Your cart is currently empty!
Madame [N] établit ainsi la dégradation de ses conditions de travail à compter de son retour de congé de maternité caractérisée par un changement de bureau sans aucun avertissement à la ‘surprise générale’ des autres salariés, Monsieur [K] s’étant demandé en pièce n° 44 ‘qui avait participé à ce réaménagement’, une rétrogradation de ses fonctions, la salariée figurant dans l’organigramme dans ses anciennes fonctions d’assistante de direction et étant qualifiée d’assistante par la Direction, une suppression des tâches principales de son emploi de Responsable administrative des ventes avec le transfert de la facturation des contrats sur d’autres salariés, un mal-être constaté par Monsieur [K], des pressions exercées par la Direction afin de provoquer son départ dans le cadre d’une rupture conventionnelle du contrat de travail.
—————-
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 10 MARS 2023
N° 2023/088
Rôle N° RG 19/07756 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEIGK
[G] [S] ÉPOUSE [N]
C/
S.A.S. ALSEAMAR
Copie exécutoire délivrée
le : 10 mars 2023
à :
Me Elodie SANTELLI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 101)
Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE – section AD – en date du 18 Mars 2019, enregistré au répertoire général sous le n° 17/00696.
APPELANTE
Madame [G] [S] ÉPOUSE [N], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Elodie SANTELLI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
S.A.S. ALSEAMAR Prise en la personne de son représentant légal en exercice., demeurant [Adresse 2] / FRANCE
représentée par Me Laetitia LUNARDELLI de la SARL CABINET IMBERT REBOUL, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Estelle VALENTI, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 18 Janvier 2023 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
Madame [G] [N] a été embauchée par la société ATOB le 17 février 2014.
En raison d’une opération de fusion absorption entre les sociétés BTMI, Atob et Acsa, le contrat de travail de Madame [N] a été transféré au sein de la société absorbante , la société BMTI nouvellement dénommée Alseamar qui applique à son personnel la convention collective de la métallurgie.
Un contrat de travail à durée indéterminée du 15 décembre 2014 a régularisé ce transfert.
Du 17 février 2014 au 14 février 2015, Madame [N] a occupé un poste d’assistante de direction, employé, coefficient 76 position I.
A compter du 15 février 2015, elle a occupé le poste de responsable administrative des ventes.
A compter du 25 juillet 2016, Madame [N] a été en congé pathologique de grossesse, son congé de maternité ayant pris effet au 8 août 2016.
Elle a repris son poste le 2 janvier 2017.
Le 8 juin 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juin 2017, la SAS Alseamar l’a licenciée pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants:
« Je suis contraint de vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle, pour les motifs exposés lors de cet entretien préalable et rappelés ci-après.
Intégrée au service Administration des ventes, vous avez pour missions principales de gérer, sous la responsabilité du directoire et au service des commerciaux, les aspects administratifs et financiers des contrats commerciaux depuis leur signature et jusqu’à l’extinction de leurs obligations contractuelles.
Je vous rappelle que ce poste est particulièrement important pour le développement commercial que la société veut conduire, notamment à l’international, puisqu’il a vocation à apporter le soutien sédentaire nécessaire permettant à l’équipe commerciale de se consacrer aux contacts avec les clients et prospects et aux nombreux déplacements qu’ils doivent réaliser à l’étranger notamment. Cependant, eu égard à l’importance et la fréquence des insuffisances relevées, je suis au regret de constater que vous n’accomplissez pas correctement vos missions professionnelles, faisant preuve d’un manque certain d’investissement, de motivation, et de sérieux à plusieurs égards.
En matière, par exemple, de gestion des demandes de licence d’exportation :
Par exemple, au mois de mars 2017, la gestion d’un dossier de demande d’exportation du SEASURVEYOR dit « Bien à double usage » vous a été confiée, sous tutelle de la direction de l’entreprise.
Il vous appartenait dans ce dossier de contacter la Chargée de Demande Hors Licences de la Direction générale des Entreprises SBDU et de déposer le dossier de demande d’exportation sous l’interface EGIDE.
Cependant, alors que la direction avait préparé avec vous le document, lorsque vous avez procédé à la déclaration en ligne, vous vous êtes trompée de pays puisque vous avez indiqué l’Arabie Saoudite au lieu des Emirats Arabes Unis.
Votre négligence ainsi caractérisée a eu pour conséquence de retarder la procédure d’obtention de l’autorisation et donc la signature du contrat commercial.
Outre le fait qu’une telle situation peut mettre la société dans une position difficile vis-à-vis de ses clients, je vous rappelle qu’il s’agissait en l’espèce d’un contrat très important du point de vue de la stratégie commerciale. En effet, il s’agit du premier contrat conclu avec les Emirats Arabes après plusieurs mois de travail. Il nous appartient donc de redoubler de rigueur et d’efficacité car il pourrait permettre à la société ALSEAMAR d’infiltrer ce marché.
En outre, et à la même période, vous aviez en charge un dossier hors licence pour l’exportation du produit SEAEXPLORER avec sa charge utile acoustique. Ce dossier, préparé avec soins par le chef de produit SEAEXPLORER, a été déposé par vous-même le 30 mars 2017.
Or, force est de constater que vous avez totalement négligé, voire omis, ce dossier puisque vous ne vous en êtes ensuite plus inquiétée. En effet, vous n’avez pas répondu aux questions posées par la commission interministérielle le 19 avril 2017 de telle sorte que, à ce jour, le dossier n’est toujours pas finalisé alors qu’il aurait dû l’être depuis fin avril 2017.
In fine, ce dossier a dû être repris directement par la direction de l’entreprise. Cet exemple illustre une fois de plus votre manque manifeste de conscience professionnelle et votre état d’esprit prompt à ne pas terminer le travail qui vous est confié, assurée qu’il sera, en tout état de cause, repris par les collaborateurs de l’entreprise las de pallier à vos insuffisances professionnelles et à votre négligence.
Votre manque de sérieux dans l’accomplissement des tâches vous étant confiées concernant le SEAEXPLORER a entrainé de longues discussions dans plusieurs pays pour vendre ce produit dans le secteur de la défense.
Nous vous rappelons à toutes fins utiles qu’il n’est pas possible de procéder à l’exportation des biens que nous produisons avant l’obtention de la licence et que la moindre négligence ou erreur dans l’accomplissement des formalités et diligences inhérentes à une demande de licence peut ainsi être lourde de conséquences.
Egalement, s’agissant de l’organisation d’actions de communication et de publicité :
Ainsi, au mois de février 2017, il vous a été demandé d’assurer le suivi de l’application d’une feuille de route trimestrielle de communication externe. Une note interne précisait les actions de communications prévues par ALSEAMAR et réalisées en partenariat avec la société PF.ASTOR (articles et communiqués à rédiger sur des thématiques prédéfinies, actions de communications lors de salons, modalités d’actions sur LinkedIn et Twitter).
Il vous appartenait ainsi de suivre l’avancée des travaux, de faire des points réguliers avec la société PF.ASTOR pour leur communiquer les éléments et contacts dont elle avait besoin, et de rendre compte de l’avancement à la direction. Il vous avait été aussi demandé de recenser les principaux médias dont Alseamar suit déjà l’actualité en interrogeant les ingénieurs ou les commerciaux, afin d’orienter nos articles vers les bons médias.
Cependant, force a été de constater que vous n’avez pas effectué le suivi escompté, ni le travail demandé de recensement des revues et de publication des communiqués des salons ; obligeant une nouvelle fois la direction à se substituer à vous dans l’accomplissement des missions professionnelles vous ayant été confiées.
De même, fin mars 2017, vous deviez vous occuper de la publication d’un encart publicitaire et des présentations de produits sur SHEPARD afin d’assurer le référencement de nos produits dans leur handbook.
Face à votre manque de réactivité et d’investissement sur ce sujet, le dossier a finalement dû être géré et pris en charge directement par un commercial de l’entreprise, Monsieur [X] [R] alors que celui-ci était déjà occupé sur un salon.
En conséquence, vous mettez à mal le plan d’action coordonné marketing/commercial dont vous connaissez pourtant l’importance majeure pour la société. En effet, les enjeux sont rappelés à chacune des réunions commerciales auxquelles vous participez.
A ce sujet, je vous rappelle que vous avez en charge la préparation des réunions commerciales internes organisées trimestriellement ainsi que l’élaboration des comptes rendus de ces réunions.
Le peu d’intérêt que vous manifestez en réunion commerciale sur les différents sujets abordés est manifeste et votre manque d’investissement se fait également sentir dans ce domaine, soit que les comptes rendus que vous réalisez manquent manifestement de précision, soit que vous ne prenez pas d’initiative pour soutenir l’équipe commerciale
Ainsi, si la dernière réunion commerciale a eu lieu le 30 mars dernier, force est de constater que, à ce jour, vous n’avez établi aucun compte rendu.
Déjà, courant l’année 2016, nous avons été contraints de faire le constat des difficultés que vous rencontriez à réaliser les diverses tâches vous incombant normalement.
En effet, les commerciaux de l’entreprise avaient fait état de vos insuffisances dans la réalisation de vos missions professionnelles ainsi que de votre manque d’autonomie, d’esprit d’initiative et d’intérêt pour votre travail et pour l’activité de l’entreprise.
Par exemple, au mois de juin 2016, vous avez mis plusieurs jours à créer et enregistrer à la demande de Monsieur [L] une offre sur SYLOB pour le Dr [H] [B] au motif que vous ne disposiez pas de l’adresse de ce client potentiel.
De même, vous avez adressé le 10 juin 2016 une version incomplète d’un document demandé par Monsieur [L], commercial de l’entreprise. Il s’agissait en l’occurrence d’un courrier à adresser au Chili pour répondre à un appel d’offres péruvien. Celui-ci vous a immédiatement indiqué que le document que vous aviez adressé était incomplet et vous a demandé de bien vouloir lui renvoyer. Contre toute attente et au motif que vous n’étiez plus au bureau, vous avez suggéré à ce collaborateur de me contacter pour que j’accomplisse directement et moi-même vos propres tâches administratives.
Il me semble que si vous aviez vérifié le document que vous adressiez à ce collaborateur, vous auriez remarqué de vous-même qu’il était incomplet et ainsi évité à ce dernier d’être en difficulté.
Une fois de plus, il nous a fallu pallier à votre manque de professionnalisme par nos propres moyens.
J’attire votre attention sur le fait que ce manque de sérieux dans l’exécution de vos missions professionnelles aurait pu être lourd de conséquences puisqu’il s’agissait de répondre à un appel d’offre public étranger enserré dans des délais stricts et pour lequel, qui plus est, des frais commerciaux non négligeables avaient été engagés.
Absente en raison de votre maternité pour la période allant de fin juillet 2016 à fin décembre 2016, nous espérions que vous reviendriez dans de meilleures dispositions au mois de janvier 2017, mais en vain au regard des constats opérés depuis votre retour à votre poste de travail et alors même que vous ne pouvez prétendre être débordée par le travail demandé.
Votre insuffisance professionnelle ainsi caractérisée ne peut être admise dans l’entreprise d’autant plus que les erreurs et négligences que vous commettez peuvent être lourdes de conséquences.
De plus, il est anormal que vos collègues de travail vérifient et corrigent systématiquement votre travail ou encore choisissent, dans un souci de rapidité et d’efficacité, de prendre directement en charge des missions vous incombant normalement au motif que vous n’accomplissez pas correctement celles-ci.
Par exemple, au mois de mars dernier, Monsieur [R], commercial au sein de la société, a dû s’occuper d’adresser par mail à un acheteur (DCNS) un accusé réception de commande. En effet, vous l’aviez adressé dans un format ne permettant pas son envoi par mail.
Certains collaborateurs ne souhaitent plus travailler avec vous, Monsieur [L] avouant même ne plus vous faire confiance et préfère prendre directement en charge les tâches administratives vous incombant normalement tels les dossiers administratifs des appels d’offre, ou l’organisation de ses déplacements à l’étranger.
Ainsi, le dimanche 21 mai dernier, Monsieur [L] a, ne parvenant pas à réserver ses billets d’avion pour le Japon, contacté Monsieur [I] afin de solliciter son aide. Il est manifeste que si vous aviez assumé correctement vos missions professionnelles, Monsieur [L] ne se serait pas retrouvé en pareille situation.
Il est manifeste que les réponses que vous apportez aux demandes formulées par les collaborateurs amenés à vous solliciter témoignent d’un manque persistant d’investissement et de sérieux dans vos missions professionnelles puisque vous n’hésitez pas à déléguer vos tâches aux autres collaborateurs.
Ainsi, le 17 mai dernier, alors que Monsieur [T] sollicitait votre aide concernant le prix et les délais de livraison d’une caisse de transport d’une maquette pour les besoins de ses prochains déplacements, vous vous êtes contentée de lui indiquer le nom des personnes à contacter pour obtenir des informations alors que, devant intervenir comme soutien sédentaire des commerciaux, il vous appartenait de prendre en charge le besoin ainsi manifesté par Monsieur [T].
Ce n’est pas la première fois que nous déplorons une telle attitude. Déjà, au mois de juin 2016, vous n’aviez pas hésité à demander à un collègue de travail, Monsieur [Y] de s’occuper de la préparation des documents d’expédition nécessaires à l’envoi du Detector à la société SHOHAM LTD.
Lors de l’entretien préalable, vous avez totalement nié l’insuffisance professionnelle reprochée et les observations que vous avez formulées ne sont pas de nature à modifier mon appréciation de la situation. En conséquence, je vous notifie par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle.(…)’
Contestant la légitimité de son licenciement et sollicitant la condamnation de la SAS Alseamar au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire notamment pour harcèlement moral et discrimination en raison d’un état de grossesse, exécution déloyale du contrat de travail et licenciement nul, Madame [N] a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix en Provence le 22 septembre 2017 lequel, par jugement du 18 mars 2019, a :
– dit que Madame [N] n’a subi aucun harcèlement moral,
– dit que Madame [N] n’a subi aucune discrimination du fait de sa grossesse et de son congé de maternité,
– dit que l’employeur a loyalement exécuté le contrat de travail,
– dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle dont a fait l’objet Madame [N] est parfaitement fondé et repose sur des faits avérés et prouvés,
– débouté Madame [G] [N] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société SAS Alseamar de sa demande reconventionnelle de paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Madame [N] aux entiers dépens.
Madame [N] a relevé appel de ce jugement le 10 mai 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.
* * * Aux termes de ses conclusions n°5 d’appelante notifiées par voie électronique le 11 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Madame [N] a demandé à la cour de:
Infirmer le jugement rendu par le conseil de pud’hommes d’Aix en Provence.
Statuant à nouveau :
A titre principal:
– constater le harcèlement moral subi par Madame [N],
– constater la discrimination subie par Madame [N] du fait de sa grossesse et de son congé de maternité,
Par conséquent,
– condamner la SAS Alseamar à verser à Madame [N] la somme de 120.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et discrimination en raison de son état de santé,
A titre subsidiaire :
– constater le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Par conséquent:
– condamner la SAS Alseamar à verser à Madame [N] la somme de 120.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause:
– constater la mauvaise exécution du contrat de travail par l’employeur,
– condamner la SAS Alseamar à verser à Madame [N] la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– débouter la SAS Alseamar de toutes ses demandes ‘de premières instances et à venir’,
– condamner la SAS Alseamar à verser à Madame [N] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,
– condamner la SAS Alseamar à verser à Madame [N] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel,
– condamner la SAS Alseamar à rembourser à Pôle Emploi tout ou partie des allocations chômage versées à Madame [N] du jour de son licenciement au jour du jugement,
– condamner la SAS Alseamar aux entiers dépens.
Madame [N] fait valoir en substance avoir subi une situation de harcèlement moral et de discrimination en lien avec son congé de maternité à compter du mois de janvier 2017 alors qu’engagée comme assistante de direction, elle a donné toute sa satisfaction et a été récompensée par l’employeur qui a accepté sa demande d’accéder au poste de responsable administration des ventes, qu’ aucune remarque ne lui a été faite sur la qualité de son travail avant son départ en congé de maternite et qu’au retour de celui-ci:
– elle s’est vue priver de son bureau, isolée dans un couloir et placardisée,
– elle a été rétrogradée ne figurant plus dans l’organigrame au poste d’administration des ventes,
– les tâches qu’elle effectuait sont demeurées confiées à Monsieur [E], stagiaire qu’elle avait formé et qui la remplaçait durant son absence alors que d’autres missions d’un niveau inférieur à ses compétences lui ont été confiées avant que l’employeur ne lui fournisse plus aucun travail à compter du mois d’avril 2017,
– elle a subi de fortes pressions de la part l’employeur lequel a multiplié les rencontres à compter du 9 mai 2017 afin de la contraindre à quitter l’entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle qu’elle a refusée de signer,
– elle n’a été reclassée sur aucun autre poste après la réorganisation de l’entreprise à laquelle l’employeur a procédé sans l’en informer.
Elle conteste l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée admettant une erreur commise lors de la demande d’exportation en direction de l’Arabie Saoudite au lieu des Emirats Arabes qui n’a cependant eu aucune conséquence préjudiciable pour l’entreprise ainsi que l’oubli d’avoir adressé un email d’accusé de réception au mois de mars 2017 obligeant Monsieur [R] à le faire, relevant que d’autres tâches ne lui incombaient pas ou dépendaient d’une décision de la Direction tardant à lui être communiquée et souligne qu’elle n’a bénéficié ni d’une formation professionnelle pourtant nécessaire au regard de la complexité et de la multiplicité de ses nouvelles tâches lors de son changement de fonction ni d’un temps suffisant pour s’adapter à celui-ci.
Par conclusions récapitulatives d’intimée n°2 notifiées par voie électronique le 22 juillet 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus,la SAS Alseamar a demandé à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Par conséquent,
– dire et juger que Madame [N] n’a subi aucun harcèlement moral,
– dire et juger que Madame [N] n’a subi aucune discrimination du fait de sa grossesse et de son congé de maternité,
– dire et juger que l’employeur a loyalement exécuté le contrat de travail,
– dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle dont a fait l’objet Madame [N] est parfaitement justifié et repose sur des faits avérés et prouvés,
En conséquence:
– débouter Madame [N] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Madame [N] à payer à la société Alseamar la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Madame [N] aux entiers dépens de l’instance.
La société Alseamar s’oppose à la demande de Madame [N] au titre de la nullité du licenciement contestant le harcèlement moral allégué, les faits invoqués n’ayant jamais existé, la salariée procédant par allégations alors qu’à son retour de congé de maternité elle a repris son poste de travail ainsi que cela résulte de la liste des insuffisances professionnelles qui lui sont reprochées, qu’elle n’a exercé aucune pression sur celle-ci afin qu’elle signe une rupture conventionnelle qu’elle n’a d’ailleurs pas signée, qu’elle ne produit aucun arrêt maladie ni certificat médical démontrant une dégradation de son état de santé.
Elle ajoute que Madame [N] ne démontre aucunement le comportement discriminatoire en raison de l’état de grossesse qu’elle impute à l’employeur.
Par ailleurs, le licenciement pour insuffisance professionnelle de Madame [N] est fondé celle-ci, qui rencontrait des difficultés dès avant son départ en congé de maternité notamment depuis juin 2016, difficultés qui ont perduré à son retour, ayant commis des erreurs, ayant manifesté peu d’esprit d’initiative, s’étant montrée peu autonome, négligente à l’égard de certains dossiers n’ayant pas hésité à se défausser sur ses collègues de travail voire sur la direction, n’effectuant pas les tâches qui lui étaient demandées, les commerciaux préférant effectuer les tâches eux-mêmes plutôt que de perdre du temps à corriger les erreurs de la salariée.
L’instruction a été clôturée le 19 décembre 2022, l’audience de plaidoiries ayant été fixée au 18 janvier 2023.
* * *
SUR CE :
A titre liminaire, la cour constate par application des articles 542 et 562 du code de procédure civile que contrairement aux développement de la société Alseamar relatifs à une demande de Madame [N] de nullité du licenciement prononcée du fait d’une situation de harcèlement moral et de discrimination liée à une situation de grossesse, une telle prétention ne figure pas dans le dispositif des dernières conclusions de l’appelante, la cour n’étant saisie à titre principal que d’une demande de condamnation de la société Alseamar au paiement de dommages intérêts pour harcèlement moral et discrimination en raison de son état de grossesse et seulement à titre subsidiaire d’une demande de requalification du licenciement prononcé en licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne sera donc pas examinée s’il est fait droit à la demande principale.
Sur le harcèlement moral et la discrimination liée à la grossesse et au congé de maternité:
L’employeur , tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral prévus par l’article L.1152-1 du code du travail matérialisés par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
Par ailleurs, en application des dispositions des articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou d’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou renouvellement de contrat en raison, entre autres de son origine ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
En cas de litige, il appartient à celui qui se prévaut d’une discrimination directe ou indirecte de présenter au juge les éléments de fait laissant supposer la situation qu’il dénonce .
Au vu des éléments présentés par le salarié au titre du harcèlement moral comme de la discrimination, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement ou d’une discrimination et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou discrimination.
Il est constant que Madame [N], qui développe les mêmes moyens et produit les mêmes pièces au soutien de ses demandes tendant à voir constater une situation de harcèlement moral et de discrimination liée à sa grossesse, a été engagée à durée indéterminée par la société Alseamar le 15 décembre 2014 en qualité d’assistante de direction et qu’à compter du mois de février 2015 l’employeur lui a confié le poste de Responsable aministrative des ventes, (pièces n°3) lequel, selon la note de service (pièce n°19) ainsi que la fiche de poste produite (pièce n°2) était décrit comme comportant les tâches suivantes:
‘Annexe 1 : organisation
1 – administration des ventes situé de [Localité 3] :
L’administration des ventes pour les activités situées à [Localité 3] est placée sous la respnsabilité de [Z] [C] et suivie par [G] [N]. Elle regroupe les tâches suivantes:
– émission et suivi de facturation
– expédition en lien avec la production,
– sécurisation des règlements,
– suivi des contrats,
– accords confidentialité, licences et de groupements en lien avec la direction,
– accords de licences,
– gestion des contrats,
– tenue à jour du tableau prévisionnel de facturation
2. Accueil [Localité 3]:
Dans la rubrique Direction, Madame [N] était chargée des tâches suivantes:
– organisation d’évènements,
– suivi de la communication interne
– suivi des dossiers export (COFACE)
– coordination des travaux d’entretien courant,
– suivi des dossiers d’assurance
– suivi des brevets.’
Elle établit qu’elle est partie en congé de maternité entre le 8 août 2016 et le mois de décembre 2016 et qu’à son retour en janvier 2017:
– le bureau équipé dont elle bénéficiait du fait de ses nouvelles fonctions au sein de l’open-space des commerciaux en face du commercial service a été déménagé en dehors de cet open-space (pièce n°44) pour être installé sans qu’elle en ait été préalablement informée dans un vestibule du 1er étage du bâtiment 9, zone de passage (attestation circonstanciée et conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile établie par Monsieur [K], ingénieur – délégué du personnel- le 19 juin 2017 qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats );
– son nom ne figurait plus sur l’organigramme de la société au sein de l’équipe ADV (administration de vente) en février 2017 et avril 2017 (pièces n°4) étant mentionné dans la rubrique ADM correspondant à l’équipe d’assistantes de direction, Monsieur [W] [D] [I] la qualifiant ‘d’assistante en copie d’un courriel’ adressé à un client le 19 janvier 2017,
– ses tâches relatives à la facturation des dossiers lui ont été retirées (pièces n°35 – comparaison de la période premier trimestre 2016 et premier trimestre 2017 et n°40 et 41), celles-ci étant réalisées par Madame [J] (assistante commerciale) et par Monsieur [U],
– d’autres tâches qui avaient été confiées à Monsieur [M] [E] pendant son congé de maternité (pièce n°42) sont demeurées confiées à celui-ci (pour exemples le 12 mai 2017 une confirmation de commande à Monsieur [E] et non à Madame [N] puis le 23 mai 2017, l’importation temporaire d’une maquette au Brésil par ce dernier),
– la direction de l’entreprise, représentée par Messieurs [O] et [I], a multiplié les entretiens avec Madame [N] début mai 2017 dans le but de lui faire signer une rupture conventionnelle de son contrat de travail, la salariée ayant dénoncé auprès de l’employeur une situation de harcèlement moral par courrier de son conseil le 22 mai 2017, la tenue ‘des réunions visant à lui faire accepter un départ rapide sous rupture conventionnelle sous faible délais’ étant confirmée par Monsieur [K], qui dépeint la salariée à cette période du premier trimestre 2017 comme étant ‘inquiète, anxieuse et désorientée dans les missions attendues d’elle’ et qui l’a assistée durant ces mêmes réunions auxquelles ne participait aucun salarié des ressources humaines, l’employeur ayant laissé entendre que la salariée ‘devait accepter ses constats évoquant une perte de confiance et lui faisant des reproches’.
Madame [N] établit ainsi la dégradation de ses conditions de travail à compter de son retour de congé de maternité caractérisée par un changement de bureau sans aucun avertissement à la ‘surprise générale’ des autres salariés, Monsieur [K] s’étant demandé en pièce n° 44 ‘qui avait participé à ce réaménagement’, une rétrogradation de ses fonctions, la salariée figurant dans l’organigramme dans ses anciennes fonctions d’assistante de direction et étant qualifiée d’assistante par la Direction, une suppression des tâches principales de son emploi de Responsable administrative des ventes avec le transfert de la facturation des contrats sur d’autres salariés, un mal-être constaté par Monsieur [K], des pressions exercées par la Direction afin de provoquer son départ dans le cadre d’une rupture conventionnelle du contrat de travail.
Ces faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et d’une discrimination liée à la grossesse de Madame [N] s’étant déroulés dès le retour de congé de maternité de Madame [N].
Or, les éléments versés aux débats par la société Alseamer ne prouvent pas que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement alors :
– que le seul témoignage de Madame [A], assistante de direction, faisant état d’une installation du bureau de Madame [N] dans le vestibule du 1er étage du bâtiment 9 dès février 2015 est contredit pas les éléments produits par la salariée,
– qu’aucune pièce n’est produite établissant l’erreur alléguée qui se serait glissée dans l’organigramme de l’entreprise en février 2017, cette même erreur étant présente dans la version d’avril 2017,
– que les témoignages versés par l’employeur établissent que celui-ci informé dès le 10 juin 2016 des critiques exprimées par certains salariés tels que Monsieur [L], ingénieur (pièce n°17) à l’encontre de Madame [N], remettant en cause les compétences professionnelles de cette dernière ne justifie pas avoir averti celle-ci de l’existence d’une quelconque difficulté ni avant son départ en congé de maternité le 8 août 2016, ni après son retour en janvier 2017 jusqu’au mois de mai 2017 et/ou lui avoir proposé des formations qui étaient cependant nécessaires celle-ci ayant été nommée responsable administrative des ventes en février 2015 malgré une évaluation très moyenne (estimée à C) de ses compétences et connaissance de son emploi précédent, son supérieur hiérarchique ayant souligné la nécessité ‘d’approfondir ses connaissances relatives aux cautions bancaires, au suivi des clauses contractuelles…’, formation que Madame [N] avait également sollicitée et dont elle n’a pas bénéficié, celle-ci s’étant limitée selon Madame [J] (pièce n°16) assistante commerciale à ce qu’elle ‘l’informe de sa manière de travailler’,
– que l’employeur reconnaît la diminution des tâches confiées à la salariée résultant selon lui de son insuffisance professionnelle, certains salariés ne souhaitant plus travailler avec elle,
– que la société Alseamar confirme avoir rencontré à plusieurs reprises Madame [N] au mois de mai 2017 niant les pressions alléguées au seul motif que la salariée a refusé de signer une rupture conventionnelle alors qu’elle a engagé la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle dès le mois suivant.
Il se déduit de ses développement que même en l’absence de pièces médicales produites par Madame [N], le bulletin de salaire du mois de mai 2017 mentionnant cependant des arrêts de travail les 5, 24 et 26 mai 2017 concomitants à la multiplication des entretiens relatifs à la rupture conventionnelle du contrat de travail, les faits établis par la salariée caractérisent une situation de harcèlement moral, l’employeur ne lui ayant pas restitué le poste qui était le sien avant son départ en congé de maternité, l’ayant éloignée géographiquement de l’équipe commerciale en la changeant de bureau, l’ayant rétrogradée en lui confiant des missions d’un niveau inférieur et en diminuant le volume de ses tâches avant d’exercer des pressions dans le but de provoquer le départ de l’entreprise d’une salariée considérée comme étant en insuffisance professionnelle sans l’avoir préalablement ni informée, ni accompagnée, ni mise en garde , ces agissements ne constituant pas en l’espèce une situation de discrimination liée à la grossesse et au congé de maternité de Madame [N].
Ce faisant, c’est à tort que la juridiction prud’homale a dit que Madame [N] n’a subi aucun harcèlement moral et a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Les dispositions du jugement entrepris ayant dit que Madame [N] n’a subi aucune discrimination du fait de sa grossesse et de son congé de maternité sont confirmées, celles ayant rejeté sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral étant infirmées.
Il convient de condamner la SAS Alseamar à payer à Madame [N] une somme de 12.000 € en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral subi.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur :
Sur le fondement de l’article L.1222-1 du code du travail imposant l’exécution de bonne foi du contrat de travail, Madame [N] demande la condamnation de la SAS Alseamar à lui payer une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Elle motive sa demande sur le fait qu’elle a été victime de harcèlement moral et de discrimination en raison de son état de grossesse avant d’être licenciée sur des éléments infondés sans prendre en considération son travail, ses explications et sans respect de l’échelle des sanctions.
Cependant, ayant obtenu des dommages-intérêts réparant le préjudice résultant du manquement de l’employeur à l’obligation légale de sécurité et les faits de discrimination du fait de la grossesse et de son congé de maternité n’étant pas établis, il y a lieu de rejeter la demande de Madame [N] de condamnation de la société Alseamar à lui payer une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de confirmer de ce chef le jugement entrepris.
Sur la demande de condamnation de la société Alseamar à rembourser à Pole Emploi tout ou partie des allocations chômage versées à Madame [N]:
En application de l’article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail, le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout au partie des allocations de chômage versées au salarié licencié ayant deux années d’ancienneté au sein de l’entreprise lorsque celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, peut être ordonné dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Or, les dispositions du jugement entrepris ayant dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle dont a fait l’objet Madame [N] était parfaitement justifié et reposait sur des faits avérés n’ayant été critiquées par la salariée qu’à titre subsidiaire sont définitives de sorte que celles l’ayant déboutée de sa demande de condamnation de l’employeur au remboursement à l’organisme Pôle Emploi d’une partie des allocations chômage versée sont confirmées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions du jugement entrepris ayant débouté la SAS Alseamar de sa demande reconventionnelle de paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées.
Celles ayant condamné Madame [N] aux entiers dépens et rejeté la demande de celle-ci au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont infirmées.
La société Alseamar est condamnée aux entiers dépens et à payer à Madame [N] une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel.