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16 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00602 COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE Chambre 1-2 ARRÊT DU 16 MARS 2023 N° 2023/214 Rôle N° RG 22/00602 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIV3F [Y] [A] [Z] [A] S.A.R.L. MELEZE BOIS ROND SCIERIE S.A.R.L. [A] EXPLOITATION FORESTIERE DE LURE C/ [L] [D] [X] [R] épouse [D] Copie exécutoire délivrée le : à : Me Pierre-Philippe COLJE Me Pascal ANTIQ Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 24 décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00096. APPELANTS Monsieur [Y] [A] né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 13], demeurant [Adresse 6] Madame [Z] [H] épouse [A] née le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 8], demeurant [Adresse 6] S.A.R.L. MELEZE BOIS ROND SCIERIE Prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est situé [Adresse 6] S.A.R.L. [A] EXPLOITATION FORESTIERE DE LURE Prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est situé [Adresse 6] représentés par Me Pierre-Philippe COLJE de la SELARL DEFEND & ADVISE – AVOCATS, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE substitué par Me Karine TOLLINCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE INTIMES Monsieur [L] [D] né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 10], demeurant [Adresse 11] Madame [X] [R] épouse [D] née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 9], demeurant [Adresse 11] représentés par Me Pascal ANTIQ, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE *-*-*-*-* COMPOSITION DE LA COUR L’affaire a été débattue le 07 février 2023 en audience publique devant la cour composée de : M. Gilles PACAUD, Président Mme Angélique NETO, Conseillère Madame Myriam GINOUX, Conseillère rapporteur qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023. ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023, Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** EXPOSÉ DU LITIGE La Sarl [A] Exploitation Forestière de Lure et la Sarl Mélèze Bois Rond Scierie exploitent respectivement une activité d’exploitant forestier et une activité de scierie sur le territoire de la commune de [Localité 7], au voisinage des habitations des époux [B] [F] et [G] [U] et des époux [L] [D] et [X] [R] qui se plaignent des nuisances sonores et olfactives qu’elles générèrent du fait de la configuration des locaux non fermés, constitués de toitures en tôles métalliques et équipés de machines bruyantes et polluantes. Aux termes d’une instance engagée au fond devant le tribunal de grande instance de Digne les Bains, sur le fondement de la théorie des troubles du voisinage, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, par arrêt du 7 décembre 2017, a, parmi autres condamnations, imposé à la Sarl [A] Exploitation Forestière de Lure et à la Sarl Mélèze Bois Rond Scierie, ainsi qu’à Monsieur [Y] [A] et à Madame [Z] [A], d’exécuter les travaux décrits par l’expert Monsieur [V] en page 36 de son rapport afin de remédier aux nuisances sonores et consistant dans : – la réalisation d’une cabine acoustique à l’entrée de la rondineuse au moyen de panneaux d’isolation phonique modulaires, conformément au projet de traitement acoustique préconisé par la société décibel France dans son devis descriptif et estimatif du 20 mars 2010 – la mise en ‘uvre d’un système d’asservissement et de mise en marche de la scie” Rennepont” et de la rondineuse sur les ouvertures et fermetures des portes – la réalisation d’une aspiration de toit 115 dB (A) par l’installation d’un silencieux sur la prise d’air en toiture – le remplacement des engins de type” manitou” à moteur thermique Ils dB (A) par des engins électriques moins bruyants. Ces travaux devaient être réalisés dans un délai de six mois et le remplacement des engins de manutention être effectué dans le délai de cinq ans suivant la signification de l’ arrêt sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant un délai de six mois. La Sarl [A] Exploitation Forestière de Lure, la Sarl Mélèze Bois Rond Scierie, Monsieur [Y] [A] et Madame [Z] [A] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Digne les Bains pour obtenir sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile une expertise confiée à un collège d’expert en sylviculture, en appareils de levage et de manutention, acousticien. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 22 novembre 2018, confirmée par arrêt de la cour d’ appel d’Aix-en-Provence du 4 juillet 2019. Postérieurement, soutenant que la première série de travaux ( à savoir réalisation d’une cabine acoustique) n’avait pas été effectuée, M. [L] [D] et Madame [X] [R] épouse [D] ont déposé requête en date du 12 août 2020 devant le président du tribunal judiciaire, sollicitant avant toute demande de liquidation d’astreinte, la désignation d’un huissier de justice qui devra dresser un constat contradictoire des lieux tant pour les travaux entrepris que pour les autres exigés, et tels que décrits par l’expert [V] en page 36 de son rapport du 3 février 2015 afin de remédier aux troubles sonores générés. Par ordonnance du 14 septernbre 2020, ce magistrat a fait droit à cette requête. La Sarl [A] Exploitation Forestière de Lure , la Sarl Mélèze Bois Rond Scierie, Monsieur [Y] [A] et Madame [Z] [A] ont fait citer les époux [D] en référé devant le tribunal judiciaire de Digne les Bains par exploit du 29 avril 2021 aux fins de voir rétracter l’ordonnance du 24 septembre 2020 et de déclarer non avenu le constat d’huissier de justice dressé le 28 octobre 2020 par Maître [K] [N] et dire n’y avoir Iieu à constat, d’ordonner une expertise psychiatrique des défendeurs pour déterminer s’ils présentent des troubles de la tolérance au bruit de type misophonie ou autres et une expertise médicale confiée à un oto-rhino-laryngologiste pour déterminer s’ils présentent des troubles de la tolérance au bruit de type hyperacousie ou autre, aux frais avancés par les demandeurs, et de réserver les dépens. Par ordonnance contradictoire en date du 24 décembre 2021, ce magistrat a : – dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 24 septembre 2020 pour autoriser un constat des travaux réalisés par la La SARL [A] Exploitation Forestière de Lure, la SARL MELEZE BOIS ROND SCIERIE, M. [Y] [A] et Mme [Z] [H] épouse [A] , décrits par l’expert [V] en page 36 de son rapport du 3 février 2015, afin de remédier aux troubles sonores générés, – déclaré irrecevables les demandes d’expertise présentées par La SARL [A] Exploitation Forestière de Lure, la SARL Mélèze Bois Rond Scierie, M. [Y] [A] et Mme [Z] [H] épouse [A], – dit n’y avoir lieu à suppression dans les écritures de M. [L] [D] et Mme [X] [R] épouse [D], défendeurs du passage critiqué par les demandeurs sur le fondement de l’article 41 al 5 de la loi du 29 juillet 1881, – condamné la SARL [A] Exploitation Forestière de Lure, la SARL Mélèze Bois Rond Scierie, M. [Y] [A] et Mme [Z] [H] épouse [A] à payer à M. [L] [D] et Mme [X] [R] épouse [D] la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , – condamné la SARL [A] Exploitation Forestière de Lure, la SARL Mélèze Bois Rond Scierie, M. [Y] [A] et Mme [Z] [H] épouse [A] aux dépens de l’instance. Le premier juge a considéré que les époux [D] s’inscrivaient à ce stade de la procédure dans un contexte de liquidation d’astreinte, dans le cadre d’un contentieux très aigu et suite à de multiples procédures et recours qui impliquait que toute intervention sur le site de la scierie pour réaliser un constat d’huissier et assurer son efficacité soit autorisée par une décision de justice sans être nécessairement soumise à un débat contradictoire préalable ; qu’en conséquence, la saisine du président du tribunal par la voie de l’article 493 du code de procédure civile était justifiée ; que par ailleurs l’huissier avait pu procéder librement à ses constatations sur le site apres avoir régulièrement signifié l’ordonnance et fixé amiablement avec les parties le jour et l’heure de son constat ; que le contradictoire avait donc été respecté . Il a précisé que sa saisine se trouvait limitée au seul objet des conditions d’obtention de l’ordonnance sur requête et la motivation des circonstances ayant permis le recours à cette voie unilatérale et a déclaré irrecevables les demandes d’expertise et de transport sur les lieux. Enfin, il a estimé que les écrits litigieux venaient en illustration d’un contexte établi et d’une ambiance malsaine installée depuis plusieurs années mais ne pouvaient s’analyser comme une atteinte à l’honneur et à la considération des demandeurs justifiant de les qualifier de diffamatoires. Selon déclaration reçue au greffe le 15 janvier 2022, M. [Y] [A], Mme [Z] [H] épouse [A], La SARL Mélèze Bois Rond Scierie et La SARL [A] Exploitation Forestière de Lure ont interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises. Par dernières conclusions transmises le 2 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [Y] [A] et Mme [Z] [H] épouse [A], La SARL [A] Exploitation Forestière de Lure et La SARL Mélèze Bois Rond Scierie sollicitent de la cour qu’elle : – infirme l’ ordonnance dont appel et statuant à nouveau qu’elle : – RETRACTE l’ordonnance sur pied de requête prononcée le 24.09.2020 (RG N°20/68) et, en conséquence, – DECLARE non avenu le constat dressé le 28.10.2020 par Maître [K] [N], Huissier de Justice associé à [Localité 5] – DISE et JUGE n’y avoir lieu à constat ; – ORDONNE une expertise psychiatrique de Madame [X] [R] épouse [D] et désigne pour un procéder un expert psychiatre d’adultes (Rubrique F-02.01 de l’annuaire des experts inscrits près la cour d’appel d’Aix-en-provence) avec pour mission de déterminer si, après examen clinique et connaissance prise du dossier médical de l’intéressée, cette dernière présente des troubles de la tolérance au bruit de type misophonie ou autre ; – DISE que l’expert ainsi désigné pourra s’adjoindre le concours de tout sapiteur dont l’expertise pourrait d’avérer nécessaire à l’exécution de sa mission, notamment en matière de neurologie ; – ORDONNE une expertise psychiatrique de Monsieur [L] [D] et désigner pour un procéder un expert psychiatre d’adultes (Rubrique F-02.01 de l’annuaire des experts inscrits près la cour d’appel d’Aix-en-provence) avec pour mission de déterminer si, après examen clinique et connaissance prise du dossier médical de l’intéressé, cette dernière présente des troubles de la tolérance au bruit de type misophonie ou autre ; – DIRE que l’expert ainsi désigné pourra s’adjoindre le concours de tout sapiteur dont l’expertise pourrait d’avérer nécessaire à l’exécution de sa mission, notamment en matière de neurologie ; – ORDONNE une expertise médicale de Madame [X] [R] épouse [D] et désigner pour un procéder un expert Oto-Rhino-Laryngologie (Rubrique F-03.12 de l’annuaire des experts inscrits près la cour d’appel d’Aix-en-provence) avec pour mission de déterminer si, après examen clinique et connaissance prise du dossier médical de l’intéressée, cette dernière présente des troubles de la tolérance au bruit de type hyper acousie ou autre, – DISE que l’expert pourra s’adjoindre la présence de tout sapiteur, dont l’expertise pourrait s’avérer nécessaire à l’exécution de sa mission, notamment en matière de neurologie, ORDONNE une expertise médicale de Monsieur [L] [D] et désigner pour un procéder un expert Oto-Rhino-Laryngologie (Rubrique F-03.12 de l’annuaire des experts inscrits près la cour d’appel d’Aix-en-provence) avec pour mission de déterminer si, après examen clinique et connaissance prise du dossier médical de l’intéressé, ce dernier présente des troubles de la tolérance au bruit de type hyperacousie ou autre ; DIRE que l’expert ainsi désigné pourra s’adjoindre le concours de tout sapiteur dont l’expertise pourrait d’avérer nécessaire à l’exécution de sa mission, notamment en matière de neurologie ; – DISE et JUGE que les frais des expertises médicales à venir seront avancés par les demandeurs – DEBOUTE les époux [D] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; – ORDONNE la suppression des écrits diffamatoires contenus dans les conclusions des demandeurs, à savoir : « les demandeurs se sont répandus dans les médias et notamment sur internet pour diffuser des informations (pièce n°1) avec la complaisance de certains journaux ; Ils veulent clairement sur faire passer pour des victimes de la Justice’ Les défendeurs ont alors contacté un journaliste pour obtenir, près de 3 mois après, un article qui rétablit, tant que faire se peut, la réalité’ » ; « par la suite, ont été inscrits, en gros caractères, par une personne mal intentionnée : – « Je suis scierie, mort aux casse couilles’ ». Une plainte a été déposée le 21 février 2018 auprès de la Gendarmerie de [Localité 12] pour menaces (pièce n°2). En février 2020, du fumier a été répandue à quelques mètres de leurs fenêtres su des terrains jouxtant leur maison ! Des véhicules 4×4 passent régulièrement devant chez eux et s’arrêtent devant leur maison en dégageant des gaz d’échappement. Les défendeurs subissent donc, outre les nuisances’ un harcèlement de la part de personnes non respectueuses d’autrui ». – DESCENDE sur les lieux pour constater l’absence totale des nuisances alléguées par les époux [D] et se convaincre de la nécessité d’ordonner les mesures d’expertises médicales et psychiatriques en question. -CONDAMNE les époux [D] à verser aux EPOUX [A], La SARL Mélèze Bois Rond Scierie, la SARL Exploitation Forestière de Lure, la somme totale de 5.000, 00 € sur la fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. -CONDAMNE Les époux [D] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Pierre-Philippe Coljé sur affirmation de son droit. Les appelants soutiennent que les époux [D] se sont délibérément dispensés de faire la démonstration de la condition d’urgence d’une part et de l’ existence de circonstances exigeant que les mesures demandées soient prises non contradictoirement. Ils estiment que les époux [D] étaient illégitimes à demander un constat alors qu’ils se sont opposés à une demande d’expertise judiciaire ; que l’instauration d’un débat contradictoire aurait permis au juge saisi de vérifier qu’ils s’étaient conformés aux condamnations prononcées à leur encontre et avaient exécuté les décisions ; que l’huissier ne les avait pas convoqués régulièrement mais était arrivé à la scierie à l’improviste et n’a pas joint à son procès verbal les photographies des capteurs sonores installés à l’intérieur des bâtiments. Ils considèrent par ailleurs qu’en dépit des travaux qu’ils ont exécutés et du fait que les nuisances alléguées n’existent plus si tant est qu’elles aient existé un jour, les époux [D] continuent à se plaindre et sont les seuls à se plaindre ce qui laisse subodorer qu’ils présentent des troubles de la perception sonore et qu’une expertise est nécessaire. Par dernières conclusions transmises le 31 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [L] [D] et Mme [X] [R] épouse [D] sollicitent de la cour qu’elle : – confirme l’ordonnance de référé du 24 décembre 2021, – déboute solidairement M. [Y] [A], Mme [Z] [H] épouse [A], La SARL [A] Exploitation Forestière de Lure et La SARL Mélèze Bois Rond Scierie de toutes leurs demandes, – les condamne solidairement à leur payer la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , – les condamne solidairement aux entiers dépens de l’instance. Les intimés rappellent que la condition d’urgence n’est pas exigée par les dispositions de l’article 493 du code de procédure civile ; Ils font leurs les développements du premier juge et précisent que l’huissier de justice a répondu par courrier aux conclusions des appelants expliquant avoir convoqué verbalement les parties compte tenu du fait qu’il connaissait la famille [A] et entretenait avec eux des rapports cordiaux ; que la conversation téléphonique a duré plus de cinq minutes et qu’ainsi le caractère contradictoire est parfaitement établi. Ils maintiennent que leurs écrits ne rapportent que la relation de faits objectifs et ne sont donc en rien diffamatoires. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la rétractation de l’ordonnance : Aux termes de l’article 493 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie. Les articles 494 et 495 du même code précisent qu’elle doit être motivée, qu’elle est exécutoire au vu de la minute et qu’une copie en est laissée, avec celle de la requête, à la personne à laquelle elle est opposée. Aux termes de l’article 496 alinéa 2 du même code, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. L’article 497 précise que ce dernier a la faculté de modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire. Sur le fondement de ces textes, le juge saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d’instruction doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale à ordonner la mesure probatoire ainsi que des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement et de la nature légalement admissible de la mesure sollicitée. L’ordonnance sur requête, rendue non contradictoirement, doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l’adoption des motifs de la requête, s’agissant des circonstances qui exigent que la mesure d’instruction ne soit pas prise contradictoirement. Il y va de la régularité de la saisine du juge, laquelle constitue une condition préalable à l’examen de la recevabilité et du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée. Enfin, si le juge de la rétractation doit apprécier l’existence du motif légitime de la mesure sollicitée au jour du dépôt de la requête initiale ainsi qu’à la lumière des éléments de preuve produits ultérieurement devant lui, il est tenu, en revanche, s’agissant de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, d’apprécier les seuls éléments figurant dans la requête ou l’ordonnance, sans qu’il puisse en suppléer la carence en recherchant les circonstances justifiant qu’il soit dérogé au principe de la contradiction dans les pièces produites ou les déduire du contexte de l’affaire. Au cas présent, l’ordonnance sur pied de requête rendue le 24 septembre 2020 par le président du tribunal judiciaire de Digne les Bains, est motivée par le visa de la requête à laquelle elle fait droit. Elle est intrinsèquement dépourvue de toute motivation. La requête, déposée le 12 août précédent, à laquelle renvoie l’ordonnance précitée, expose les faits sur trois pages, avant de consacrer deux paragraphes à sa motivation. Ces derniers sont ainsi rédigés : Or, manifestement cette cabine acoustique n’a pas été réalisée conformément aux préconisations de l’expert et de la société DECIBEL. Le requérant a donc tout intérêt à solliciter, avant toute demande de liquidation d’astreinte, la désignation d’un huissier de justice qui devra dresser un constat contradictoire des lieux tant pour les travaux entrepris pour isoler cette rondineuse que pour les autres exigés à savoir: – système d’asservissement et de mise en marche de la scie”Rennepont” et de la rondineuse sur les ouvertures et fermetures des portes, – la réalisation d’une aspiration de toit 115 dB(A) par l’installation d’un silencieux sur la prise d’air en toiture. Ladite requête ne comporte donc pas davantage de motivation que l’ordonnance subséquente sur les circonstances pouvant justifier que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement. Son visa par l’ordonnance du 24 septembre 2020 est donc inopérant sur ce point. Comme rappelé supra, le juge des référés saisi de la demande de rétractation de cette dernière puis la cour, saisie de l’appel de la décision de ce magistrat, ne peuvent suppléer le défaut de motivation de la requête et/ou de l’ordonnance qui y est adossée en recherchant les circonstances justifiant qu’il soit dérogé au principe de la contradiction dans les pièces produites ou les déduire du contexte de l’affaire. Le moyen, articulé par les intimés en cause d’appel, selon lequel le différend ancien entre les parties illustré par de nombreuses décisions et recours impliquerait que toute intervention sur le site de la scierie pour réaliser un constat et assurer son efficacité soit autorisée par une décison de justice non nécessairement soumise à un débat préalable est également inopérant. Dès lors, l’ordonnance entreprise doit être infirmée de ce chef et l’ordonnance sur requête du 24 septembre 2020 rétractée. Par voie de conséquence, le constat d’huissier dressé en exécution de cette ordonnance est nul et non avenu. Sur les demandes d’expertise et de transport sur les lieux : La procédure de référé rétractation porte sur les conditions d’obtention de l’ordonnance sur requête et la motivation des circonstances ayant permis le recours à cette voie unilatérale. La saisine du magistrat se trouve limitée à ce seul objet et il ne peut être ordonné de mesure nouvelle de même nature, ou de mesure nouvelle de nature différente. En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a déclaré irrecevables les demandes d’expertise et de transport sur les lieux. L’ordonnance sera confirmée de ce chef. Sur la demande de suppression des écrits des époux [D] : Se fondant sur les dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les appelants sollicitent la suppression d’une parties des écrits des époux [D] qui porteraient atteinte à leur honneur et considération. Aux termes des alinéas 4 et 5 de l’article 41 sus cité, ” Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciares, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants et diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.” En l’espèce, les écrits incriminés sont les suivants : ” … les demandeurs se sont répandus dans les médias et notamment sur internet pour diffuser des informations( pièce n°1) avec la complaisance de certains journaux ; ils veulent clairement se faire passer pour des victimes de la justice…Les défendeurs ont alors contacté un journaliste pour obtenir, près de trois mois après, un article qui rétablit, tant que faire se peut, la réalité. Par la suite, ont été inscrits, en gros caractère, par une personne mal intentionnée : “je suis scierie, mort aux casse-couilles…” Une plainte a été déposée le 21 février 2018 auprès de la gendarmerie de St Etienne Les Orgues pour menaces. En février 2020, du fumier a été répandu à quelques mètres de leurs fenètres ou des terrains jouxtant leur maison! Des véhicules 4X4 passent régulièrement devant chez eux et s’arrêtent devant leur maison en dégageant des gaz d’échappement . Les défendeurs subissent donc, outre les nuisances… un harcèlement de la part de personnes non respectueuses d’autrui. ” Ces écrits qui font état de faits, avérés ou non et dont la recherche du caractère véridique échappe aux pouvoirs du juge des référés, ne caractérisent, avec l’évidence requise en référé, en aucune façon, un discours injurieux, outrageant ou diffamatoire, et ne portent en conséquence pas atteinte à l’honneur et la considération des appelants, conditions requises par l’alinéa 5 de l’article 41 sus cité, pour voir ordonner leur suppression. Ils ne relatent qu’un contexte tendu et une ambiance délétère en l’état de procédures multiples, outre des faits dont l’examen appartient aux juridictions pénales saisies. C’est à juste titre que le premier juge a débouté les demandeurs-appelants de cette prétention. Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens : L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. En l’espèce, il est admis que la partie supportant ou déboutée d’une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des dispositions susvisées. De surcroît, la multiplicité des procédures diligentées de part et d’autre et le contexte particulier de cette affaire justifie que chacune des parties concerve à sa charge les dépens par elles exposés aussi bien en première instance qu’en cause d’appel. Aucune considération d’équité, de ce fait, ne justifie l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’une ou l’autre des parties. PAR CES MOTIFS La cour, Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 24 septembre 2020, mis les dépens à la charge de M. [Y] [A], Mme [Z] [H] épouse [A], La SARL [A] Exploitation Forestière de Lure et La SARL Mélèze Bois Rond Scierie et les a condamnés au titre des frais irrépétibles, Et statuant de nouveau : – Rétracte l’ordonnance rendue sur pied de requête le 24 septembre 2020 ( RG n° 20/68) avec toutes conséquences que de droit, – Déclare non avenu le constat dressé le 28 octobre 2020 par Maître [N], huissier de justice à [Localité 5] – Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens de première instance par elles exposés , – Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Confirme cette ordonnance en toutes ses autres dispositions entreprises, Y ajoutant, – Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens en cause d’appel par elles exposés, – Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La greffière Le président