Atteinte à la présomption d’innocence sur les réseaux sociaux

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Atteinte à la présomption d’innocence sur les réseaux sociaux
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L’atteinte à la présomption d’innocence est constituée dès lors que les écrits ou propos litigieux amènent à des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquis la culpabilité de la personne visée (1ère Civ., 6 mars 1996, n°93-20.478 ; 1ère Civ., 2 mai 2001, n°99-13.545 ; 1ère Civ., 20 mars 2007, n°05-21.541).


L’article 9-1 du code civil

L’article 9-1 du code civil dispose que chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.

Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte.

Les abus de la liberté d’expression

Les abus de la liberté d’expression portant atteinte à la présomption d’innocence ne peuvent être réparés que sur le fondement de l’article 9-1 du code civil et que les règles de forme prévues par la loi du 29 juillet 1881 ne s’appliquent pas à l’assignation visant une telle atteinte (2ème Civ., 8 juill. 2004, n°01-10.426 ; 1ère Civ., 20 mars 2007, n°05-21.541).

En outre, les abus de la liberté d’expression prévus par l’article 9-1 du code civil ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l’article 1240 du code civil (2ème Civ., 8 mars 2001, n° 99-14.995).

Une condamnation pénale devenue irrévocable

Par ailleurs, seule une condamnation pénale devenue irrévocable fait disparaître, relativement aux faits sanctionnés, la présomption d’innocence dont l’article 9-1 assure le respect (1ère Civ., 12 nov. 1998, n°96-17.147 ; 1ère Civ., 10 avril 2013, 11-28.406).

En l’occurrence, c’est à tort qu’une association et son président ont soutenu qu’une vidéo publiée sur les réseaux sociaux ne serait pas soumise au respect de la présomption d’innocence au motif qu’une condamnation était prononcée, ladite condamnation prononcée par jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 7 septembre 2020 étant frappée d’appel.

L’atteinte à la présomption d’innocence confirmée

En l’espèce, c’est par des motifs exacts, pertinents et circonstanciés, adoptés par la cour, que le tribunal a considéré que l’atteinte à la présomption d’innocence était constituée dans la vidéo litigieuse du 3 octobre 2020 en ce que M. [M] soutient que M. [V] doit démissionner « car il sait ce qu’il a fait » car « il a fait ce genre de choses et qu’il en a fait tant et plus », et qu’il met en avant des éléments de preuve qu’il détiendrait en sa qualité d’initiateur des poursuites, opérant ainsi un lien direct entre les infractions pénales retenues par le tribunal correctionnel de Marseille, les documents sur lesquels il s’appuie pour démontrer leur imputabilité matérielle et le jugement qu’il en tire et qui, par son étayage énoncé, prétend à l’objectivité.

Par ailleurs, les propos de M. [M] selon lesquels « moi je considère que M. [V] est coupable » ne seraient restés l’expression d’une opinion personnelle que dans l’hypothèse où il n’aurait pas été diffusés ni associés à des éléments de preuve présentés comme objectifs.

Il s’ensuit que les moyens invoqués par M. [M] seront rejetés et que le jugement sera confirmé en ce qu’il a considéré que l’atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficiait M. [V] est caractérisée.


 

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 14A

DU 20 JUIN 2023

N° RG 21/03892

N° Portalis DBV3-V-B7F-USSL

AFFAIRE :

[R] [M]

C/

[S] [V]

Association DES COMMERCANTS DE [Localité 4]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Avril 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 20/10003

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-l’AARPI TRIANON AVOCATS,

-Me Anne-laure DUMEAU,

-Me Karine LEVESQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [R] [M]

né le 26 Avril 1952 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Aude ALEXANDRE LE ROUX de l’AARPI TRIANON AVOCATS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 701 – N° du dossier 2100751

Me Thomas CALLEN de la SELARL SELARL GRIMALDI ET ASSOCIES, avocat – barreau de MARSEILLE

APPELANT

****************

Monsieur [S] [V]

né le 18 Janvier 1952 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-laure DUMEAU, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 42933

Me Nicolas VERLY de l’AARPI EKV, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : B0777

Association DES COMMERCANTS DE [Localité 4]

enregistrée sous le numéro RNA W832001931

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Karine LEVESQUE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 488

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010897 du 28/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue en chambre du conseil le 30 Mars 2023, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

************************

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V], maire de la commune de [Localité 7] (Var) depuis 1989 a été condamné par jugement du 7 septembre 2020 rendu par le tribunal correctionnel de Marseille des chefs de favoritisme, détournement de fonds publics et prise illégal d’intérêts.

Alors que l’appel qu’il avait interjeté le 11 septembre 2020 contre cette décision était pendant, l’audience étant fixée aux 15 et 16 juin 2021, il a découvert la diffusion sur la page Facebook de l’Association des commerçants de [Localité 4] (ci-après « l’association ») d’une vidéo, mise en ligne le 3 octobre 2020 sous le titre « Merci à [R] [M] – [Localité 4], le 3 octobre 3020 », dans laquelle M. [M], conseiller municipal d’opposition de la commune de [Localité 7], tient notamment les propos suivants :

« Bonjour à tous,

Dimanche dernier, je vous ai donné les dates du procès en appel de M. [V] à [Localité 5] : les 1er et 2 juin 2021.

M. [V], maire de [Localité 4], ai-je besoin de le rappeler ‘

Donc les sanctions qui ont été prononcées et les condamnations qui ont été prononcées à Marseille sont suspendues jusqu’à la date de la décision de la cour d’appel.

Pour autant, nous ne sommes pas tous obligés de considérer M. [V] innocent. La justice, c’est son rôle, de ne considérer M. [V] coupable qu’une fois qu’elle a fait toutes les vérifications et que toutes les procédures ont été menées jusqu’à leur terme.

Mais vous et moi pourrons penser d’ores et déjà ce que nous voulons.

Donc moi je considère que M. [V] est coupable. Et vous êtes libres. Ce n’est pas parce que vous entendrez les partisans de M. [V] ou son équipe, ou le journal ou le mieux vivre ou je ne sais quoi dire qu’il est présumé innocent pour penser, pour être obligé de penser qu’il est innocent.

Moi je n’ai plus confiance, ça fait un moment je vous dirais, mais vous avez tous le droit de ne plus avoir confiance en M. [V]. Ça, c’est la première chose.

La deuxième chose, c’est que M. [V] lui-même, devrait démissionner parce qu’il sait ce qu’il a fait, il le sait. Et moi, j’ai des éléments importants montrant qu’il sait ce qu’il a fait. Parce que j’ai les mêmes éléments puisque j’étais à l’origine, essentiellement, des poursuites.

Par exemple, dans la maison qu’il a construite et qui a été confisquée pour l’instant par le tribunal de Marseille. Et bien pour construire cette maison, il a fait stationner les artisans qui travaillaient pour lui sur le parking de la propriété qui était à côté.

Ce que je vous montre là, c’est un rapport d’huissier, c’est l’extrait d’un rapport d’huissier.

Deuxièmement, puisqu’il comptait utiliser le passage de la propriété privée d’à côté, il a commencé à détruire le mur qui sépare sa parcelle inconstructible (parce qu’il n’y avait pas d’accès) de la voie sur la parcelle d’à côté. Et ce, sans l’autorisation des propriétaires.

Ça c’est encore une page qui est extraite d’un rapport d’huissier.

Et troisièmement – bon cette photo est moins parlante et les reproductions font qu’elle s’atténue – après le premier rapport d’huissier il y en a eu un deuxième parce que ce monsieur a prétendu pouvoir faire passer ses réseaux dans la propriété d’à côté.

Toujours sans autorisation.

Et ces rapports ont servi à ces copropriétaires de la propriété d’à côté à faire stopper ces travaux.

Donc voilà qui est M. [V]. C’est quelqu’un qui passe chez vous sans vous demander l’autorisation, sans signer aucun papier. Il se croit tout permis.

Et ces personnes qui habitent à côté, ce ne sont pas des gens négligeables mais ce sont des copropriétaires qui sont de paisibles retraités et qui sont venus à [Localité 4] pour passer leur retraite tranquille.

Vous imaginez ‘ Ils se voient avec un maire qui leur piétine comme ça. Alors qu’ils n’ont pas envie d’avoir de préoccupations, de litiges, ni rien.

Donc M. le maire, il sait très bien qu’il a fait ce genre de choses et qu’il en a fait tant et plus. Donc il devrait s’arrêter, il devrait partir de lui-même. C’est déjà beaucoup qu’il ne l’ait pas fait avant, qu’il soit resté jusqu’au jugement.

Mais là maintenant, avec des choses qui sont écrites noir sur blanc, qui ont été publiées, qui ont été diffusées… il devrait avoir la décence de partir.

Je sais que c’est pas quelqu’un qui a de la décence. Mais quand même ! »

Estimant atteinte la présomption d’innocence au respect de laquelle il a droit, M. [V] a :

fait dresser le 27 novembre 2020 par huissier de justice un procès-verbal de constat en ligne sur la page Facebook de l’Association des commerçants de [Localité 4] ;

par lettres de son conseil des 13 et 19 novembre 2020, mis en demeure l’Association des commerçants de [Localité 4] de retirer cette vidéo. Par lettre du 5 décembre 2020, cette dernière lui assurait avoir accédé à sa demande.

C’est dans ces circonstances que, autorisé à assigner à jour fixe par ordonnance rendue par le magistrat délégué du président du tribunal judiciaire de Nanterre le 16 décembre 2020 sur le fondement de l’article 840 du code de procédure civile, M. [V] a, par acte d’huissier de justice du 12 décembre 2020, assigné M. [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4] devant le tribunal judiciaire de Nanterre sur le fondement des articles 9-1 du code civil et 6 paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 6 janvier 2021, le magistrat délégué du président du tribunal judiciaire de Nanterre déclarait irrecevable le recours en rétractation de l’ordonnance du 16 décembre 2020 formé par M. [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4].

Par un jugement rendu le 8 avril 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

Condamné in solidum M. [R] [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4] à payer à M. [S] [V] la somme de mille euros en réparation du préjudice né de l’atteinte à la présomption d’innocence dont il bénéficie causée par la publication le 3 octobre 2020 sur la page Facebook de l’Association des commerçants de [Localité 4] de la vidéo de M. [R] [M] intitulée « Merci à [R] [M] – [Localité 4], le 3 octobre 2020 » ;

Rejeté les demandes de M. [S] [V] au titre de publications judiciaires et de la suppression de la vidéo ;

Rejeté l’intégralité des demandes reconventionnelles de M. [R] [M] et de l’Association des commerçants de [Localité 4] ;

Rejeté les demandes de M. [R] [M] et de l’Association des commerçants de [Localité 4] au titre des frais irrépétibles ;

Condamné in solidum M. [R] [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4] à payer à M. [S] [V] la somme de deux mille euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné in solidum M. [R] et [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4] à supporter les entiers dépens de l’instance ;

Rappelé que l’exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions est de droit.

M. [M] a interjeté appel de ce jugement le 18 juin 2021 à l’encontre de M. [V] et l’Association des commerçants de [Localité 4].

Par dernières conclusions notifiées le 2 décembre 2021, M. [M] demande à la cour, au fondement de l’article 9-1 du code civil, de :

Réformer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que les propos litigieux portaient atteinte à la présomption d’innocence de M. [S] [V],

Débouter M. [S] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Condamner M. [S] [V] à lui verser la somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Condamner M. [S] [V] à lui verser la somme de 4 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile,

Le condamner en outre à tous les dépens,

Ordonner la publication du communiqué suivant, dans trois publications de son choix et aux frais personnellement avancés par M. [S] [V], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d’un délai de 8 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir : « Par Arrêt en date du ‘, la Cour d’appel de VERSAILLES a condamné M. [S] [V] à raison de l’action judiciaire engagée contre M. [R] [M] sur le fondement d’une atteinte à la présomption d’innocence qui n’a pas été retenue par la Cour, à verser à M. [R] [M] des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. »,

Ordonner la publication du communiqué suivant en haut de la page d’accueil Facebook de la ville de [Localité 4] (https://fr-fr.facebook.com/villede[Localité 4]/) : « Par Arrêt en date du ‘, la Cour d’appel de VERSAILLES a condamné Monsieur [S] [V] à raison de l’action judiciaire engagée contre Monsieur [R] [M] sur le fondement d’une atteinte à la présomption d’innocence qui n’a pas été retenue par la Cour, à verser à Monsieur [R] [M] des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. »

Par conclusions notifiées le 27 avril 2022, l’Association des commerçants de [Localité 4] demande à la cour, au fondement des articles 9-1 et 1240 du code civil, et des articles 700 et 700-2 du code de procédure civile (décret n°2013-1280 du 29 décembre 2013), de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [S] [V] au titre des publications judiciaires et de la suppression de la vidéo,

Déclarer recevable et bien fondée son appel incident,

En conséquence,

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

L’a condamnée in solidum avec M. [R] [M] à payer à M. [S] [V] la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice né de l’atteinte à la présomption d’innocence dont il bénéficie causée par la publication, le 3 octobre 2020 sur sa page Facebook de la vidéo de M. [R] [M] intitulée « Merci à [R] [M] ‘ [Localité 7], le 3 octobre 2021 »,

Rejeté l’intégralité de ses demandes reconventionnelles et celles de M. [R] [M],

L’a condamnée in solidum avec M. [R] [M] à payer à M. [S] [V] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

L’a condamnée in solidum avec M. [R] [M] à supporter les entiers dépens de l’instance ;

Statuant à nouveau,

Débouter M. [S] [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

Condamner M. [V] à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Ordonner la publication du communiqué dans trois publications de son choix et aux frais personnellement avancés par M. [V], (sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 3 000 euros), sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d’un délai de 8 jours suivant la signification du jugement (sic) à intervenir :

« Par jugement (sic) en date du ‘, le Tribunal Judiciaire de Nanterre (sic) a condamné Monsieur [V], à raison de l’action judiciaire engagée contre l’association des commerçants de [Localité 4] sur le fondement d’une atteinte à la présomption d’innocence qui n’a pas été retenue par le Tribunal (sic), à verser à l’association des commerçants de [Localité 4] des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. »,

Condamner M. [V] à lui verser à l’Association des commerçants de [Localité 4] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et en vertu de l’article 700, alinéa 2, du code de procédure civile,

Condamner M. [V] aux entiers dépens tant de première instance et d’appel.

Subsidiairement,

La condamner in solidum avec M. [R] [M] à payer à M. [S] [V] la somme de 1 euro en réparation du préjudice né de l’atteinte à la présomption d’innocence dont il bénéficie causée par la publication, le 3 octobre 2020 sur la page Facebook de l’Association des commerçants de [Localité 4], de la vidéo de M. [R] [M] intitulée « Merci à [R] [M] ‘ [Localité 7], le 3 octobre 2021 »,

Rejeter M. [V] en sa demande au titre de l’article 700 et le condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, M. [V] demande à la cour, au fondement de l’article 9-1 du code civil, de l’article 6-2 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 et de l’article 700 du code de procédure civile, de :

– Confirmer le jugement rendu le 8 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a considéré que M. [R] [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4] ont porté atteinte à la présomption d’innocence dont il bénéficie par la mise en ligne, le 3 octobre 2020, à l’adresse URL : https://www.facebook.com/1783687745253548/videos/609926616369434

accessible depuis la page Facebook publique de l’ Association des commerçants de [Localité 4], d’une vidéo intitulée « Merci à [R] [M]. [Localité 4], le 3 octobre 2020 »,

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il est entré en voie de condamnation à l’égard de M. [R] [M] et de l’Association des commerçants de [Localité 4],

– L’infirmer sur les mesures de réparation allouées et, statuant à nouveau :

– Condamner solidairement M. [R] [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

– Ordonner à l’Association des commerçants de [Localité 4] de procéder à la suppression des propos litigieux contenus dans la vidéo intitulée « Merci à [R] [M]. [Localité 4], le 3 octobre 2020 », sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 8 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir, ou de justifier de cette suppression par constat d’huissier,

– Ordonner la publication du communiqué suivant, dans trois publications de son choix et aux frais solidairement avancés par M. [R] [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4] (sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 3 000 euros), sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d’un délai de 8 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir : « Par arrêt en date du ‘, la Cour d’appel de Versailles a confirmé la condamnation de Monsieur [R] [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4], à raison de propos portant atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficie Monsieur [S] [V], et à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. »,

– Ordonner la publication dudit communiqué en haut de la page d’accueil de la page Facebook www.facebook.com/acsanary, le texte du communiqué devant demeurer intégralement accessible au public pendant une durée de 3 mois à compter de sa mise en ligne, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d’un délai de 8 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir,

– Condamner solidairement M. [R] [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4] à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens,

– En tout état de cause, débouter M. [R] [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 16 février 2023.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire

La cour rappelle que l’article 954 oblige les parties à formuler expressément leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions, la cour ne statuant que sur celles-ci. L’adverbe « expressément » qualifie sans aucun doute possible une volonté clairement exprimée.

Il découle de ce texte que le dispositif des conclusions doit récapituler les prétentions des parties de manière claire et distincte. Un dispositif qui ne répondrait pas à cet impératif contreviendrait tant à l’esprit qu’à la lettre des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile dont le respect participe assurément au bon déroulement d’un procès équitable.

La cour constate que le dispositif des écritures de M. [M] n’est pas clair quant aux chefs de dispositif dont il est demandé l’infirmation. Au dispositif de ses écritures, M. [R] [M] demande à la cour de « Réformer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que les propos litigieux portaient atteinte à la présomption d’innocence de M. [S] [V] ». Ce faisant, il ne précise pas expressément les chefs de dispositif du jugement qu’il conteste de sorte que la cour n’est pas immédiatement en mesure de comprendre le périmètre de sa saisine.

A la lumière des moyens développés dans le corps de ses écritures et de ses demandes reprises au dispositif de celles-ci, cette demande semble s’analyser comme une prétention aux fins d’infirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Toutefois, la cour observe que le jugement a rejeté la demande de suppression de la vidéo et la demande de publication formulées par M. [V], et qu’au dispositif de ses écritures à hauteur d’appel, M. [M] demande le rejet de ces mêmes demandes réitérées en cause d’appel.

Il en résulte que M. [M] demande, en réalité, la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de suppression de la vidéo et la demande de publication formulées par M. [V], et l’infirmation du jugement pour le surplus.

Par ailleurs, au dispositif de ses écritures, l’association sollicite une mesure de publication du « jugement du tribunal judiciaire de Nanterre ». La cour comprend qu’il s’agit d’une erreur liée à une absence de relecture entre la première instance et l’appel et analysera cette demande comme une demande de publication de « l’arrêt à intervenir ».

Enfin, la cour analyse la demande de M. [V] tendant à infirmer le jugement « sur les mesures de réparation allouées » comme une demande d’infirmation du jugement sur le quantum de l’indemnisation allouée au titre du préjudice moral, et une demande d’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes de suppression de la vidéo litigieuse et de publication.

Dès lors, sous réserve de ces précisions liminaires, le jugement est querellé en toutes ses dispositions.

Sur l’atteinte à la présomption d’innocence et sur la demande de retrait de la vidéo

Moyens des parties

M. [M] poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamné à indemniser le préjudice de M. [V] né d’une atteinte à la présomption d’innocence dont le tribunal l’a estimé fautif et sollicite le rejet de la demande d’indemnisation de ce dernier.

Il précise que le jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 7 septembre 2020, ayant condamné M. [V], a été confirmé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 19 octobre 2021, date à laquelle M. [V] a démissionné de ses fonctions. Il indique que sa constitution de partie civile a été déclarée recevable et qu’il s’est vu allouer un euro en réparation de son préjudice moral. Il ajoute qu’un pourvoi en cassation a été formé contre cette décision.

Il explique avoir diffusé cette vidéo pour répondre au comportement du maire qui présentait sa condamnation comme un litige ancien et personnel. Il conteste avoir porté atteinte à la présomption d’innocence de M. [V] au motif principal que les faits évoqués dans la vidéo sont, selon lui, distincts des faits ayant donné lieu à l’information judiciaire et à la condamnation pénale et ne sont donc pas protégés au titre de la présomption d’innocence, et au motif subsidiaire que cette vidéo n’est que l’expression d’une opinion personnelle, exprimée avec prudence par un opposant politique notoire (dont une opinion nécessairement défavorable à M. [V]).

Il expose à titre principal qu’il était reproché à M. [V] au titre de l’infraction de prise illégale d’intérêts :

d’avoir saisi les services municipaux pour pré-instruire son dossier personnel de demande de permis de construire ;

de s’être fait délivré le permis de construire au mépris d’un article du code de l’urbanisme (qui imposait l’adoption d’une délibération en conseil municipal dans la mesure où un maire ne peut se délivrer à lui-même un permis de construire’) ;

d’avoir pris part activement à un conseil municipal approuvant un projet de création d’une voie de liaison, d’avoir validé le recours à cette procédure et d’avoir autorisé la saisine de l’Etat pour lancer l’enquête préalable à une déclaration d’utilité publique.

Il considère que ces faits sont totalement distincts de ceux évoqués dans la vidéo, relatifs au :

stationnement d’artisans sur le parking privé d’une propriété voisine ;

commencement d’une destruction de mur sans autorisation des propriétaires ;

fait d’avoir prétendu pouvoir passer des réseaux dans une propriété voisine sans autorisation.

Il en déduit que les faits qu’il évoque dans la vidéo ne sont pas protégés par la présomption d’innocence. Il indique que l’expression « en tant qu’initiateur des poursuites » s’explique par le fait que les deux constats d’huissiers figurent parmi les pièces qu’il a communiquées aux enquêteurs dans le cadre de la procédure conduisant aux poursuites à l’encontre de M. [V]. Il soutient que l’expression « il sait ce qu’il a fait » fait référence aux faits évoqués dans la vidéo, et que rien ne permet de rattacher aux faits objet de la condamnation l’expression « et qu’il en a fait tant et plus ».

L’association poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à indemniser le préjudice de M. [V], in solidum avec M. [M], et sollicite le rejet de la demande d’indemnisation de ce dernier.

Elle relate un conflit existant avec M. [V] à qui elle reproche de lui avoir coupé toute subvention municipale au profit d’une association qu’il a lui-même créée. Elle confirme que pour éviter une procédure judiciaire, elle a retiré la vidéo litigieuse de sa page facebook et en a informé l’huissier de justice mandaté par l’appelant le 5 décembre 2020.

Invoquant la jurisprudence et le nécessaire équilibre entre le respect de la présomption d’innocence (article 8 de la convention européenne des droits de l’homme) et liberté d’information et de la presse (article 10 de la même convention) prôné par la cour européenne des droits de l’homme, elle fait valoir que la publication de cette vidéo n’avait pour objet que d’informer les sanaryens de la condamnation intervenue – à l’instar de la presse – et qu’elle n’engageait que M. [M], qui, partie civile dans la procédure pénale, y exprimait une opinion personnelle. Elle estime donc qu’il a relayé une « juste et réelle information relative à une condamnation tout en affirmant que chacun est libre de sa pensée ».

Au fondement de l’article 9-1 qui s’applique « avant toute condamnation », elle fait valoir qu’aucune des jurisprudences citées par M. [V] ne concerne une personne condamnée par une juridiction.

Elle en déduit qu’aucune atteinte à la présomption d’innocence n’est constituée.

Par ailleurs, elle soutient que M. [V] ne démontre subir aucun préjudice puisqu’il a été mis fin à la diffusion de la vidéo litigieuse.

M. [V] poursuit la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné in solidum M. [M] et l’association à l’indemniser en raison de l’atteinte à la présomption d’innocence, mais sollicite son infirmation sur le quantum de l’indemnisation allouée. Il demande à la cour de réparer son préjudice moral à hauteur de 10 000 euros.

Il fait valoir que l’atteinte à la présomption d’innocence est possible dès lors que la condamnation prononcée n’est pas irrévocable et qu’elle est constituée dès lors que la présentation des faits par l’auteur, peu important qu’il soit partie à la procédure pénale, ne laisse aucun doute quant à la culpabilité de la personne visée. Il considère que M. [M] tient des propos à charge, péremptoires et réitérés, dépourvus de toute prudence et appuyés par des éléments (constat d’huissier de justice) de la procédure pénale, amenant l’auditeur à tenir pour définitivement acquise sa culpabilité. Il ajoute que le fait que la constitution de partie civile ait finalement été considérée comme recevable par la cour d’appel d’Aix-en-Provence est sans incidence sur l’application de l’article 9-1 du code civil, et précise que l’association n’est pas partie à la procédure pénale. Il estime que la vidéo de M. [M], appuyé par le support et la visibilité offerts par l’association, participe d’un règlement de compte politique et personnel.

Reprenant certains passages de la vidéo, il conteste le moyen soutenu par M. [M] visant à considérer les faits évoqués dans la vidéo comme distincts de ceux objet de la condamnation pénale et soutient que le constat d’huissier de justice brandi par M. [M] est versé et coté dans le dossier pénal. Il insiste sur le fait que ce moyen n’a pas été soulevé en première instance.

Sur son préjudice, il fait valoir qu’il a toujours nié sa culpabilité et que la page facebook de l’association bénéficie d’une très large visibilité (138 564 abonnés au jour du constat d’huissier de justice). Il demande, à titre de réparation, 10 000 euros, mais également la suppression de la vidéo litigieuse et la publication de communiqués judiciaires sous astreinte.

Appréciation de la cour

L’article 9-1 du code civil dispose que chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.

Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte.

Il convient tout d’abord de rappeler que les abus de la liberté d’expression portant atteinte à la présomption d’innocence ne peuvent être réparés que sur le fondement de l’article 9-1 du code civil et que les règles de forme prévues par la loi du 29 juillet 1881 ne s’appliquent pas à l’assignation visant une telle atteinte (2ème Civ., 8 juill. 2004, n°01-10.426 ; 1ère Civ., 20 mars 2007, n°05-21.541).

En outre, les abus de la liberté d’expression prévus par l’article 9-1 du code civil ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l’article 1240 du code civil (2ème Civ., 8 mars 2001, n° 99-14.995).

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend l’association, seule une condamnation pénale devenue irrévocable fait disparaître, relativement aux faits sanctionnés, la présomption d’innocence dont l’article 9-1 assure le respect (1ère Civ., 12 nov. 1998, n°96-17.147 ; 1ère Civ., 10 avril 2013, 11-28.406). C’est donc à tort que l’association soutient que la vidéo datée du 3 octobre 2020 ne serait pas soumise au respect de la présomption d’innocence au motif qu’une condamnation était prononcée, ladite condamnation prononcée par jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 7 septembre 2020 étant frappée d’appel.

L’atteinte à la présomption d’innocence est constituée dès lors que les écrits ou propos litigieux amènent à des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquis la culpabilité de la personne visée (1ère Civ., 6 mars 1996, n°93-20.478 ; 1ère Civ., 2 mai 2001, n°99-13.545 ; 1ère Civ., 20 mars 2007, n°05-21.541).

En l’espèce, c’est par des motifs exacts, pertinents et circonstanciés, adoptés par la cour, que le tribunal a considéré que l’atteinte à la présomption d’innocence était constituée dans la vidéo litigieuse du 3 octobre 2020 en ce que M. [M] soutient que M. [V] doit démissionner « car il sait ce qu’il a fait » car « il a fait ce genre de choses et qu’il en a fait tant et plus », et qu’il met en avant des éléments de preuve qu’il détiendrait en sa qualité d’initiateur des poursuites, opérant ainsi un lien direct entre les infractions pénales retenues par le tribunal correctionnel de Marseille, les documents sur lesquels il s’appuie pour démontrer leur imputabilité matérielle et le jugement qu’il en tire et qui, par son étayage énoncé, prétend à l’objectivité.

Il sera ajouté que les propos « Pour autant, nous ne sommes pas tous obligés de considérer M. [V] innocent (‘) Donc moi je considère que M. [V] est coupable (‘) et moi, j’ai des éléments importants montrant qu’il sait ce qu’il a fait. Parce que j’ai les mêmes éléments puisque j’étais à l’origine, essentiellement, des poursuites », font directement référence à la procédure pénale. Ils sont associés, dans la vidéo, à l’exhibition du constat d’huissier de justice versé et coté au dossier pénal (pièce 14 de l’intimé). Ces propos, diffusés sur une page Facebook suivie par plus de 100 000 abonnés, ne sauraient être considérés comme l’évocation de faits distincts de ceux objets de la condamnation pénale prononcée par le tribunal correctionnel de Marseille. Ils constituent, au contraire, autant d’éléments de nature à amener l’auditeur à considérer comme acquise, en dépit de l’appel en cours, la culpabilité de M. [V].

Par ailleurs, les propos de M. [M] selon lesquels « moi je considère que M. [V] est coupable » ne seraient restés l’expression d’une opinion personnelle que dans l’hypothèse où il n’aurait pas été diffusés ni associés à des éléments de preuve présentés comme objectifs.

Il s’ensuit que les moyens invoqués par M. [M] seront rejetés et que le jugement sera confirmé en ce qu’il a considéré que l’atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficiait M. [V] est caractérisée.

C’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l’association était responsable in solidum avec M. [M], en ce qu’elle a fourni le support de diffusion et garanti une visibilité à la vidéo litigieuse.

Compte tenu du retrait de la vidéo intervenu rapidement le 5 décembre 2020 (pièce 4 de l’association) et du caractère local du retentissement de cette vidéo, et en l’absence de toute pièce permettant d’étayer la demande de M. [V], c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que son préjudice moral était intégralement réparé par l’allocation d’une somme de 1000 euros. Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a condamné in solidum M. [M] et l’association au versement de cette somme.

Sur les demandes de dommages et intérêts de M. [M] et de l’association, et sur les mesures de publication sollicitées par les parties

Moyens des parties

M. [M] poursuit la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de suppression de la vidéo et la demande de publication de M. [V], et l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes reconventionnelles, réitérées à hauteur d’appel, de :

– publication, sous astreinte, du communiqué suivant : « Par Arrêt en date du ‘, la Cour d’appel de VERSAILLES a condamné M. [S] [V] à raison de l’action judiciaire engagée contre M. [R] [M] sur le fondement d’une atteinte à la présomption d’innocence qui n’a pas été retenue par la Cour, à verser à M. [R] [M] des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. » ;

– d’indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 7000 euros.

Il soutient que cette publication est nécessaire au motif que l’assignation de M. [V], intervenu au moment des fêtes de fin d’année à 800 km de [Localité 4], visait au premier chef à discréditer un opposant politique qui a eu l’affront de se constituer partie civile dans le dossier pénal et de l’affronter, pour la première fois, lors d’élections municipales.

Il considère enfin que les « mesures réparatrices » sollicitées par l’appelant sont infondées.

L’association poursuit également la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de suppression de la vidéo et la demande de publication de M. [V], et l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes reconventionnelles, réitérées à hauteur d’appel, de :

publication, sous astreinte, du communiqué suivant : « Par arrêt en date du ‘, la cour d’appel de Versailles a condamné Monsieur [V], à raison de l’action judiciaire engagée contre l’association des commerçants de [Localité 4] sur le fondement d’une atteinte à la présomption d’innocence qui n’a pas été retenue par la cour, à verser à l’association des commerçants de [Localité 4] des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. »,

d’indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 10 000 euros.

Elle indique que la vidéo litigieuse a été supprimée immédiatement. Elle considère que l’action engagée par M. [V] vise en réalité à la discréditer en instrumentalisant la procédure engagée, afin d’éluder les conséquences des poursuites pénales engagées contre lui.

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes, M. [V] demande, à titre de réparation, outre 10 000 euros, la suppression de la vidéo litigieuse et la publication du communiqué suivant, sous astreinte : « Par arrêt en date du ‘, la Cour d’appel de Versailles a confirmé la condamnation de Monsieur [R] [M] et l’Association des commerçants de [Localité 4], à raison de propos portant atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficie Monsieur [S] [V], et à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. »

Appréciation de la cour

Le préjudice de M. [V] étant intégralement réparé par l’allocation d’une somme de 1000 euros en réparation de son préjudice moral, il n’y a pas lieu de faire droit à ses demandes de suppression de la vidéo, laquelle est au demeurant supprimée depuis le 5 décembre 2020, et de publication sous astreinte. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [M] et de l’association visant à être indemnisés à hauteur, respectivement, de 7000 euros et 10 000 euros au titre d’un préjudice moral.

De même, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de publication sous astreinte sollicités par M. [M] et l’association, ces demandes n’étant justifiées par aucun moyen ni aucune pièce. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [V] n’étant pas bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, les dispositions de l’article 700, alinéa 2, du code de procédure civile et du décret n°2013-1280 du 29 décembre 2013 relatif à l’aide juridique, invoquées par l’association, ne sont pas applicables. La demande formée sur ce fondement sera par conséquent rejetée.

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

Parties perdantes, M. [M] et l’association seront condamnés in solidum aux dépens d’appel. Leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront de ce fait rejetées.

Il apparaît équitable d’allouer à M. [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. M. [M] et l’association seront dès lors condamnés in solidum au paiement de cette somme.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [M] et l’association des commerçants de [Localité 4] in solidum à verser à M. [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [M] et l’association des commerçants de [Localité 4] in solidum aux dépens d’appel ;

REJETTE toutes autres demandes.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Sixtine DU CREST, conseiller pour la présidente empêchée, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,

 


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