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Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 28 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/04804 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OXTA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 OCTOBRE 2020
Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER
N° RG 20/02981
APPELANTE :
Madame [E] [C]
née le 31 Août 1963 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMES :
Monsieur [P] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Bernard BERAL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assisté de Me Christophe NOIZE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
en son Parquet Tribunal de Montpellier
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Non présent sur l’audience
Ordonnance de clôture du 28 décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
M. Emmanuel GARCIA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON
Ministère public : L’affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.
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EXPOSE DES FAITS, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par acte d’huissier en date des 22 et 28 juillet 2020, [E] [C] a fait assigner à jour fixe le procureur de la république et [P] [R] devant le Tribunal judiciaire de MONTPELLIER, sur le fondement de la loi de 1881 pour des propos diffusés publiquement par ce dernier le 24 juin 2020 par voie électronique constitutifs d’une diffamation publique.
Elle soutient qu’alors qu’elle menait campagne pour les élections aux Unions Régionales des Professionnelles de Santé devant se dérouler entre le 31 mars et le 7 avril 2021, [P] [R] président de la Fédération Nationale des Infirmiers a rédigé et diffusé publiquement un courrier électronique dans lequel il tient les propos suivants: « deux convocations à la gendarmerie… une peut-être pour falsification de listes au dernier scrutin URPS dans les Hauts de France’ L’autre peut-être pour le détournement de 60 000 € des comptes URPS Occitane en qualité de trésorière de ladite URPS’ Ou autre chose’ » propos constituant une diffamation publique.
Le jugement en date du 16 octobre 2020 rendu par le Tribunal judiciaire de MONTPELLIER énonce:
Déboute [E] [C] de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de [P] [R] au titre de la diffamation publique.
Condamne [E] [C] à payer à [P] [R] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens.
Le jugement entrepris revient sur les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 en ses articles 23, 29 alinéa 1er, 32 alinéa 1er, et 53 et en particulier sur la notion de moyen de communication au public et rappelle que s’agissant de la communication par voie électronique il n’y a pas publicité si l’écrit est destiné aux seules personnes d’un groupement liées par une communauté d’intérêts.
En l’espèce les premiers juges considèrent donc qu’il n’est pas rapporté la preuve que [P] [R] ait expédié son message à des personnes étrangères à la Fédération Française des Praticiens de Santé qui regroupe uniquement des organisations syndicales de différentes professions para-médicales au nombre de 8 et qu’il n’est pas contesté que les 17 destinataires identifiés et identifiables par chacun des autres du courrier litigieux exercent tous des fonctions au sein de la Fédération Française des Praticiens de Santé et ce en raison de leur appartenance aux 8 organisations syndicales membres fondateurs de la dite fédération.
Ainsi pour le tribunal judiciaire la communauté d’intérêts des destinataires du courriel litigieux au sein de la Fédération Française des Praticiens de Santé est établie et la publicité du dit courriel n’est donc pas caractérisée.
[E] [C] a déposé au greffe une déclaration d’appel le 2 novembre 2020.
La clôture de l’instruction a été ordonnée par ordonnance en date du 28 décembre 2022 .
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Les dernières écritures pour [E] [C] ont été déposées le 17 décembre 2020.
Les dernières écritures pour [P] [R] ont été déposées le 12 mars 2021.
En réponse à avis le Procureur général a fait savoir le 3 novembre 2020 qu’il s’en rapportait.
Le dispositif des dernières écritures de [E] [C] énonce :
Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
Dire que les propos diffusés publiquement par [P] [R] le 24 juin 2020 par voie électronique sont constitutifs d’une diffamation publique au préjudice de [E] [C] prise en sa qualité de trésorière de l’URPS Infirmiers Libéraux Occitanie prévue par l’article 29 alinéa 1er et réprimée par l’article 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881.
Ordonner la publication sur le site de la Fédération Nationale des Infirmiers du communiqué suivant: « Par jugement du ‘ le tribunal judiciaire de MONTPELLER a condamné [P] [R], président de la FNI pour diffamation publique à l’encontre de [E] [C]. »
Dire que le communiqué devra être accessible pendant une durée d’un mois à partir de la date à laquelle le présent jugement sera rendu au besoin sous astreinte de 100 € par jour d’inexécution de la présente publication.
Condamner [P] [R] à payer à [E] [C] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son honneur et à sa considération.
Condamner [P] [R] au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
[E] [C] après avoir rappelé les dispositions de la loi de 1881 expose que:
-la diffamation est bien dirigée contre une personne dont l’identification est rendue possible conformément à l’article 29 alinéa 1er de ladite loi,
-les propos tenus constituent bien l’allégation ou l’imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne puisqu’il est notamment insinué que [E] [C] est impliquée dans deux infractions pénales en l’occurrence une falsification de listes électorales et un détournement d’argent.
Sur le caractère public de la diffamation l’appelante rappelle que [P] [R] a adressé le courriel à 17 personnes et que si elles sont toutes membres de la FFPS et liées théoriquement par une communauté d’intérêts pour autant il ne peut être jugé que les propos tenus le sont dans le cadre d’une communauté d’intérêts.
L’appartenance à un même groupement ne doit pas permettre automatiquement d’exclure la diffamation publique en retenant une communauté d’intérêts sans s’interroger sur le fait de savoir si les propos diffamants concernent ou non les intérêts communs de ce groupement.
Or en l’espèce les propos tenus par [P] [R] à l’encontre de [E] [C] sont en relation avec les fonctions de cette dernière au sein de L’URPS et sont donc sans liens avec la FFPS les deux entités n’ayant aucun lien entre elles.
Elle ajoute que si la FFPS doit assurer l’entente des différents syndicats membres elle ne doit pas constituer le moyen de régler des comptes personnels entre les représentants personnes physiques de syndicats professionnels infirmiers concurrents.
En réponse à la justification de ses propos avancés par [P] [R], [E] [C] fait valoir que:
-c’est avec une totale mauvaise foi qu’il affirme avoir voulu rétablir la vérité suite au mail adressé par [E] [C] à Madame [F] le 24 juin,
-le droit de réponse doit toujours être proportionné.
Le dispositif des dernières écritures de [P] [R] énonce :
Confirmer le jugement dont appel .
Condamner [E] [C] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur l’absence de diffamation publique [P] [R] rappelle les dispositions légales et que le fait qu’un courriel soit adressé à plusieurs personnes ne constitue pas automatiquement une diffamation publique s’il s’agit d’un cercle restreint partageant une communauté d’intérêts.
Or en l’espèce les destinataires du courriel en cause sont tous membres de la FFPS en qualité d’administrateur, secrétaire, trésorier, vice-président… si bien qu’ils sont tous liés par une communauté d’intérêts en l’occurrence la défense transversale des intérêts des syndicats qui la composent.
Il ajoute que la notion de communauté d’intérêts pour retenir ou non la publicité des propos est appréciée entre les seuls destinataires des propos et non au regard des propos tenus.
Sur le caractère non diffamatoire des propos tenus dans le courriel litigieux [P] [R] fait valoir que c’est [E] [C] qui dans un premier temps a révélé ses convocations à la gendarmerie pour affirmer que la FNI dont il est le président utilisait des méthodes déloyales pour l’affaiblir,
Il invoque ensuite son droit de réponse et sa bonne foi soutenant qu’il n’a fait que répondre en précisant le contexte dans lequel était intervenu les plaintes déposées contre [E] [C] en précisant notamment que ces plaintes n’avaient pas été déposées par la FNI.
Il affirme donc que le courriel du 24 juin apporte des éléments essentiels à la compréhension du débat et à la réfutation des accusations portées précédemment par [E] [C] tout en conservant un ton poli et modéré et sans animosité personnelle la réponse s’inscrivant dans le cadre d’un débat entre deux syndicats.
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MOTIFS :
C’est à juste titre que le jugement entrepris a rappelé qu’en matière de diffamation publique s’agissant de la communication par voie électronique il n’y a pas de publicité si l’écrit est destiné aux seules personnes liées par une communauté d’intérêts.
En ce sens un parti politique, une fédération regroupant des professionnels, un syndicat constituent un groupement liée par un communauté d’intérêts.
En l’espèce il n’est pas contesté que:
-[P] [R] qui exerce la profession d’infirmier libéral occupe depuis décembre 2018 les fonctions de président de la Fédération Nationale des Infirmiers ( FNI) chargée de défendre les intérêts de la profession,
-[E] [C] qui exerce également la profession d’infirmier libéral occupe des fonctions au sein du syndicat professionnel Convergence ( présidente) en charge de la défense des intérêts de la profession, et au sein de l’Union Régionale des Professionnels de Santé Infirmiers ( URPS) chargé de représenter les infirmiers dans la région Occitanie en qualité de trésorière,
-la FNI et Convergence Infirmiers sont deux syndicats membres de la Fédération Française des Praticiens de Santé ( FFPS),
-le mail attaqué a été envoyé en période de campagne pour les élections aux Unions Régionales des professionnels de Santé, élections auxquelles [E] [C] était candidate.
Il n’est pas non plus contesté que le mail litigieux en date du 24 juin 2020 rédigé par [P] [R] a été adressé à 17 destinataires identifiables et identifiés qui exercent tous les fonctions au sein de la FFPS en qualité de vice-président, trésorier, secrétaire général, ou administrateurs ( dont [E] [C]) et ce en raison de leur appartenance à un syndicat professionnel défendant les intérêts de la profession d’infirmier et donc membre de la FFPS.
Il apparaît en outre que ce mail a été écrit en réponse à un mail du même jour adressé par [E] [C] à [X] [F] secrétaire générale de la FFPS également destinataire du mail de [P] [R] et que le 25 juin 2020 [E] [C] enverra en protestation au mail en litige elle-même un mail en l’ensemble des 17 destinataires ce qui tend à démontrer que le mail a bien été adressé à un groupement lié par une communauté d’intérêts.
Il ressort par conséquent de l’ensemble de ces éléments que le mail incriminé qui a été rédigé en période de campagne pour les élections aux Unions Régionales des professionnels de Santé, élections auxquelles [E] [C] était candidate, s’adressait bien et exclusivement à des personnes ayant une communauté d’intérêts en l’occurrence professionnels à savoir la défense des professions para-médicales et qu’en outre les propos qui y sont tenus sont en lien avec des fonctions électives.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a considéré que le caractère de diffamation publique n’était pas établi, et par conséquent en ce qu’il a débouté [E] [C] de l’ensemble de ses demandes.
La décision déférée sera également confirmée en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.
En outre [E] [C] succombant en son appel sera condamnée à payer à [P] [R] la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d’appel.
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PAR CES MOTIFS:
La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de MONTPELLER;
Y ajoutant,
Condamne [E] [C] à payer à [P] [R] la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne [E] [C] aux entiers dépens de la procédure d’appel.
Le Greffier Le Président
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