Accusation d’escroquerie entre confrères : légal car imprécis

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Accusation d’escroquerie entre confrères : légal car imprécis
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Accuser son confrère Avocat d’escroquerie n’est pas une diffamation dès lors que les propos litigieux ne contiennent pas l’imputation d’un fait précis et déterminé. 


Délits de presse dans les écritures contentieuses 

Selon les articles 29 et 41 de la loi du 29 juillet 1881, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Suppression des écrits en cause 

Les juges saisis de la cause et statuant sur le fond pourront néanmoins prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants, ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Notion de diffamation 

Pour rappel, toute expression qui contient l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation.

Imputation d’escroquerie 

En l’espèce,  pour prononcer la suppression de la phrase « et procédant d’une mauvaise foi qui confine à l’escroquerie » et condamner l’avocat au paiement de dommages-intérêts, l’ordonnance retient que si le fait d’imputer à son adversaire de la mauvaise foi ne peut être considéré comme diffamatoire, le fait d’assimiler les demandes et moyens d’une partie à une escroquerie constitue bien l’imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur et à la considération de celui qui est visé. En statuant ainsi, alors que les propos litigieux ne contenaient pas l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de M. et Mme [F], le premier président a violé les articles 29 et 41 de la loi du 29 juillet 1881.
CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 avril 2023 Cassation partielle sans renvoi Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 421 F-B Pourvoi n° W 21-22.206 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2023 M. [Y] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-22.206 contre l’ordonnance n° RG : 19/08767 rendue le 6 juillet 2021 par le premier président de la cour d’appel d’Amiens, dans le litige l’opposant : 1°/ à M. [R] [F], 2°/ à Mme [J] [F], tous deux domiciliés [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [M], de Me Occhipinti, avocat de M. et Mme [F], et l’avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l’audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Exposé du litige Faits et procédure 1. Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Amiens, 6 juillet 2021), M. et Mme [F] ont confié la défense de leurs intérêts à M. [M], avocat, dans une procédure de référé expertise en matière immobilière. Aucune convention d’honoraires n’a été signée entre les parties. 2. M. et Mme [F] ont saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats d’une contestation du montant des honoraires qui leur ont été réclamés par leur conseil. Moyens Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. L’avocat fait grief à l’ordonnance de fixer le solde des honoraires dus par M. et Mme [F] à la somme totale de 400,83 euros hors taxe, alors : « 1°/ que pour retenir que l’existence d’un paiement en nature était établie, l’arrêt retient que M. et Mme [F] soutiennent que l’avocat a proposé que le règlement du solde de sa facture, émise dans un litige de construction, intervienne sous la forme d’une prise en charge des frais d’un séjour au Negresco tandis que l’avocat affirme que ce paiement est afférent à une facture de 1 187,50 euros TTC correspondant au travail accompli dans le cadre de la procédure prud’homale qui avait été envisagée et produit une facture établie le 23 mars 2018 pour un montant de 1 187,50 euros, avec l’indication d’une remise du même montant ; qu’en retenant que l’avocat affirmait que le séjour qui lui avait été offert par M. et Mme [F] constituait un paiement, quand il contestait au contraire que le séjour eût la nature d’un paiement, soutenant qu’il s’agissait d’un cadeau, justifié par le fait qu’il avait précisément renoncé aux honoraires qu’il aurait pu réclamer au titre des diligences effectuées dans le cadre d’un litige prud’homal concernant Mme [F], la cour d’appel a méconnu l’objet du litige en violation de l’article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que pour retenir que les honoraires litigieux avaient fait l’objet d’un règlement en nature à hauteur du prix du séjour offert par M. et Mme [F] à l’avocat, l’arrêt retient que M. et Mme [F] soutiennent que l’avocat leur a proposé le règlement du solde de sa facture intervienne sous la forme d’une prise en charge des frais d’un séjour au Negresco, que l’avocat affirme au contraire que ce paiement en nature est afférent à une facture de 1 187,50 euros TTC correspondant au travail accompli dans le cadre de la procédure prud’homale, mais que les éléments qu’il produit sont insuffisants pour établir que le paiement serait afférent à une autre procédure face à la divergence de position des parties, et que dès lors le paiement en nature d’honoraires est établi et l’avocat ne démontre pas de manière certaine que ce paiement ait été affecté à une procédure prud’homale ; qu’en statuant ainsi, sans constater que l’avocat avait consenti à ce que le règlement de la facture litigieuse fasse l’objet d’une dation en paiement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1342 et 1342-4 du code civil. » Motivation Réponse de la Cour 4. Sous couvert d’un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation l’appréciation souveraine par laquelle le premier président, sans méconnaître l’objet du litige, a constaté l’accord des parties pour un paiement en nature et a estimé que celui-ci devait être imputé sur la facture dont l’avocat réclamait le paiement. 5. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé. Moyens Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 6. L’avocat fait grief à l’ordonnance d’ordonner la cancellation, dans les conclusions qu’il avait déposées, des termes « et procédant d’une mauvaise foi qui confine à l’escroquerie » et de le condamner à payer à M. et Mme [F] la somme de 500 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, alors « que les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, peuvent prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts ; que constitue une diffamation l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée ; que l’arrêt retient que sont diffamatoires les propos suivants : Les écritures de [M. et Mme] [F] imposent réponse, omettant largement la réalité des faits et procédant d’une mauvaise foi qui confinent à l’escroquerie ; qu’en statuant ainsi quand ces propos constituent une appréciation générale sur l’argumentation développée par la partie adverse, ne contiennent pas l’allégation d’un fait précis, et n’imputent pas à cette dernière la commission d’une escroquerie, la cour d’appel a violé les articles 29 et 41 de la loi du 29 juillet 1881. » Motivation Réponse de la Cour Vu les articles 29 et 41 de la loi du 29 juillet 1881 : 7. Selon les quatrième et cinquième alinéas du second de ces textes, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux, mais les juges saisis de la cause et statuant sur le fond pourront néanmoins prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants, ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. 8. Il résulte du premier que toute expression qui contient l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation. 9. Pour prononcer la suppression de la phrase « et procédant d’une mauvaise foi qui confine à l’escroquerie » et condamner l’avocat au paiement de dommages-intérêts, l’ordonnance retient que si le fait d’imputer à son adversaire de la mauvaise foi ne peut être considéré comme diffamatoire, le fait d’assimiler les demandes et moyens d’une partie à une escroquerie constitue bien l’imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur et à la considération de celui qui est visé. 10. En statuant ainsi, alors que les propos litigieux ne contenaient pas l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de M. et Mme [F], le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et de l’article 627 du code de procédure civile. 12. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Les termes « et procédant d’une mauvaise foi qui confine à l’escroquerie » ne constituant pas un propos diffamatoire, il y a lieu de rejeter la demande de suppression de ce passage dans les conclusions de l’avocat devant le premier président de la cour d’appel et de rejeter la demande de M. et Mme [F] en paiement de dommages-intérêts. Dispositif PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’elle ordonne la cancellation dans les conclusions déposées pour le compte de M. [M] des termes suivants « et procédant d’une mauvaise foi qui confine à l’escroquerie », condamne M. [M] à payer à M. et Mme [F] la somme de 500 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, l’ordonnance rendue le 6 juillet 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d’appel d’Amiens ; Dit n’y avoir lieu à renvoi ; Rejette les demandes de M. et Mme [F] en suppression du passage « et procédant d’une mauvaise foi qui confine à l’escroquerie » contenu dans les conclusions de M. [M] devant le premier président de la cour d’appel d’Amiens ; Condamne M. et Mme [F] aux dépens de l’instance devant la Cour de cassation et M. [M] aux dépens de l’instance devant la juridiction du premier président de la cour d’appel d’Amiens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la Cour de cassation que devant la juridiction du premier président de la cour d’appel d’Amiens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-trois.

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