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7 juillet 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
22/00016
ARRET N°365
N° RG 22/00016 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GS4E
[I]
C/
Etablissement Public ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE NOUVELLE AQUITAINE
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre de l’expropriation
ARRÊT DU 07 JUILLET 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00016 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GS4E
Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 13 avril 2022 rendu par le Juge de l’expropriation de [Localité 2].
APPELANTE :
Madame [F] [I] épouse [X]
née le 12 Février 1932 à [Localité 9] ([Localité 4])
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Stéphanie COLOMBIER, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT et pour avocat plaidant Me Audrey CHELLY SZULMAN, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE NOUVELLE AQUITAINE
[Adresse 1]
[Localité 7]
ayant pour avocat postulant Me Alisson CURTY-ROBAIN, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT et pour avocat plaidant Me Miguel BARATA, avocat au barreau de PARIS
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par M. [Z] [L], inspecteur des finances publiques, muni d’un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ :
Suite à une déclaration d’intention d’aliéner pour un prix de 387.030 euros portant sur une parcelle d’une superficie totale de 1.843 m² sise à [Adresse 10] (Charente-Maritime), l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine a décidé le 10 février 2021 d’exercer en qualité de délégataire de ce droit, le droit de préemption sur l’ensemble de ce bien en proposant à sa propriétaire [F] [I] épouse [X] de l’acheter au prix de 63.900 euros.
En l’état du refus d’accepter ce prix exprimé par la venderesse, l’EPF de Nouvelle Aquitaine a saisi le juge de l’expropriation du département de la Charente maritime aux fins de fixation du prix du bien préempté par un courrier reçu au greffe le 22 mars 2021 auquel était joint un mémoire contenant sa proposition maintenue à même hauteur de prix.
Le juge de l’expropriation a procédé le 22 octobre 2021 au transport sur les lieux puis a tenu l’audience le 11 février 2022.
Par jugement du 13 avril 2022, il a :
* rejeté l’exception de nullité de la procédure soulevée par Mme [I]
* retenu comme date de référence pour apprécier l’usage effectif du bien le 19 décembre 2019
* débouté Mme [I] de sa demande tendant à voir déclarer dolosives les entraves à la constructibilité de son terrain
* fixé le prix d’aliénation de la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] à la somme totale
-si elle est libre : de 64.044,25 euros
-si elle est encore occupée : de 57.639,83 euros
* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
* laissé les dépens à la charge de l’EPF de Nouvelle Aquitaine
* écarté l’exécution provisoire.
Mme [I] épouse [X] a relevé appel de ce jugement le 15 juillet 2022
Ont été adressées à la cour :
¿ par l’appelante :
-des conclusions d’appelant n°1 adressées le 14 octobre 2022, reçues le 17 octobre au greffe et notifiées le jour-même à l’EPF de Nouvelle Aquitaine et au commissaire du gouvernement (les AR du 19.10)
-des conclusions d’appelant n°2 reçues le 12 avril 2023 et notifiées le jour-même à l’EPF de Nouvelle Aquitaine et au commissaire du gouvernement
-des conclusions d’appelant n°2 en couleur reçues le 21 avril 2023 et notifiées le jour même à l’EPF de Nouvelle Aquitaine et au commissaire du gouvernement
-des conclusions d’appelant n°3 reçues le 4 mai 2023 et notifiées le jour même à l’EPF de Nouvelle Aquitaine et au commissaire du gouvernement
-étant précisé que l’appelante a adressé à la cour
.en avril 2023 ses pièces n°1 à 22 visées dans ses conclusions, en deux temps avant d’atteindre le nombre d’autant d’exemplaires que de parties plus un, et que le greffe a notifiées le 14 avril lorsqu’il a détenu le nombre requis d’exemplaires
.le 9 mai 2023 s’agissant de ses pièces n°23 et 24, notifiées le 10 mai par le greffe.
¿ par l’EPF de Nouvelle Aquitaine :
-un mémoire d’intimé adressé le 11 janvier 2023, reçu le 16 janvier 2023 et notifié le jour même à l’appelante et au commissaire du gouvernement (les AR du 17.01)
– un mémoire récapitulatif et en réplique adressé le 2 mai 2023, reçu le 4 mai et notifié le jour même à l’appelante et au commissaire du gouvernement
¿ par le commissaire du gouvernement :
-des conclusions adressées le 13 et reçues le 14 février 2023, notifiées le jour même à l’appelante et à l’EPF de Nouvelle Aquitaine (les AR du 15.02)
-des conclusions adressées le 21 avril et reçues le 24 avril 2023, notifiées le jour même à l’appelante et à l’EPF de Nouvelle Aquitaine.
Mme [X] demande à la cour dans ses conclusions n°1 d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
de le déclarer recevable et bien fondé
À titre principal :
Vu les articles R.211-2 du code de l’urbanisme : ordonner l’inexistence de l’intervention de l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine parce qu’hors délai, intervenant avant la date effective de son mandat, subséquemment Ordonner la nullité de toutes les procédures engagées par l’EPF de Nouvelle Aquitaine et déclarer les DIA purgées de tout droit de préemption à partir du 12 janvier 2022
Vu l’article L.322-4 du code de l’expropriation : ordonner l’inopposabilité des contraintes administratives du PLUi en vigueur, mises en place avec une intention dolosive démontrée
À titre subsidiaire : dans l’hypothèse où la cour ne ferait pas droit à la demande d’inexistence et à l’exception d’inopposabilité, de
-débouter l’EPF de Nouvelle Aquitaine de l’ensemble de ses demandes et la déclarer mal fondée
-ordonner que, aucun élément de comparaison situé en zone urbaine dense n’étant apporté, ni par l’EPF NA, ni par le commissaire du gouvernement, les éléments de comparaison fournis, pour les raisons développées, ne peuvent donc pas être pris en compte puisque situés en zone urbaine diffuse
-ordonner la prise en compte des terrains préemptés comme ‘terrains à bâtir’, devant être construits en projet global et donc estimés à un prix identique, et non à des prix différenciés
-ordonner que, n’ayant pas d’éléments comparatifs en zone urbaine dense, la valeur des terrains soit fixée selon la méthode du compte à rebours
-ordonner que les chiffres proposés par les propriétaires, pour un projet semblable à celui porté par l’EPF NA au nom de la CDA, soient pris en compte
-fixer le prix d’aliénation du terrain nu situé à [Adresse 10]), correspondant à la parcelle cadastrée [Cadastre 8] pour 10.894 m² au prix de 210 euros le m², soit un montant total de 387.030 euros
-condamner l’EPF NA au paiement de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Dans ses conclusions n°2, l’appelante a ajouté à ces demandes dans le dispositif de ses conclusions celle de condamner l’EPF NA à de lourds dommages et intérêts, qui ne pourront pas être inférieurs à 10.000 euros, pour avoir délibérément entravé une transaction privée parfaitement légale, avoir en toute conscience détourné de leur finalité les lois sur l’urbanisme et sur la préemption, et enfin avoir dissimulé à la justice ses transactions concomitantes largement supérieures au prix qu’il proposait aux appelants, agissant ainsi avec traîtrise, alors qu’il représente l’État.
Dans ses conclusions n°3, l’appelante a ajouté à ces demandes dans le dispositif de ses conclusions celles
-de débouter l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine de sa demande de caducité de la déclaration d’appel
-d’ordonner que les chiffres proposés par les propriétaires, 210 euros le m², confirmés par des promesses de ventes valides, pour un projet exactement semblable à celui porté par l’EPF NA, représentant le prix du marché et la faisabilité comptable d’une opération intégralement semblable à celle prévue par la CA dans son mandat de préemption donné à l’EPFNA,soient pris en compte.
L’appelante répond au moyen de caducité de son appel invoqué au regard de l’article R.311-26 du code de l’expropriation qu’il ne s’agit pas d’une expropriation mais d’une préemption et donc d’une simple discussion sur le prix ; que les pièces fournies en appel sont, à cinq près, les mêmes que celles de première instance ; que les conclusions papier contiennent un lien hyper-texte qui permet de charger les pièces d’un simple clic avec un moteur de recherche; que l’édition en papier est nuisible à l’environnement ; que la Cour de cassation veille à ne pas priver l’appelante du droit de produire des pièces en réponse aux mémoires adverses.
Elle maintient que l’EPF NA a engagé la procédure alors que la convention conclue avec la communauté d’agglomération était caduque et que son mandat n’était pas encore valide, de sorte que son intervention du 11 janvier 2021 est inexistante. Elle indique qu’elle aurait en effet pu saisir la juridiction administrative pour le faire juger, mais qu’apolitique, elle n’a pas voulu s’engager dans cette polémique.
Elle en déduit que les DIA sont purgées, puisque l’EPF NA n’avait pas de mandat valable lorsqu’il a demandé des pièces complémentaires afin de proroger artificiellement la date de cette purge.
Si la cour n’estime pas purgées les DIA, elle indique que le jugement a trahi la vérité en faisant mine de retenir le 19 décembre 2019 comme date de référence pour apprécier l’usage effectif du bien, et elle demande que la date soit celle du 17 décembre 2020 qui fixe, par deux votes du conseil communautaire mandatant l’EPF NA pour préemption, l’évolution constructible des terrains prévue au PLUi.
Elle estime que la communauté d’agglomération et l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine détournent de leur finalité les procédures pour une opération sans aucun intérêt public, recourent à des manoeuvres dolosives et piétinent ses droits constitutionnels.
Elle rappelle que la propriété est un droit inaliénable.
Elle indique qu’elle a bien un acquéreur, et que la promesse unilatérale de vente est dûment enregistrée, et elle considère qu’elle seule permet de déterminer le prix de son bien.
Elle soutient que la méthode comparative dans laquelle le premier juge s’est engagée conduit à une impasse puisqu’il n’existe pas de terrain comparable en zone urbaine dense de la communauté d’agglomération de [Localité 2], et qu’il faut recourir à la méthode ‘du compte à rebours’. Elle estime qu’il serait absurde que sa parcelle ne soit pas constructible immédiatement
Elle indique qu’une plainte pour escroquerie au jugement a été déposée entre les mains du procureur de la république de [Localité 2] puisque l’EPF dissimule volontairement à la justice qu’il achète sur le même site à un prix nettement supérieur à celui auquel il entend préempter.
Elle déplore que le commissaire du gouvernement participe au détournement de finalité des lois de l’urbanisme et de l’expropriation, plutôt que de défendre les droits des citoyens.
L’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine demande à la cour dans son mémoire d’intimé de
-constater que l’appelante n’a pas notifié les pièces annexées à ses conclusions d’appel dans le délai de l’article R.311-26 du code de l’expropriation
En conséquence :
-déclarer caduque la déclaration d’appel de Mme [X]
À titre subsidiaire :
-déclarer que Mme [X] n’a pas saisi la cour de prétentions portant sur la fixation de la date de référence
En conséquence :
-confirmer le jugement en ce qu’il a retenu le 19 décembre 2019 comme date de référence
-confirmer le jugement en l’ensemble de ses dispositions
-rejeter les demandes de Mme [X]
-condamner Mme [X] aux dépens d’appel
-condamner Mme [X] à lui payer 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans son mémoire récapitulatif et en réplique, l’EPF de Nouvelle Aquitaine demande à la cour de
-ordonner sur le fondement de l’article 41, alinéa 4 et 5 de la loi du 29 juillet 1881 le retrait des conclusions en réponse n°2 notifiées par l’appelante des passages ci-dessous :
‘Dans cette affaire de préemption la manipulation de la réalité est grotesque et effrayante tant elle est semblable à l’aryanisation des entreprises juives en France dans les années 1940 à 1944, voir l’ouvrage de [W] [P] ‘Les mauvais comptes de vichy’ aux éditions [M] dans la collection Terre d’histoire, sorti en 1999, où l’on découvre les AP (administrateurs provisoires) et le SCAP (Service de Contrôle des Administrateurs Provisoires) qui utilisent le formalisme légaliste pour transformer la réalité des valeurs, si semblablement que le font ici l’EPFNA et le CG’ (page 5)
‘…agissant ainsi avec traîtrise, alors qu’il représente l’État’ (page 33).
-condamner Mme [X] à payer à l’EPF Nouvelle Aquitaine 1 euro de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 41, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881
-constater que l’appelante n’a pas notifié les pièces annexées à ses conclusions d’appel dans le délai de l’article R.311-26 du code de l’expropriation
-constater que le commissaire du gouvernement n’a pas produit dans les conditions imposées et dans le délai prévu à l’article R.311-26 du code de l’expropriation les pièces annexées aux conclusions qu’il a notifiées
-constater que les conclusions d’appel incident notifiées par le commissaire du gouvernement n’ont pas saisi la cour dans les délais pour ce faire de conclusions par lesquelles , au sein du dispositif, est sollicitée l’infirmation ou l’annulation du jugement
-déclarer que la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire par Mme [X] dans ses conclusions n°2 est irrecevable comme formée devant une juridiction incompétente pour en connaître et dans une procédure qui ne le permet pas, nouvelle et formée hors délai de l’article R.311-26 du code de l’expropriation
En conséquence :
-déclarer caduque la déclaration d’appel
-déclarer irrecevables les conclusions notifiées par le commissaire du gouvernement
-déclarer irrecevable la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire par Mme [X] dans ses conclusions en réponse
À titre subsidiaire :
-déclarer que Mme [X] n’a pas saisi la cour de prétentions portant sur la fixation de la date de référence
En conséquence :
-confirmer le jugement en ce qu’il a retenu le 19 décembre 2019 comme date de référence
-confirmer le jugement en l’ensemble de ses dispositions
-rejeter les demandes de Mme [X]
-condamner Mme [X] aux dépens d’appel
-condamner Mme [X] à lui payer 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’EPF de Nouvelle Aquitaine fait valoir que les conclusions n°2 de l’appelante contiennent à deux reprises dans les passages dont la suppression est sollicitée des propos injurieux et outrageants à son endroit qui sont dépourvus de tout lien avec l’instance, tenus en dehors de toute nécessité d’assurer la défense des intérêts de l’appelante, et avec la conscience de l’atteinte à l’honneur des personnes qui sont directement visées, ce qui justifie d’en ordonner la suppression et de lui allouer un euro de dommages et intérêts.
Il invoque au visa de l’article R.311-26 du code de l’expropriation la caducité de la déclaration d’appel en faisant valoir que si l’appelante a bien transmis ses conclusions à la cour dans le délai de trois mois à compter de sa déclaration d’appel, elle n’a déposé les pièces visées dans ces conclusions qu’après son expiration, ce qu’une jurisprudence établie sanctionne de la caducité de l’appel. Il tient pour inopérantes les considérations opposées à ce moyen par l’appelante, sans lien avec les obligations procédurales s’imposant à elle sous peine de caducité.
Il invoque l’irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement au motif qu’elles ont été transmises à la cour après l’expiration du délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelante, et il invoque consécutivement l’irrecevabilité de l’appel incident qu’elles contiennent.
Il ajoute que ces conclusions étaient aussi irrecevables en tant que les pièces qui y sont visées n’ont pas été communiquées en même temps qu’elles, ni dans le délai ouvert au commissaire du gouvernement pour conclure.
Il indique que cette irrecevabilité entraîne celle des conclusions complémentaires notifiées le 24 avril 2023 par le commissaire du gouvernement.
Il fait valoir au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile que le dispositif des conclusions du commissaire du gouvernement ne sollicitant ni l’infirmation ni l’annulation du jugement alors qu’elles contiennent un appel incident, la cour n’était de toute façon saisie de sa part d’aucune contestation du jugement, qu’elle ne pouvait donc que confirmer à son égard.
Subsidiairement, sur le fond, il soutient que le moyen de nullité de la procédure tiré par l’appelante de son prétendu défaut de pouvoir administratif, outre qu’il est mal fondé, relève de toute façon de la compétence de la juridiction administrative.
Il approuve la date de référence retenue par le juge de l’expropriation.
Il récuse l’intention dolosive que l’appelante lui prête, en observant qu’il n’est pas l’auteur du classement au PLUi que fustige l’appelante, et en observant que celle-ci ne l’a au demeurant pas contesté devant les juridictions administratives comme il pouvait le faire.
Il invoque l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts formée par l’appelante après l’expiration du délai de trois mois à compter de sa déclaration d’appel.
Il déclare tenir la promesse de vente conclue avec un promoteur pour factice, en faisant valoir qu’elle n’a pas été enregistrée comme requis par l’article 1589-2 du code civil.
Il observe que l’appelante n’invoque aucun terme de comparaison, et il exclut l’application de la méthode ‘du compte à rebours’, qui tient compte de la vocation future du bien, ce que la loi proscrit.
Il vante la pertinence des termes de comparaison qu’il a produits, et sur lesquels la juridiction de l’expropriation a fondé son évaluation. Il conteste la pertinence de ceux invoqués par le commissaire du gouvernement en rappelant les tenir pour irrecevables.
Le commissaire du gouvernement demande à la cour dans ses premières conclusions de fixer le prix d’aliénation de l’immeuble objet des présentes à la somme totale arrondie de 95.928 euros, sur la base d’une valeur unitaire de 52,05 euros du m², soit 104,11 euros/m² avec abattement de 50% , et sans indemnité de remploi.
Dans ses secondes conclusions, il demande à la cour de fixer le prix d’aliénation de l’immeuble à la somme totale arrondie de 81.755 euros sur la base d’une valeur unitaire de 44,36 euros /m² soit 88,71 euros du m² avant abattement de 50%, et sans indemnité de remploi.
Il demande à la cour de se poser la question de la déchéance de l’appel de Mme [X] en ce que son mémoire d’appelant a été transmis sans les pièces visées.
Il approuve la date de référence au 10 décembre 2019.
Il estime que la parcelle est soumise à d’importantes nuisances environnementales.
Il récuse toute application de la méthode dite ‘du compte à rebours’..
Il indique se fonder sur une étude de marché portant sur des cessions de terrains entre 3.000 et 80.000 m², tout zonage confondu, dans la première couronne rochelaise entre septembre 2019 et septembre 2022, élargie aux terrains non répertoriés en terrain à bâtir.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* sur la demande de l’EPF de Nouvelle Aquitaine tendant à la suppression de deux passages des conclusions de l’appelante
L’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine sollicite sur le fondement de l’article 41, alinéa 4 et 5 de la loi du 29 juillet 1881 la suppression du paragraphe suivant contenu en page 5 des conclusions en réponse n°2 déposées par l’appelante :
‘Dans cette affaire de préemption la manipulation de la réalité est grotesque et effrayante tant elle est semblable à l’aryanisation des entreprises juives en France dans les années 1940 à 1944, voir l’ouvrage de [W] [P] ‘Les mauvais comptes de vichy’ aux éditions [M] dans la collection Terre d’histoire, sorti en 1999, où l’on découvre les AP (administrateurs provisoires) et le SCAP (Service de Contrôle des Administrateurs Provisoires) qui utilisent le formalisme légaliste pour transformer la réalité des valeurs, si semblablement que le font ici l’EPFNA et le CG’
Les moyens tirés de la caducité de la déclaration d’appel et de l’irrecevabilité de l’appel incident ne font pas obstacle à l’examen de cette demande, qui est préalable.
Selon l’article 41, alinéa 4, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte-rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.
Selon l’article 41, alinéa 5, pourront néanmoins, les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages et intérêts.
Surmontée d’un titre en gros caractères ‘L’INDICIBLE’ qui le place dans un registre dédié à l’évocation d’abominations suprêmes, le paragraphe dont l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine sollicite la suppression rapproche et même, par les termes ‘semblable’ et ‘semblablement’, assimile, son exercice du droit de préemption et sa saisine de la juridiction de l’expropriation en vue de fixer un prix d’acquisition à un montant moindre que celui mentionné à la promesse unilatérale de vente des propriétaires, à l’entreprise de spoliation des juifs de France qui avait pour objet, et pour effet, d’accaparer leurs biens sous le régime de collaboration des autorités avec l’occupant nazi durant la seconde guerre mondiale.
Un tel parallèle, en ce qu’il a de gratuit et de grossièrement infamant pour l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine, comme d’ailleurs aussi pour le commissaire du gouvernement, présente le caractère outrageant qui justifie d’ordonner sa suppression.
Sa présence dans des écritures destinées à une juridiction statuant en audience publique et communiquées à plusieurs parties, a causé à l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine un préjudice moral que la suppression ne répare pas entièrement et qui sera indemnisé par l’allocation de l’euro de dommages et intérêts qu’il sollicite.
La formule en page 33 des conclusions n°2 de l’appelante désignant l’EPF NA comme ‘…agissant ainsi avec traîtrise, alors qu’il représente l’État’, si outrancière qu’elle soit, demeure néanmoins quant à elle dans les limites de la liberté d’expression, et il n’y a pas lieu de faire droit à la demande visant à sa suppression.
* sur la demande de l’EPF de Nouvelle Aquitaine tendant à voir constater la caducité de l’appel principal
Aux termes du premier alinéa de l’article R.311-26 du code de l’expropriation, à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.
Selon le cinquième alinéa dudit article R.311-26, les conclusions et les documents sont produits en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, plus un.
Selon son sixième alinéa, le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.
Ces deux derniers textes impliquent nécessairement que l’appelant adresse matériellement au greffe ses conclusions et les documents qu’il entend produire, en tirage sur papier, afin qu’ils puissent être notifiés par le greffe, l’exemplaire surnuméraire étant destiné à la cour.
Contrairement à ce que fait valoir l’appelante, ces dispositions s’appliquent à la procédure d’appel des décisions du juge de l’expropriation tant en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique que de préemption, comme en l’espèce.
Il ressort du dossier de procédure de la cour, et il n’est au demeurant pas discuté, que l’appelante a transmis au greffe de la cour en autant d’exemplaires que de parties plus un ses conclusions dans les trois mois de leur déclaration d’appel, mais qu’elle n’a transmis ni concomitamment, ni à tout le moins dans ce délai, mais seulement en avril 2023, les pièces visées à ses conclusions et sur lesquelles elle fondait ses prétentions.
Il n’y a pas à rechercher si cette irrégularité a causé un grief aux intimés, dès lors que la caducité de la déclaration d’appel est encourue au titre non d’un vice de forme mais de l’absence de remise au greffe dans les délais requis (cf Cass. 2° Civ. 24.09.2015 P n°13-28017).
Il est inopérant, pour Mme [X], de faire valoir que la plupart des pièces visées dans ses conclusions d’appel avaient déjà été produites en première instance, l’appelant devant déposer ou transmettre à la cour dans le délai imparti toutes les pièces qu’il entend invoquer, y compris celles déjà déposées en première instance.
Il est vain, pour elle, de faire valoir que ses conclusions contenaient un lien hyper-texte permettant de charger ses pièces avec un moteur de recherche, le code de l’expropriation ne prévoyant pas de faculté de déroger ainsi, ou de quelque façon que ce soit, à l’obligation pour les parties à la procédure de procéder au dépôt au greffe des exemplaires de leurs pièces de façon à ce qu’il soit procédé à leur notification matérielle.
Il est sans incidence sur cette nécessité légale d’un dépôt matériel de pièces que l’édition en papier soit nuisible à l’environnement.
La caducité de la déclaration d’appel résultant de ce que les documents n’ont pas été remis au greffe dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel, et elle n’est pas contraire aux exigences de l’article 6 §1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Elle sera donc prononcée.
* sur la demande de l’EPF de Nouvelle Aquitaine tendant à voir prononcer l’irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement et de l’appel incident qu’elles contiennent
Selon l’article R.311-26, alinéa 2, du code de l’expropriation, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
Selon l’article R.311-26, alinéa 4, le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l’ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Le commissaire du gouvernement a adressé au greffe le 13 février 2023 des conclusions reçues le 14 février 2023 soit après l’expiration du délai de trois mois qui courait à compter du 19 octobre 2022, date de sa réception de la notification par le greffe des conclusions de l’appelante.
Ces conclusions sont ainsi irrecevables.
L’appel incident qu’elles contiennent, en ce que le commissaire du gouvernement y demande à la cour de fixer le prix d’aliénation de la parcelle préemptée à une somme différente de celle chiffrée par le juge de l’expropriation de Charente maritime, est donc irrecevable.
Cet appel incident était d’ailleurs également caduc.
Selon l’article 550, alinéa 1er, du code de procédure civile, en effet, sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l’appel incident ou l’appel provoqué peut être formé en tout état de cause, alors même que celui qui l’interjetterait serait forclos pour agir à titre principal, mais dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l’appel principal n’est pas lui-même recevable, ou s’il est caduc, or cet appel incident a été formé après l’expiration du délai pour interjeter appel principal et l’appel principal est caduc.
* sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
L’appelante succombe devant la cour et elle supportera les dépens d’appel.
Elle versera une indemnité de procédure à l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
ORDONNE en application de l’article 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 la suppression du paragraphe suivant contenu en page 5 des conclusions en réponse n°2 déposées par l’appelante et repris dans ses conclusions n°3 :
‘Dans cette affaire de préemption la manipulation de la réalité est grotesque et effrayante tant elle est semblable à l’aryanisation des entreprises juives en France dans les années 1940 à 1944, voir l’ouvrage de [W] [P] ‘Les mauvais comptes de vichy’ aux éditions [M] dans la collection Terre d’histoire, sorti en 1999, où l’on découvre les AP (administrateurs provisoires) et le SCAP (Service de Contrôle des Administrateurs Provisoires) qui utilisent le formalisme légaliste pour transformer la réalité des valeurs, si semblablement que le font ici l’EPFNA et le CG’
REJETTE la demande en suppression d’un autre passage des conclusions de l’appelante
CONDAMNE Mme [F] [I] épouse [X] à payer 1 euro (UN EURO) à titre de dommages et intérêts à l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine en réparation du préjudice que lui ont causé ces écrits outrageants
PRONONCE la caducité de la déclaration d’appel de Mme [X]
DÉCLARE irrecevable l’appel incident formé par le commissaire du gouvernement
CONDAMNE Mme [X] aux dépens d’appel
LA CONDAMNE in solidum à payer 1.000 euros à à l’Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine en application de l’article 700 de code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,