Droit de la presse : 10 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10890

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Droit de la presse : 10 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10890
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Extraits : les intimées exposent des griefs relevant de la diffamation sans se fonder sur la loi du 29 juillet 1881 alors qu’un tel préjudice ne peut pas être réparé sur le fondement de l’article 1240 du code civil, que

M. [E] n’a tenu aucun propos portant atteinte à l’honneur et à la considération des intimées, ses propos étant en outre mesurés et légitimes, que la condamnation prononcée par le tribunal, q
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 10 JANVIER 2023

(n° / 2023, 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10890 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3AE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020059172

APPELANTS

Monsieur [Z] [D] [E] [L]

Né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 10] (USA)

De nationalité américaine

Demeurant [Adresse 11]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 9] (MAROC)

S.A.S. BERLYS MEDIA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 524 193 075,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 5]

Représentés par Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090, Assistés de Me Arnaud ALBOU, avocat au barreau de PARIS, toque : L0038,

INTIMÉES

S.A.S. NJJ PRESSE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerc et des sociétés de PARIS sous le numéro 524 805 850,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Florian BOUAZIZ de la SAS BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : T12,

La société en commandite simple LE NOUVEAU MONDE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 524 802 691,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

Assistée de Me Bruno CAVALIE de la SELARL RACINE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Nadège BOSSARD, conseillère,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Florence Dubois-Stevant dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***

FAITS ET PROCÉDURE:

En septembre 2010, MM. [C] [S], [N] [H] et [U] [V], par l’intermédiaire, respectivement, des sociétés Berlys media, NJJ presse et Le Nouveau Monde, se sont associés au sein de la société Le Monde libre, à parts égales (26,6 %), la société Prisa ayant une participation à hauteur de 20 %, pour prendre le contrôle, à hauteur de 72 %, de la Société éditrice du Monde (” société SEM “) contrôlant le groupe Le Monde.

Un pacte d’associés a été conclu le 6 décembre 2016 par MM. [S] et [F] et les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde, en présence de la société Berlys media aux termes duquel les dirigeants de ces trois sociétés ont convenu

– de l’entrée des sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde au capital de la société Berlys media à hauteur de 5 % chacune,

– des conditions d’apports en compte courant à réaliser par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde à la société Berlys media pour que celle-ci puisse rembourser de manière échelonnée le compte courant détenu par M. [S] d’un montant alors de plus de 24,4 millions d’euros, soit un versement de 2,5 millions par chacune en décembre 2016, 2017, 2018, 2019 et le solde au 1er décembre 2020,

– des termes et conditions de promesses de vente et d’achat portant sur les autres actions de la société Berlys media alors détenues par M. [S], soit 90 % du capital social.

En particulier, selon l’article 13.2 M. [S] s’engageait à céder à chacun des deux bénéficiaires la moitié des titres qu’il détenait dans la société Berlys media et l’article 13.4 précisait que l’option d’achat pouvait être levée par chaque bénéficiaire des promesses (i) à tout moment à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 mars 2021 inclus, (ii) ou dans les 60 jours suivant le décès de M. [S] ou (iii) ou dans les 60 jours suivant la date à laquelle M. [S] n’exercerait plus les fonctions de président de la société Berlys media pour quelque raison que ce soit, le cas échéant.

M. [S] est décédé le [Date décès 8] 2017. M. [E], légataire universel de M. [S], est devenu l’unique propriétaire des titres de la société Berlys media antérieurement détenus par M. [S] et du compte courant de M. [S].

Le 25 octobre 2018, M. [V] a annoncé la cession de 49 % du capital de la société Le Nouveau Monde à M. [G].

La société Le Nouveau Monde n’a pas payé à la société Berlys media l’échéance 2019 de l’apport en compte courant de sorte qu’en juillet 2020 la seconde a assigné la première en paiement devant le juge des référés et que ce dernier a, par ordonnance du 17 novembre 2020, condamné la société Le Nouveau Monde au paiement de la somme principale de 2,5 millions d’euros. La société Le Nouveau Monde a fait appel de cette ordonnance qui a été ultérieurement confirmée, par arrêt du 10 février 2021.

Par courriers du 16 novembre 2020, les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ont chacune notifié à M. [E] leur décision de lever les promesses de vente et d’acquérir chacune 50 % des actions de la société Berlys media qu’il détient au prix de 915.313,38 euros par cession.

M. [E] a, le 25 novembre 2020, adressé des courriers aux sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde et, par lettres du 1er décembre 2020, il les a informées qu’il s’opposait à la réalisation des cessions, considérant les promesses de vente caduques.

Les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ne se sont pas acquittées du paiement de l’échéance de compte courant du 1er décembre 2020.

*

* *

Par acte du 11 décembre 2020, M. [E] a assigné les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde devant le tribunal de commerce de Paris pour voir juger caduques les promesses de vente. Ultérieurement M. [E] s’est désisté de l’instance.

Par actes des 18 et 23 décembre 2020, les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ont assigné la société Berlys media et M. [E] devant le tribunal de commerce de Paris en exécution forcée des promesses de vente. M. [E] a soulevé la caducité de ces promesses de vente et, subsidiairement, la détermination du prix de cession à dire d’expert et, la société Berlys media a demandé la condamnation, au titre des apports en compte courant dus, de la société Le Nouveau Monde au paiement des échéances 2019 et 2020 et celle de la société NJJ presse au paiement de l’échéance 2020.

Par jugement du 7 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– Dit que les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde étaient en droit de lever, par courriers du 16 novembre 2020, l’option d’achat qui leur était consentie à l’article 13 du

pacte d’associés du 6 décembre 2016, soit dans la période convenue entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2021 inclus et dit, en conséquence, les notifications de levée d’option réalisées le 16 novembre 2020 valables,

– Condamné M. [E] à céder :

o 50 % des titres qu’il détient dans le capital social de Berlys media, soit 2.250 actions à la société NJJ presse pour un prix global de cession de 915.313,38 euros, et

o 50 % des titres qu’il détient dans le capital social de Berlys media, soit 2.250 actions à la société Le Nouveau Monde pour un prix global de cession de 915.313,38 euros,

– Condamné la société Le Nouveau Monde à verser à la société Berlys media la somme de 2.500.000 euros en principal augmentée des intérêts légaux à compter du 2 mars 2020,

– Dit l’exception d’inexécution avancée par les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse justifiée quant à leur opposition au versement de l’échéance 2020 à la date contractuellement prévue,

– Condamné en conséquence les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse à verser en compte courant à la société Berlys media la somme de 2.570.302,89 euros chacune au titre de l’échéance 2020 mais uniquement au jour de la réalisation des cessions des titres Berlys media détenus par M. [E] au profit des sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse, avec engagement que ces mêmes sommes soient versées, le même jour, par la société Berlys media au profit de M. [E],

– Ordonné à la société Berlys media de donner mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par elle sur les parts sociales détenues par la société Le Nouveau Monde au capital des sociétés LML et Berlys media mais sous la condition du paiement préalable qui sera fait par la société Le Nouveau Monde à la société Berlys media de la somme de 2.570.302,89 euros, et ce dans les huit jours du paiement intervenu, et sans astreinte,

– Condamné M. [E] à verser à la société NJJ presse une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, déboutant pour le surplus,

– Ordonné la publication d’un communiqué dans le quotidien Le Monde aux frais de M. [E],

– Condamné M. [E] et la société Berlys media à payer chacun 20.000 euros à la société NJJ presse et 10.000 euros à la société Le Nouveau Monde en application de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant les parties pour le surplus,

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions à la seule exception des cessions des actions Berlys media à réaliser en exécution des promesses de cession dont les levées d’option ont été déclarées valables,

– Rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires,

– Condamné M. [E] et la société Berlys media aux dépens.

Par déclaration du 11 juin 2021, M. [E] et la société Berlys média ont fait appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 novembre 2022, M. [E] et la société Berlys média demandent à la cour :

– D’infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société Le Nouveau Monde à verser à la société Berlys media la somme de 2.500.000 euros en principal augmentée des intérêts légaux à compter du 2 mars 2020, a débouté la société Le Nouveau Monde de sa demande de dommages et intérêts,

– Statuant à nouveau, de dire et juger que, compte tenu de l’absence d’accord des parties dans le délai de 15 jours des notifications de levées d’option sur le calcul du prix des titres devant être cédés, le prix sera déterminé à dire d’expert, par application de la clause 13.10 du pacte d’associés conclu le 6 décembre 2016, d’ordonner à la société Le Nouveau Monde de communiquer l’ensemble des accords conclus entre elle et la société Czech media invest et/ou toute société contrôlée directement ou indirectement par M. [G], au besoin sous astreinte de 10.000 euros par jour, de condamner les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse à rembourser les frais que M. [E] a été contraint d’engager au titre de la publication judiciaire, soit la somme de 49.230 euros, d’ordonner à la société Berlys media de donner mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par elle sur les parts sociales détenues par la société Le Nouveau Monde au capital des sociétés LML et Berlys media mais sous la condition du paiement préalable qui sera fait par la société Le Nouveau Monde à la société Berlys media de la somme de 2.500.000 euros en principal augmentée des intérêts légaux à compter du 2 mars 2020 au titre de l’échéance 2019 du compte courant, et ce dans les huit jours du paiement intervenu, et sans astreinte,

– A titre reconventionnel, de condamner la société Le Nouveau Monde à payer à la société Berlys media la somme de 2.570.302,89 euros en principal augmentée des intérêts légaux à compter du 17 décembre 2020, date de la mise en demeure de payer, au titre de l’échéance de 2020, et de condamner la société NJJ presse à payer à la société Berlys media la somme de 2.570.302,89 euros en principal augmentée des intérêts légaux à compter du 22 décembre 2020, date de la mise en demeure de payer, au titre de l’échéance de 2020,

– En tout état de cause, de débouter les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse de leur appel incident et de leurs autres demandes, de les condamner in solidum au paiement

de la somme de 100.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dont 50.000 euros pour la société Berlys media et 50.000 euros pour M. [E] et de condamner in solidum les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 octobre 2022, les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde demandent à la cour :

– De confirmer le jugement en ce qu’il a dit que les promesses ont été valablement exercées par elles le 16 novembre 2020, qu’aucune caducité des promesses n’est susceptible d’être invoquée par M. [E], qu’aucun désaccord sur le prix n’est plus susceptible d’être allégué par M. [E] et qu’elles sont donc fondées à solliciter l’exécution forcée par M. [E] des promesses, a fait échec à la demande d’expertise et à la demande de production de documents formulée par M. [E] et la société Berlys media, d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif et, statuant à nouveau, d’ordonner à M. [E], sous astreinte provisoire de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, d’exécuter les promesses et de leur remettre les ordres de mouvement signés portant sur la cession des titres objet des promesses, et ce en contrepartie du – et concomitamment au – règlement par elles à M. [E] du prix de cession correspondant (soit la somme de 915.313,38 euros chacune) et d’ordonner à la société Berlys media, sous astreinte provisoire de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de régulariser l’ensemble des actes propres à permettre la retranscription des cessions intervenue à leur profit dans les registres de la société, notamment en donnant aux gestionnaires du pacte d’associés les instructions nécessaires,

– De confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’elles sont fondées à invoquer l’exception d’inexécution et à suspendre l’exécution des obligations mises à leur charge par l’article 5 du pacte d’associés au titre de l’échéance relative à l’année 2020 jusqu’à ce que M. [E] ait lui-même exécuté les obligations résultant de l’article 13 du pacte d’associés, d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif et, statuant à nouveau, de juger que le versement de l’ultime échéance dédiée au remboursement de l’avance en compte courant consentie par M. [S] à la société Berlys media interviendra après confirmation de la retranscription dans les registres de la société des cessions résultant des promesses, de juger en conséquence que chacune d’elle versera à la société Berlys media la somme de 2.570.302,90 euros dès que M. [E] aura lui-même exécuté l’article 13 du pacte d’associés et leur aura remis à chacune les ordres de mouvement signés portant sur la cession des titres visés par ce même article et de juger que la demande de la société Berlys media destinée à solliciter

la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société Le Nouveau Monde à s’acquitter entre ses mains de la somme de 2,5 millions d’euros au titre de l’échéance 2019 est désormais dépourvue d’objet, eu égard au paiement intervenu à l’initiative de la société Le Nouveau Monde,

– De confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [E] à s’acquitter entre les mains de la société NJJ presse de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et, y ajoutant, de condamner M. [E] à s’acquitter entre les mains de la société NJJ presse d’une somme supplémentaire de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,

– D’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Le Nouveau Monde de sa demande de dommages et intérêts et, statuant à nouveau, de condamner M. [E] à s’acquitter entre les mains de la société Le Nouveau Monde d’une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,

– De confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné une mesure de publication judiciaire et, y ajoutant, d’ordonner la publication d’un communiqué dans les quotidiens Le Monde et Le Figaro, sous le titre ” publication judiciaire “, à raison d’une fois dans leurs éditions papier et sur leur site Internet pendant une durée de 15 jours, et ce dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir, aux frais de M. [E] et dans la limite totale de 50.000 euros,

– De confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Berlys media à donner mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par elle sur les parts sociales détenues par la société Le Nouveau Monde au capital des sociétés LML et Berlys media, et ce dans les 24 heures du paiement qui lui sera fait de la somme de 2.570.302,90 euros, d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif, statuant à nouveau d’assortir l’exécution de cette condamnation d’une astreinte provisoire de 10.000 euros par jour de retard, et y ajoutant de condamner la société Berlys, à ses frais, à donner mainlevée du nantissement provisoire de parts sociales pratiqué par procès-verbal du 30 juin 2020 et dénoncé et converti en nantissement judiciaire définitif par procès-verbal du 13 août 2021, sur les parts sociales détenues par la société Le Nouveau Monde au capital de la société LML, et ce dans les 24 heures du paiement qui lui sera fait de la somme de 2.570.302,90 euros et ce, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, et de condamner la société Berlys media à donner mainlevée de la saisie vente de titres sociaux pratiquée par elle le 22 novembre 2021 sur les titres sociaux détenus par la société Le Nouveau Monde et ce, dans les 24 heures du paiement qui lui sera fait de la somme de 2.570.302,90 euros et ce, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard,

– De confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Berlys media et M. [E] de toutes les autres demandes,

– De rejeter toutes les autres demandes formulées par la société Berlys media et M. [E] en cause d’appel et notamment la demande destinée à obtenir leur condamnation à rembourser les frais que M. [E] a exposés au titre de la mesure de publication judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Paris, de condamner M. [E] à s’acquitter entre leurs mains d’une somme de 100.000 euros chacune par application de l’article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens.
SUR CE,

Il sera au préalable relevé que la déclaration d’appel ne porte pas sur le chef du jugement qui a condamné la société Le Nouveau Monde à verser à la société Berlys media la somme de 2.500.000 euros en principal augmentée des intérêts légaux à compter du 2 mars 2020 et que les intimées n’ont pas formé d’appel incident de ce chef. Il s’ensuit que ce chef du jugement n’a pas été déféré à la connaissance de la cour.

1. Sur les promesses de vente

Les appelants demandent l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit que les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse étaient en droit de lever, par courriers du 16 novembre 2020, l’option d’achat qui leur était consentie à l’article 13 du pacte d’associés du 6 décembre 2016, soit dans la période convenue entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2021 inclus et dit, en conséquence, les notifications de levée d’option réalisées le 16 novembre 2020 valables.

Ils soutiennent que ces promesses sont caduques dès lors que les bénéficiaires ne les ont pas exercées dans les 60 jours du décès de M. [S]. Ils considèrent que l’article 13.4 du pacte d’associés, qui stipule trois circonstances permettant la levée de l’option, doit être interprété, faute de clarté et de précision, à la lumière de l’intention des parties et des autres clauses du pacte, que l’interprétation à lui donner est que le délai d’option ne s’ouvre qu’une fois lorsque l’un des trois événements survient et que les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde, bénéficiaires, n’ayant pas levé l’option après le décès de M. [S], les promesses sont caduques.

Les intimées soutiennent qu’elles ont valablement exercé les promesses de vente de sorte qu’un contrat est formé et qu’il doit être exécuté par M. [E]. Elles considèrent que l’article 13 du pacte d’associés est clair et ne peut faire l’objet d’une interprétation et qu’à supposer

qu’il suscite un doute, son interprétation confirme le caractère alternatif des trois circonstances permettant la levée de l’option.

L’article 13.4 du pacte stipule : ” sans préjudices des stipulations afférentes au remboursement intégral et concomitant du compte courant [C] [S] – principal, les promesses de vente pourront être respectivement exercées par les bénéficiaires des promesses de vente (i) à tout moment à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 mars 2021 inclus ou (ii) dans les soixante (60) jours suivant le décès de M. [C] [S] ou (iii) dans les soixante (60) jours suivant la date à laquelle M. [C] [S] n’exercerait plus les fonctions de président de la Société [société Berlys media] pour quelque raison que ce soit, le cas échéant (le ” Délai d’Exercice des Promesses de Vente), sans autre condition. ”

L’article 13.5 du pacte stipule : ” chaque promesse de vente ne pourra être levée qu’une seule fois à l’égard du promettant et devra porter concomitamment sur 50 % des titres de la Société [société Berlys media] détenus par le promettant, sauf autre accord entre les parties. ”

Ces clauses sont claires et ne nécessitent aucune interprétation, sauf à les dénaturer. Elles prévoient sans ambiguïté possible que chaque promesse de vente doit s’exercer en une seule fois, sauf accord contraire des parties, et qu’elle peut s’exercer à l’intérieur de chacun des trois délais prévus : entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2021 inclus, sans qu’un événement particulier ne justifie la levée de l’option, soixante jours après le décès de

M. [S], soixante jours après la cessation de ses fonctions de président de la société Berlys media. Elles ne stipulent nullement que faute d’exercice de la promesse dans l’un de ces trois délais, les bénéficiaires perdent leur droit de lever l’option à l’intérieur de l’un des deux autres délais et que les promesses de vente sont caduques.

Ainsi en n’exerçant pas la levée des promesses de vente dans les soixante jours suivant le décès de M. [S], intervenu le [Date décès 8] 2017, les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ont gardé la possibilité de lever l’option jusqu’au 31 mars 2021 inclus sans qu’aucune caducité des promesses ne puisse leur être opposée.

Les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ont, par courriers du 16 novembre 2020, notifié la levée de la promesse de vente qui leur a été consentie. Les promesses de vente ayant ainsi été exercées dans le délai défini par le pacte, la vente est parfaite, le prix étant par ailleurs déterminable, ce qui n’est pas discuté par les parties.

A ces motifs se substituant à ceux du jugement, le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a dit que les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde étaient en droit de lever, par courriers du 16 novembre 2020, l’option d’achat qui leur était consentie à l’article 13 du pacte d’associés du 6 décembre 2016, soit dans la période convenue entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2021 inclus et dit, en conséquence, les notifications de levée d’option réalisées le 16 novembre 2020 valables, et, par suite, en ce qu’il a condamné M. [E] à céder 50 % des titres qu’il détient dans le capital social de Berlys media, soit 2.250 actions, à la société NJJ presse et 50 % de ces mêmes titres à la société Le Nouveau Monde.

2. Sur la détermination du prix de cession à dire d’expert

Les appelants soutiennent que, M. [E] n’ayant pas donné son accord sur le prix de cession proposé par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde, le prix de vente doit être déterminé à dire d’expert conformément à l’article 13.10 du pacte d’associés, que le transfert des titres ne pourra être effectué tant que le prix ne sera pas déterminé ainsi et que la société Le Nouveau Monde doit produire l’ensemble des accords conclus entre la société Le Nouveau Monde et la société Czech media invest (” société CMI “) et/ou toute société contrôlée directement ou indirectement par M. [G] pour permettre à l’expert d’exécuter sa mission.

Ils considèrent que le pacte d’associés ne prévoit pas la notification d’un désaccord sur le prix dans un délai de 15 jours mais que le prix est déterminé à dire d’expert si, dans les quinze jours de la notification de levée de la promesse, aucun accord sur le prix ne s’est matérialisé. Ils font valoir que M. [E] n’a pas à faire la preuve d’un désaccord, que la preuve à rapporter est celle de l’existence d’un accord sur le prix, qu’il n’a pas donné un tel accord, qu’en tout cas son silence ne vaut pas preuve de son acceptation, qu’au surplus les faits et pièces témoignent de son désaccord, qu’enfin le dépassement du délai contractuel n’est pas sanctionné par la déchéance du droit à une expertise.

Les appelants exposent qu’aux termes de l’article 13.7 du pacte d’associés, le prix de cession doit être déterminé en fonction de l’actif net réévalué de la société Berlys media corrigé de la réévaluation des titres LML détenus par la société Berlys media en cas de cession d’au moins 10 % des actions de la SEM à un tiers avant la date d’exercice des promesses de vente et prétendent que la prise de participation, en octobre 2018, par la société CMI de

M. [G] dans le groupe Le Monde, à travers l’acquisition de parts sociales de la société Le Nouveau Monde, entre dans les prévisions de ces stipulations du pacte pour déterminer le prix de cession des titres Berlys media, justifiant ainsi la production de pièces sollicitée.

Les intimées soutiennent qu’un accord sur le prix existe dès lors que M. [E] s’est abstenu de contester le prix de cession jusqu’à un courrier du 11 décembre 2020 postérieur à l’expiration du délai de quinze jours ayant couru à compter de la notification de l’exercice des promesses de vente et en réponse à leurs propres lettre du 7 décembre 2020 observant qu’il n’avait jamais contesté le prix proposé, que par son attitude M. [E] a confirmé son accord sur le prix, et que le silence peut en outre revêtir la valeur d’une acceptation.

Elles prétendent par ailleurs que l’expertise demandée est dénuée d’utilité dès lors que l’expert ne peut qu’appliquer strictement la formule de détermination du prix stipulée dans le pacte d’associés, que les stipulations du pacte sont claires et déterminent strictement l’actif net réévalué de la société Berlys media et que la transaction invoquée par les appelants pour justifier le recours à l’expertise n’entre pas dans les prévisions du pacte en ce qu’elle ne porte pas sur le capital de la SEM.

Pour cette même dernière raison, les intimées s’opposent à la communication de pièces demandée par les appelants.

Sur la détermination du prix de cession :

L’article 13.10 du pacte stipule : ” A défaut d’accord entre le promettant et un bénéficiaire des promesses de vente sur le calcul du prix des titres devant être cédés conformément aux stipulations qui précèdent, dans les quinze (15) jours de la notification de la levée de la promesse de vente, ce prix sera déterminé à dire d’expert (‘).

Cette clause, tout aussi claire que les précédentes examinées, prévoit ainsi qu’un accord quant au calcul du prix de cession – et non l’expression d’un désaccord – doit intervenir entre le promettant et le bénéficiaire dans un certain délai et qu’à défaut d’un tel accord, le prix doit être déterminé à dire d’expert. Elle n’assortit en outre d’aucune sanction le non-respect de ce délai.

Il s’ensuit que seule la preuve d’un accord de M. [E] sur le calcul du prix de vente dans le délai de quinze jours, ayant couru à compter du 16 novembre 2020, date des notifications de la levée des promesses, est de nature à permettre l’exécution forcée des cessions au prix de 915.313,38 euros par cession demandée par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde. Or, dans ce délai de quinze jours, M. [E] n’a pas donné son accord exprès sur le calcul du prix.

En effet, si le conseil de la société Le Nouveau Monde a, par courriel du 2 octobre 2020, rappelé aux conseils de la société Berlys media et de M. [E] sa faculté d’exercer la promesse de vente, indiqué que le prix des titres cédés est de 915.313,38 euros et demandé ” la confirmation ” de l’accord de M. [E] sur le calcul du prix si la société Le Nouveau Monde venait à exercer sa promesse, M. [E] n’a pas répondu à cette proposition et, après avoir reçu les notifications de levée des promesses, il s’est borné à y répondre, par courriels du 19 novembre 2020, qu’il n’était pas disponible le 20 novembre suivant, date fixée par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde pour procéder aux opérations de cession, et qu’il prendrait contact la semaine suivante ” après avoir fait le point avec [ses] conseils “. Puis, par lettre du 25 novembre 2020, après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles

M. [G] était entré, en 2018, au capital de la société Le Nouveau Monde et, selon lui, le non-respect des engagements pris à l’égard de M. [S], M. [E] a indiqué que ” profiter de cet état de confusion pour s’approprier à moindre frais les titres de [C] [S], garant de l’indépendance de la rédaction y compris au travers de dispositions avantageuses prises à l’égard des journalistes, dérogerait aux principes qui avaient présidé à la fondation de ” Le Monde Libre “. “. Enfin, par lettres du 1er décembre 2020, M. [E] a signifié aux sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde qu’il considérait caduques les promesses de vente.

Si ces courriels et lettres ne comprennent pas de contestation du calcul du prix de vente, ils n’expriment pas non plus d’accord sur le prix et son calcul, et, dès le 25 novembre 2020, en employant l’expression ” s’approprier à moindre frais les titres de M. [S] “, M. [E] a critiqué le montant du prix proposé par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde. Par courrier du 11 décembre 2020, M. [E] a ainsi expliqué à celles-ci que ces termes figurant dans son courrier du 25 novembre 2020 ” manifest[aient] de manière claire [son] désaccord sur le prix proposé “, M. [E] rappelant qu’il s’était également, dans ses lettres du 1er décembre 2020, réservé tous ses droits au titre du pacte et plus particulièrement de son article 13. M. [E] n’a ni manifesté son accord sur le prix et son calcul, ni dans le délai stipulé à l’article 13.10 ni jamais, ni confirmé un tel accord.

Il ne peut non plus être déduit des termes des courriels et lettres sus rappelés et de l’attitude de M. [E] un quelconque silence de sa part sur le prix et son calcul susceptible de valoir acceptation ou l’existence d’un accord implicite.

Il résulte en outre des termes de l’article 13.10 du pacte qu’en l’absence d’accord entre les parties sur le prix, le recours à l’expert est de droit dès lors que cette clause ne limite pas la détermination du prix à dire d’expert à certaines circonstances ou à l’expression de contestations précises et ce, quand bien même l’expert doit se borner à appliquer la formule de calcul du prix définie clairement et précisément par le pacte d’associés, et quand bien même les contestations soulevées par le promettant, telles que la prise en compte de la cession par M. [V] d’une partie du capital social de la société Le Nouveau Monde, ne seraient pas pertinentes.

Il sera dès lors fait droit à la demande de M. [E] de voir déterminer les prix de cession à dire d’expert, l’expert étant désigné conformément à l’article 13.10 du pacte, et le jugement sera infirmé en ce qu’il a ordonné les cessions au prix global de 915.313,38 euros par cession.

Sur la demande de communication de pièces :

L’article 13.7 du pacte stipule que le prix de cession de chaque action est égal à la valeur de l’actif net réévalué divisé par le nombre d’actions composant le capital social et que ” l’actif net réévalué signifie l’actif net de la Société [société Berlys media] tel qu’il ressort des comptes de la Société au titre de l’exercice clos précédant l’exercice de la Promesse de Vente, corrigé de la réévaluation des titres de participations détenus par la Société de la manière suivante : [‘] (iii) dans le cas où, postérieurement à la date du Pacte et avant la Date d’Exercice des Promesses de vente (i) des cessions ou émissions d’actions ou de valeurs mobilières portant sur au moins 10 % du capital de SEM (dont LML détient à ce jour 63,80 % du capital pour une valeur de 63.442.238 euros à l’actif de son bilan) auront été réalisées avec des tiers [‘] pour une valeur supérieure à 110 millions d’euros, les titres LML détenus par la Société seront retenus pour un montant calculé sur la base de l’actif net de LML réévalué en tenant compte d’une valorisation des titres de SEM détenus par LML égale au nombre d’actions de SEM détenues multiplié par la valeur de l’action de SEM retenue dans le cadre des opérations portant sur le capital de SEM visées ci-dessus. ”

Les pièces dont il est sollicité la communication en vue de l’expertise ont trait à une opération portant non sur le capital de la société SEM – seule à même d’avoir une influence sur la valorisation des titres LML détenus par la société Berlys media – mais sur la cession, en octobre 2018, par M. [V] de 49 % du capital social de la société Le Nouveau Monde à la société CMI de M. [G]. Cette dernière cession ne rentre donc pas dans les prévisions des stipulations du pacte invoquées par les appelantes. S’agissant de déterminer le prix de cession des titres Berlys media, aujourd’hui détenus par M. [E], aux sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde, il ne peut être déduit de la circonstance que l’acquisition de 49 % du capital social de la société Le Nouveau Monde est susceptible de permettre à la société CMI – alors même que cette participation est minoritaire – de participer indirectement au contrôle de la société LML, qui contrôle la société SEM, que cette transaction d’octobre 2018 doit être prise en compte dans le calcul du prix des cessions résultant de l’exercice des promesses de vente.

L’opération d’acquisition par la société CMI de parts sociales de la société Le Nouveau Monde n’entrant pas, à quelque titre que ce soit, dans les modalités de calcul du prix de cession des titres Berlys media en application de l’article 13 du pacte d’associés, il y a lieu de rejeter la demande de communication de pièces sous astreinte formée par les appelantes.

3. Sur le paiement de l’échéance du compte courant pour 2020

La créance dont se prévaut la société Berlys media et correspondant au solde des apports en compte courant, d’un montant total de 5.140.605,79 euros, n’est contestée ni en son principe ni en son montant par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde, seul étant en discussion le bien-fondé de l’exception d’inexécution que celles-ci opposent à la société Berlys media résultant du refus de M. [E] d’exécuter les promesses de vente de ses titres.

Les intimées soutiennent qu’elles sont bien fondées à différer l’exécution de leur obligation en paiement jusqu’à l’exécution pleine et entière de ses obligations par M. [E] faisant valoir que le refus de M. [E] d’exécuter ses obligations constitue une inexécution d’une particulière gravité justifiant qu’elles n’exécutent pas leur propre obligation. Elles prétendent qu’elles sont fondées à invoquer l’exception d’inexécution dès lors que les obligations litigieuses sont réciproques, outre interdépendantes et concomitantes, que M. [E] soit considéré comme l’unique bénéficiaire final et effectif de leur obligation de remboursement du compte courant consenti par M. [S] à la société Berlys media, comme elles le soutiennent, ou que la société Berlys media soit la bénéficiaire de l’obligation qu’elles ont contractée dès lors qu’en ce cas le pacte comprend une stipulation pour autrui dont M. [E] est le stipulant.

Les appelants soutiennent que l’échéance litigieuse est due par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde conformément à l’article 5.1. du pacte d’associés. Ils font valoir que, les promesses de vente étant caduques, aucune exception d’inexécution ne peut être soulevée et, subsidiairement, que les obligations en cause ne sont pas réciproques, les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde n’étant pas créancières de la société Berlys media qui n’est pas redevable du transfert des titres et qui est seule bénéficiaire des paiements demandés – et non M. [E] – et aucune stipulation de M. [E] pour la société Berlys media n’existant comme le prétendent les intimées, qu’en tout état de cause les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde sont tenues à l’exécution préalable du paiement de l’échéance exigible le 1er décembre 2020 avant l’exigibilité de l’obligation de transfert des titres par M. [E], exigibilité intervenant, selon l’article 13.14 du pacte d’associés, au moment des opérations de réalisation de la vente, qu’en outre les obligations en cause ne sont pas non plus interdépendantes dès lors que le pacte ne prévoit pas de condition au paiement des échéances, que les stipulations du pacte invoquées par les intimées ne sont pas applicables lorsque la vente des titres est conclue avant le terme de l’échéancier de remboursement du compte courant et que ce remboursement n’est pas la contrepartie de l’obligation de transférer les titres, observation étant faite que les bénéficiaires des promesses de vente n’ont pas l’obligation de les exercer et que d’autres engagements ont été souscrits par M. [S] qui ont été respectés.

L’article 5.1 du pacte stipule, d’une part, que les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde s’engagent à apporter en comptes courants d’associés de la société Berlys media un montant permettant de rembourser le compte courant de M. [S] selon un échéancier s’achevant

par le paiement du solde au 1er décembre 2020, de deuxième part que les parties conviennent que ces avances en compte courant seront exclusivement affectées au remboursement du compte courant de M. [S] selon un échéancier de sorte qu’au 15 décembre 2020, le compte courant de M. [S] soit totalement remboursé, de troisième part que les parties conviennent que le remboursement par la société Berlys media du compte courant de M. [S] interviendra selon un échéancier. Cet échéancier, défini à cet article, fixe chaque versement de la société Berlys media à M. [S] le 15 décembre de chaque année, après que la société Berlys media a reçu, chaque 1er décembre, les paiements des sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde.

Est en l’espèce seul en litige le versement par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde du solde des avances en compte courant dû à la société Berlys media le 1er décembre 2020 et ce, alors que ces deux sociétés ont levé les promesses de vente le 16 novembre 2020.

Sont dès lors également applicables l’article 13.9 du pacte qui stipule : ” en cas d’exercice des promesses de vente, le solde éventuel du compte courant [C] [S] – principal devra être remboursé par la Société [société Berlys media] concomitamment au transfert de propriété des Titres consécutif à l’exercice de l’une quelconque des promesses. A défaut d’un tel remboursement et aussi longtemps que celui-ci n’aura pas été opéré, M. [C] [S] ne sera pas tenu de transférer la propriété desdits Titres. ” et l’article 13.14 du pacte qui stipule que ” le transfert des Titres sera subordonné (‘) le cas échéant [au] remboursement à

M. [C] [S] du solde du compte courant [C] [S] – principal. ”

L’exception d’inexécution ne peut être invoquée qu’entre deux obligations réciproques contractées entre les mêmes parties et doit être inhérente à l’obligation à laquelle est tenu celui qui l’invoque. N’étant pas invoquée l’application d’un ensemble contractuel mais la seule application du pacte d’associés du 6 décembre 2016, lequel stipule seul les obligations litigieuses, le caractère interdépendant de ces obligations n’a pas à être démontré, seul étant à établir leur réciprocité.

Il résulte des clauses du pacte précitées qu’en cas d’exercice des promesses de vente, comme en l’espèce, les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ont l’obligation de payer le solde des avances dues à la société Berlys media, en tout état de cause avant le 1er décembre 2020, que seule la société Berlys media a l’obligation de rembourser le compte courant de M. [S], au plus tard le 15 décembre 2020 selon l’échéancier de remboursement, que seul ce remboursement par la société Berlys media doit être concomitant au transfert de propriété des titres aux sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde et que le transfert de propriété des titres est subordonné à ce seul remboursement dû par la société Berlys media à M. [S].

Un lien est ainsi établi entre le paiement des avances en comptes courants par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde, le 1er décembre de chaque année et en dernier lieu au plus tard le 1er décembre 2020, et le remboursement par la société Berlys media du compte courant d’associé de M. [S], le 15 décembre de chaque année et en dernier lieu le 15 décembre 2020. Aucun lien n’est en revanche fait entre ces opérations de paiement à la société Berlys media et de remboursement du compte courant de M. [S], d’une part, et les conditions d’exercice des promesses de vente par les bénéficiaires, d’autre part.

En outre, si un lien est établi entre le remboursement complet du compte courant de

M. [S] par la société Berlys media et le transfert de propriété des titres aux sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ayant exercé les promesses de vente en sorte que le défaut du premier emporte la possibilité pour M. [S] de s’opposer, non à la cession des titres, mais à sa réalisation par leur transfert de propriété, un tel lien n’est pas établi entre le paiement de la dernière échéance dû par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde à la société Berlys media à titre d’avances en comptes courants et ce même transfert de propriété de titres et ce, quand bien même le remboursement complet du compte courant de M. [S] n’est opéré que grâce aux paiements des sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde à la société Berlys media.

Ainsi le caractère concomitant de l’obligation de paiement du solde des avances en comptes courants dues par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde à la société Berlys media, seule en cause en l’espèce, et de l’obligation d’exécuter les cessions de titres par leur transfert de propriété ne résulte ni de l’article 5.1 du pacte définissant l’échéancier de paiement de ces avances en comptes courants ni des articles 13.9 et 13.14 du pacte propres aux seules obligations de remboursement du compte courant de M. [S] par la société Berlys media et de transfert de propriété des titres cédés par ce dernier.

Il se déduit de ces éléments que les obligations de paiement des avances en comptes courants incombant aux sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde et l’obligation de transférer la propriété des titres Berlys media pesant sur M. [S] puis M. [E] ne sont ni concomitantes ni réciproques, peu important que M. [E] soit le bénéficiaire final des paiements opérés par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ou qu’il ait stipulé en faveur de la société Berlys media, qui n’est pas partie au pacte d’associés comme cela ressort des mentions figurant en page 3 du pacte d’associés.

Par ailleurs, s’il a été jugé précédemment que les promesses de vente ne sont pas caduques de sorte que M. [E] ne peut valablement s’opposer aux cessions des titres Berlys Media qu’il détient aux sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde, il a également été précédemment jugé que ces cessions doivent être réalisées au prix déterminé à dire d’expert conformément à l’article 13.10 du pacte d’associés. Il s’ensuit en tout état de cause, que, d’une part, les obligations auxquelles est tenu M. [E] de réaliser les cessions et de transférer la propriété des titres Berlys media ne sont pas exigibles de sorte que l’exception d’inexécution n’est pas opposable et, que, d’autre part, le refus de M. [E] d’exécuter ses obligations aux conditions de prix arrêtées par les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ne constitue pas une inexécution par M. [E] de ses obligations d’une particulière gravité justifiant que les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde n’exécutent pas leur propre obligation.

Il s’ensuit que les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde ne sont pas fondées à invoquer l’exception d’inexécution et à différer les paiements dus à la société Berlys media au jour de la réalisation des cessions de titres Berlys media. Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point et les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde condamnées à verser, chacune, en comptes courants d’associés à la société Berlys media la somme de 2.570.302,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2020, date de la mise en demeure.

4. Sur le chef du jugement ayant condamné la société Le Nouveau Monde en paiement de la somme de 2,5 millions d’euros

La société Le Nouveau Monde demande à la cour de juger que la demande de la société Berlys media tendant à la confirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer cette somme au titre de l’échéance 2019 est dépourvue d’objet compte tenu de son paiement.

Mais, comme il a été dit en préambule, ce chef du jugement n’a pas été déféré à la connaissance de la cour par la déclaration d’appel et il n’a pas non plus été formé appel incident de ce chef. La cour n’en étant pas saisie, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.

5. Sur la mainlevée des saisies conservatoires, du nantissement judiciaire et de la saisie vente des parts sociales détenues par la société Le Nouveau Monde au capital des sociétés Berlys media et LML

Le tribunal a ordonné à la société Berlys media de donner mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par elle sur les parts sociales détenues par la société Le Nouveau Monde au capital des sociétés Le Monde Libre et Berlys media, sous la condition du paiement préalable qui sera fait par la société Le Nouveau Monde à la société Berlys media de la somme de 2.570.302,89 euros, et ce dans les huit jours du paiement intervenu.

Les appelants demandent l’infirmation du jugement sur ce point au motif que les saisies ont été opérées pour la sûreté non de la créance de 2.570.302,90 euros due par la société Le Nouveau Monde au titre du solde de l’avance en compte courant dû en 2020 mais de la

créance de 2,5 millions d’euros due par la société Le Nouveau Monde à la société Berlys media au titre du paiement de l’échéance 2019. Ils précisent que la somme de 2,5 millions d’euros a été réglée par la société Le Nouveau Monde.

Il convient de faire droit à cette demande d’infirmation et d’ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées en sûreté du paiement de la somme de 2.500.000 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 2 mars 2020.

Les intimées demandent à la cour d’assortir cette condamnation d’une astreinte provisoire de 10.000 euros par jour de retard.

Elles n’invoquent toutefois aucune circonstance propre à justifier le prononcé d’une telle astreinte, ni a fortiori n’en établissent l’existence. Leur demande sera donc rejetée.

La société Le Nouveau Monde demande en outre la condamnation de la société Berlys media à donner, à ses frais, mainlevée de ce nantissement et de la saisie vente de titres sociaux dans les 24 heures du paiement qui lui sera fait de la somme de 2.570.302,90 euros, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard.

Selon le procès-verbal dressé par l’huissier instrumentaire le 30 juin 2021, un nantissement judiciaire provisoire des 10.000 parts sociales de la société LML détenues par la société Le Nouveau Monde a été pris en garantie de la somme principale de 2,5 millions d’euros due au titre de l’échéance de 2019 – et non de la somme due, en décembre 2020, au titre du solde des avances à hauteur de 2.570.302,90 euros comme invoquée par erreur par la société Le Nouveau Monde. De même l’acte de conversion du procès-verbal de saisie conservatoire et commandement de payer porte sur la seule somme principale de 2,5 millions d’euros due au titre de l’échéance de 2019.

La mainlevée des saisies conservatoires pratiquées en sûreté du paiement de la somme de 2.500.000 euros étant ordonnée, il convient de faire droit à la demande de la société Le Nouveau Monde en ce qu’elle porte sur cette même créance au vu des pièces produites. Aucune circonstance propre à justifier le prononcé d’une astreinte n’étant invoquée par la société Le Nouveau Monde ni a fortiori établie, la demande d’astreinte sera rejetée.

6. Sur les demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive

Le tribunal a condamné M. [E] à verser à la société NJJ presse une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, au motif que M. [E] avait ” donné un certain éclat médiatique à ses positions, se présentant comme garant de l’esprit et des volontés de M. [S] “, et a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société Le Nouveau Monde au même titre.

Les intimées demandent la confirmation de cette même condamnation en paiement au profit de la société NJJ presse et la condamnation de M. [E] à lui payer une somme supplémentaire de 100.000 euros, d’une part, et l’infirmation du rejet de la demande de la société Le Nouveau Monde et la condamnation de M. [E] à lui payer une somme de 150.000 euros, d’autre part.

Elles soutiennent que M. [E] a adopté un comportement particulièrement déloyal en faisant le choix délibéré de se soustraire à l’exécution de ses obligations contractuelles afin de tenter de renégocier à la hausse le prix des promesses pourtant convenu à la signature du pacte d’associés, en ayant dissimulé la réalité de ses intentions pour tenter d’obtenir des paiements de leur part en exécution du pacte d’associés qu’il se préparait à violer et en nourrissant une campagne de presse pour tenter de faire pression sur elles. Elles prétendent qu’un tel comportement, destiné à les forcer à agir en justice afin d’obtenir l’exécution d’obligations contractuelles claires et incontestables, caractérise un abus de droit. Elles estiment qu’en interjetant appel et en entretenant une opération de communication, M. [E] a persisté dans sa résistance abusive et dans sa volonté d’échapper à l’exécution de ses engagements contractuels pourtant clairs et sans équivoque.

Les appelants demandent l’infirmation de cette condamnation en paiement et le rejet des demandes des intimées. Ils soutiennent que M. [E] était en droit de s’opposer au transfert des titres en soulevant la caducité des promesses de vente, qu’il n’a pas mené de campagne de presse, ne s’étant pas exprimé sur les décisions de la société Le Nouveau Monde quant à l’entrée à son capital de M. [G] et n’ayant pas rendu public le conflit entre

MM. [V] et [H], justifiant ainsi la décision du tribunal de rejeter la demande de dommages et intérêts de la société Le Nouveau Monde, que la preuve n’est pas rapportée que M. [E] a communiqué à la presse son courrier du 25 novembre 2020, que la société NJJ presse ne justifie d’aucun préjudice.

Les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse produisent à l’appui de leurs demandes quatre articles de presse.

Deux articles ont été publiés les 26 et 27 novembre 2020 sur le site Internet de Challenges puis sur celui de France 24, reprenant une dépêche de l’AFP. Le premier révèle la lettre adressée par M. [E] à ses deux coactionnaires le 25 novembre 2020 avec des citations ne laissant pas de doute sur la possession par ce journal de cette lettre, expose le différend avec M. [V] sur le paiement de l’échéance 2019 de l’avance en compte courant, en précisant la procédure de référé initiée par M. [E] et la saisie conservatoire des titres sociaux détenus par la société Le Nouveau Monde, et explique le conflit opposant M. [E] à MM. [H] et [V] quant au rachat des titres de M. [S] et leur valorisation en présentant les arguments de M. [E] sur la caducité de ce rachat, présentée comme acquise ” juridiquement “, le fait que l’entrée de M. [G] au capital de la société de M. [V] ” a changé la donne ” en rehaussant ” automatiquement la valeur des participations des trois actionnaires du Monde Libre dont celles de M. [E] ” et ” la situation formée par le projet inabouti d’entrée de M. [G] au capital et par le non-respect des engagements pris à l’égard de M. [S]. ”

Le second article fait état du différend opposant M. [E] aux autres actionnaires des sociétés Berlys media et LML et des seuls arguments de M. [E] tenant à la caducité du ” rachat des parts de M. [S] ” qui aurait dû intervenir après son décès et à la question de la valorisation de ces parts soulevée par la vente par M. [V] de 49 % de sa participation à M. [G] à un prix ” très élevé ” de 40 millions d’euros.

Un 3ème article a été publié sur le site Internet de Capital le 15 février 2021. A l’issue d’un rappel des litiges opposant les parties, exposé en termes objectifs et équilibrés, l’article reprend les informations de Challenges sur la lettre du 25 novembre que M. [E] a adressé aux sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse ainsi : ” juste avant d’aller en justice, [D] [E] a envoyé à ses deux associés le 25 novembre une lettre de rupture, publiée dès le lendemain dans Challenges. Il les accuse de ” vouloir s’approprier à moindre frais les titres de [C] [S] “, de ” ne pas respecter les engagements pris à l’égard de [C] [S] ” et de ” porter atteinte au respect des accords signés. Il y explique que son mécontentement est dû à la vente des parts de M. [V] à M. [G]. ”

Il se déduit des dates de publication des deux premiers articles et de leur teneur précise, qui reprend les termes de la lettre de M. [E] du 25 novembre 2020 et l’entièreté de ses arguments présentés en justice, que M. [E] a accepté de voir communiquer dans la presse son courrier et ce, à son seul profit.

Quant au 4ème article, paru dans Paris match le 6 novembre 2021, six mois après le jugement du tribunal de commerce, s’il relate essentiellement la vie de M. [E], il se conclut également par le rappel du contentieux l’opposant à MM. [V] et [H], l’article faisant état de l’échec de M. [E] en première instance et de l’appel en cours mais M. [E] persistant à considérer le pacte d’associés comme ” ne tenant pas ” cette fois-ci en raison de la cession par M. [V] de 49 % de ses actions dans la société Le Nouveau Monde à M. [G] au prix ” qui avoisinerait 50 millions d’euros “, M. [V] ” piétinant ainsi la promesse de ne pas faire d’argent avec ” Le Monde “. ”

Ces communications révèlent une utilisation opportune et médiatique de l’entrée de

M. [G] au capital de la société Le Nouveau Monde, deux années auparavant, pour remettre en cause l’exécution des promesses de cession dont la caducité ne résulte pas des termes clairs du pacte d’associés et alors même que cette entrée de M. [G] au capital de la société Le Nouveau Monde est sans lien avec le pacte d’associés, sans aucune influence sur son exécution ni sur la valorisation des titres cédés.

Toutefois, cette regrettable médiatisation ne caractérise pas une résistance abusive de

M. [E] dans l’exécution du pacte d’associés dès lors qu’il résulte du litige en appel que, conformément au pacte d’associés, le prix de chaque cession doit être déterminé à dire d’expert. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Le Nouveau Monde et infirmé en ce qu’il a condamné M. [E] à payer des dommages et intérêts à ce titre à la société NJJ presse dont les demandes seront rejetées.

7. Sur les demandes de publication judiciaire

Les intimées demandent la confirmation de la publication ordonnée par le tribunal et une nouvelle mesure de publication de l’arrêt d’appel, au vu de la campagne médiatique de

M. [E] précédemment énoncée et persistante après le prononcé du jugement. Elles soutiennent que les mesures de publication judiciaire sont de nature à permettre le rétablissement de la vérité et la réparation effective du préjudice d’image subi de sorte qu’elles peuvent être demandées dans toute action judiciaire, qu’elles ne sont pas circonscrites aux actions en diffamation, injures, atteinte à la vie privée, concurrence déloyale ou dénigrement et qu’elles peuvent intervenir dans le cadre d’une action en responsabilité ou d’une action en exécution forcée du contrat. Elles ajoutent que la mesure ordonnée par le tribunal n’est ni excessive ni ” disproportionnée “, comme les appelants le prétendent, et que les conditions de publication de l’arrêt à intervenir sont réunies.

Les appelants demandent l’infirmation du jugement sur la mesure de publication et la condamnation des sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse à rembourser à M. [E] les frais engagés au titre de cette publication judiciaire et s’opposent à toute nouvelle mesure de publication. Ils soutiennent qu’en se prévalant d’un préjudice d’image, les intimées exposent des griefs relevant de la diffamation sans se fonder sur la loi du 29 juillet 1881 alors qu’un tel préjudice ne peut pas être réparé sur le fondement de l’article 1240 du code civil, que

M. [E] n’a tenu aucun propos portant atteinte à l’honneur et à la considération des intimées, ses propos étant en outre mesurés et légitimes, que la condamnation prononcée par le tribunal, qui excède ce qui était strictement nécessaire à la réparation du prétendu préjudice s’apparente, à une sanction non prévue par la loi, violant l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, excessive et disproportionnée, que la société NJJ presse ne justifie d’aucun préjudice.

La mesure de publication judiciaire ordonnée par le tribunal était la suivante : ” Par jugement en date du 7 mai 2021 le tribunal de commerce de Paris a condamné M. [D] [E] à exécuter les promesses de vente de ses actions Berlys media, société actionnaire de la société Le Monde Libre, consenties au bénéfice de NJJ presse et de Le Nouveau Monde aux termes du pacte d’associés qu’elles avaient conclu avec M. [C] [S]. Le tribunal a également condamné M. [D] [E] à verser à NJJ presse des dommages et intérêts pour résistance abusive “. Elle était justifiée par le fait que M. [E] avait donné un retentissement médiatique à ses positions avant que la justice n’ait eu à se prononcer sur les moyens soulevés, de part et d’autre, à l’appui des demandes. Le tribunal a limité la publication au journal Le Monde une fois dans son édition papier et pendant une durée de 15 jours sur son site Internet. Une telle mesure, qui n’a pas visé à la réparation d’un préjudice né d’un acte diffamatoire, d’une injure, de dénigrement ou d’une atteinte à la vie privée, mais a tendu, d’une part, à la réparation d’un préjudice d’image né de la remise en cause publique de l’exécution par les associés de M. [S] du pacte d’associés par la présentation des seuls arguments de M. [E], comme cela a été précédemment jugé, et, d’autre part, à faire connaître l’appréciation des premiers juges sur le litige ainsi mis sur la place publique, était justifiée et ni la publication dans Le Monde ni sa durée dans l’édition et sur le site Internet n’étaient disproportionnées au préjudice subi. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de condamner les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde au remboursement des frais de publication engagés par M. [E].

En cause d’appel, les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde demandent la publication d’un communiqué dans les quotidiens Le Monde et Le Figaro, une fois dans leur édition papier et pendant 15 jours sur leur site Internet, aux frais de M. [E] et dans la limite totale de 50.000 euros, rédigé comme suit : ” Par arrêt daté du , la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris daté du 7 mai 2021 qui avait condamné

M. [D] [E] à exécuter les promesses de vente de ses actions Berlys, société actionnaire de la société Le Monde Libre, consenties au bénéfice de NJJ presse et de LNM aux termes du pacte d’associés qu’elles avaient conclu avec M. [C] [S] dont [D] [E] est l’héritier. La Cour d’appel a en outre confirmé la condamnation de M. [D] [E] à verser à NJJ presse des dommages et intérêts pour sa résistance abusive à l’exécution de ses obligations contractuelles. Elle l’a également condamné à verser à LNM des dommages et intérêts sur le même fondement. ”

L’issue du litige en appel ne correspond pas aux termes de la mesure de publication judiciaire sollicitée qui ne peut donc tendre à faire connaître l’appréciation de la cour d’appel sur le litige. Etant fait partiellement droit à des arguments de M. [E], la publication judiciaire de l’arrêt demandée n’aurait pas non plus pour effet de réparer le préjudice d’image invoqué, étant observé en outre que l’article de Paris Match du 6 novembre 2021, seul paru en cours d’instance d’appel, évoque seulement M. [V]. Il ne sera donc pas fait droit à cette demande.

8. Sur les demandes accessoires

Les parties succombent chacune partiellement en leur appel principal et en leur appel incident. Les dépens de première instance et de l’appel seront en conséquence laissés à la charge des parties qui les auront exposés et les parties seront déboutées de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles fondées sur l’article 700 du code de procédure civile formées en première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant contradictoirement, dans les limites de l’appel et des appels incidents,

Confirme le jugement en ce que :

– il a dit que les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde étaient en droit de lever, par courriers du 16 novembre 2020, l’option d’achat qui leur était consentie à l’article 13 du pacte d’associés du 6 décembre 2016, soit dans la période convenue entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2021 inclus et dit, en conséquence, les notifications de levée d’option réalisées le 16 novembre 2020 valables,

– il a condamné M. [E] à céder 50 % des titres qu’il détient dans le capital social de Berlys media, soit 2.250 actions, à la société NJJ presse, et à céder 50 % des titres qu’il détient dans le capital social de Berlys media, soit 2.250 actions, à la société Le Nouveau Monde,

– rejetant les demandes autres, plus amples ou contraires, il a débouté la société Berlys Media et M. [E] de leur demande de communication de pièces et débouté les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse de leurs demandes de voir ordonner, sous astreinte provisoire, à

M. [E] d’exécuter les promesses et de leur remettre les ordres de mouvement signés portant sur la cession des titres objet des promesses, et ce en contrepartie du – et concomitamment au – règlement par elles à M. [E] du prix de cession correspondant (soit la somme de 915.313,38 euros chacune) et d’ordonner à la société Berlys media de régulariser l’ensemble des actes propres à permettre la retranscription des cessions intervenues à leur profit dans les registres de la société, notamment en donnant aux gestionnaires du pacte d’associés les instructions nécessaires,

– il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la société Le Nouveau Monde,

– il a ordonné la publication d’un communiqué aux frais de M. [E] dans la limite totale de 50.000 euros et déboute M. [E] de sa demande de condamnation des sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde à lui rembourser les frais de publication engagés,

Infirme le jugement en ce qu’il a :

– condamné M. [E] à céder les titres qu’il détient dans le capital social de Berlys media au prix de 915.313,38 euros par cession,

– dit l’exception d’inexécution avancée par les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse justifiée quant à leur opposition au versement de l’échéance 2020 à la date contractuellement prévue,

– condamné en conséquence les sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse à verser chacune en compte courant à la société Berlys media la somme de 2.570.302,89 euros chacune au titre de l’échéance 2020 mais uniquement au jour de la réalisation des cessions des titres Berlys media détenus par M. [E] au profit des sociétés Le Nouveau Monde et NJJ presse, avec engagement que ces mêmes sommes soient versées, le même jour, par la société Berlys media au profit de M. [E],

– ordonné à la société Berlys media de donner mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par elle sur les parts sociales détenues par la société Le Nouveau Monde au capital des sociétés LML et Berlys media mais sous la condition du paiement préalable qui sera fait par la société Le Nouveau Monde à la société Berlys media de la somme de 2.570.302,89 euros, et ce dans les huit jours du paiement intervenu, et sans astreinte,

– condamné M. [E] à payer à la société NJJ presse la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamné M. [E] et la société Berlys media à payer chacun 20.000 euros à la société NJJ presse et 10.000 euros à la société Le Nouveau Monde en application de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant les parties pour le surplus,

– condamné M. [E] et la société Berlys media aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

– dit que les prix de cession seront déterminés à dire d’expert conformément à l’article 13.10 du pacte d’associés du 6 décembre 2016,

– condamne la société NJJ presse à verser à la société Berlys media, en compte courant d’associé, la somme de 2.570.302,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2020,

– condamne la société Le Nouveau Monde à verser à la société Berlys media, en compte courant d’associé, la somme de 2.570.302,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020,

– déboute les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde de leur demande de voir juger que cette ultime échéance dédiée au remboursement de l’avance en compte courant consentie par M. [S] à la société Berlys media interviendra après confirmation de la retranscription dans les registres de la société des cessions résultant des promesses, de juger en conséquence que chacune d’elle versera à la société Berlys media la somme de 2.570.302,90 euros dès que

M. [E] aura lui-même exécuté l’article 13 du pacte d’associés et leur aura remis à chacune les ordres de mouvement signés portant sur la cession des titres visés par ce même article,

– ordonne à la société Berlys media de donner mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par elle sur les parts sociales détenues par la société Le Nouveau Monde au capital des sociétés Le Monde Libre et Berlys media mais sous la condition du paiement préalable qui sera fait par la société Le Nouveau Monde à la société Berlys media de la somme de 2.500.000 euros en principal augmentée des intérêts légaux à compter du 2 mars 2020, et ce dans les huit jours du paiement intervenu, et déboute la société Le Nouveau Monde de sa demande d’astreinte provisoire,

– déboute la société NJJ presse de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– déboute les parties de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– laisse les dépens de première instance à la charge de chaque partie qui les aura exposés;

Y ajoutant,

– ordonne à la société Berlys media de donner mainlevée du nantissement provisoire de parts sociales pratiqué par procès-verbal du 30 juin 2020 et dénoncé et converti en nantissement judiciaire définitif par procès-verbal du 13 août 2021 sur les parts sociales détenues par la société Le Nouveau Monde au capital de la société LML et de la saisie vente de titres sociaux pratiquée par elle le 22 novembre 2021 sur les titres sociaux détenus par la société Le Nouveau Monde et ce, dans les 24 heures du paiement qui lui sera fait de la somme de 2.500.000 euros, et déboute la société Le Nouveau Monde de sa demande d’astreinte provisoire,

– déboute la société NJJ presse de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée en cause d’appel,

– déboute les sociétés NJJ presse et Le Nouveau Monde de leur demande de publication d’un communiqué relatif au présent arrêt aux frais de M. [E],

– déboute les parties de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile formée en cause d’appel,

– laisse les dépens d’appel à la charge de chaque partie qui les aura exposés.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


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