Vidéo sur la maltraitance animale : requalification en diffamation
Vidéo sur la maltraitance animale : requalification en diffamation
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Sous couvert de violation du droit de propriété, une société ne peut s’opposer à la diffusion d’une vidéo sur la maltraitance animale. En effet,  le reproche tenant au caractère prétendument illicite de l’obtention des vidéos est indissociable de celui relatif à leur diffusion en les accompagnant, d’allégations mensongères et nominatives.

Contexte de l’affaire

Le 26 février 2022, l’association L214 a mis en ligne sur son site internet une vidéo tournée dans les bâtiments de cette exploitation en vue de dénoncer les conditions maltraitantes d’élevage des lapins.

Estimant que la vidéo avait été réalisée à la suite d’une intrusion illégale dans ses bâtiments d’exploitation, ce qui était selon elle constitutif d’un trouble manifestement illicite, la sarl de [Adresse 1] a, par exploit du 1er avril 2022, assigné l’association L214 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc aux fins de retrait des vidéos litigieuses d’internet avec publication du dispositif de la décision et paiement d’un euro à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Action en diffamation déguisée

En l’occurrence, l’assignation fait bien référence au contenu de la vidéo, ne serait-ce que pour identifier l’intérieur des bâtiments de l’exploitation. La vidéo d’une part qui contient bien des commentaires relevant de la diffamation comme faisant état de maltraitance animale et sa diffusion d’autre part sont bien des éléments présents dans le débat judiciaire dès le jour de la délivrance par la sarl de l’assignation accompagnée de ses pièces jointes.

La violation de domicile écartée

L’ensemble de ces éléments démontrent que ce dont se plaint la sarl n’est pas une violation de domicile, une violation de la propriété ou encore de la réglementation sanitaire ‘ du reste singulièrement mise à mal ainsi que cela résulte des constatations effectuées par l’huissier de justice lui-même à partir des images extraites de la vidéo ‘ mais bien une diffamation consistant en l’imputation, à tort selon elle, de faits de maltraitance animale de grande ampleur qui jettent le discrédit sur son élevage cunicole et dont elle entend obtenir la cessation par la suppression du message vidéo qu’elle considère comme portant atteinte à son activité, c’est-à-dire à son honneur et sa considération, au sens du délit de diffamation défini à l’article 29 de la loi 1881 sur la presse.

Pouvoir de requalification du juge

Par application de l’article 12 du code de procédure civile, les faits ont été requalifiés en faits de diffamation. En application de l’article 12 du code de procédure civile, ‘Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.’ L’article 12 est applicable au juge des référés.

Par conséquent, l’association L214 est fondée à invoquer in limine litis la protection d’ordre public accordée par les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, applicable aux infractions de presse commises par l’intermédiaire des sites internet.

 


 

11 juillet 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/05569

1ère Chambre

ARRÊT N°215/2023

N° RG 22/05569 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TDYU

S.A.R.L. DE [Adresse 1]

C/

Association L214

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 mai 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 juillet 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 27 juin 2023 à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La SARL DE [Adresse 1] immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Brieuc SOUS LE n°849.756.440, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Pierre DEPASSE de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Pavocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

L’Association L214, association loi 1908 inscrite au registre des associations du tribunal d’instance de Strasbourg le 9 septembre 2014, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Benjamin ENGLISH de la SCP MARION-LEROUX-SIBILLOTTE-ENGLISH-COURCOUX, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Représentée par Me Hélène THOUY, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

FAITS ET PROCÉDURE

La sarl de [Adresse 1] exploite à [Localité 2] un élevage de lapins dit ‘de chair’ destinés à la consommation de leur viande. L’élevage, qui relève du modèle intensif, est de type ‘naisseur-engraisseur’, assurant à la fois le naissage (reproduction des lapines par des procédés artificiels), le sevrage des lapereaux et leur engraissement jusqu’à leur livraison à l’abattoir. L’exploitation fonctionne sur la base d’un cycle d’élevage de 75 jours divisé en deux phases. Durant la première phase, les lapereaux sont placés dans une cage avec une lapine reproductrice afin d’être allaités, laquelle est retirée au bout de 35 jours. Puis, dans la seconde phase, ils sont engraissés jusqu’à atteindre le poids de 2,5kg. Ils sont enfin retirés des cages pour être conduits directement à l’abattoir. La sarl de [Adresse 1] livre ainsi à l’abattoir 25000 lapins tous les 75 jours, ce qui correspond à environ 121500 lapins chaque année. Pour atteindre ce volume, l’élevage exploite plus de 3000 lapines reproductrices qui donnent naissance chaque année à environ 200000 lapereaux. Les lapines sont elles-mêmes envoyées à l’abattoir au bout d’un an (elles sont ‘réformées’) par suite d’usure physiologique.

Le 26 février 2022, l’association L214 a mis en ligne sur son site internet une vidéo tournée dans les bâtiments de cette exploitation en vue de dénoncer les conditions maltraitantes d’élevage des lapins.

Estimant que la vidéo avait été réalisée à la suite d’une intrusion illégale dans ses bâtiments d’exploitation, ce qui était selon elle constitutif d’un trouble manifestement illicite, la sarl de [Adresse 1] a, par exploit du 1er avril 2022, assigné l’association L214 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc aux fins de retrait des vidéos litigieuses d’internet avec publication du dispositif de la décision et paiement d’un euro à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance du 8 septembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :

– rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par l’association L214, qui sollicitait l’application de la loi de 1881 sur la liberté de la presse,

– débouté la sarl de [Adresse 1] de ses demandes de retrait de la vidéo diffusée par l’association L214,

– débouté la sarl de [Adresse 1] de sa demande de dommages et intérêts à titre de provision,

– condamné la sarl de [Adresse 1] à payer à l’association L214 la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles,

– condamné la sarl de [Adresse 1] aux frais et dépens de la procédure,

– rejeté toute demande plus ample ou contraire,

– rappelé le caractère exécutoire de la décision.

Il a retenu que la sarl de [Adresse 1] n’appuyait pas ses arguments sur le contenu de la vidéo litigieuse et sur les éléments constitutifs de la diffamation mais uniquement sur les règles applicables en matière de référé et que la simple circonstance qu’il s’agissait d’une vidéo critique mise en ligne ne pouvait suffire à rendre le droit de la presse applicable à l’exclusion de toute autre règle de droit.

Par déclaration au greffe le 16 septembre 2022, la sarl de [Adresse 1] a interjeté appel de l’ordonnance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La sarl de [Adresse 1] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 13 février 2023 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour d’appel de :

– confirmer l’ordonnance ayant rejeté la demande de nullité de l’assignation formulée par l’association L214,

– la réformer pour le surplus et ordonner le retrait des vidéos litigieuses présentes sur le site internet de l’association L214 ainsi que sur l’ensemble des réseaux sociaux et des plateformes de vidéos en ligne sous astreinte de 150 € par jour de retard et ordonner subsidiairement la saisie par toute personne dépositaire de l’autorité publique et mandatée à cet effet des supports et des clichés photographiques et films vidéo pris par les membres de l’association L214 lors de leur intrusion dans les locaux d’exploitation de la société sarl de [Adresse 1],

– dire et juger que ce retrait pourra s’effectuer en tous lieux et notamment au siège de l’association L214 et au domicile de ses membres,

– ordonner l’interdiction de rediffusion de la vidéo litigieuse par quelque moyen que ce soit et, en cas de violation,

– interdire à toute personne l’utilisation et la diffusion de ces clichés photographiques et films vidéo sous peine d’une astreinte financière de 50.000 € par infraction constatée,

– se réserver la liquidation de l’astreinte ainsi ordonnée,

– condamner l’association L214 à publier le dispositif de la décision en haut de la première page de son site internet en police Arial de taille 12 en caractères gras et suffisamment visibles ainsi que dans trois quotidiens nationaux laissés au choix de la requérante dans les quinze jours de son prononcé,

– dire quel sera le coût maximal de cette publication,

– condamner l’association L214 à payer une somme d’1 € à titre de provision sur le préjudice subi par la société sarl de [Adresse 1],

– condamner l’association L214 au paiement d’une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles,

– condamner l’association L214 aux dépens comprenant les dépens de première instance, le coût du constat d’huissier de maître [I] du 10 mars 2022 et de toutes les mesures d’exécution ordonnées par les présentes.

Au soutien de ses prétentions, la sarl de [Adresse 1] souligne qu’elle a volontairement écarté le fondement de la loi du 29 juillet 1881 en privilégiant de manière exclusive la notion de trouble manifestement illicite résultant de la diffusion sur le site de l’association intimée d’une vidéo tournée illégalement, puisque filmée dans ses locaux et sans son accord. L’assignation introductive d’instance ne fait pas référence au contenu de la vidéo litigieuse ni à son caractère éventuellement diffamatoire de sorte que la nullité de l’assignation pour non-respect des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 ne saurait être encourue. Sur l’existence du trouble manifestement illicite, la sarl de [Adresse 1] soutient que l’intrusion dans ses locaux porte atteinte à son droit de propriété, peu important à cet égard que l’occupation illicite ait cessé au jour où le juge statue, puisque les images résultant de cette intrusion sont toujours accessibles sur le web et les réseaux sociaux. Le trouble manifestement illicite est selon elle également caractérisé au regard de l’atteinte portée à son droit au respect de la vie privée et en raison de la violation de son domicile puisque la vidéo litigieuse prolonge le trouble manifestement illicite initial. De même, un tel trouble est caractérisé en raison de l’intrusion par les membres de l’association L214 ou par ses sympathisants dans les bâtiments d’élevage de la sarl de [Adresse 1] en violation de la réglementation sanitaire applicable. Enfin, les moyens employés par l’association L214 n’étaient ni nécessaires, ni proportionnés au but d’information du public recherché alors que certaines voies de droit lui auraient permis de parvenir au même résultat dans le respect de la légalité.

L’association L214 expose ses demandes et ses moyens dans ses dernières conclusions, notifiées et remises au greffe le 3 avril 2023 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour d’appel de :

– à titre principal, in limine litis,

– infirmer l’ordonnance du 8 septembre 2022 en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité de l’assignation,

– en conséquence,

– annuler l’assignation délivrée à l’association L214 par la sarl de [Adresse 1] en violation de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse,

– à titre subsidiaire,

– constater l’absence de trouble manifestement illicite,

– en conséquence,

– confirmer l’ordonnance du 8 septembre 2022,

– en tout état de cause,

– débouter la sarl de [Adresse 1] de ses demandes,

– condamner la sarl de [Adresse 1] à lui payer la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, l’association L214 soutient que l’assignation lui ayant été délivrée ne respecte pas les dispositions de la loi du 29 juillet 1881. En effet, les griefs développés par la sarl de [Adresse 1] portent sur la diffusion d’une vidéo tournée dans son élevage comme moyen de nuire à son honneur ou à sa considération. Sous couvert d’atteinte à son droit de propriété et de violation de son domicile, la sarl de [Adresse 1] reproche en réalité à l’association L214 la diffusion d’images de nature à discréditer son activité et son exploitation et à porter atteinte à son honneur, ce qui est constitutif d’une diffamation. Son action ne pouvait, selon elle, être exercée que sur le fondement des dispositions d’ordre public de la loi du 29 juillet 1881, dont l’article 53 fait dépendre la validité de l’assignation d’un formalisme qui n’a pas été respecté en l’espèce, justifiant son annulation. A titre subsidiaire, l’association L214 conteste l’existence d’un trouble manifestement illicite et actuel et le lien de causalité avec la diffusion de la vidéo. Elle soutient enfin que le trouble invoqué par la sarl de [Adresse 1] est justifié par l’exercice de sa liberté d’expression de manière nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi, à savoir l’information du public et la contribution à un débat d’intérêt général relatif aux conditions d’élevage des animaux.

MOTIFS DE L’ARRÊT

1) Sur la requalification de l’action de la sarl de [Adresse 1]

En application de l’article 12 du code de procédure civile, ‘Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.’

L’article 12 est applicable au juge des référés.

Lorsque des faits susceptibles de contenir des éléments constitutifs de la diffamation, à savoir l’imputation de faits susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne, l’application de la loi sur la presse de 1881 dont les dispositions sont d’ordre public s’impose en raison de son régime protecteur.

En l’espèce, la sarl de [Adresse 1] soutient qu’elle a sciemment cherché à expurger de son assignation toute référence au contenu de la vidéo litigieuse et au fait qu’elle pourrait contenir des images ou des commentaires de nature à nuire à son image ou à porter atteinte à son honneur ou sa réputation.

Toutefois, l’analyse de cette assignation et de ses pièces jointes conduit à relever qu’il y est à plusieurs reprises dénoncé la diffusion de la vidéo litigieuse :

– la 1ère phrase de l’objet du procès vise, en page 3, la mise en ligne sur le site internet de l’association L214 d’une vidéo tournée dans les bâtiments d’exploitation appartenant à la sarl de [Adresse 1],

– la 2ème phrase en page 3 évoque ‘les différentes séquences de cette vidéo diffusée également sur les réseaux sociaux (YouTube)’,

– la 4ème et la 6ème phrase évoquent la ‘vidéo,’

– en page 8, il est encore précisé que ‘la vidéo captée à l’intérieur des bâtiments d’élevage de la sarl de [Adresse 1] et sa diffusion corrélative constituent bien en soi un trouble manifestement illicite non pas parce qu’il s’agirait d’une occupation sans droit ni titre ou d’une atteinte à l’image du bien mais parce que la diffusion de la vidéo litigieuse prolonge le trouble initial qui résulte de la violation du droit de propriété de l’appelante.’

– en page 16, il est souligné que ‘L’attitude de l’association L214 est inadmissible. [‘] Elle a diffusé à des tiers les éléments qu’elle détenait tout en sachant qu’ils avaient été obtenus frauduleusement.’

C’est de fait l’ensemble de l’assignation qui s’articule sur un reproche de diffusion au public de la vidéo comme source du trouble manifestement illicite et qui s’achève par une demande de retrait de ladite vidéo des supports de diffusion, sans par ailleurs solliciter aucune mesure propre à faire cesser une atteinte au droit de propriété ou une violation de domicile ou encore une atteinte à la réglementation sanitaire.

Par ailleurs, la plainte déposée par le gérant de la sarl de [Adresse 1] à la suite de cette diffusion, telle qu’elle a été jointe à l’assignation (pièce [Adresse 1] n° 2), fait apparaître que le premier des griefs dont se plaint le gérant, outre qu’il identifie sans contestation possible son exploitation dans la vidéo, est la ‘publication’ par l’association L214 sur sa page Internet de vidéos ‘contre des élevages’ et dont ‘le but [est] de détruire mon activité… Ils prennent en otage les personnes qui regardent la vidéo en disant que ce que l’on fait est mal. C’est faux, nous respectons les règles sanitaires et le bien-être de l’animal… le mot intensif est péjoratif.’

Le gérant reproche donc à l’association L214 de lui imputer des conditions maltraitantes d’élevage de ses lapins.

Ce faisant, il articule un fait de diffamation dont il estime que sa société est victime de la part de l’association L214.

Ensuite, le procès-verbal de constat d’huissier établi le 10 mars 2022 à la demande de la sarl de [Adresse 1] et également joint à l’assignation en référé pour justifier les demandes de retrait de la vidéo retrace une ‘enquête dans l’un des plus gros élevages de lapins’ à ‘[Localité 2] Côtes d’Armor’ et capture des extraits commentés de vidéo qui témoignent de l’activité de la société en ces termes ‘et on voit que la densité de lapins par cage est énorme’, ‘ce qui n’est pas du tout des conditions de vie normales’, tandis qu’est filmée un niveau déplorable de saleté de l’élevage outre un transport de lapins vivants empilés les uns sur les autres dans un chariot de supermarché.

Il sera enfin souligné que la sarl de [Adresse 1] est dans l’incapacité d’établir que sa propriété ou son domicile ou encore la réglementation sanitaire ont été bafoués, aucun acte d’effraction, de dégradation des lieux, de voie de fait ou encore de pollution de l’élevage n’ayant été identifié. En fait, l’association L214 indique avoir été ‘informée’ en février 2022 ‘par une personne ayant accès aux locaux de la société, des conditions déplorables dans lesquelles sont traités et vivent les lapins’, une vidéo ayant été ‘tournée’ sans qu’il soit précisé par qui, puis diffusée par l’association L214 le 26 février 2022.

Le reproche tenant au caractère prétendument illicite de l’obtention des vidéos est indissociable de celui relatif à leur diffusion en les accompagnant, selon la sarl de [Adresse 1], d’allégations mensongères et nominatives. Contrairement à ce que soutient la sarl de [Adresse 1], l’assignation fait bien référence au contenu de la vidéo, ne serait-ce que pour identifier l’intérieur des bâtiments de l’exploitation. La vidéo d’une part qui contient bien des commentaires relevant de la diffamation comme faisant état de maltraitance animale et sa diffusion d’autre part sont bien des éléments présents dans le débat judiciaire dès le jour de la délivrance par la sarl de [Adresse 1] de l’assignation accompagnée de ses pièces jointes.

L’ensemble de ces éléments démontrent que ce dont se plaint la sarl de [Adresse 1] n’est pas une violation de domicile, une violation de la propriété ou encore de la réglementation sanitaire ‘ du reste singulièrement mise à mal ainsi que cela résulte des constatations effectuées par l’huissier de justice lui-même à partir des images extraites de la vidéo ‘ mais bien une diffamation consistant en l’imputation, à tort selon elle, de faits de maltraitance animale de grande ampleur qui jettent le discrédit sur son élevage cunicole et dont elle entend obtenir la cessation par la suppression du message vidéo qu’elle considère comme portant atteinte à son activité, c’est-à-dire à son honneur et sa considération, au sens du délit de diffamation défini à l’article 29 de la loi 1881 sur la presse.

Par application de l’article 12 du code de procédure civile, ci-dessus rappelé, les faits présents dans le débat seront dès lors requalifiés en faits de diffamation.

Par conséquent, l’association L214 est fondée à invoquer in limine litis la protection d’ordre public accordée par les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, applicable aux infractions de presse commises par l’intermédiaire des sites internet.

L’ordonnance sera infirmée sur ce point.

2) Sur les conséquences de la requalification

Il résulte de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que ‘La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.

Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.

Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite.’

En l’espèce, l’assignation signifiée à l’association L214 à la demande de la sarl de [Adresse 1] le 1er avril 2022 ne précise ni ne qualifie le fait incriminé puisque précisément, elle tentait de l’expurger de toute référence au délit de diffamation. Elle ne vise pas le texte applicable à la poursuite. Elle n’a pas été notifiée par acte séparé au ministère public. Enfin, elle ne contient pas d’élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie, à savoir [Localité 5]

Irrégulière, elle sera en conséquence annulée.

L’ordonnance sera également infirmée sur ce point.

3) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, la sarl de [Adresse 1] supportera les dépens.

L’ordonnance sera infirmée s’agissant des dépens de première instance, qui seront mis à la charge de la sarl de [Adresse 1].

Enfin, eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’est pas inéquitable de condamner la sarl de [Adresse 1] à payer à l’association L214 la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par elle et qui ne sont pas compris dans les dépens.

L’ordonnance sera infirmée s’agissant des frais irrépétibles de première instance tandis que les demandes de la sarl de [Adresse 1] de ce chef seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance déférée,

Statuant à nouveau,

Annule l’assignation délivrée le 1er avril 2022 par la sarl de [Adresse 1] à l’association L214,

Condamne la sarl de [Adresse 1] aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la sarl de [Adresse 1] à payer à l’association L214 la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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