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Dans cette affaire, si le preneur d’un local commercial s’est engagé à libérer le local actuellement occupé et à le vider de l’ensemble de son matériel dès que celui-ci devra faire l’objet d’une destruction, il n’a pas pour autant autorisé dans cet acte le bailleur à pénétrer dans son local pour y procéder par lui-même au déplacement des installations professionnelles.
Il résulte des constats d’huissiers de justice établis les 9 mai et 10 mai 2022 par la Scp Faroux & Badoux-Laurent que la société Tanavi a fait procéder au déménagement des installations professionnelles du salon de coiffure de la société Lift dans la nuit du 9 au 10 mai 2022 en dehors de la présence de la société Lift.
La sociétéTanavi ne justifie pas avoir recueilli l’accord de la société Lift pour entrer dans le salon de coiffure et procéder au déménagement. Elle ne produit à ce titre ni SMS, ni mails envoyé préalablement à la société Lift. Le relevé téléphonique faisant apparaître l’existence de deux communications téléphoniques entre les parties le 21 avril 2022 et le 6 mai 2022 ne permet pas d’en établir le contenu, ni a fortiori qu’elles portaient sur le principe et une date de déménagement. De même, les attestations des autres locataires de la galerie marchande indiquant avoir été informés oralement par la société Tanavi de l’évolution des travaux et des dates de déménagement et aménagement sont insuffisantes à démontrer que la société Lift a elle-même été informée et a autorisé le déménagement alors même qu’il ressort des témoignages des employés du salon que les relations étaient tendues entre la société Tanavi et la société Lift. La société Tanavi ne peut se dispenser d’établir la preuve de l’autorisation alléguée au motif qu’elle avait l’habitude d’avoir des échanges oraux avec ses locataires.
La société Tanavi justifie seulement avoir informé par mail du 10 mai 2022 postérieur au déménagement la société Lift du déplacement de ses installations.
Madame [H] [J], salariée du salon, déclare qu’à sa plus grande surprise, le salon a changé de place dans la nuit, que les affaires étaient placés au milieu du nouveau salon, que les postes de coiffure n’étaient pas fixés au sol, que les tubes de couleur étaient renversés.
Si le président de la société Tanavi indique à l’huissier de justice que l’exploitant du salon de coiffure a laissé la porte du salon ouverte afin de permettre à la société Tanavi d’effectuer le déménagement, Monsieur [E] [O] et [S] [G], client du salon de coiffure et accompagnant, attestent que le 9 mai à 19h20, ils ont vu la coiffeuse fermer le rideau métallique du salon à l’aide d’une clé introduite dans un boitier, le rideau se trouvant à l’intérieur du salon, et refermer la porte d’entrée sans la vérouiller dès lors que le rideau faisait déjà obstruction à toute entrée.
Ces attestations ne sont pas contredites par le constat d’huissier établi le 9 mai à 19h55 qui indique que la porte n’était pas verrouillée et le rideau métallique levé dans la mesure où lorsque l’huissier de justice est arrivé, le dirigeant de la société Tanavi était déjà sur place et où il n’a pas assisté aux opérations préalables à son arrivée.
Par ailleurs, comme relevé par le premier juge, le contrat prévoyait l’établissement d’un avenant au plus tard le jour de la livraison du nouveau local et l’établissement d’un état des lieux.
Il n’est pas justifié de la convocation de la société Lift pour la livraison du nouveau local, ni de la signature d’un avenant au plus tard le jour de la livraison. En effet, ce n’est que par courrier du 16 mai 2022 reçu le 19 mai 2022 que la société Tanavi a envoyé à la société Lift le projet d’avenant.
Aucun état des lieux n’a été établi amiablement et contradictoirement avant l’entrée dans le nouveau local. Il n’est en effet justifié d’aucune convocation de la société Lift à un tel état des lieux. Le constat d’état des lieux a été établi par l’huissier de justice hors la présence du preneur et sans convocation préalable de celui-ci.
Dès lors, c’est de façon parfaitement justifiée que le premier juge a retenu l’existence d’un trouble manifestement illicite en présence d’une entrée de la société Tanavi dans le local professionnel de la société Lift et du déplacement de ses installations professionnelles sans justifier de son autorisation et sans avoir respecté le processus contractuel prévu par les parties.
N° RG 22/02842 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LO3L
C8
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Frédérique BEAUDIER
la SELARL AEGIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 25 MAI 2023
Appel d’une ordonnance (N° RG 22/00322)
rendue par le Président du TJ de VALENCE
en date du 29 juin 2022
suivant déclaration d’appel du 21 juillet 2022
APPELANTE :
S.A.S. TANAVI immatriculée au RCS de ROMANS SUR ISERE sous le numéro 656 051 représentée par son dirigeant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Frédérique BEAUDIER, avocat au barreau de VALENCE, postulant et plaidant par Me GIORSETTI, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
S.A.R.L. LIFT au capital social de 5.000€, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de ROMANS SUR ISERE sous le numéro 523 164 929, agissant poursuites et diligences de son Co- Gérant en exercice, en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée et plaidant par Me Eric VACASSOULIS de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 février 2023, Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré,
Exposé du litige
Suivant bail commercial renouvelé à compter du 1er janvier 2017, la société Tanavi exploitant un magasin sous l’enseigne Intermarché situé à [Localité 4] est locataire de la société Foncière Chabrières.
Suivant acte sous seing privé du 30 juin 2017, la société Tanavi a renouvelé le bail commercial de sous-location à Monsieur [K] [T] exploitant un salon de coiffure. Cet acte mentionnait le projet d’agrandissement à moyen terme de l’Intermarché, la destruction prévue du local actuellement loué à Monsieur [T] et l’acceptation du sous-locataire du déplacement de son fonds de commerce dans un local devant lui être attribué dans la nouvelle galerie marchande.
Par acte du 20 novembre 2017 reçu par Me [W], notaire, Monsieur [K] [T] a cédé son fonds de commerce comprenant la cession du bail à la société Lift. Il était rappelé le projet d’agrandissement dans l’acte.
Le déplacement des installations professionnelles du salon de coiffure a été effectué dans la nuit du 9 au 10 mai 2022 par la société Tanavi.
Par mail du 10 mai 2022 à 6h28, la société Tanavi a indiqué à la société Lift que le déménagement du salon venait de se terminer.
Considérant que la société Tanavi s’est introduite de façon clandestine dans le local occupé par la société Lift, celle-ci l’a assignée à heure indiquée devant le juge des référés en indemnisation des frais de remise en état et en allocation d’une provision suivant autorisation du président du tribunal judiciaire de Valence.
Par ordonnance du 29 juin 2022, le juge de référés du tribunal judiciaire de Valence a:
dit y avoir lieu à référé,
dit que la société Tanavi a commis un trouble manifestement illicite à l’encontre de la société Lift,
condamné la société Tanavi à payer à la société Lift la somme de 15.000 euros à titre de provision,
débouté la société Tanavi de ses demandes reconventionnelles,
condamné la société Tanavi à payer à la société Lift la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,
condamné la société Tanavi aux entiers dépens comprenant le constat d’huissier du 10 mai 2022.
Par déclaration du 21 juillet 2022, la société Tanavi a formé appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions qu’elle a énoncées dans son acte d’appel.
Prétentions et moyens de la société Tanavi
Dans ses conclusions remises le 23 janvier 2023, elle demande à la cour de:
réformer l’ordonnance du 29 juin 2022 en ce qu’elle a condamné la société Tanavi y compris au titre des frais de procédure et rejeté ses demandes reconventionnelles,
rejeter l’appel incident de la société Lift,
A titre reconventionnel,
condamner la société Lift à verser à la société Tanavi la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 du chef des mentions diffamatoires figurant dans l’assignation et notamment de l’affirmation selon laquelle la société Tanavi se serait rendue coupable d’une violation de domicile ou d’une voie de fait à son égard,
condamner la société Lift à verser à la société Tanavi une somme de 46.684,67 HT euros au titre du remboursement des frais de déménagement et d’aménagement intérieur exposés sans cause,
condamner la société Lift au paiement d’une somme de 3000 euros à la société Tanavi en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que la mise en oeuvre de la procédure de référé à heure indiquée suppose que le cas requiert célérité, condition que le juge doit vérifier; qu’en l’espèce, le juge des référés n’a pas vérifié l’existence de cette urgence puisque se référant à l’article 835 du code de procédure civile et non pas à l’article 485, il a considéré qu’il n’y avait pas à prouver cette urgence; que la seule existence d’un trouble manifestement illicite ne suffit pas à la caractériser; que cette procédure lui a causé un grief dans la mesure où elle n’a pas eu le temps nécessaire au calcul de sa demande reconventionnelle; que de toute façon, les irrégularités de fond ne sont pas soumises à la nécessité d’un grief; que les demandes de la société Lift devaient donc être rejetées.
Sur le trouble manifestement illicite, elle fait valoir que le juge des référés a mal apprécié les termes clairs du bail, qu’il ne résulte pas de cet acte que la signature d’un avenant préalable au déménagement et constatant la mise à disposition des nouveaux locaux constituait une condition suspensive de l’obligation du bailleur de livrer les nouveaux locaux et de l’obligation du preneur de les accepter, que la seule condition tenait à la démolition du local existant, que de toute façon, elle a remis le jour même de la remise des nouveaux locaux le projet de bail à la société Lift, que le preneur s’était engagé par avance à accepter les nouveaux locaux au moment de la démolition des anciens locaux, que dès lors en retenant un trouble illicite né d’une violation du contrat, le juge des référés en a méconnu les stipulations claires et précises, qu’en exigeant une preuve explicite de l’accord de la société Lift, le premier juge a méconnu l’usage concernant les modalités de discussion entre commerçants, que la société Lift n’a émis aucune opposition à la suite des lettres l’informant des travaux et a laissé le rideau métallique et la porte du salon ouverts le 9 mai, qu’il est donc démontré son accord quant au principe et à la date du déménagement, que le déménagement était indispensable pour permettre le respect des normes de sécurité incendie imposées à la galerie commerciale.
Sur le préjudice, elle relève qu’il est erroné de prétendre que les déménageurs ont procédé à l’arrachage du rideau métallique ou de la porte alors que l’huissier qu’elle a mandaté n’a constaté aucune entrée par effraction, que le dommage lié à la prétendue brutalité du déménagement est purement artificiel dès lors que la société Lift avait été parfaitement informée du principe et de la date prévisionnelle du déménagement et qu’elle n’a entrepris aucune démarche pour s’associer à ce déménagement, qu’en outre le préjudice n’a pu qu’être compensé par la valorisation du fonds de commerce du fait d’un nouveau salon moderne et parfaitement achalandé.
Sur ses demandes reconventionnelles, elle soutient qu’elle sont recevables comme présentant un lien suffisant avec la demande de la société Tanavi et de nature à opérer compensation. Elle souligne que considérer l’exécution de son obligation de déménagement du salon de coiffure vers le nouveau local comme une forme de violation de domicile est purement diffamatoire et justifie l’allocation d’une somme provisionnelle de 5.000 euros sur le fondement de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Sur son action au titre de l’enrichissement sans cause au titre des frais de déménagement et d’aménagement du local, elle relève que même en présence d’un contrat de bail, elle peut alléguer ce fondement dès lors que l’obligation de rembourser les travaux d’amélioration du local par le bailleur n’était pas stipulé dans le contrat.
En réponse à l’appel incident, la société Tanavi indique qu’il appartenait à la société Lift de réaliser l’agencement intérieur du nouveau local livré conformément aux obligations contractuelles stipulées avec son franchiseur et qu’elle ne saurait supporter le coût de ces agencements, ni les pertes d’exploitation résultant de l’absence d’agencement.
Prétentions et moyens de la société Lift
Dans ses conclusions remises le 25 octobre 2022, elle demande à la cour de:
dire irrecevable ou mal fondé l’appel interjeté par la société Tanavi,
la débouter de toutes ses demandes,
réformer la décision déférée en ce qu’elle a limité la condamnation de la société Tanavi au paiement d’une somme provisionnelle de 15.000 euros,
Statuant à nouveau,
condamner la société Tanavi à payer à la société Lift une somme provisionnelle de 101.032 euros,
confirmer la décision déférée pour le surplus,
condamner la société Tanavi au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Tanavi aux entiers dépens de l’instance d’appel.
Elle expose:
que ni les comptes rendus de réunion établis par la société Tanavi et non signés, ni les attestations des autres exploitants concernant leur propre magasin ne peuvent établir son accord sur la date et les conditions du déménagement,
qu’ainsi que démontré par les attestations produites, elle avait bien baissé le rideau métallique de son salon le 9 mai 2022,
que nul ne peut se faire justice à soi-même,
que la violation de domicile et les dégradations constatées engagent la responsabilité délictuelle de la société Tanavi,
que le bailleur est tenu d’assurer à son locataire une jouissance paisible,
que l’accord recueilli sur le déplacement du fonds dans l’acte de renouvellemet du bail était un accord de principe, les parties s’étant engagées à signer un avenant,
que le bailleur a violé le processus contractuel auquel il s’était engagé,
que l’acte n’indiquait aucunement que le preneur aurait renoncé à l’avance à être indemnisé des coûts et frais engendrés par le transfert de son fonds,
que la société Tanavi ne nie pas avoir été l’auteur du déménagement sauvage dont la société Lift a été victime caractérisant ainsi un trouble manifestement illicite.
Sur la procédure d’assignation à heure indiquée, elle indique que le premier juge a parfaitement pu retenir pour autoriser la société Lift à assigner à bref délai que la célérité s’imposait du fait de l’existence d’un trouble manifestement illicite dont les effets préjudiciables n’avaient pas cessé, que la société Tanavi n’a pas sollicité le report de l’audience et a conclu sur le litige de sorte que le principe du contradictoire a été respecté.
Sur la demande reconventionnelle de la société Tanavi portant sur des dépenses non prévues contractuellement au titre du coût du déménagement, elle considère que cette demande est nouvelle et se trouve irrecevable et subsidiairement qu’elle est mal fondée en ce que la société Tanavi ne peut fonder une demande en lien avec l’exécution du bail sur le terrain de l’enrichissement sans cause, qu’elle a payé des prestations auxquelles elle s’est obligée comme bailleur tenu d’une obligation de délivrance, que cette demande se heurte à une contestation sérieuse.
Sur la demande reconventionnelle liée aux mentions prétendument diffamatoires, elle indique que la société Tanavi ne peut qu’en être déboutée puisqu’elle ne nie pas avoir été l’auteur du déménagement sauvage dont elle a été la victime.
Sur son appel incident relatif au préjudice, elle souligne que le montant des travaux pour remettre en état et remédier aux désordres constatés après le transfert de ses équipements s’élève à 51.335,86 euros HT, que ces travaux n’ont pu être envisagés avant juillet 2022, qu’elle a dû faire face à la démission de son manager, traumatisé par le déménagement sauvage, qu’elle a été privée de 68 jours d’activité et a subi des pertes d’exploitation de 52.362,70 euros, outre un préjudice d’image.
Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction est intervenue le 9 février 2023.
Motifs de la décision
1) Sur l’assignation en référé à heure indiquée
Aux termes de l’article 485 du code de procédure civile, la demande en référé est portée par voie d’assignation à une audience tenue à cet effet aux jour et heure habituels des référés. Néanmoins, si le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d’assigner à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés.
Par ordonnance sur requête du 16 juin 2022, le juge des référés a autorisé la société Lift à assigner en référé la société Tanavi à l’audience du 22 juin 2022 à 9 heures.
La société Tanavi a été assignée par acte d’huissier de justice délivré le 17 juin 2022 à 11h20 à comparaître à l’audience du 22 juin 2022 à 9h.
Le juge des référés a pu considérer de façon pertinente que le cas requérait célérité, la requête faisant état de l’introduction clandestine de la société Tanavi dans le local exploité par la société Lift pendant la nuit pour procéder au déplacement de l’ensemble des installations professionnelles dans un nouveau local entraînant une désorganisation persistante de l’exploitation du salon de coiffure.
Par ailleurs, la société Tanavi a pu bénéficier d’un délai de 5 jours pour préparer sa défense, délai qui apparaît suffisant au regard des circonstances de la cause, étant précisé qu’elle était représentée devant le juge des référés et qu’elle n’a pas sollicité le renvoi de l’affaire. Conformément à l’article 486 du code de procédure civile, le premier juge a donc pu s’assurer qu’il s’était écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.
En conséquence, la société Tanavi est mal fondée à solliciter l’infirmation de l’ordonnance du 29 juin 2022 aux motifs que la condition d’urgence du référé d’heure à heure n’est pas remplie et que l’assignation n’est pas légale.
2) Sur le trouble manifestement illicite
En application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le contrat de bail commercial de sous location liant les parties du 30 juin 2017 stipule en son article 3: ‘ Eu égard au projet d’agrandissement à moyen terme de l’Intermarché exploité à [Localité 4] par la société Tanavi et en raison de la destruction prévue du local actuellement loué à Monsieur [K] [T] au titre des présentes, ce dernier accepte d’ores et déjà le déplacement de son fonds de commerce dans un local qui lui sera attribué au sein de la nouvelle galerie marchande de l’Intermarché, une fois l’agrandissement réalisé. En conséquence, le preneur s’engage à libérer le local actuellement occupé, et à le vider de l’ensemble de son matériel, dès que ce local devra faire l’objet d’une destruction.
En contrepartie, le bailleur s’engage à livrer au Preneur, au sein de la nouvelle galerie marchande, un local de surface au moins équivalente au local actuel (84,73 m²) moyennant un loyer identique à celui en vigueur au jour de la date de livraison en application des présentes afin que celui-ci puisse y exercer son activité de coiffure.
Les parties s’engagent à signer un avenant au présent bail au plus tard le jour de la livraison du nouveau local de la nouvelle galerie marchande. Les parties établiront alors un état des lieux établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles. L’état des lieux sera joint audit avenant, ou à défaut, conservé par chacune des parties. Si l’état des lieux ne peut être établi comme indiqué ci-dessus, il le sera par un huissier de justice, sur l’initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le preneur.’
Il en résulte que si le preneur s’est engagé à libérer le local actuellement occupé et à le vider de l’ensemble de son matériel dès que celui-ci devra faire l’objet d’une destruction, il n’a pas pour autant autorisé dans cet acte le bailleur à pénétrer dans son local pour y procéder par lui-même au déplacement des installations professionnelles.
Il résulte des constats d’huissiers de justice établis les 9 mai et 10 mai 2022 par la Scp Faroux & Badoux-Laurent que la société Tanavi a fait procéder au déménagement des installations professionnelles du salon de coiffure de la société Lift dans la nuit du 9 au 10 mai 2022 en dehors de la présence de la société Lift.
La sociétéTanavi ne justifie pas avoir recueilli l’accord de la société Lift pour entrer dans le salon de coiffure et procéder au déménagement. Elle ne produit à ce titre ni SMS, ni mails envoyé préalablement à la société Lift. Le relevé téléphonique faisant apparaître l’existence de deux communications téléphoniques entre les parties le 21 avril 2022 et le 6 mai 2022 ne permet pas d’en établir le contenu, ni a fortiori qu’elles portaient sur le principe et une date de déménagement. De même, les attestations des autres locataires de la galerie marchande indiquant avoir été informés oralement par la société Tanavi de l’évolution des travaux et des dates de déménagement et aménagement sont insuffisantes à démontrer que la société Lift a elle-même été informée et a autorisé le déménagement alors même qu’il ressort des témoignages des employés du salon que les relations étaient tendues entre la société Tanavi et la société Lift. La société Tanavi ne peut se dispenser d’établir la preuve de l’autorisation alléguée au motif qu’elle avait l’habitude d’avoir des échanges oraux avec ses locataires.
La société Tanavi justifie seulement avoir informé par mail du 10 mai 2022 postérieur au déménagement la société Lift du déplacement de ses installations.
Madame [H] [J], salariée du salon, déclare qu’à sa plus grande surprise, le salon a changé de place dans la nuit, que les affaires étaient placés au milieu du nouveau salon, que les postes de coiffure n’étaient pas fixés au sol, que les tubes de couleur étaient renversés.
Si le président de la société Tanavi indique à l’huissier de justice que l’exploitant du salon de coiffure a laissé la porte du salon ouverte afin de permettre à la société Tanavi d’effectuer le déménagement, Monsieur [E] [O] et [S] [G], client du salon de coiffure et accompagnant, attestent que le 9 mai à 19h20, ils ont vu la coiffeuse fermer le rideau métallique du salon à l’aide d’une clé introduite dans un boitier, le rideau se trouvant à l’intérieur du salon, et refermer la porte d’entrée sans la vérouiller dès lors que le rideau faisait déjà obstruction à toute entrée.
Ces attestations ne sont pas contredites par le constat d’huissier établi le 9 mai à 19h55 qui indique que la porte n’était pas verrouillée et le rideau métallique levé dans la mesure où lorsque l’huissier de justice est arrivé, le dirigeant de la société Tanavi était déjà sur place et où il n’a pas assisté aux opérations préalables à son arrivée.
Par ailleurs, comme relevé par le premier juge, le contrat prévoyait l’établissement d’un avenant au plus tard le jour de la livraison du nouveau local et l’établissement d’un état des lieux.
Il n’est pas justifié de la convocation de la société Lift pour la livraison du nouveau local, ni de la signature d’un avenant au plus tard le jour de la livraison. En effet, ce n’est que par courrier du 16 mai 2022 reçu le 19 mai 2022 que la société Tanavi a envoyé à la société Lift le projet d’avenant.
Aucun état des lieux n’a été établi amiablement et contradictoirement avant l’entrée dans le nouveau local. Il n’est en effet justifié d’aucune convocation de la société Lift à un tel état des lieux. Le constat d’état des lieux a été établi par l’huissier de justice hors la présence du preneur et sans convocation préalable de celui-ci.
Dès lors, c’est de façon parfaitement justifiée que le premier juge a retenu l’existence d’un trouble manifestement illicite en présence d’une entrée de la société Tanavi dans le local professionnel de la société Lift et du déplacement de ses installations professionnelles sans justifier de son autorisation et sans avoir respecté le processus contractuel prévu par les parties.
3) Sur les mesures
Le premier juge a considéré à juste titre que le préjudice résultant du trouble manifestement illicite ne peut être que celui résultant des conditions du déménagement et de la difficulté de réinstallation dans le nouveau salon dans les jours suivants.
La cour relève que ce déménagement effectué sans que la société Lift ait pu le préparer a nécessairement désorganisé le fonctionnement de son salon ainsi qu’il en résulte des déclarations de ses employés et du procès-verbal dressé le 10 mai 2022 par Me [I] qui a constaté un grand désordre dans les cartons de colorant, la fissure de la borne tactile et l’absence de fixation des postes de coiffure.
Par ailleurs, comme retenu par le tribunal, la brusquerie du déménagement effectué à l’insu de la société Lift a particulièrement affecté ses salariés.
En revanche, en l’absence de clause particulière dans l’acte sous seing privé du 30 juin 2017 sur la prise en charge des frais de déménagement et de réinstallation, la société Lift ne peut obtenir au titre du trouble manifestement illicite une somme au titre des travaux de réaménagement de son nouveau salon.
Au vu de ces éléments, le premier juge a correctement apprécié le montant de la somme à allouer à la société Lift à la somme de 15.000 euros et l’ordonnance doit être confirmée de ce chef.
4) Sur les demandes reconventionnelles de la société Tanavi
a) sur la demande relatives aux dépenses
– sur l’irrecevabilité de la demande
La cour observe que si la société Lift a soulevé dans la partie ‘discussion’ de ses conclusions l’irrecevabilité de la demande pour être nouvelle en appel, elle n’a pas formé cette demande dans la partie ‘ dispositif’ de ses conclusions.
En tout état de cause, la demande au titre des dépenses engagées tend, comme soutenu par la société Tanavi, à opposer compensation et ne peut encourir dès lors une irrecevabilité selon les termes de l’article 564 du code de procédure civile.
– sur le fond
En application de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
La société Tanavi sollicite une indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause pour les dépenses d’aménagement du nouveau salon.
Toutefois, comme soutenu par la société Lift, en présence de relations contractuelles liant les parties, l’action pour enrichissement sans cause n’a qu’un caractère subsidiaire. En conséquence, au regard de cette subsidiarité et de l’obligation de délivrance résultant du contrat de bail, il existe une contestation sérieuse sur la demande de la société Tanavi.
La cour observe en outre que la demande de la société Tanavi concernant les frais de déménagement est particulièrement contestable dès lors que ce déménagement a été considéré comme un trouble manifestement illicite.
La demande sera donc rejetée.
b) sur la demande de dommages et intérêts au titre des mentions diffamatoires
La société Tanavi fonde ses dispositions sur l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 de la loi du 29 juillet 1881. Elle considère que l’assignation délivrée par la société Lift qui l’accuse d’avoir commis une violation de domicile en entrant par effraction dans son local et d’avoir dégradé le matériel comporte des mentions diffamatoires.
Toutefois, comme relevé précédemment, la société Tanavi est effectivement entrée de nuit dans le local professionnel de la société Lift sans son autorisation et des dégradations de matériel ont été constatées (fissure d’une borne, tubes de couleur renversés).
En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a débouté la société Tanavi de sa demande d’indemnisation.
5) Sur les frais du procès
La société Tanavi qui succombe dans son appel sera condamnée aux dépens et à payer la somme de 4.000 euros à la société Lift au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME l’ordonnance du 29 juin 2022 en ses dispositions soumises à la cour.
Y ajoutant,
DÉBOUTE la société Tanavi de sa demande sur le fondement de l’enrichissement sans cause au titre du remboursement des frais de déménagement et d’aménagement.
CONDAMNE la société Tanavi aux dépens d’appel.
CONDAMNE la société Tanavi à payer la somme de 4.000 euros à la société Lift au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente