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La présomption de contrat de travail de journaliste ne s’applique pas au pigiste qui ne tire pas l’essentiel de ses revenus de son activité. Ce dernier doit établir l’existence d’un contrat de travail sur le fondement du droit commun.
L’article L. 7111-3 du code du travail dispose qu’est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. L’article L. 7112-1 du même code précise que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
14 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01245 Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 6 – Chambre 11 ARRET DU 14 MARS 2023 (n° , 5 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01245 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDC2W Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY-COURCOURONNES – RG n° 19/00856 APPELANT Monsieur [F] [J] [Adresse 2] [Localité 5] Représenté par Me Jérôme GAGEY, avocat au barreau de PARIS, toque : R240 INTIMÉE S.A.R.L. HISTOIRE MILITAIRE EDITIONS [Adresse 1] [Localité 4] Représentée par Me Céline MARY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1195 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, Greffière lors des débats : Madame Alicia CAILLIAU ARRET : – contradictoire – par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. – signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES M. [F] [J] a rédigé des articles entre mai 2014 et janvier 2019 pour le magazine American Legend publié par la SARL Histoire Militaire Editions, il était rémunéré en notes de droits d’auteur. Le 23 mai 2019, puis en novembre 2019, M. [J] a adressé à la société Histoire Militaire Editions des mises en demeure de lui régler des salaires et de l’informer de sa place dans la société. Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités, M. [J] a saisi le 12 novembre 2019 le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes qui, par jugement du 15 décembre 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit : – dit que M. [J] a le statut de free-lance, – déboute M. [J] de l’ensemble de ses demandes, – condamne M. [J] à payer à la société histoire militaire éditions 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, – condamne M. [J] aux dépens. Par déclaration du 20 janvier 2021, M. [J] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 08 janvier 2021. Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 décembre 2022, M. [J] demande à la cour de : – infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes en toutes ses dispositions et statuant à nouveau : – dire M. [J] recevable et bien fondé en ses demandes, – débouter la société histoire militaire de toutes ses demandes, fins et conclusions, – dire que M. [J] a la qualité de journaliste-professionnel salarié, – prendre acte du fait que l’employeur était parfaitement au courant dès l’embauche de cette qualité, – requalifier la relation de travail en contrat de travail à temps plein, En conséquence, – condamner la société histoire militaire éditions à régler à M. [J] les sommes suivantes: – rappels de salaires (16 mai 2014 au 18 novembre 2019) : 78.930 €, – congés payés afférents : 7.893 €, – rappels de salaires (19 novembre 2016 au 18 novembre 2019 : 90.602 €, – congés payés afférents : 9.471 €, – dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15.786 €, – rappel de 13ème mois : 11.839 €, – congés payés afférents : 1.183 €, – prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [J] aux torts exclusifs de l’employeur à la date 19 novembre 2019, date de saisine du conseil de prud’hommes, – dire et juger que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, En conséquence, – condamner la société histoire militaire éditions à régler à M. [J] les sommes suivantes: – indemnité compensatrice de préavis : 7.893 € – indemnité de congés payés afférente : 789 € – indemnité de licenciement : 14.470 € – dommages et intérêts pour licenciement sans cause : 15.786 € 31 – dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat : 10.000 € – article 700 du code de procédure civile : 4.500 € – ordonner la remise d’un certificat de travail, d’une attestation pôle emploi et d’un solde de tout compte et de l’ensemble des bulletins de paie, sous astreinte de 150 € par jour de retard. Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er décembre 2022, la société Histoire Militaire Editions demande à la cour de’: A titre principal, – confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes d’Evry, par conséquent, – juger du statut d’indépendant de M. [J], – rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [J], à titre subsidiaire, – prendre acte de la qualité de salarié pigiste de M. [J], – rejeter la demande de qualification de chef de rubrique, – dire que M. [J] a été embauché en contrat de travail à durée indéterminée rémunéré à la pige, – prendre acte de l’absence de faute de l’employeur, à titre infiniment subsidiaire, – condamner la société histoire militaire éditions à régler à M. [J] les sommes suivantes: * 1.274,35 € d’indemnité de licenciement, * 364,10 € d’indemnité compensatrice de préavis, * 36,41 € d’indemnité de congés payés afférents, * 1.274,35 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 1.820,50 € de rappel de salaire de février 2019 à novembre 2019, * 1.092,30 € de rappel de salaire afférents à la résiliation judiciaire, * 273,07 € de rappel de 13 ème mois, * 27,31 € de congés payés afférents au 13 ème mois. – rejeter la demande de condamnation au titre de travail dissimulé ; A titre infiniment subsidiaire : – condamner la société histoire militaire éditions à régler à M. [J] la somme de 1.092,30 €, – rejeter la demande de remise de documents sous astreinte de 150 € par jour de retard, en tout état de cause, – condamner M. [J] à verser à la société histoire militaire editions la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC en cause d’appel, – mettre les dépens à la charge de M. [J]. L’ordonnance de clôture a été rendue le 04 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 24 janvier 2023. Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur le statut de M. [J] Pour infirmation de la décision entreprise, M. [J] soutient en substance qu’il a le statut de journaliste professionnel détenteur de la carte de presse ; que la société avait l’obligation de l’embaucher dans le cadre d’un contrat de travail ; que le contrat de cession avec paiement des droits d’auteur n’était pas applicable. A titre subsidiaire, M. [J] fait valoir qu’il était titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein dans les conditions de droit commun. L’intimée réplique que M. [J] ne bénéficie pas d’une carte de journaliste professionnel pour toute la période de collaboration ; qu’en tout état de case, le statut professionnel de M. [J] n’est pas caractérisé au regard des critères de l’article L.7111-3 du code du travail; qu’il n’était pas soumis à un lien de subordination. L’article L. 7111-3 du code du travail dispose qu’est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. L’article L. 7112-1 du même code précise que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. En l’espèce, les éléments versés aux débats établissent que M. [J] a collaboré avec la société en rédigeant des articles dans 17 magazines trimestriels ‘American Legend’ sur les 19 parus de novembre 2014 à novembre 2019 ; que c’est sur décision de M. [W], rédacteur en chef, que les deux reportages prévus pour les magazines n°8 et n°16 n’ont pas été publiés eu égard au changement de programmation, ces reportages ayant néanmoins été réalisés par M. [J], sans que ces éléments soient contestés par la société Histoire Militaire Editions ; qu’il a perçu des rémunérations variant de 190,97 euros à 1.309 euros, soit un total de 7.902,29 euros entre janvier 2015 et janvier 2019. Si l’activité de M. [J] auprès de la société Histoire Militaire Editions était régulière, il n’en demeure pas moins que celui-ci n’établit pas qu’il tirait de cette activité le principal de ses ressources alors que les pièces versées aux débats révèlent qu’il était le président de la SAS Auranaisedition immatriculée au RCS le 14 novembre 2016 ayant pour objet ‘la conception, la réalisation, le conseil, la livraison, la production de contenu éditorial pour presse écrite, web, radio, TV, écritures, photos, articles éditions de livres hors-série, brochures, catalogues’, qu’en outre il est associé d’une SCI [J] [Adresse 3] dont il tire des revenus, la cour relevant de surcroît que les avis d’imposition de M. [J] versés aux débats par l’intimée sont en partie tronqués. Il s’ensuit que M. [J] ne justifie pas qu’il doit bénéficier de la présomption de salariat de l’article L. 7112-1 du code du travail. Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve. En l’espèce, les pièces versées aux débats révèlent que M. [J] se présente comme un journaliste free-lance, terme au demeurant repris par M. [W] rédacteur en chef du magazine, dans un courriel de mai 2014 qui le qualifie de ‘contributeur régulier free lance’; que M. [J] proposait à M. [W] les sujets de ses reportages pour validation future en vue de leur publication. Cette validation pour la publication dans le magazine dépendante de la ligne éditoriale de la société ne suffit nullement à caractériser un lien de subordination. En outre, aucun élément n’établit que la société Histoire Militaire Editions donnait des ordres ou des directives à M. [J], ni qu’elle avait un pouvoir de sanction. Il s’ensuit que M. [J] n’établit pas davantage l’existence d’un contrat de travail. En conséquence et par confirmation du jugement déféré, il convient de débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes. Sur les frais irrépétibles M. [J] sera condamné aux entiers dépens et devra verser la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement déféré ; CONDAMNE M. [F] [J] aux entiers dépens ; CONDAMNE M. [F] [J] à verser à la SARL Histoire Militaire Editions la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. La greffière, La présidente.