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Pour être dénigrant à l’égard d’une société, un communiqué de presse doit comporter l’expression d’une opinion défavorable ou péjorative relative aux services de la société.
Toutefois, le fait de mentionner comme l’une des causes du retard du projet, « des manquements répétés de la société qui était chargée de l’ingénierie [qui] ont conduit à la résiliation de son contrat » constitue une opinion défavorable et péjorative à l’égard des services proposés par la société d’ingénierie en question.
Ces propos sont objectivement dénigrants à l’égard des services de la société Lebas Malaisie et visent également ceux de la société Lebas industrie, par le seul fait qu’elle est sa société mère, connue des acteurs du marché par une dénomination sociale qui le signifie.
Il s’infère nécessairement un préjudice moral d’un acte de dénigrement. L’image de la société Lebas industries a en effet nécessairement été affectée par les actes de dénigrement commis par la société Métabolic explorer. Ce préjudice a été réparé par la condamnation de la société Métabolic explorer à payer à la société Lebas Industrie la somme de 10 000 euros.
Pour rappel, aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le dénigrement, défini comme la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un opérateur économique, peu important qu’elle soit exacte, est sanctionné comme une catégorie de concurrence déloyale sur le fondement de l’article 1240 du code civil. L’application de ce texte est néanmoins cantonnée au dénigrement de produits et services, les propos jetant le discrédit sur une personne devant être sanctionnés sur le terrain de la diffamation et de la loi du 29 juillet 1881.
Le dénigrement suppose la réunion de plusieurs éléments constitutifs : i) il implique l’expression d’une opinion défavorable, péjorative, relative aux produits ou aux services commercialisés par un opérateur économique ii) l’appréciation péjorative doit faire l’objet d’une diffusion publique iii) la personne visée doit être nommément désignée ou susceptible d’être identifiée.
* * *
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 16/02/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 22/02472 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UJE6
Jugement n° 13/009094 rendu le 07 mars 2017 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
rectifié par jugement n°2017004582) rendu le 4 avril 2017 par ledit tribunal
Arrêt n° RG17/02286 rendu le 23 janvier 2020 par la cour d’appel de Douai
Arrêt n°193 F-D rendu le 16 mars 2022 par la Cour de cassation
SUR RENVOI APRES CASSATION
DEMANDERESSE au renvoi
SA Métabolic Explorer prise en la personne de son président directeur général
ayant son siège social [Adresse 3]
représentée par Me Catherine Pouille-Groulez, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistée de Me Antonin Lévy et Joris Monin de Flaugergues, avocats au barreau de Paris, avocats plaidant
DEFENDERESSES au renvoi
SCP Alpha MJ représentée par Me [B] [D] ès qualités de mandataire judiciaire à la sauvegarde de la société Lebas Industries
ayant son siège social [Adresse 2]
SAS Lebas Industries prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège [Adresse 4]
SELARL AJJIS représentée par Me [C] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Lebas Industries
ayant son siège social [Adresse 1]
représentées par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Didier Lebon, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
DÉBATS à l’audience publique du 08 décembre 2022 après rapport oral de l’affaire par Clotilde Vanhove.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 novembre 2022
* * *
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EXPOSE DU LITIGE
La société Métabolic Explorer, Metex France (ci-après la société Métabolic Explorer), qui a pour activité le développement de procédés biochimiques de fermentation alternatifs à la pétrochimie traditionnelle, a conclu le 1er novembre 2010, par l’intermédiaire de sa filiale créée à cette fin en Malaisie, la société Métabolic Explorer SDN BDH (ci-après la société Metex Malaisie), un contrat « build lease and transfer agreement » (BLT) avec la société Malaysian Bio-xcell (ci-après la société Bio-xcell), prévoyant la construction d’une usine de production dans un parc biotechnologique en Malaisie. Par ce contrat, la société Bio-xcell s’engageait à construire l’unité de production, puis à la donner en crédit-bail à la société Metex Malaisie pour une période de dix ans et, à l’issue de cette période, à lui transférer la propriété de cette unité.
La société Bio-xcell, maître d’ouvrage, a confié la maîtrise d”uvre de l’opération à la société Lebas Technologie SDN BDH (la société Lebas Malaisie), filiale créée pour les besoins de cette opération par la société Lebas technologie, devenue Lebas industries, société d’ingénierie spécialisée dans la conception et la réalisation d’unités de production pour la chimie fine ou de spécialité.
Le 21 juin 2011, la société Bio-xcell a conclu avec la société Lebas Malaisie le contrat « engineering, procurement, construction and commissioning contract » (EPCC) visant la construction clé en main de l’unité de production.
L’exécution du contrat BLT était soumise à l’exécution du contrat EPCC.
Des difficultés sont apparues en raison de la pollution des sols. Un accord a été conclu entre la société Metex Malaisie et la société Bio-xcell le 20 juin 2011 en vue d’effectuer les travaux de décontamination des sols.
Parallèlement, la société Metex Malaisie a adressé des mises en demeure à la société Lebas Malaisie concernant l’absence de communication de la documentation technique nécessaire à la réalisation du projet mais également concernant les règles d’hygiène et de sécurité des travailleurs.
Au vu de ces différentes difficultés, une suspension des travaux de six mois a été convenue par lettre d’avenant du 2 mars 2012, conclue entre les sociétés Metex Malaisie et Bio-xcell.
Un communiqué du 9 mars 2012 sur ce retard était diffusé par la société Métabolic Explorer. La correction de ce communiqué sur le site internet était demandée par la société Lebas France, considérant qu’elle était injustement mise en cause.
Le 3 octobre 2012, un accord de suspension était signé entre la société Metex Malaisie et la société Bio-xcell.
La date butoir des travaux était fixée au 25 avril 2013, un nouvelle étude environnementale étant remise aux parties le 28 décembre 2012 concluant à des conséquences limitées de la pollution au sol et recommandant uniquement des mesures de protection individuelles.
Un nouveau communiqué était publié conjointement par la société Métabolic explorer et la société Bio-xcell.
Parallèlement, la question de la transmission de la documentation technique ainsi que celle des capacités financières des sociétés du groupe Lebas, une fois la difficulté de la pollution des sols réglée, devenaient prégnantes.
A la demande de la société Metex Malaisie, la société Bio-xcell a, par lettre du 15 mars 2013, résilié le contrat EPCC conclu avec la société Lebas Malaisie.
Les sociétés Bio-xcell et Metex Malaisie ont convenu de la poursuite du projet sous plusieurs conditions suspensives. Ces conditions n’ayant pas été remplies, la société Metex Malaisie, par courrier du 5 novembre 2013, a constaté la résiliation automatique du contrat BLT.
Par jugement du 23 janvier 2013, la société Lebas industries a été placée sous procédure de sauvegarde de justice. Le plan de sauvegarde de la société Lebas a été arrêté le 11 juin 2014 par le tribunal de commerce de Lille.
Une procédure arbitrale entre les sociétés Lebas Malaisie et Bio-xcell a été engagée et par sentence du 2 juillet 2015, le tribunal de Kuala Lumpur a dit que la résiliation du contrat par la société Bio-xcell n’était pas fondée et condamné cette dernière à verser des dommages-intérêts à la société Lebas Malaisie.
Parallèlement, la société Lebas industries, assistée des organes de la procédure collective, a assigné la société Métabolic Explorer en responsabilité délictuelle, invoquant notamment le caractère dénigrant de la communication de cette dernière. La société Bio-xcell est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement du 7 mars 2017, ayant fait l’objet d’une rectification d’erreur matérielle par jugement du 4 avril 2017, le tribunal de commerce de Lille Métropole a notamment jugé que la société Métabolic explorer a commis une faute délictuelle au préjudice de la société Lebas industries du chef d’atteinte à l’image de cette dernière et de la volonté manifeste de lui nuire et a condamné la société Métabolic explorer à payer à la société Lebas Industries la somme de 300 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance, à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son image de marque.
Par arrêt du 23 janvier 2020, la cour d’appel de Douai a notamment :
– confirmé le jugement en ce qu’il a débouté la société Métabolic explorer de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l’encontre de la société Lebas Industries,
– infirmé le jugement sur la faute délictuelle de la société Métabolic explorer et l’indemnisation du préjudice de la société Lebas Industries et, statuant à nouveau, a débouté la société Lebas industries de ses demandes à l’encontre de la société Métabolic explorer sur le fondement de la responsabilité délictuelle,
– y ajoutant, dit n’y avoir lieu à prononcer une amende civile.
La société Lebas industries a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 16 mars 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Lebas industrie à l’encontre de la société Métabolic explorer en réparation de l’atteinte à son image et en ce qu’il a statué sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile dans les rapports entres les sociétés Lebas industries et Métabolic explorer.
La Cour de cassation a renvoyé les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt sur ce point devant la cour d’appel de Douai autrement composée.
* * * Par déclaration reçue au greffe le 19 mai 2022, la société Métabolic explorer a saisi la cour d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, la société Métabolic explorer demande à la cour de :
infirmer les jugements du tribunal de commerce des 7 mars et 4 avril 2017 en ce qu’ils l’ont condamnée à payer à la société Lebas Industries la somme de 300 000 euros en réparation d’actes de dénigrement portant atteinte à son image ainsi que la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 et aux dépens,
débouter en conséquence la société Lebas Industries de l’ensemble de ses demandes,
à titre reconventionnel :
condamner la société Lebas Industries au paiement d’une amende civile d’un montant de 5 000 euros au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile,
condamner la société Lebas Industries à lui verser 500 0000 euros en réparation du préjudice subi à raison de la procédure abusivement engagée,
en tout état de cause :
condamner la société Lebas Industries aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pouille-Groulez,
condamner la société Lebas Industries à lui verser une indemnité de 50 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 15 novembre 2022, la société Lebas Industries, la SCP Alpha MJ, représentée par M. [D], mandataire judiciaire à la sauvegarde de la société Lebas Industries et la Selarl Ajjis, représentée par M. [C], commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société Lebas industrie, demandent à la cour de :
les dire recevables et bien fondées en leurs demandes,
confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la société Métabolic explorer a commis une faute délictuelle au préjudice de la société Lebas Industries du chef d’atteinte à l’image de cette dernière et de la volonté manifeste de lui nuire,
infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Métabolic explorer à payer à la société Lebas Industries la somme de 300 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son image de marque,
statuant à nouveau de ce chef :
condamner la société Métabolic explorer à payer à la société Lebas Industries la somme de 500 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013, date de l’acte introductif d’instance, à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son image et e-réputation,
ordonner la capitalisation des intérêts,
ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans quatre journaux nationaux financiers et industriels de premier ordre, au choix de la société Lebas Industries et aux frais de la société Métabolic explorer,
en toute hypothèse :
débouter la société Métabolic explorer de toutes ses demandes, fins et conclusions,
condamner la société Métabolic explorer au paiement de la somme de 25 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 novembre 2022. Plaidé à l’audience du 8 décembre 2022, le dossier a été mis en délibéré au 16 février 2023.
* * *
MOTIVATION
Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles de la société Métabolic explorer
Aux termes des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 125 du même code précise que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours. Le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir, du défaut de qualité ou de la chose jugée.
En cas de renvoi après cassation partielle d’un arrêt, la cour de renvoi ne peut statuer sur les chefs non atteints par la cassation, qui bénéficient de l’autorité de la chose jugée.
Si aux termes de l’article 954 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties, et bien que le dispositif des conclusions de la société Lebas Industries ne comprenne pas expressément la demande d’irrecevabilité des demandes reconventionnelles de la société Métabolic explorer en raison de l’autorité de la chose jugée, elle discute néanmoins ce point dans ses conclusions, qui est donc dans les débats et la cour peut examiner d’office cette question.
La société Métabolic explorer sollicite reconventionnellement la condamnation de la société Lebas Industries au paiement d’une amende civile d’un montant de 5 000 euros au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile, et sa condamnation à lui verser 500 0000 euros en réparation du préjudice subi à raison de la procédure abusivement engagée.
Or, l’arrêt de la présente cour du 23 janvier 2020 a notamment :
– confirmé le jugement en ce qu’il a débouté la société Métabolic explorer de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l’encontre de la société Lebas Industries,
– dit n’y avoir lieu à prononcer une amende civile.
En conséquence, les demandes reconventionnelles de la société Métabolic explorer sont irrecevables, en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 23 janvier 2020.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Lebas Industries sur le fondement du dénigrement
Aux termes de l’article 1382 du code civil, devenu l’article 1240, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le dénigrement, défini comme la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un opérateur économique, peu important qu’elle soit exacte, est sanctionné comme une catégorie de concurrence déloyale sur le fondement de l’article 1240 du code civil. L’application de ce texte est néanmoins cantonnée au dénigrement de produits et services, les propos jetant le discrédit sur une personne devant être sanctionnés sur le terrain de la diffamation et de la loi du 29 juillet 1881.
Le dénigrement suppose la réunion de plusieurs éléments constitutifs :
il implique l’expression d’une opinion défavorable, péjorative, relative aux produits ou aux services commercialisés par un opérateur économique,
l’appréciation péjorative doit faire l’objet d’une diffusion publique,
la personne visée doit être nommément désignée ou susceptible d’être identifiée.
En l’espèce, la société Lebas Industries reproche à la société Métabolic explorer du dénigrement à son égard dans :
son communiqué du 21 septembre 2011,
son communiqué du 9 mars 2012,
son communiqué du 15 mars 2013,
l’article du 5 avril 2013 sur un site tradingsat.com.
Il doit tout d’abord être précisé que si la société Métabolic explorer soutient que ces communiqués étaient impératifs pour elle, dès lors qu’elle est une société cotée et qu’à ce titre elle est tenue de respecter un certain nombre d’obligations en matière d’informations communiquées au public prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, en tout état de cause la nécessité d’une communication boursière ne peut justifier des propos dénigrants. Ce moyen est donc inopérant, de même que le fait que la société Lebas Industries n’ait pas signalé à l’Autorité des marchés financiers les propos qu’elle estimait calomnieux.
Le premier communiqué visé par la société Lebas Industries, celui du 21 septembre 2011 intitulé « Métabolic explorer communique : point sur le premier développement en propre de la société : la Malaisie » annonce l’opération, la sélection « après un appel d’offres auquel ont répondu trois sociétés internationales [‘] d’une société française, spécialisée dans le secteur des biotechnologies, qui est déjà intervenue aux côtés de Métabolic explorer », ainsi que la date de fin de l’opération « l’achèvement de la construction de l’usine reste prévu à échéance de fin 2012 ».
La société Lebas Industries reproche à ce communiqué un dénigrement de ses services dès lors que la date d’achèvement de la construction de l’usine mentionnée est mensongère, puisque le contrat prévoit une fin de construction le 17 avril 2013. Elle estime cette annonce publique de ce qu’elle se serait engagée à achever la construction de l’usine à échéance de fin 2012, alors qu’il n’en est rien, source de dénigrement.
La société Métabolic explorer soutient que la société Lebas Industries feint de confondre la date d’achèvement physique de la construction de l’usine, fixée à fin 2012, et la date d’achèvement du projet, la date de prise en charge, fixée au 17 avril 2013. Elle précise qu’outre le fait qu’elle était conforme aux dispositions contractuelles, cette communication était neutre, objective, départie de critique ou d’invective.
En premier lieu, il sera précisé que bien que la société d’ingénierie avec laquelle le contrat a été passé ne soit pas nommée, la description faite de la société retenue la rendait facilement identifiable, contrairement à ce qu’affirme la société Métabolic explorer.
Néanmoins, le contenu du communiqué, quand bien même la date de fin de chantier serait erronée, ne contient aucune expression d’une opinion défavorable ou péjorative relative aux services de la société Lebas Industries. Il ne peut donc en être déduit aucun dénigrement.
Le deuxième communiqué visé par la société Lebas Industries, celui du 9 mars 2012 relatif aux retards du projet de construction intitulé « Métabolic explorer au sein du parc Bio-xcell (Malaisie) : léger décalage dans le calendrier de construction » informe le public que « la société d’ingénierie en charge de la construction de l’usine n’a pas, à ce jour, fourni l’ensemble des documents techniques nécessaires au respect du calendrier, ce qui engendre un ralentissement du chantier qui ne devrait pas excéder six mois. Par ailleurs, Bio-xcell effectue en parallèle des opérations complémentaires de conditionnement du sol. Cette phase devrait durer trois mois au maximum. Ce ralentissement ne devrait donc pas retarder la réception de l’usine de plus de six mois par rapport au calendrier prévisionnel ».
La société Lebas Industries reproche à ce communiqué son caractère mensonger puisque le retard était en réalité exclusivement dû aux problèmes de dépollution des sols, travaux qui ne relevaient pas de sa responsabilité.
La société Métabolic explorer soutient que ce communiqué se contente d’une présentation objective de la situation, départie d’invective et ne fait notamment pas mention du préjudice qu’occasionne le retard dans l’exécution de l’EPCC. Cette présentation objective et factuelle ne peut aucunement caractériser un dénigrement à l’égard de la société Lebas Industries selon elle. Elle ajoute qu’en tout état de cause, la société Lebas Malaisie avait à l’époque commis plusieurs manquements retardant le calendrier du projet au-delà des délais imputables à la dépollution des sols.
Par cette communication, la société Métabolic explorer informe le public sur les raisons du retard pris sur le chantier, qu’elle impute d’une part à des faits de la société d’ingénierie et d’autre part à la société Bio-xcell.
Alors que la société Lebas industries estime, en se basant sur la sentence arbitrale rendue plusieurs années après entre les sociétés Lebas Malaisie et Bio-xcell, qui a jugé injustifiée la demande de fourniture des documents, que les faits qui lui sont imputés sont injustifiés, il demeure en tout état de cause que la mention selon laquelle la société d’ingénierie en charge de la construction de l’usine n’a pas fourni l’ensemble des documents techniques nécessaires au respect du calendrier, ce qui a engendré un ralentissement du chantier, est objectivement dénigrante à l’égard des services de la société Lebas Malaisie, comportement qui vise également ceux de la société Lebas industries, par le seul fait qu’elle est sa société mère, connue des acteurs du marché par une dénomination sociale qui le signifie.
Le troisième communiqué visé par la société Lebas Industries, celui du 15 mars 2013, intitulé « implantation de Métabolic explorer en Malaisie : les deux partenaires Bio-xcell et Métablic explorer font le point sur le projet de construction de l’usine PDO » informe le public que « les deux partenaires annoncent aujourd’hui leur volonté commune de poursuivre le projet d’implantation d’une usine pour Métabolic explorer en Malaisie » et que leurs discussions ont notamment amené à un « accord sur les principes d’une nouvelle organisation en termes d’ingénierie notamment en remplacement de la société d’ingénierie actuelle ».
La société Lebas Industries estime ce communiqué particulièrement dénigrant puisqu’il annonce son éviction du projet.
La société Métabolic explorer estime que ce communiqué ne comporte aucun terme dénigrant à l’égard de la société Lebas Industries, se contentant de manière objective et modérée d’acter la résiliation du contrat EPCC par la société Bio-xceel et de faire état de la situation du projet. Elle estime difficile de faire un communiqué plus neutre et objectif que celui-là.
Ce communiqué contient une présentation neutre et objective de la situation, de l’avancement du projet et, s’il fait état du remplacement de la société d’ingénierie actuelle, il ne mentionne aucune critique ni aucun élément péjoratif à l’égard de la société remplacée, ni ne mentionne les raisons de son remplacement. Il ne contient ainsi aucun propos qui pourrait être considéré comme dénigrant à l’égard des services de la société Lebas Industries.
Enfin, dans l’interview du 5 avril 2013 sur le site tradingsat.com, M. [A], interrogé sur la construction de l’usine de PDO en Malaisie, indique « nous tablons sur fin septembre 2013. Je rappelle que le projet a été retardé à cause, d’une part, du souhait de notre partenaire malaisien, Bio-xcell, propriétaire des terrains, de modifier l’approche retenue pour le conditionnement des sols de la future usine. D’autre part des manquements répétés de la société qui était chargée de l’ingénierie ont conduit à la résiliation de son contrat ».
La société Lebas industries soutient que ces déclarations, qui la visent, sont particulièrement mensongères et révèlent la stratégie de la société Métabolic explorer menée à son détriment. Elle souligne que cette communication non conforme, qui visait à lui imputer artificiellement des reports de délais, portait atteinte à son image et inquiétait ses partenaires financiers et sous-traitants.
La société Métabolic explorer soutient que cet article, en raison de son format, n’a aucunement la portée des communiqués officiels sus-visés. Elle ajoute qu’il s’agit d’une présentation objective de la situation, dépourvue d’invective, M. [A] précisant objectivement les deux raisons qui retardent le calendrier du projet et, s’agissant de la société d’ingéniérie, rappelle les faits, à savoir la résiliation pour faute du contrat EPCC.
La portée du média sur lequel l’interview a été publiée n’est pas explicitée par la société Lebas Industries, il s’agit néanmoins d’une diffusion sur un site internet, donc publique.
Le fait de mentionner comme l’une des causes du retard du projet, « des manquements répétés de la société qui était chargée de l’ingénierie [qui] ont conduit à la résiliation de son contrat » constitue une opinion défavorable et péjorative à l’égard des services proposés par la société d’ingénierie en question. Ces propos sont objectivement dénigrants à l’égard des services de la société Lebas Malaisie et visent également ceux de la société Lebas industrie, par le seul fait qu’elle est sa société mère, connue des acteurs du marché par une dénomination sociale qui le signifie.
La société Lebas industries démontrant des fautes dommageables de la société Métabolic explorer, elle a droit à des dommages-intérêts propres à compenser son préjudice.
S’agissant de son préjudice, elle sollicite la somme de 500 000 euros en raison de l’atteinte à sa réputation commerciale et son image de marque, arguant d’un double préjudice, moral et financier.
La société Métabolic explorer soutient que la société Lebas industries n’apporte aucune preuve du préjudice matériel dont elle se prévaut et qu’il doit être déduit de cette absence de preuve du préjudice qu’il n’existe pas, étant précisé que loin d’avoir été négativement impactée, l’activité de la société Lebas industrie a fait l’objet d’une cession fin 2017 à la société Clemessy appartenant au groupe Eiffage énergie systèmes. Elle ajoute que le préjudice moral peut être justement évalué à 1 euro.
Si au titre de son préjudice financier, la société Lebas industries évoque le fait que ses fournisseurs, clients et les établissements financiers avec lesquels elle est en relation, qui sont des partenaires indispensables pour la présentation de garanties contractuelles lors de la conclusion de marchés d’ingénierie se sont inquiétés, elle n’en justifie aucunement, pas plus qu’elle ne démontre ni ne soutient que cela ait eu des conséquences financières pour sa société, justifiant une indemnisation d’un préjudice financier distinct du seul préjudice d’image. Son préjudice financier n’est dès lors pas établi.
En revanche, il s’infère nécessairement un préjudice moral d’un acte de dénigrement. L’image de la société Lebas industries a en effet nécessairement été affectée par les actes de dénigrement commis par la société Métabolic explorer. Ce préjudice sera justement réparé par la condamnation de la société Métabolic explorer à payer à la société Lebas Industrie la somme de 10 000 euros.
La capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera ordonnée.
Le jugement sera ainsi réformé en ce qu’il a condamné à la société Métabolic explorer à payer à la société Lebas industries la somme de 300 000 euros en réparation de son préjudice.
Enfin, la société Lebas industries sollicite la publication de l’arrêt dans quatre journaux nationaux financiers et industriels de premier ordre, à son choix et aux frais de la société Métabolic explorer. Cependant, ainsi que le soulève la société Métabolic explorer, cette condamnation n’apparaît pas opportune compte tenu de l’ancienneté des communiqués dénigrants.
La société Lebas industrie sera déboutée de cette demande.
Sur les prétentions annexes
Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale dans les rapports entre la société Lebas industries et la société Métabolic explorer seront infirmés.
La société Métabolic explorer, succombant, sera condamnée aux dépens et, en équité, à payer à payer à la société Lebas industries la somme de 7 000 euros.
La société Métabolic explorer ne pourra qu’être déboutée de sa demande d’indemnité procédurale.
* * * PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevables les demandes reconventionnelles de la société Métabolic explorer ;
Réforme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 7 mars 2017 et rectifié par jugement du 4 avril 2017 en ce qu’il a condamné la société Métabolic explorer à payer à la société Lebas Industries la somme de 300 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance, à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son image de marque, ainsi qu’en ce qu’il a statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société Métabolic explorer à payer à la société Lebas industrie la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
Déboute la société Lebas industrie du surplus de ses demandes ;
Condamne la société Métabolic explorer aux dépens ;
Condamne la société Métabolic explorer à payer à la société Lebas industrie la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Métabolic explorer de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominique Gilles * * *