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19 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/03354
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 19 AVRIL 2023
(n° 2023/ , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03354 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3ZF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° 16/00272
APPELANTE
Madame [V] [I] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie TEICHMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : A353
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002764 du 04/03/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
S.A.R.L. WIPELEC
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Blandine DE BADEREAU DE SAINT MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0954
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 février 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société Wipelec (SARL) a employé Mme [V] [I] [X] divorcée [I] [E], née en 1966, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2008 en qualité d’opératrice polyvalente.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne s’élevait en dernier lieu à la somme de 1 517,65 €.
Depuis son embauche, Mme [V] [I] a été absente à de nombreuses reprises pour maladie ; ainsi, elle a été absente de façon continue, du 28 août 2012 au 20 mai 2013, puis a de nouveau été arrêtée de façon continue à compter du 23 mai 2013.
La CPAM lui a notifié la prise en charge de l’asthme dont elle souffre au titre d’une maladie professionnelle, par courrier en date du 12 juillet 2013, la date de la maladie professionnelle étant fixée au 10 décembre 2012
Le 15 novembre 2013, la CDAPH de Seine et Marne a accordé à Mme [I] [X] le statut de travailleur handicapé.
Mme [I] [X] a rencontré le médecin du travail à deux reprises dans le cadre de sa reprise après une maladie professionnelle :
– une première visite le 2 avril 2014 au terme de ce premier examen, le médecin du travail prononçait une aptitude avec restriction comme suit : « Inaptitude au poste actuel d’opératrice traitement à prévoir. Mme [I] ne doit pas être exposée aux produits chimiques utilisés pour le traitement des surfaces : persulfate, bicarbonate de soude et autres produits (préparation et stripage), ni aux sensibilisants respiratoires ni aux irritants. A revoir dans un minimum de 15 jours après l’étude de poste (l’employeur doit appeler notre service pour prendre rdv pour la 2ème visite ».
– une seconde visite le 24 avril 2014 au terme de laquelle Mme [I] [X] a été déclarée inapte au poste d’opératrice polyvalente « Inapte au poste, apte à un autre 2ème visite Art R4624-32 du Code du Travail. Inapte définitif à son ancien poste d’opératrice traitement/polyvalente. Mme [I] ne doit pas être exposée aux produits chimiques utilisés pour le traitement des surfaces : persulfate, bicarbonate de soude et autres produits (préparation et stripage), ni aux sensibilisants respiratoires ni aux irritants. Étude des postes et des conditions de travail effectuée le 18/04/2014. Pourrait occuper un poste administratif avec respect des restrictions médicales citées ci-dessus ».
Une étude de poste et des conditions de travail a été effectuée le 18 avril 2014.
Dans le cadre de la recherche d’un poste de reclassement, l’employeur a reçu Mme [I] [X] en entretien le 21 mai 2014.
Il a consulté la déléguée du personnel, le 23 mai 2014.
Après consultation de la médecine du travail, l’employeur a proposé, par courrier du 26 mai 2014, un poste de reclassement à Mme [I] [X], en qualité d’opératrice contrôle pour réaliser les opérations de cambrage, étant précisé que ce poste se situait dans un bâtiment distinct de celui où était réalisé le traitement de surface, et qu’il ne nécessitait, selon lui, pas l’emploi des produits chimiques incriminés.
Mme [I] [X] a refusé ce poste au motif qu’elle avait déjà occupé ce poste en mai 2013 et que son état de santé s’était à nouveau détérioré et que ce poste ne correspondait pas aux préconisations du médecin de travail compte tenu de sa pathologie, puisque ce poste l’aurait exposée à la poussière et aux produits de nettoyage.
Par lettre du 12 juin 2014, la société Wipelec a informé Mme [I] [X] de l’impossibilité de reclassement dans les termes suivants :
« A la suite de notre proposition de reclassement, par courrier daté du 2 juin 2014, vous avez décliné notre offre pour les raisons suivantes :
Vous indiquez avoir occupé ce poste pendant 3 jours en mai 2013, et vous nous dites avoir immédiatement rechuté. Vous nous signalez également une manifestation allergique lorsque vous êtes venue dans les locaux administratifs de notre entreprise (Bâtiment A), le 21 mai dernier, pour un entretien en vue de rechercher un poste de reclassement. Vous affirmez avoir dû prendre deux bouffées de Ventoline pour votre asthme pendant que vous attendiez.
Nous vous rappelons qu’au terme du second avis du 24 avril 2014, la médecine du travail qui vous a déclarée inapte au poste d’opératrice traitement de surface, vous a cependant déclarée apte à occuper un autre poste dans l’entreprise, sous réserve de l’absence de tout contact avec les produits de traitements de surfaces incriminés.
Nous avons donc recherché un poste compatible avec ces préconisations.
A cette fin, nous vous avons rencontré le 21 mai, afin de disposer de tous les renseignements utiles sur vos qualifications et expériences· professionnelles précédentes, de nature à nous permettre d’envisager toutes les solutions de reclassement, adaptées à vos compétences et votre état de santé.
Parallèlement, nous avons sollicité à plusieurs reprises, par courrier et par Email le 13/05/2014, le 16/05/2014 et le 10 Juin 2014, l’avis du médecin du travail, dans le cadre de notre recherche d’un poste adapté.
Nous avons consulté la déléguée du personnel, le 23 mai 2014, pour connaître son avis concernant votre reclassement, après avoir porté à sa connaissance tous les éléments utiles.
Après recherches, il s’est avéré qu’il n’existait aucun poste vacant dans nos services administratifs.
Le seul poste disponible, correspondant à la fois aux préconisations du médecin du travail et à vos compétences et aptitudes actuelles, est un poste au service contrôle pour effectuer particulièrement du cambrage.
Ce poste se trouve dans le bât1ment.C. II est totalement indépendant du service gravure et traitement de surface situé dans le bâtiment B. Aucun produit chimique n’est utilisé dans ce Bâtiment, par le service contrôle.
Nous vous avions précisé que nous vous dispenserions la formation nécessaire pour vous permettre de vous adapter à ce nouvel emploi, qui ne modifiait en rien votre rémunération, vos horaires et votre lieu de travail ([Adresse 5] à [Localité 2]).
Le médecin du travail que nous avons consulté n’a émis aucune objection d’ordre médical sur cette proposition de poste.
C’est dans ces conditions que par courrier RAR du 25 mai 2014, nous vous avons adressé cette proposition, que vous avez cru devoir décliner.
Malheureusement, ne· disposant d’aucun autre poste vacant, adapté à vos capacités, et conforme aux préconisations du médecin du travail, nous avons le regret de vous informer que nous sommes dans la plus totale impossibilité de procéder à votre reclassement dans notre entreprise qui n’appartient à aucun groupe. »
Par lettre notifiée le 16 juin 2014, Mme [I] [X] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 26 juin 2014.
Par mail en date du 24 juin 2014, Mme [I] [X] a informé l’employeur qu’elle ne serait pas en mesure de se présenter à cet entretien pour cause de maladie.
Par courrier RAR en date du 1er juillet 2014, la société Wipelec a exposé par écrit à Mme [I] [X] les éléments sur lesquels devaient porter l’entretien, en l’invitant à lui faire connaître ses observations sous 8 jours, à savoir :
– la recherche d’un poste de reclassement
– le caractère jugé abusif de son refus de poste.
Par courrier en date du 9 juillet 2014, Mme [I] [X] a maintenu sa position de refus d’accepter le poste de reclassement proposé, pour raison de santé.
Mme [I] [X] a ensuite été licenciée pour inaptitude par lettre notifiée le 11 juillet 2014.
Le lettre de licenciement indique :
« Le 12 juillet 2013, vous avez été reconnue victime d’une maladie professionnelle.
A l’issue de votre arrêt de travail vous avez été déclarée définitivement inapte à votre ancien poste d’opératrice traitement/polyvalente par le Docteur [T] [L] [O], médecin du travail, à la suite de deux visites médicales, respectivement en date des 2 et- 24 avril 2014, conformément à la procédure prévue par les dispositions de l’article R4624-31 du Code du travail,
Après étude de poste réalisée le 18 avril le médecin du travail a indiqué dans son deuxième avis en date du 24 avril 2014, que vous seriez apte à occuper un autre poste sous réserve de l’absence de tout contact avec les produits Chimiques utilisés pour le traitement de surface, persulfates, bicarbonate de soude et autres produits (préparation et stripage), ni aux sensibilisants respiratoires, ni aux irritants. Dans cette optique, il a suggéré « un poste administratif avec respect des restrictions médicales citées ci-dessus ».
En conséquence, et dans le cadre de notre obligation de reclassement, nous vous avons rencontrée le 21 mal en nos locaux pour faire le point sur votre profil, votre formation et votre expérience passée.
Parallèlement, nous avons recensé les emplois disponibles dans notre société répondant eux préconisations du médecin du travail à savoir l’absence de tout contact avec les produits susvisés et à vos compétences.
Le 23 mai 2014, nous avons eu une réunion avec la déléguée du personnel au cours de laquelle nous avons sollicité son avis concernant votre reclassement. A cette fin, nous lui avons communiqué toutes les informations nécessaires, notamment les conclusions du médecin du travail et des détails sur votre parcours professionnel.
Après avoir étudié ces possibilités et sollicité à plusieurs reprises le médecin du travail pour recueillir son avis, par courrier du 25/0512014, nous avons été en mesure de vous proposer une affectation au poste de contrôleuse au service contrôle pour effectuer du cambrage au [Adresse 5] à [Localité 2], avec maintien de vos conditions contractuelles actuelles (Horaire 8h00 à 12h00 12h45 à 16h30 du lundi au jeudi et de 8hoo à 12h30 le Vendredi)
Nous vous rappelons que ce poste est situé dans un bâtiment distinct de celui où sont réalisées les opérations de traitement de surface et qu’il ne vous mettait pas en contact avec les produits de traitement de surface.
II ne nécessite d’ailleurs utilisation d’aucun produit chimique.
Par courrier en date du 2 juin 2014 vous avez refusé cette proposition.
Malheureusement, nous ne disposons d’aucun autre poste vacant répondant aux préconisations du médecin du travail et à votre qualification susceptible de vous être proposé.
Par lettre RAR en date du 12 juin 2014, nous vous avons informée des motifs qui n’ont pas permis votre reclassement.
Par courrier en date du 16 juin 2014, nous vous avons convoqué à un entretien préalable pour le 26 juin.
Le 24 juin, vous nous avez informés du fait que vous ne pourriez pas vous déplacer à cet entretien.
En conséquence, nous vous avons adressé un courrier le 1er juillet afin de vous communiquer les motifs qui nous conduisaient à envisager votre licenciement, afin de recueillir vos observations écrites.
Dans ce courrier, nous vous avons de nouveau détaillé les recherches que nous avons menées pour votre reclassement qui nous ont conduits à vous proposer un poste conforme aux conclusions du médecin du travail.
Nous avons d’ailleurs sollicité ce dernier à plusieurs reprises à ce sujet avant de vous adresser notre proposition.
Nous vous rappelons que le poste proposé est situé dans un bâtiment distinct de celui où sont réalisées les opérations de traitement de surface et qu’il ne nécessite aucune utilisation de produits chimiques.
Ce poste vous a été proposé après consultation de la déléguée du personnel dont nous avons entendu les observations.
C’est pourquoi nous considérons votre refus d’occuper le poste comme abusif ce qui vous prive du versement de l’indemnité spéciale de licenciement et de l’Indemnité de préavis.
Les observations que vous nous avez adressées par courrier déposé le 9 juillet ne nous permettent pas de revenir sur cette appréciation.
Votre refus du poste proposé nous contraint à engager à votre encontre une procédure de licenciement pour inaptitude.
Votre contrat de travail sera définitivement rompu à la date d’envol de cette lettre, soit le 11 juin 2014.
Vous n’effectuerez aucun préavis, et aucune Indemnité ne vous sera versée à ce titre, pour les motifs ci-dessus énoncés. »
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [I] [X] avait une ancienneté de 6 ans et 5 mois ; la société Wipelec occupait à titre habituel 42 salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Mme [I] [X] a saisi le 16 mars 2016 le conseil de prud’hommes de Meaux pour former les demandes suivantes :
« – La somme de 4.035,42 € à titre de préavis et la somme de 403,54 € à titre de congés payés y afférents,
– La somme de 4.030 € à titre d’indemnité spéciale,
– La somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,
– Le tout assorti de l’exécution provisoire. »
Par jugement du 27 novembre 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :
« Dit que le licenciement de Madame [I] [E] est régulier ;
Déboute Madame [I] [E] de l’intégralité de ses demandes ;
Laisse les dépens à la charge de Madame [I] [E]. »
Mme [I] [X] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 5 juin 2020.
La constitution d’intimée de la société Wipelec a été transmise par voie électronique le 26 juin 2020.
L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 3 janvier 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience du 27 février 2023.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 2 janvier 2023, Mme [I] [X] demande à la cour de :
« Infirmer le jugement rendu le 27 novembre 2019 par le Bureau de Jugement de la Section Industrie du Conseil de Prud’hommes de Meaux.
En conséquence,
Juger que le refus de poste de reclassement par Madame [V] [I] [X] n’est pas abusif.
Juger que le licenciement pour inaptitude est infondé et abusif.
Juger que la société WIPELEC n’a pas rempli son obligation de reclassement.
Juger que le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle de Madame [V] [I] [X] est sans cause réelle et sérieuse.
Condamner la société WIPELEC au paiement de :
– la somme de 4.035,42 € due au titre de l’indemnité de préavis ainsi que le règlement des congés payés y afférents pour un montant de 403,54 €,
– la somme de 4.030 €, due au titre de l’indemnité spéciale de licenciement.
– la somme de 30.000 €, due au titre de dommages et intérêts pour préjudice financier.
– Condamner la société WIPELEC aux entiers frais et dépens.
– Débouter la société WIPELEC de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– Débouter la société WIPELEC de sa demande formulée en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens. »
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 2 janvier 2023, la société Wipelec demande à la cour de :
« A TITRE PRINCIPAL
‘ Débouter Madame [V] [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions d’appel,
‘ Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
‘ Condamner Madame [I] à payer à la société WIPELEC une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du CPC,
‘ La condamner aux entiers dépens.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
Si par impossible la Cour devait juger que le refus de poste de Madame [I] n’est pas abusif
‘ Fixer l’indemnité équivalente de préavis à la somme de 3.035,30 € outre 303,53 € de congés payés sur préavis
‘ Fixer la somme restant dû à Madame [V] [I] au titre de l’indemnité spéciale de licenciement à la somme de 1.397,01 €.
‘ Débouter Madame [I] de sa demande de dommages et intérêts. »
Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 19 avril 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur le licenciement
Mme [I] [X] soutient que :
– le reclassement proposé de contrôleuse au service contrôle de cambrage, risquait d’aggraver son état de santé et ne correspondait pas aux préconisations du médecin du travail (pièces salarié n°9 et 10) ;
– si ce service ne se situait pas effectivement dans le même bâtiment, il n’en demeure pas moins que des produits toxiques sont employés dans le cadre de ce poste : acétones, dissolvants utilisés pour nettoyer les pièces qui sont à contrôler ;
– elle a déjà travaillé durant trois (3) jours du 21 mai au 23 mai 2013 au service contrôle (pièce salarié n°9) ; elle devait procéder au nettoyage des pièces contrôlées avec des produits toxiques (pièces salarié n°15 et 16) ;
– la société Wipelec prétend le contraire en produisant aux débats un extrait du dossier de « demande d’autorisation d’exploiter une installation classée » de janvier 2012 qui attesterait de l’absence des produits chimiques incriminés dans le bâtiment C et l’absence de tout produit chimique au sein du service contrôle » (pièce adverse n°34) ; or ce dossier concerne le site de [Localité 4] et est daté de janvier 2012, alors même que la proposition de poste date du 26 mai 2014 et concerne le site de [Localité 2] ;
– le poste proposé par l’employeur ne respectait pas les restrictions médicales et de surcroît ne correspondait pas aux préconisations médicales relatives à un poste administratif ;
– l’employeur prétend qu’aucun produit chimique n’est employé au stade de la vérification des pièces, alors même qu’une phase de nettoyage des pièces est faite à base de produits solvants tels que les acétones et dissolvants ;
– compte tenu de son refus, l’employeur était tenu de consulter à nouveau le médecin du travail sur la nouvelle affectation ;
– le médecin du travail n’a pas été consulté sur ce poste, l’entreprise lui ayant présenté un poste au service de contrôle (pièce salarié n°17) ;
– l’employeur a considéré que son refus du reclassement était abusif, et l’a de ce fait privée de son indemnité spéciale de licenciement et de son indemnité de préavis ;
– son licenciement est abusif dès lors que la société Wipelec n’a pas procédé à une recherche de reclassement, le refus du poste de contrôleuse au service contrôle de cambrage étant légitime ; son licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle sera donc déclaré sans cause réelle et sérieuse.
En défense, la société Wipelec soutient que :
– le refus sans motif légitime par un salarié d’un poste approprié à ses capacités et comparable à l’emploi précédemment occupé peut revêtir un caractère abusif et entraîner la privation du bénéfice des indemnités spécifiques de rupture ;
– il est exact que le refus du salarié motivé par l’inadaptation du poste aux conclusions du médecin du travail, oblige l’employeur à consulter à nouveau le médecin du travail sur la nouvelle affectation ; cette consultation a été effectuée (pièce employeur n°27) ;
– l’impossibilité de reclassement est établie : aucun des postes administratifs existant au sein de la société Wipelec n’était disponible comme cela ressort du registre du personnel (pièce employeur n°33) ; à l’époque des faits, le service administratif de l’entreprise était composé de 5 employées : 3 secrétaires, une acheteuse et une assistante achat ;
– au cours de l’entretien relatif à la recherche de reclassement, Mme [I] [X] a indiqué avoir un diplôme de journalisme délivré à CUBA mais sans pouvoir en justifier, avoir occupé un poste de journaliste à la radio à Cuba, pendant 3 ans à compter de 1986 et un poste d’agent d’entretien chez Carrefour pendant 6 mois en CDD en 2007 (pièce employeur n° 35) ; les aptitudes et compétences requises pour occuper un poste administratif étaient incompatibles avec son défaut de maîtrise de la langue française, tant à l’oral qu’à l’écrit, qui est établi par deux courriers manuscrits adressés à son employeur en avril et mai 2014, ainsi que par ses mails des 2 et 24 juin 2014 (pièces employeur n° n°29 et 20 et 8 et 11) et par le diplôme d’étude en langue française niveau A2 qu’elle a obtenu en mars 2018, près de 4 ans après son licenciement et plus de 10 ans après son arrivée en France (pièce salarié n°27)
– le seul poste de reclassement possible était le poste de contrôleuse au service « contrôle final » où Mme [I] [X] devait s’occuper des opérations de cambrage car il était conforme aux restrictions médicales, aucun produit chimique n’étant utilisé à ce poste situé dans un bâtiment différent de ceux où les traitements de surface étaient opérés (pièce employeur n°6) ;
– aucun des produits chimiques incriminés par la médecine du travail n’est utilisé au sein du service contrôle comme cela ressort de l’extrait du dossier de « demande d’autorisation d’exploiter une installation classée » de janvier 2012, qui atteste de l’absence des produits chimiques incriminés dans le bâtiment C et confirme l’absence de tout produit chimique au sein du service contrôle (pièce employeur n° 34), des photos du service « contrôle final » (pièce employeur n° 31) et de la fiche de poste (pièce employeur n° 7) ;
– la proposition de reclassement, faite à Mme [I] [X] est conforme aux dispositions de l’article L1226-10 du code du travail ;
– la déléguée du personnel confirme que ce poste semblait le plus approprié à son état de santé (pièce employeur n°5) ;
– ce poste a été présenté au médecin du travail par mail du 13 mai 2014 (pièce employeur n°24) ; ce dernier n’a pas formulé d’avis écrit sur cette proposition, sur laquelle il n’a pas émis d’objection, se limitant à rappeler que le poste proposé devait répondre aux restrictions figurant dans l’avis du 24 avril 2014 (pièce employeur n°25) ;
– par courrier RAR du 16 mai 2016 adressé au médecin du travail (pièce employeur n°26), l’employeur sollicitait de nouveau l’avis du médecin du travail sur la proposition de poste ; le médecin du travail a appelé l’entreprise pour lui confirmer que la mention d’un emploi administratif n’était qu’une « suggestion, d’où l’emploi du conditionnel » et qu’un autre poste pouvait parfaitement être proposé à Mme [I] [X] « à condition qu’elle ne soit pas exposée aux produits chimiques utilisés pour le traitement de surface » ; le médecin précisait qu’il donnerait son avis par écrit « après l’acceptation du poste par Mme [I] [X] » (pièce employeur n°28) ;
– les seuls arguments invoqués par Mme [I] [X] pour refuser le poste sont des arguments tenant à une prétendue inaptitude dont l’appréciation relève de la seule compétence de la médecine du travail (pièces employeur n°8 et 13) ;
– l’entreprise démontre ainsi que le refus de reclassement opposé par Mme [I] [X] présente un caractère abusif, puisque cette question de l’aptitude au poste proposé ne pouvait être tranchée que par le médecin du travail ;
– l’employeur a attiré l’attention de Mme [I] [X] sur les conséquences d’un refus d’un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail qui la priverait des indemnités spéciales de licenciement et de préavis, en l’invitant à y réfléchir, dans sa lettre recommandée du 1er juillet 2014 (pièce employeur n°12) ;
– Mme [I] [X] soutient que le médecin du travail n’aurait pas été consulté sur le poste qui lui a été proposé (cambrage), seul le poste au service contrôle lui ayant été soumis ; cette allégation est contredite par les pièces produites : le poste proposé à Mme [I] [X] était un poste de « contrôleuse au service contrôle pour effectuer particulièrement du cambrage » (pièce employeur n°6) ; c’est ce poste qui a été présenté au médecin du travail par mail du 13 mai 2020 comme en atteste la fiche de fonction jointe au mail (pièce employeur n°24 et 7) étant précisé que les opérations de cambrage font parties des tâches dévolues aux contrôleurs du service contrôle final (pièce employeur n°7) ;
– l’activité contrôle qui devait être confiée à Mme [I] [X] correspond à la Fiche 6 « contrôle et qualité » et uniquement à celle-ci : les types de contrôle pratiqués sont mentionnés sur un tableau et confirment l’absence d’utilisation de produits chimiques pour y procéder ;
– l’activité de cambrage consiste à poser les pièces sur une presse comportant un outil avec la forme désirée ; on actionne la presse pneumatique et les pièces prennent la forme désirée ; aucun produit chimique n’est utilisé pour procéder à cette opération ; les pièces en question qui ont été fabriquées par les autres services (découpe, traitement de surface, gravure) arrivent propres au service contrôle et ne nécessitent aucun nettoyage ou dégraissage préalable aux opérations de contrôle et cambrage ;
– le refus de poste opposé par Mme [I] [X] ne repose pas sur un motif légitime et il était abusif.
L’article L. 1226-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date du licenciement dispose « Lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, prévues à l’article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.
En cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l’indemnité compensatrice et, le cas échéant, l’indemnité spéciale de licenciement prévues à l’article L. 1226-14.
Lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l’article L. 1235-2 en cas d’inobservation de la procédure de licenciement. »
L’article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date du licenciement dispose « Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. »
L’article L. 1226-11 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date du licenciement dispose « Lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail. »
L’article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date du licenciement dispose « Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III. »
Il est constant que Mme [I] [X] a été déclarée inapte à son poste, que son inaptitude est d’origine professionnelle, que la société Wipelec a proposé un poste de reclassement à Mme [I] [X] qu’elle a refusé pour des raisons de santé et qu’elle a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient d’une part que la société Wipelec établit suffisamment l’impossibilité de reclassement de Mme [I] [X] à un poste administratif et d’autre part que le poste de reclassement proposé de contrôleuse au service contrôle pour effectuer du cambrage était conforme aux restrictions médicale comme cela ressort des pièces employeur 7 et 31 ; en effet la fiche emploi du poste litigieux (pièce employeur n° 7) ainsi que les photographies du service de contrôle (pièce employeur n° 31) montrent que l’activité exercée n’aurait pas exposé Mme [I] [X] à des produits chimiques, notamment ceux utilisés pour le traitement des surfaces : persulfate, bicarbonate de soude et autres produits (préparation et stripage), ni aux sensibilisants respiratoires ni aux irritants comme l’indique l’avis médical d’inaptitude.
C’est donc en vain que Mme [I] [X] soutient que ce poste n’était pas conforme aux restrictions et préconisations du médecin du travail étant précisé que la suggestion « Pourrait occuper un poste administratif avec respect des restrictions médicales citées ci-dessus » n’est pas une indication impérative limitant le reclassement à un seul poste administratif étant ajouté de toutes les façons qu’il n’y en avait pas de vacant au sein de la société Wipelec et que Mme [I] [X] n’avait pas les compétences pour pouvoir un tel emploi comme l’employeur le soutient et le démontre.
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus (pièces employeur n° 24 à 28), la cour retient aussi que la société Wipelec a demandé à plusieurs reprises son avis au médecin du travail et qu’elle ne pouvait pas faire plus finalement du fait de ce que le médecin du travail s’est abstenu de répondre ou a refusé de donner son avis.
C’est donc aussi en vain que Mme [I] [X] soutient que le médecin du travail n’a pas été consulté sur ce poste, l’entreprise lui ayant présenté un poste au service de contrôle et que compte tenu de son refus, l’employeur était tenu de consulter à nouveau le médecin du travail sur la nouvelle affectation ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif qu’ils sont contredits par les pièces employeur n° 24 à 28 :
24. Mail adressé le 13 mai 2014 au médecin du travail par la société Wipelec
25. Réponse de la médecine du travail en date du 13 mai 2014
26. Lettre RAR de la société Wipelec à la médecine du travail en date du 16 mai 2014
27. Lettre RAR de la société Wipelec à la médecine du travail en date du 10 juin 2014
28. Attestation de Mme [K] et pièce d’identité.
Dans ces conditions, la société Wipelec ayant démontré qu’elle avait satisfait à l’exigence de solliciter à nouveau l’avis du médecin du travail en cas de difficulté ou de désaccord tenant à l’inaptitude physique du salarié à occuper l’emploi de reclassement proposé et que le poste qu’elle proposait était conforme aux restrictions du médecin du travail, la cour retient que Mme [I] [X] est mal fondée dans ses moyens de contestation de son licenciement et que la société Wipelec est bien fondée à l’avoir privée de l’indemnité spéciale de licenciement et de l’indemnité de l’article L.1226-14 du code du travail en raison de de son refus abusif du reclassement proposé.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [I] [X] de l’ensemble de ses demandes.
Sur les autres demandes
La cour condamne Mme [I] [X] aux dépens de la procédure d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile.
Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société Wipelec les frais irrépétibles de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Ajoutant,
DÉBOUTE la société Wipelec de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [I] [X] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT