRP a diminué en 2017 et est passée en dessous de ce minimum, pendant deux trimestres civils (3.457 euros au deuxième trimestre 2017 et 2.868 euros au troisième trimestre 2017). A ces sommes perçues, il convient de rajouter les commissions que Mme [H] aurait dû percevoir, en raison de la nullité de la clause de bonne fin contenue dans son contrat de travail soit pour la période considérée, 350 euros.

Madame [H] aurait dû percevoir une indemnité minimale trimestrielle de 520 fois le SMIC, après abattement pour frais professionnels (30%), soit (520 x 9.63)/0.7 = 7.153 euros brut par trimestre. Mme [H] est en droit de solliciter un rappel égal à la différence entre l’indemnité minimale statutaire et les salaires perçus pour les trois trimestres décrits ci-dessus (soit 7153-3457+7153-2868), soit 7.981 euros, outre la somme de 798 euros au titre des congés payés y afférents. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

IV. Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur

– Sur la demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande de Mme [H] au titre de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Les sociétés appelantes font valoir que Mme [H], qui a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de ses employeurs et qui a, par conclusions du 10 septembre 2018, pris acte de sa rupture du contrat de travail, a modifié ses demandes. Mme [H] formule une demande nouvelle sans lien suffisant avec les demandes originaires en ce qu’elle a changé radicalement l’objet même de la saisine du conseil de prud’hommes, la résiliation judiciaire du contrat de travail et la prise d’acte de la rupture étant deux modes de rupture différents.

Invoquant l’article 70 du code de procédure civile qui autorise les demandes additionnelles si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, Mme [H] conclut à la recevabilité de la demande nouvelle présentée en cours d’instance au titre de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail qui s’inscrit dans la suite de la demande de résiliation judiciaire car elle ne pouvait laisser perdurer une relation de travail dégradée et l’inexécution, par son employeur, de ses obligations. Elle soutient que sa demande de résiliation judiciaire et sa prise d’acte tendent aux mêmes fin (faire acter une rupture du contrat aux torts de l’employeur), sont fondées sur les mêmes griefs et induisent les mêmes demandes indemnitaires et salariales. Les demandes découlant de la prise d’acte présentent donc un lien suffisant avec les demandes initiales liées à la demande de résiliation judiciaire.

* * *

Selon l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce, la prise d’acte s’inscrit dans les suites de la demande de résiliation judiciaire et tend aux mêmes fins qui est la reconnaissance d’une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur emportant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En outre, Mme [H] invoque les mêmes griefs et sollicite les mêmes prétentions indemnitaires et salariales. Enfin, il est de principe que lorsque, comme tel est le cas en la cause, la salarié après avoir saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat prend acte en cours d’instance de la rupture de ce contrat, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail rend la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail sans objet et il appartient à la juridiction, pour apprécier la réalité et la gravité des manquements imputés à l’employeur, de prendre en compte non seulement les faits spécifiquement avancés au soutien de la prise d’acte mais aussi ceux invoqués à l’appui de la demande initiale de résiliation judiciaire, ce qui met en évidence le lien entre les prétentions afférentes à la résiliation judiciaire et celles relatives à la prise d’acte. Il en résulte que ces dernières doivent être déclarées recevables conformément à l’article 70 du code de procédure civile.

– sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Mme [H] invoque d’une part le fait pour l’employeur d’avoir artificiellement réparti ses activités entre trois sociétés distinctes de manière à éviter l’application de l’article 5 de l’accord national interprofessionnel qui garantissait à la salariée un minimum conventionnel et d’autre part, le non paiement de ses commissions du fait d’une clause de bonne fin nulle.

La SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION concluent que les conditions pour qualifier de licenciement cause réelle et sérieuse la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [H] ne sont pas remplies, les sociétés appelantes n’ayant commis aucun manquement rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle et chaque prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [H] devra être qualifiée de démission.

* * *

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue qui ne résultent pas uniquement de l’écrit par lequel il prend acte de la rupture et qui doivent constituer des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Par ailleurs, en cas d’action en résiliation judiciaire du salarié suivie d’une rupture à son initiative, il appartient au juge de se prononcer sur la seule prise d’acte en se fondant sur les manquements de l’employeur invoqués par le salarié tant à l’appui de la demande de résiliation devenue sans objet qu’à l’appui de la prise d’acte.

En l’espèce, il est établi que Mme [H] était liée par un contrat de travail VRP exclusif et qu’ainsi les trois sociétés appelantes ont artificiellement réparti leurs activités entre elles de manière à éviter l’application de l’article 5 de l’accord national interprofessionnel qui garantissait à la salariée un minimum conventionnel.

Par ailleurs, du fait de la nullité de la clause de bonne fin, Mme [H] a été privée d’une partie de ses commissions.

Ces manquements, qui touchent à la qualification même des relations contractuelle liant les parties, au paiement de la rémunérations de la salariée et qui ont perduré pendant toute la durée d’exécution du contrat de travail, constituent assurément des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Alors que Mme [H] fait valoir qu’au titre de ses fonctions de VRP exclusif elle aurait dû percevoir une rémunération de 2.446 euros par mois et que la moyenne de ses salaires devrait être fixée à la somme de 2.901 euros bruts mensuels, selon la moyenne des six derniers mois précédant son arrêt maladie, les sociétés appelantes soutiennent que la rémunération globale mensuelle brute au sein de ses trois employeurs de Mme [H] est de 2.810,08 euros (1.562,66€ + 733,07+ 514,35€).

Mme [H] ayant été en arrêt de travail à compter du mois de juin 2018, il ressort des bulletins de salaire produits au débat que, pour chaque société, la moyenne retenue la plus favorable à la salariée (trois ou douze mois) permet de fixer le salaire de référence à la somme de 2.810,08 euros par mois, sachant que Mme [H] reconnaît qu’elle aurait dû percevoir une rémunération mensuelle de 2.446 euros.

Ainsi, il convient d’allouer à Mme [H] la somme de 1.756,30 euros au titre de l’indemnité de licenciement, la somme de 5.620,16 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 562,01 euros au titre des congés payés y afférents (selon l’article L. 7313-9 du code du travail auquel renvoi la convention collective des VRP, Mme [H] ayant moins de trois ans de présence dans l’entreprise).

En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (35 ans), de son ancienneté (deux ans révolus), de sa qualification, de sa rémunération (2.810,08 euros), des circonstances de la rupture mais également de l’absence de justification de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, il convient d’accorder à Mme [H] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 8.500 euros.

La remise d’une attestation pôle emploi, par chacune des sociétés appelantes, conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de sociétés appelantes n’étant versé au débat.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner solidairement la SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION à payer à Mme [H] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés en cause d’appel.

Les dépens d’appel seront à la charge de la SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, de la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et de la SAS INFOCOM EDITION, parties succombantes par application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant rejeté la demande en paiement d’un rappel de commissions et des congés payés afférents, ayant dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission, ayant rejeté les demandes en paiement d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ayant rejeté la demande de remise d’une attestation pôle emploi rectifiée,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 10 septembre 2018 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne solidairement la SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION à payer à Mme [M] [H] les sommes de :

– 2.600 euros à titre de rappel de commissions,

– 260 euros à titre de congés payés y afférents,

– 1.756,30 euros à titre de l’indemnité de licenciement,

– 5.620,16 euros à titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 562,01 euros à titre des congés payés y afférents,

– 8.500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne la remise par la SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION à Mme [M] [H] d’attestations pôle emploi conformes à la teneur du présent arrêt,

Y ajoutant,

Condamne solidairement la SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION à payer à Mme [M] [H] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne solidairement la SAS GROUPE MEDIA PLUS COMMUNICATION, la SAS GROUPE DES EDITIONS MUNICIPALES DE FRANCE et la SAS INFOCOM EDITION aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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