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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRET DU 09 JUIN 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07917 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFV66
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Mars 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 22/50944
APPELANTE
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 7] représenté par son syndic en exercice la S.A.S. LOISELET & DAIGREMONT PATRIMOINE sis [Adresse 2], ou tout autre syndic en exercice
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée par Me Pascaline DECHELETTE TOLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P238
INTIMEES
S.A.S. FONCIERE 9 MADELEINE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistée par Me Valentine SAYER, avocat au barreau de PARIS, toque C2413
S.A.S.U. MCDONALD’S FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Me Guillaume NOEL substituant Me THOUNY, avocat au barreau de PARIS, toque K30
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 mai 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président et Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Président et par Jeanne BELCOUR, Greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
La société Foncière 9 Madeleine (F9M) est propriétaire de plusieurs lots de copropriété (n° 2, 3, 9, 10, 11, 12, 33, 38, 39, 45, 48, 59 et 61) à usage de commerces et de bureaux, situés aux rez-de-chaussée, 1er étage et sous-sol de l’immeuble du [Adresse 7].
Lors des assemblées générales de 2018, 2019 et 2020, elle a obtenu l’autorisation d’effectuer divers travaux.
Ces travaux ont été réalisés de septembre 2019 à août 2021 et elle a donné les locaux à bail à la société McDonald’s France (McDonald’s), laquelle a également entrepris des travaux d’aménagement.
Par acte du 10 décembre 2021, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] a assigné les sociétés Foncière 9 Madeleine et McDonald’s devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris pour obtenir la suspension des travaux en cours sur les parties communes et la remise en état des lieux.
Par ordonnance du 17 mars 2022, le juge des référés a :
dit n’ y avoir lieu à référé sur la demande de remise en état initial des lieux, y compris la remise en état de la porte G ;
dit n’y avoir lieu à référé sur la demande d’arrêt d’exploitation du restaurant de la société McDonald’s ;
dispensé la société Foncière 9 Madeleine de participer aux frais de la procédure conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de l’instance ;
condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la société Foncière 9 Madeleine et à la société McDonald’s la somme de 1.500 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
rejeté le surplus des demandes.
Par déclaration du 19 avril 2022, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 4 mai 2023, il demande à la cour de :
le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;
infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
ce faisant, statuant à nouveau,
condamner in solidum la société Foncière 9 Madeleine et la société McDonald’s à remettre en leur état initial les lieux dans lesquels les travaux ont été réalisés affectant les parties communes de l’immeuble sans autorisation préalable de l’assemblée générale, à savoir, retirer les tuyaux et canalisations implantés sans autorisation et remettre en état les zones où des percements ont été effectués sans autorisation dans les planchers, dans la façade et pour permettre le passage des canalisations d’évacuation des graisses du bac à graisses ;
ordonner à la société Foncière 9 Madeleine et à la société McDonald’s de remettre en état les lieux sous le contrôle du syndic de l’immeuble, les condamner in solidum à une astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;
ordonner l’arrêt de l’utilisation de la porte G en issue de secours n’ayant jamais été autorisée par le syndicat des copropriétaires, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;
ordonner l’arrêt de l’exploitation du restaurant McDonald’s en l’absence d’issue de secours autorisée, sous la même astreinte ;
en toute hypothèse,
débouter toute partie de ses demandes ;
condamner in solidum les sociétés Foncière 9 Madeleine et McDonald’s à lui payer la somme de 10.000 euros « chacun » au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner in solidum la société Foncière 9 Madeleine et la société McDonald’s aux entiers dépens, avec faculté de recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 mai 2023, la société Foncière 9 Madeleine demande à la cour de :
débouter le syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses demandes et confirmer l’ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions ;
en tout état de cause,
dire qu’elle sera exonérée, en sa qualité de copropriétaire, de sa quote-part dans les dépens, frais et honoraires exposés par le syndicat des copropriétaires dans la présente procédure au titre des charges générales d’administration, conformément aux dispositions de l’article 10-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 avril 2023, la société McDonald’s France demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
écarter des débats les pièces adverses n°31 (procès-verbal de constat du 5 avril 2023) et 35 (visite de constat du 5 avril 2023), ces éléments ayant été obtenus en toute illégalité ;
juger que l’urgence n’est pas caractérisée ;
juger qu’il existe des contestations sérieuses ;
juger qu’il n’y a aucun péril imminent ;
juger qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé ;
juger que les demandes du syndicat des copropriétaires sont infondées ;
par conséquent,
confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
déclarer irrecevable la demande tendant à ce que soit ordonné « l’arrêt de l’utilisation de la porte G » ;
débouter le syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses demandes à son encontre et à l’encontre de la société Foncière 9 Madeleine ;
y ajoutant,
condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle subit à raison des propos injurieux et diffamatoires contenus dans les conclusions de ce dernier ;
condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 42.966,60 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 mai 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR,
Sur la demande de la société McDonald’s tendant à ce que les pièces n°31 et 35 du syndicat des copropriétaires soient écartées des débats
La société McDonald’s demande à la cour d’écarter des débats les pièces n° 31 (procès-verbal de constat du 5 avril 2023) et 35 (visite de constat du 5 avril 2023 de M. [P], architecte) du syndicat des copropriétaires au motif que ces constats auraient été réalisés « en toute illégalité », le commissaire de justice les ayant effectués dans le lot n°31 alors que ce lot est une partie privative appartenant à la société F9M et qu’il n’avait aucune autorisation pour y pénétrer.
Mais il est constant que le lot n° 31, qui appartient à la société F9M, est mis à la disposition du syndicat des copropriétaires depuis plusieurs années pour y entreposer les poubelles et servir de local d’accueil de jour pour le gardien de l’immeuble.
Le syndicat des copropriétaires pouvait donc pénétrer dans les parties communes (couloir du rez-de chaussée) et dans le local mis à la disposition du gardien, lequel était présent, pour y réaliser un constat, en présence d’un commissaire de justice et d’un architecte, le 5 avril 2023.
Les constat et rapport de visite ayant été réalisés légalement, il n’y a pas lieu de les écarter des débats.
Sur le trouble manifestement illicite tiré de la réalisation de travaux sans autorisation
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Aux termes de l’article 25 b) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.
Au cas présent, le syndicat des copropriétaires soutient que la société F9M a réalisé d’importants travaux dans ses lots afin de les transformer et les adapter à une activité de restauration rapide, en dépit de la promesse faite par son président de ne jamais installer un restaurant dans ses lots, encore moins un commerce de restauration rapide. Les résolutions de travaux auraient été présentées sans mentionner le nom de la société McDonald’s, de façon à duper les copropriétaires, qui ont voté les autorisations.
Il ajoute que certains des travaux réalisés sur les parties communes l’ont été sans autorisation de l’assemblée générale, en infraction avec la résolution n° 22 du 10 novembre 2020, et qu’en particulier, des percements de planchers et de plafonds ont été réalisés hors du périmètre des autorisations obtenues, dans le lot n° 31 et un couloir partie commune, un bac à graisses a été installé sans autorisation, avec des tuyaux et canalisations reliés ainsi qu’un trou dans le mur de façade pour l’évacuation, et la porte « G » (gauche) du 1er étage est utilisée en issue de secours sans autorisation préalable de l’assemblée générale, qui n’a donné son autorisation que pour la porte « D » (droite).
Il soutient en conséquence que le trouble manifestement illicite est caractérisé, ce qui justifie sa demande de remise en état des lieux.
Les intimées répliquent que l’ensemble des travaux effectués ont été autorisés par les copropriétaires lors des assemblées générales, notamment celle du 10 novembre 2020 (résolution n° 22), et que, pour le surplus, aucune autorisation n’était nécessaire, s’agissant de travaux qui n’affectaient pas les parties communes et/ou se situaient dans ses parties privatives.
Sur les percements de planchers et de plafonds qui auraient été réalisés sans autorisation
Lors de l’assemblée générale du 10 décembre 2018, la société F9M a été autorisée par les copropriétaires à réaliser les travaux de mise aux normes de ses locaux pour l’accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR) et pour la sécurité incendie :
– création d’un nouvel escalier avec deux unités de passage entre le sous-sol, le rez-de-chaussée et le 1er étage ;
– positionnement de l’ascenseur PMR au milieu du nouvel escalier ;
– possibilité de modification des planchers avec création d’ouverture ;
– changement de la partie vitrée et de la position de la porte d’entrée.
Lors de l’assemblée générale du 17 octobre 2019, elle a été autorisée à réaliser des travaux portant sur :
– la modification de la devanture commerciale ;
– l’aménagement du local commercial, ex-Korean Airlines, avec, en particulier, l’inversion du sens d’ouverture de la porte palière du 1er étage, « retenue comme issue de secours ».
Enfin, lors de l’assemblée générale du 10 novembre 2020, la société F9M a été autorisée à :
– réaliser des travaux de reprise de structure et de création d’un plancher ;
– procéder à la création d’un second escalier entre le rez-de-chaussée et le 1er étage du local commercial et à l’adaptation du plan exact de l’escalier déjà autorisé et situé autour de l’ascenseur ;
– réaliser des travaux de renforcement des planchers ;
– réaliser des trémies et des percements divers (résolution n° 22) ;
– connecter ses locaux au réseau Climespace et, alternativement, installer des groupes froid en terrasse, mettre aux normes la gaine de rejet en remplacement de l’existante, créer une gaine VMC dans la courette et créer des prises d’air neuve en façade sur cour.
Le litige porte principalement sur la résolution n° 22 de l’assemblée générale du 10 novembre 2020 relative aux « trémies et percements divers », le syndicat des copropriétaires soutenant que les percements autorisés par cette résolution concernaient certains lots seulement et que les percements constatés lors du procès-verbal de constat du 5 avril 2023 ont été faits dans le couloir partie commune de l’immeuble et dans les plafonds et murs porteurs du lot n° 31, non visés par l’autorisation.
La résolution n° 22 du 10 novembre 2020 stipule que « l’assemblée générale […], après avoir pris connaissance du dossier technique (descriptifs et plans, cf. point n° 4) joint à la convocation […], autorise Foncière Madeleine 9 SAS, propriétaire des lots 2, 3, 9, 10, 11, 12, 33, 38, 39, 45, 48, 59 et 61, à effectuer à ses frais exclusifs les travaux suivants : […]
– réalisation de trémies dans les planchers séparant les trois niveaux du local commercial ;
– percements dans les murs porteurs du local commercial ;
– percements ou réservations pour transferts des réseaux d’air neuf ;
– percements divers pour électricité, pompages et petites canalisations ;
– maçonnerie de débouchage et calfeutrement ».
Il résulte de cette autorisation que les travaux autorisés portaient sur les lots n°2, 3, 9, 10, 11, 12, 33, 38, 39, 45, 48, 59 et 61 appartenant à la société F9M et qu’aucune autorisation n’a été donnée pour le lot n° 31 et le couloir, partie commune, conduisant à ce lot.
Ainsi, la présentation générale du dossier technique soumis à l’assemblée générale expose que « les demandes sont relatives aux locaux situés aux sous-sol, rez-de-chaussée gauche et 1er étage (rue et cour) de l’immeuble, soit les lots de copropriété numéros 2, 3, 9, 10, 11, 12, 33, 38, 39, 45, 48, 59 et 61, ci-après les locaux », sans aucune référence au lot n° 31 ni au couloir attenant à ce lot.
Les différents travaux envisagés sont ensuite détaillés dans le dossier technique, avec des plans joints, lesquels désignent précisément les lots concernés et les travaux à réaliser, sans jamais mentionner le lot n° 31.
De même, le point n° 4 de la convocation, qui décrit les « trémies et percements divers » à réaliser, fait référence à des « trémies pour escalier à créer », des « trémies pour ascenseur et monte-charge » et des « réservations pour passages de gaines », lesquelles sont clairement identifiées sur les plans joints et ne concernent à aucun moment le lot n° 31, lequel n’est jamais mentionné et ne figure pas sur les plans relatifs aux travaux autorisés.
Or, il résulte du procès-verbal de constat du commissaire de justice du 5 avril 2023 qu’ « une canalisation court le long du plafond d’un couloir puis le long de celui du lot 31, appartenant à la SCI Foncière 9 Madeleine et mis à disposition au profit du syndicat des copropriétaires […]. Sur ce tuyau, on peut lire les inscriptions « EU » pour « eaux usées » selon les explications [de] M. [P] ainsi que « MC DO » pour « Mac Donald’s ».
Des photographies sont jointes, confirmant les constatations du commissaire de justice, lequel ajoute « on voit nettement que des trous ont été pratiqués dans le plafond et les murs à plusieurs endroits différents pour permettre le passage de ces évacuations provenant du premier étage de l’immeuble ainsi que dans le sol pour rejoindre une colonne d’évacuation ».
Le rapport de visite du même jour de M. [P], architecte DPLG, expert près la cour d’appel de Versailles, comporte les mêmes photographies de la canalisation « eaux usées » provenant du local commercial exploité par la société McDonald’s et conclut que « les percements en plancher haut du rez-de-chaussée (accès et local poubelles) ont été contrariés ; un réseau d’évacuation EU (PVC 100) est disposé au droit de ces percements ; ces réservations ne figurent pas aux plans remis et ne sont pas visés de façon explicite aux PV d’AG ».
Il résulte de ces éléments que la société F9M a réalisé des travaux affectant les parties communes (percements de plancher pour y faire passer un réseau d’évacuation d’eaux usées) qui n’avaient pas été autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires.
Les intimées soutiennent que la présence de la canalisation dans le local correspondant au lot 31 ne pose pas de difficulté puisque celui-ci appartient à la société F9M, que s’agissant du passage vertical de la canalisation dans le plancher séparant le lot 31 (au RDC) du lot occupé par la société McDonald’s au premier étage, il existait des percements à cet endroit du fait de la présence d’un WC au premier étage dont l’évacuation se raccordait sur la colonne préexistante, qu’en ce qui concerne la partie de la canalisation qui passe dans le couloir hors du lot 31 et les deux percements du plancher à cet effet, ces percements avaient été autorisés par l’assemblée générale de la copropriété du 10 novembre 2020 puisqu’elle vise bien la réalisation de « trémies et percements divers » pour les lots 11, 12 et 39, c’est-à-dire les lots sur lesquels les percements ont été effectués.
Elles ajoutent que la présence de la canalisation « EU – MC DO » ne démontre pas qu’il ne s’agissait pas du remplacement d’une canalisation préexistante, devenue vétuste, ledit remplacement ne nécessitant alors aucune autorisation de la copropriété.
Elles exposent enfin qu’en raison de sa faible section, le réseau n’avait pas à être mentionné sur le plan, mais qu’il a été autorisé par l’assemblée générale.
Elles en concluent que le syndicat des copropriétaires, qui de surcroît ne verse aux débats aucun élément technique ou attestation de sachant, ne rapporte pas la preuve des faits qu’il dénonce.
Mais, d’une part, le syndicat des copropriétaires produit un procès-verbal de constat et un rapport de sachant, M. [P], architecte DPLG et expert près la cour d’appel de Versailles.
D’autre part, ainsi qu’il a été vu précédemment, aucun percement de murs porteurs ou du plancher n’a été autorisé au niveau du couloir menant au lot 31 et du lot 31 lui-même, peu important la circonstance que ce lot appartienne à la société F9M.
Enfin, les intimées ne produisent aucun document attestant que la canalisation d’eaux usées litigieuse correspondrait au remplacement d’une canalisation préexistante et que les percements aient préexistés. A cet égard, le plan du géomètre [H] du 25 octobre 2017 produit permet seulement de constater l’existence d’un WC au premier étage et l’attestation de la société Axys du 21 janvier 2022 fait uniquement état d’un « tuyau situé dans le « local poubelles » [qui] est l’évacuation des sanitaires situés au 1er étage », tuyau qui « se raccorde sur la colonne verticale de couleur rouge située au rez-de-chaussée à un branchement pré-existant ».
Ainsi, le branchement était pré-existant mais aucune information n’est donnée sur la canalisation elle-même.
Il convient encore de relever que l’ensemble des attestations de l’architecte de l’immeuble, sous le contrôle duquel les travaux ont été exécutés, ainsi que des bureaux d’études techniques intervenus sur le chantier, produites par les intimées pour confirmer la bonne réalisation des travaux et leur conformité aux règles de l’art, ne font état que des lots visés par le procès-verbal d’assemblée générale du 10 novembre 2020 précité, sans référence au lot n° 31 et au couloir attenant à ce lot.
En l’absence d’autorisation de l’assemblée générale pour ces travaux affectant les parties communes, le trouble manifestement illicite est caractérisé et la remise en état des lieux sera ordonnée, l’ordonnance étant infirmée de ce chef.
Sur l’installation du bac à graisses
Le syndicat des copropriétaires fait également valoir qu’un bac à graisses a été installé en sous-sol sans autorisation de l’assemblée générale, avec des tuyaux et canalisations le reliant à un trou dans le mur de façade, également réalisé pour permettre l’évacuation.
Mais les intimées produisent une attestation de la société Axys, bureau d’études techniques et fluides, du 21 janvier 2022, aux termes de laquelle celle-ci atteste que « les tuyaux d’évacuation du bac à graisse se situent au sein des trémies déjà existantes » et qu’« aucun percement de la façade de l’immeuble n’a été réalisé dans le cadre de ces travaux ».
La société McDonald’s produit également des photographies relatives au « plug » dont le syndicat des copropriétaires fait état, dont il ressort que celui-ci n’est pas en façade mais dans l’un des comptoirs du restaurant. Pour sa part, le syndicat des copropriétaires se borne à énoncer qu’un trou en façade a été réalisé sans produire de constat ni de photographies pour le démontrer, ce qui aurait pourtant été aisé.
En outre, le percement du plancher séparant le rez-de-chaussée du sous-sol relève des travaux autorisés par la résolution n° 22 précitée de l’assemblée générale des copropriétaires précitée du10 novembre 2020 puisque celle-ci vise expressément les lots concernés, notamment les lots du sous-sol n°33, 45, 48, 59 et 61.
Aucun trouble manifestement illicite n’est donc caractérisé s’agissant de l’installation du bac à graisses et la circonstance que les copropriétaires n’aient pas été informés, avant le vote de l’assemblée générale, de l’installation future d’un restaurant dans les lieux n’est pas constitutive d’un tel trouble dès lors que le local litigieux est à usage commercial, ce qui n’est pas contesté.
Il n’est pas démontré que la société F9M se serait engagée à ne jamais y installer un commerce de restauration rapide, aucune attestation ou pièce n’étant produite en ce sens.
L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de remise en état des lieux de ce chef.
Sur l’utilisation de la porte « G » en issue de secours
Le syndicat des copropriétaires fait également valoir que la porte « G » (gauche) du 1er étage est utilisée en issue de secours sans autorisation préalable de l’assemblée générale, qui n’a donné son autorisation que pour la porte « D » (droite).
Il précise que les intimées ont obtenu « frauduleusement » un avis favorable de la commission de sécurité pour l’autorisation d’ouverture du restaurant alors qu’elles n’ont jamais produit le document demandé, à savoir « un accord contractuel sous forme d’acte authentique » pour la création d’une issue de secours en porte G, ajoutant qu’en outre, cette porte G ne s’ouvre pas vers l’extérieur du local mais vers l’intérieur, de sorte qu’il ne peut s’agir d’une issue de secours, ainsi que l’a relevé l’architecte lors du procès-verbal de constat du 5 avril 2023.
Le trouble manifestement illicite serait en conséquence caractérisé par l’utilisation de la porte G comme issue de secours sans autorisation de l’assemblée générale et par l’exploitation du restaurant, établissement recevant du public, sans issue de secours conforme.
La société McDonald’s soulève l’irrecevabilité de la demande tendant à « l’arrêt de l’utilisation de la porte G en issue de secours » au motif qu’elle serait nouvelle en appel.
Mais cette demande n’est pas nouvelle, le syndicat des copropriétaires ayant sollicité en première instance « la remise en état initial de la porte G du 1er étage qualifiée de dégagement sur les tiers par la commission de sécurité » et « l’arrêt de l’exploitation du restaurant en l’absence d’issue de secours autorisée », demandes similaires ou tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, au sens de l’article 565 du code de procédure civile.
Sur le fond, ainsi que l’expose la société McDonald’s, d’une part, aucune autorisation spécifique de la copropriété n’était nécessaire pour l’utilisation de la porte G donnant sur l’escalier central au 1er étage, en l’absence de travaux réalisés sur cette issue préexistante.
D’autre part, l’utilisation de l’escalier central pour desservir les locaux commerciaux est conforme au règlement de copropriété, ce dont a attesté Maître [M], notaire, le 18 novembre 2021, en affirmant qu’aux termes du règlement de copropriété, les lots à usage de commerce et de bureau de l’immeuble (lots appartenant à la société F9M) disposaient d’accès aux parties communes donnant sur l’escalier A, et notamment aux espaces de circulation communs (escalier, cage d’escalier, paliers et dégagements), de sorte que les portes palières « 1D » et « 1G » situées dans ces lots pouvaient être utilisées librement pour permettre la circulation et l’évacuation de secours de la clientèle et du personnel fréquentant ledits lots.
Or, s’il est constant que les copropriétaires ont, lors de l’assemblée générale du 17 octobre 2019, autorisé l’inversion du sens d’ouverture de la porte palière D du 1er étage, retenue comme issue de secours, la société McDonald’s a ensuite renoncé à l’utilisation de cette porte D comme issue de secours et a soumis à la commission de sécurité un nouveau projet faisant de la porte G un dégagement pour les locaux occupés par le personnel (et non pour ceux occupés par la clientèle).
En application de l’article CO 41, § 2, de l’arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP), la commission de sécurité lui a demandé d’« assurer au bloc-porte de franchissement du dégagement passant par un tiers coupe-feu de degré une demi-heure muni d’un ferme-porte conformément aux dispositions CO 41§2 et d’établir un accord contractuel sous forme d’un acte authentique ».
L’article CO 41 de l’arrêté du 25 juin 1980 dispose que :
« § 1. Des dégagements accessoires peuvent être imposés après avis de la commission de sécurité si, exceptionnellement, les sorties et escaliers normaux ne peuvent être judicieusement répartis.
§ 2. Les dégagements accessoires peuvent être constitués par des sorties, des escaliers, des coursives, des passerelles, des passages en souterrain, ou par des chemins de circulation faciles et sûrs d’une largeur minimale de 0,60 mètre ou encore par des balcons filants, terrasses, échelles, manches d’évacuation, etc.
Lorsqu’un dégagement accessoire emprunte une propriété appartenant à un tiers, l’exploitant doit justifier d’accords contractuels sous forme d’acte authentique. Si le dégagement traverse une paroi d’isolement avec un bâtiment ou un local occupé par un tiers, le bloc-porte de franchissement doit être CF de degré une demi-heure et muni d’un ferme-porte ».
Le syndicat des copropriétaires dénonce l’absence de fourniture par la société McDonald’s de « l’accord contractuel sous forme d’acte authentique » prévu par ce texte, alors que le dégagement par la porte G emprunte l’escalier A, partie commune.
Mais le règlement de copropriété est un acte authentique permettant le dégagement par les parties communes (propriété appartenant à un tiers), ainsi qu’en atteste Maître [M], notaire.
En tout état de cause, la commission de sécurité a donné un avis favorable à l’ouverture du restaurant le 23 décembre 2021 et le préfet de police a autorisé son ouverture par arrêté du 30 décembre 2021. Comme relevé par le premier juge, il n’entre pas dans les attributions de la présente juridiction de connaître de la validité de l’autorisation d’ouverture délivrée par l’autorité administrative et de vérifier si cette autorisation a été abusivement obtenue par la société McDonald’s.
Il doit encore être constaté qu’aucune atteinte à la sécurité des personnes n’a été établie ou dénoncée depuis l’ouverture du restaurant, le 24 décembre 2021, pas plus au demeurant qu’aucun trouble du voisinage lié à d’éventuelles nuisances.
Les demandes tendant à ce que soit ordonné l’arrêt de l’utilisation de la porte G et l’arrêt de l’exploitation du restaurant McDonald’s seront par conséquent rejetées et l’ordonnance entreprise confirmée de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société McDonald’s
La société McDonald’s se prétend diffamée par le syndicat des copropriétaires, qui lui reproche d’avoir commis des infractions pénales, à savoir l’ouverture sans autorisation d’un ERP et l’extorsion d’autorisation administrative par tromperie et fraude. Elle demande la condamnation de l’appelant à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour propos injurieux et diffamatoires en application de l’article 41, alinéas 4 à 6, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Aux termes de ce texte :
« Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.
Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers ».
Ce texte pose le principe de l’immunité des écrits produits et propos tenus devant les tribunaux afin de garantir le libre exercice du droit d’agir ou de se défendre en justice, en interdisant que des actions ne soient exercées contre des personnes à raison du contenu de l’argumentation présentée au soutien de leur cause.
Cette liberté connaît toutefois des limites, édictées par les alinéas 5 et 6 précités, lorsque les faits diffamatoires imputés sont étrangers à la cause.
En l’espèce, contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires, la demande de dommages et intérêts formée par la société McDonald’s en application de ce texte est recevable dès lors qu’elle concerne les écritures d’appel, peu important l’absence éventuelle de lien avec les demandes principales.
En revanche, sur le fond, la condition d’extranéité à la cause n’est pas remplie dès lors que la prétendue « extorsion » d’un avis favorable de la commission de sécurité ou l’obtention frauduleuse de son autorisation dénoncées par le syndicat des copropriétaires sont en lien direct avec le litige, qui porte, notamment, sur les travaux réalisés par la société McDonald’s avant l’ouverture de son restaurant et les conditions dans lesquelles elle a obtenu un avis favorable de la commission de sécurité après ces travaux.
La demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée.
Sur les frais et dépens
Au regard de l’issue du litige et du bien fondé partiel de l’appel du syndicat des copropriétaires, aucune des parties ne peut être qualifiée de « partie perdante » au sens de l’article 696 du code de procédure civile.
Chacune des parties conservera donc à sa charge ses dépens de première instance et d’appel – sans exonération de la société F9M, en application de l’article 10-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 – et ses frais irrépétibles tant en première instance qu’à hauteur d’appel.
PAR CES MOTIFS
Dit n’y avoir lieu d’écarter des débats les pièces n°31 (procès-verbal de constat du 5 avril 2023) et 35 (visite de constat du 5 avril 2023) du syndicat des copropriétaires ;
Confirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle :
dit n’y avoir lieu à référé sur la demande du syndicat des copropriétaires tendant à la remise en état initial des lieux dans lesquels des travaux ont été réalisés affectant les parties communes de l’immeuble sans autorisation préalable de l’assemblée générale, à savoir l’installation de la canalisation d’eaux usées identifiée par le sigle « MC DO » dans le couloir partie commune de l’immeuble et le lot n° 31 ainsi que les percements réalisés pour le passage de cette canalisation ;
dispense la société Foncière 9 Madeleine de participer aux frais de la procédure conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
condamne le syndicat des copropriétaires aux dépens de l’instance ;
condamne le syndicat des copropriétaires à payer à la société Foncière 9 Madeleine et à la société McDonald’s la somme de 1.500 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
L’infirmant de ces chefs, statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne in solidum la société Foncière 9 Madeleine et la société McDonald’s France à remettre en état les lieux dans lesquels a été installée la canalisation d’eaux usées identifiée par le sigle « MC DO » dans le couloir partie commune de l’immeuble et le lot n° 31 ;
Assortit cette injonction d’une astreinte, dont seront tenues in solidum les sociétés Foncière 9 Madeleine et McDonald’s France, de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant six mois, délai à l’issue duquel il sera à nouveau statué sur l’astreinte ;
Rejette les autres demandes de remise en état formées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] ainsi que sa demande tendant à l’arrêt de l’exploitation du restaurant Mc Donald’s ;
Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la société McDonald’s France ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens de première instance et d’appel par elle exposés ;
Rejette les demandes des parties formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT