En l’espèce, il résulte des articles 9-1 du code civil et 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 que M. [B] [T], pour voir reconnaître une atteinte à sa présomption d’innocence, devait introduire l’instance dans un délai de trois mois à compter de la publication du communiqué de presse et accomplir par la suite, dans le même délai, un acte de procédure manifestant son intention de poursuivre.
Il est constant par ailleurs, au regard des dispositions de l’article 2241 du code civil, que l’effet interruptif de prescription de l’action en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable.
Dès lors que l’action initiée par M. [T] le 11 juin 2020 était irrecevable, comme l’a exactement retenu le premier juge sur le fondement de l’article L. 141-2 du code de l’organisation judiciaire, l’effet interruptif de prescription de la requête introductive d’instance est non avenu.
3 août 2023
Cour d’appel de Nouméa
RG n°
22/00325
N° de minute : 172/2023
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 03 Août 2023
Chambre Civile
Numéro R.G. : N° RG 22/00325 – N° Portalis DBWF-V-B7G-TNX
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 12 Février 2021 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :20/618)
Saisine de la cour : 09 Novembre 2022
APPELANT
M. [B] [T]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 5] – POLYNESIE FRANCAISE –
Représenté par Me Morgan NEUFFER membre de la SELARL MORGAN NEUFFER, avocat postulant au barreau de NOUMEA et par Me Stanley CROSS, avocat plaidant au barreau de POLYNESIE
INTIMÉS
M. [V] [U]
né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 4] – POLYNESIE FRANCAISE –
Représenté par Me Sophie BRIANT membre de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat postulant au barreau de NOUMEA et par Me Guillaume FEUILLET, plaidant au barreau de POLYNESIE
L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT,
Ministère de l’Economie et des Finances – Agissant ès qualités de détenteur du mandat légal de représentation
Siège social : [Adresse 3]
Représenté par Me Alexe-sandra VU membre de la SELARL ALEXE-SANDRA VU, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 1er Juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Gilles ROSATI, Premier président, président,
M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,
Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Gilles ROSATI.
Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par Monsieur Gilles ROSATI, président, et par Madame Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
PROCÉDURE DE PREMIERE INSTANCE
Courant 2014, M. le procureur de la République de PAPEETE a ouvert une enquête préliminaire des chefs de prise illégale d’intérêt mettant notamment en cause M. [B] [T], Maire de la commune de [Localité 6] (Polynésie Française) dans le cadre de l’affaire dite « Radio TEFANA ».
Le 13 décembre 2018, M. [B] [T] a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de PAPEETE pour répondre de cette infraction.
Suivant délibérations des 26 février et 25 juin 2019 ‘ non produites aux débats ‘ le conseil municipal de la commune de [Localité 6] a accordé à M. [T] la protection fonctionnelle et, à ce titre, a acquiescé à la prise en charge de ses frais de défense pour un montant global de 12 millions de francs CFP.
Le 27 septembre 2019, M. le procureur de la République de PAPEETE, visant ces deux délibérations, a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire des chefs de détournement de fonds publics et de recel, à l’occasion de laquelle il a fait saisir des sommes sur le compte bancaire de M. [B] [T]. Cette saisie a été maintenue par le juge des libertés et de la détention le 9 juin 2020.
Le 10 juin 2020, M. [V] [U], procureur de la République, a diffusé à la presse un communiqué ainsi rédigé :
« Dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte en septembre 2019 des chefs de détournements de fonds publics et recel mettant, notamment, en cause le maire de la commune de [Localité 6]: monsieur [B] [T] le procureur de la République en application des articles 131-21 alinéa 9 , 432-15, 432-17-3° du Code pénal et 706-154 du code de procédure pénale a fait procéder le 4 juin 2020 à la saisie de la somme de 11 559 297 XPF (96 866,98€) figurant sur le compte bancaire personnel de l’intéressé.
Cette mesure appelée ‘saisie en valeur’ a permis d’appréhender le montant exact des fonds publics imputés indûment au budget de la commune de [Localité 6] au titre des frais et honoraires d’avocats dans l’affaire de la prise illégale d’intérêts pour laquelle il a été poursuivi et condamné en 1ère instance.
La prise illégale d’intérêts est une atteinte à la probité qui ne relève pas , selon la jurisprudence judiciaire et administrative, de la faute non détachable des fonctions de maire. L’élu ainsi poursuivi et condamné ne peut bénéficier de la protection fonctionnelle qui lui aurait permis de faire prendre en charge par la collectivité territoriale ses frais de défense pénale.
Le code de procédure pénale depuis le 14 mars 2011 (article 706-154) offre la possibilité au procureur de la République d’agir d’initiative pour opérer la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte courant, il n’est pas exigé que cette somme provienne du délit objet de l’enquête.
Le juge des libertés et de la détention a été saisi par le procureur de la République le 8 juin soit dans le délai légal, ce magistrat a rendu sa décision le 9 juin en autorisant le maintien de cette saisie pénale.
Il a relevé que cette mesure n’est pas disproportionnée compte tenu de la gravité des faits et au regard du manquement qu’aurait commis son auteur, de la personnalité et de la situation personnelle de ce dernier au plan patrimonial en relevant qu’un risque de dissipation de la somme ne peut être écarté compte tenu de la nature de l’infraction et des circonstances de sa commission, dissipation qui aurait pour effet de priver le tribunal , le cas échéant, de toute perspective de confiscation ».
Suivant requête déposée le 11 juin 2020 et acte d’huissier signifié le même jour à M. [V] [U], M. [B] [T] a saisi le juge des référés du tribunal de première instance de PAPEETE aux fins de voir :
– Reconnaître l’atteinte à sa présomption d’innocence commise suite au communiqué de presse du 10 juin 2020 ;
– Insérer un communiqué rectificatif dans divers organes de presse sous astreinte ;
– Condamner M. [V] [U] à lui verser une provision à titre de réparation de son préjudice moral.
Par ordonnance du 22 juin 2020, le juge des référés a, au visa de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ordonné le renvoi de l’affaire devant le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa.
Par acte d’huissier du 16 novembre 2020, M. [B] [T] a fait assigner l’Agent Judiciaire de l’État (AJE) en intervention forcée et, aux visas des articles 9-1 du code civil et L.141-1 du code de l’organisation judiciaire, a sollicité de voir :
– Ordonner la jonction des procédures ;
– Déclarer l’ordonnance à intervenir opposable et commune à l’Etat, représenté par l’Agent Judiciaire de l’Etat ;
– Condamner l’Etat, représenté par l’Agent Judiciaire de l’Etat, à lui payer la somme de 100 000 francs CFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ainsi qu’aux dépens de l’intervention forcée.
Aux termes de ses conclusions du 4 novembre 2020, M. [B] [T] demandait au juge des référés de retenir que la violation de sa présomption d’innocence engageait la responsabilité personnelle de M. [U] et d’ordonner la publication d’un communiqué rectificatif. Subsidiairement, il sollicitait de se voir donner acte d’une part de l’appel en cause de l’Etat, d’autre part de ce qu’il renonçait à sa demande de dédommagement devant le juge des référés.
Aux termes de ses conclusions du 11 janvier 2021 dont il s’est prévalu à l’audience du 20 janvier 2021, il a sollicité qu’il soit sursis à statuer jusqu’au rétablissement des liaisons aériennes entre la Nouvelle Calédonie et la Polynésie française pour permettre sa représentation par son avocat plaidant. Subsidiairement, il a sollicité un dessaisissement au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris. Plus subsidiairement encore, il a demandé au juge de dire que la décision de M. [V] [U] de publier dans la presse polynésienne un communiqué daté du 10 juin 2020 constituait une faute lourde dont il devait assumer seul la responsabilité et, au visa de l’article 9-1 du code civil, de constater que ce communiqué portait atteinte à sa présomption d’innocence, d’ordonner dès lors l’insertion dans la presse de [Localité 9] et de [Localité 8] de l’ordonnance à intervenir dans la limite de 50 000 francs CFP par publication et de condamner M. [V] [U] au paiement de la somme de 200 000 francs CFP au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.
En réplique, aux termes de ses écritures du 14 janvier 2021 dont il s’est prévalu à l’audience, M. [V] [U] a sollicité à titre principal que le juge déclare la requête irrecevable comme nulle, qu’il juge l’action irrecevable comme prescrite tant à son encontre qu’à l’égard de l’Agent Judiciaire de l’Etat, qu’il déclare irrecevable et mal fondées les demandes de sursis à statuer et de dessaisissement, qu’il dise n’y avoir lieu à référé et que le juge des référés est incompétent pour allouer des dommages et intérêts contre un magistrat, qu’il juge que les écrits incriminés ne sont pas détachables du service et s’inscrivent dans les dispositions de l’article 11, alinéa 3 du code de procédure pénale et qu’il déclare en conséquence irrecevable l’action en responsabilité formée à son encontre en ce qu’elle ne peut être dirigée que contre l’Etat en application des dispositions du code de l’organisation judiciaire et de l’ordonnance statutaire. A titre subsidiaire, il a conclu au débouté de l’ensemble des demandes formées à son encontre. En tout état de cause, il a sollicité la condamnation de M. [B] [T] à lui payer la somme de 2 500 000 francs CFP à titre provisionnel pour procédure abusive, en réparation du préjudice moral né de l’atteinte à son honneur et à sa réputation, outre la somme de 750 000 francs CFP sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile applicable en Polynésie Française et de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ainsi qu’aux dépens.
Aux termes de ses écritures communiquées le 18 janvier 2021 et dont il s’est prévalu à l’audience, l’Agent Judiciaire de l’Etat a demandé que soit rejetée la demande de dépaysement. Il a soulevé la prescription de l’action engagée et a sollicité que M. [B] [T] soit débouté de l’ensemble de ses demandes et condamné à lui payer la somme de 180 000 francs CFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par ordonnance du 12 février 2021, le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa a :
– Rejeté les exceptions de procédure,
– Déclaré irrecevables les demandes formées à l’encontre de M. [V] [U] à titre personnel,
– Débouté M. [B] [T] de sa demande formée au titre de l’atteinte à la présomption d’innocence,
– Condamné M. [B] [T] outre les dépens, à verser 750 000 francs CFP à M. [V] [U] et 180 000 francs CFP à l’AJE sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie Française.
– Rappelé que sa décision était exécutoire par provision.
PROCEDURE D’APPEL
Par requête déposée le 29 avril 2021 au greffe de la cour, M. [B] [T] a interjeté appel de cette ordonnance.
En l’état de ses conclusions récapitulatives déposées le 27 avril 2023, il prie la cour de:
à titre principal,
– Débouter M. [V] [U] de l’ensemble de ses demandes formulées dans ses conclusions des 17 juin et 16 juillet 2021,
– Débouter l’agent judiciaire de l’Etat de l’ensemble de ses demandes telles que formulées dans ses conclusions du 16 juin 2021,
– Faire droit à l’ensemble de ses demandes comme fondées et justifiées,
– Infirmer l’ordonnance du 12 févier 2020, en ce qu’elle a :
– Débouter M. [B] [T] de sa demande pour atteinte à la présomption d’innocence fondée sur l’article 9-1 du code civil,
‘ Condamner M. [B] [T] à verser respectivement à M. [V] [U] la somme de 750 000 francs CFP et 180 000 francs CFP et à l’agent judiciaire de l’Etat sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie Française ;
‘ Condamner M. [B] [T] aux entiers dépens.
statuant à nouveau,
– Dire l’appel de M. [B] [T] recevable comme ayant été relevé dans les délais impartis par la loi,
– Dire et juger qu’en diffusant le 10 juin 2020 un communiqué dans la presse de Tahiti, a commis une atteinte à la présomption d’innocence de M. [B] [T] au sens de l’article 9-1 du code civil ;
En conséquence,
– Autoriser M. [B] [T] à faire insérer, aux frais de l’Etat, dans les journaux « La dépêche de Tahiti » et « Tahiti Infos » ainsi que sur les sites internet des chaînes de télévision TNTV et « Polynésie la 1ere », un communiqué figurant dans un encadré de 8 cm de haut et de 14 cm de large de rédigé comme suit :
« Communiqué de M. [B] [T] :
En exécution de la décision du Tribunal des Référés,
Le communiqué de Monsieur le Procureur de la République est une grave violation de sa présomption d’innocence, en le présentant comme une personne définitivement condamnée.
C’est faux ! En l’état des procédures actuellement dirigées contre lui., Monsieur [B] [T] n’est pas condamné. Monsieur le Procureur de la République le sait et son communiqué a pour but de discréditer publiquement.
Il est aussi préjudiciable à son à sa réputation et à son honneur de prétendre qu’il serait susceptible de dissiper l’argent saisi sur son compte ; il n’y a jamais eu de sa part un franc prélevé sur les fonds de la commune.
C’est lui faire injure que de le soupçonner de vouloir organiser son insolvabilité ;
A 75 ans, Maire de la commune de [Localité 6] depuis 37 ans, Monsieur [B] [T] a toujours répondu aux convocations judiciaires ; il n’a jamais tenté de s’y soustraire.
M. [V] [U], Procureur de la République, par son communiqué, a méconnu les dispositions légales et notamment celles qui concernent le principe de la présomption d’innocence. »
** A titre subsidiaire,
– Infirmer l’ordonnance du 12 févier 2020, en ce qu’elle a condamné M. [B] [T] à verser respectivement à M. [V] [U] la somme de 750 000 francs CFP et 180 000 francs CFP et à l’agent judiciaire de l’Etat sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Statuant à nouveau,
– Condamner M. [B] [T] à verser respectivement à M. [V] [U] la somme de 750 000 francs CFP et 180 000 francs CFP et à l’agent judiciaire de l’Etat sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
– Condamner l’Agent judiciaire de l’Etat à payer à M. [B] [T] la somme de 800 000 F CFP au titre de l’article 407 du code de Polynésie Française, ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel.
M. [V] [U] et l’AJE ont formé appel incident le 18 juin 2021.
Par conclusions transmises par RPVA le 18 juin 2021 et en dernier état des écritures transmises par RPVA le 19 juillet 2021 modifiant ses demandes, M. [V] [U] prie la cour, statuant en matière de référés, de :
* Au principal,
– Constater que l’acte d’appel de M. [B] [T] ne sollicite pas l’infirmation du chef de l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes dirigées à son encontre,
– Dire et Juger :
– que la Cour d’appel n’est pas saisie de ce chef de l’ordonnance ;
– qu’il n’y avoir lieu à statuer sur l’appel ;
– Dire et Juger qu’il n’y a pas lieu à référé les conditions n’étant pas réunies.
** A titre subsidiaire,
– Dire et Juger que les écrits rédigés par M. [V] [U] dans le « communiqué du procureur de la République près le TPI de [Localité 9] le mercredi 10 juin à la presse » publié par la presse locale, dont TNTV sur son site internet du 10 juin 2020, ne sont pas détachables du service, s’agissant de déclarations écrites d’un procureur de la République s’inscrivant dans le cadre des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 11 du code de procédure pénale ;
– Dire et Juger que les demandes dirigées contre Monsieur [V] [U], qui n’a fait que rappeler une décision de culpabilité rendue en première instance en audience publique de jugement, ne peuvent être fondées sur le fondement de l’article 9-1 du Code civil ;
– Dire et Juger que les écrits rédigés par M. [V] [U] dans le communiqué de presse du 10 juin 2020 querellé, publié par TNTV sur son site Internet le même jour, ne portent pas atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficie M. [B] [T] au sens de l’article 9-1 du Code Civil et s’inscrivent dans le cadre de l’article 11 alinéa 3 du code de procédure pénale ;
– Dire et Juger DIRE ET JUGER que ces écrits ne sont pas davantage de nature à constituer une faute personnelle imputable à M. [V] [U] ;
– Débouter purement et simplement M. [B] [T] de l’intégralité de ses demandes ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
– Condamner M. [B] [T] à verser à M. [V] [U] la somme de 750000 FCFP sur le fondement de l’article 407 du CPC applicable en Polynésie Française et de l’article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions également transmises en RPVA le 18 juin 2021 et en dernier état de ses conclusions déposées le 13 décembre 2022, l’AJE prie la cour de :
– Débouter M. [B] [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– Réformer l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de première instance de Nouméa le 12 février 2021 en ce qu’elle a rejeté les moyens d’irrecevabilité et de prescription soulevés ;
Statuant à nouveau,
* A titre principal,
– Dire et Juger,
– Prescrite l’action engagée pour violation de la présomption d’innocence ;
– N’y avoir lieu à référé les conditions n’étant pas réunies ;
** A titre subsidiaire,
– Confirmer l’ordonnance de référé du 12 février 2021 en ce qu’elle a débouté M. [B] [T] de sa demande au titre de l’atteinte à la présomption d’innocence et l’a condamné à payer à l’AJE la somme de 180 000 F CFP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie Française, outre les dépens de première instance.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
– Condamner M. [B] [T] [B] à payer à l’Agent Judiciaire de l’Etat la somme de 265.000 F.CFP en appel au titre de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie française, outre aux entiers dépens d’appel.
Par ordonnance du 15 juin 2022 prise aux visas des articles 75 et 910 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, le conseiller de la mise en état s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de radiation présentée par M. [V] [U] et a ordonné le renvoi de l’affaire devant le premier président ou son délégué.
Suivant ordonnance du 8 septembre 2022 prise au visa de l’article 526 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie, le premier président, constatant la non-exécution de l’ordonnance déférée et l’absence de conséquences manifestement excessives tirées de l’exécution provisoire, a ordonné la radiation de l’affaire du rôle de la cour et a condamné M. [B] [T], outre les dépens, à verser à l’Agent Judiciaire de l’Etat la somme de 100 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions déposées au greffe le 2 novembre 2022, M. [B] [T] justifiant de l’exécution de l’ordonnance du 12 février 2021, a sollicité le rétablissement de l’affaire en application de l’article 383 alinéa 2 du code de procédure civile
Suivant ordonnance du 9 novembre 2022, l’affaire a été rétablie au rôle de la cour.
L’affaire a été fixée par ordonnance du 28 février 2023 à l’audience du 1er juin 2023.
A cette audience les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et l’affaire a été mise en délibéré au 3 août 2023.
Pour un exposé des moyens invoqués par les parties, la cour renvoie expressément à leurs écritures respectives, aux notes de l’audience et aux développements ci-dessous.
MOTIFS :
Sur l’effet dévolutif de l’appel :
Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs, lorsqu’il tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
En l’espèce, la requête d’appel valant mémoire ampliatif déposée le 29 avril 2021 ne poursuit pas l’infirmation de l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a jugé irrecevables les demandes formées à l’encontre M. [V] [U] à titre personnel.
M. [B] [T] confirme d’ailleurs dans ses écritures qu’il n’a pas relevé appel de ces dispositions.
Il n’y a pas lieu dès lors d’examiner en cause d’appel les demandes formées contre M. [V] [U] à titre personnel.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
L’agent judiciaire de l’Etat soutient à titre principal que l’action diligentée par M. [B] [T] était prescrite dès lors que le délai de prescription de trois mois de l’article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 n’a pas été interrompu suite à l’ordonnance de dessaisissement du 22 juin 2020, le premier acte interruptif étant constitué de ses conclusions du 3 novembre 2020.
M. [B] [T] soutient quant à lui que la prescription n’était pas acquise dès lors, comme l’a retenu le premier juge, que le délai de prescription a été suspendu en raison de l’impossibilité d’agir pendant la durée du transport postal du dossier suite au dessaisissement et qu’il n’a ainsi recommencé à courir que le 12 octobre 2020, date à laquelle il a été à nouveau enrôlé au tribunal de première instance de Nouméa.
En l’espèce, il résulte des articles 9-1 du code civil et 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 que M. [B] [T], pour voir reconnaître une atteinte à sa présomption d’innocence, devait introduire l’instance dans un délai de trois mois à compter de la publication du communiqué de presse et accomplir par la suite, dans le même délai, un acte de procédure manifestant son intention de poursuivre.
Il est constant par ailleurs, au regard des dispositions de l’article 2241 du code civil, que l’effet interruptif de prescription de l’action en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable.
Dès lors que l’action initiée par M. [T] le 11 juin 2020 était irrecevable, comme l’a exactement retenu le premier juge sur le fondement de l’article L. 141-2 du code de l’organisation judiciaire, l’effet interruptif de prescription de la requête introductive d’instance est non avenu.
Dans ces conditions, la mise en cause de l’Etat suivant assignation du 16 novembre 2020, soit plus de 5 mois après la publication du communiqué de presse litigieux, apparaît tardive.
M. [B] [T] ne justifie par ailleurs d’aucune autre cause d’interruption ni d’aucune circonstance susceptible de caractériser une impossibilité d’agir à l’encontre de l’Etat dans le délai de trois mois qui lui était imparti, étant rappelé, à titre surabondant, qu’il n’a présenté en première instance aucune demande contre l’Etat.
Au regard de ce qui précède, il y a lieu d’infirmer partiellement l’ordonnance frappée d’appel et de déclarer irrecevable comme prescrite l’action formée par M. [B] [T] contre l’Agent Judiciaire de l’Etat aux fins de voir reconnaître une atteinte à sa présomption d’innocence tirée des termes du communiqué de presse publié le 10 juin 2020 par M. [V] [U], procureur de la République près le tribunal de première instance de PAPEETE.
Sur la demande reconventionnelle :
Vu l’article 32-1 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;
M. [V] [U] sollicite à titre reconventionnel la condamnation de M. [B] [T] à lui payer une somme provisionnelle de 2 500 000 francs CFP pour procédure abusive.
Toutefois, il n’est pas établi que l’action initiée par M. [B] [T] a, malgré l’échec de ses prétentions, revêtu un caractère abusif ou dilatoire, de sorte que le jugement mérite confirmation en ce qu’il a débouté M. [V] [U] de ses demandes formées à ce titre.
Sur les demandes annexes :
M. [B] [T] échouant à faire la démonstration de son bon droit en cause d’appel, il y a lieu de le condamner à payer à l’Agent Judiciaire de l’Etat et à M. [V] [U], tous deux intimés, la somme de 250 000 francs CFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ainsi qu’à supporter la charge des dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME l’ordonnance frappée d’appel, sauf en ses dispositions rejetant les exceptions de procédure et déboutant M. [B] [T] de sa demande au fond ;
Statuant à nouveau de ces chefs :
DECLARE prescrite l’action formée par M. [B] [T] à l’encontre de l’Agent Judiciaire de l’Etat aux fins de voir reconnaître une atteinte à sa présomption d’innocence tirée des termes du communiqué de presse publié le 10 juin 2020 par M. [V] [U], procureur de la République près le tribunal de première instance de PAPEETE.
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [B] [T] à payer à M. [V] [U] la somme de 250 000 francs CFP et à l’Agent judiciaire de l’Etat et la somme de 250 000 FCFP au titre des leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
CONDAMNE M. [B] [T] aux dépens d’appel.
Le greffier, Le président,