Droit de la Pornographie : 9 juin 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/05008

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Droit de la Pornographie : 9 juin 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/05008

09/06/2023

ARRÊT N°262/2023

N° RG 21/05008 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OQY4

CB/AR

Décision déférée du 24 Novembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse ( F 19/02041)

BLOSSIER

[T] [M]

C/

Association LEO LAGRANGE SUD OUEST

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 09 06 23

à Me Ludovic RIVIERE

Me Stéphanie OGEZ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [T] [M]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Ludovic RIVIERE de la SELARL LUDOVIC RIVIERE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Association LEO LAGRANGE SUD OUEST

Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège sis [Adresse 2]/ FRANCE

Représentée par Me Stéphanie OGEZ de la SELARL SO AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, présidente et A.PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [T] [M] a exécuté entre décembre 2013 et août 2016 différents contrats d’engagement éducatif discontinus en tant qu’animateur ; il a ensuite exécuté différents contrats à durée déterminée par l’association Léo Lagrange Sud-Ouest en qualité d’animateur.

Le 8 janvier 2018, M. [M] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée intermittent au sein du service enfance jeunesse de [Localité 5] de l’association en qualité d’animateur.

La convention collective applicable est celle de l’animation du 28 juin 1998.

L’association Léo Lagrange Sud-Ouest emploie plus de 11 salariés.

Le 30 octobre 2018, le service enfance jeunesse de [Localité 5] a été informé par un officier de police judiciaire de l’ouverture d’une enquête judiciaire à l’encontre de M. [M] pour des faits de détention de photographies pornographiques de mineurs.

Le 9 novembre 2018, le procureur de la République a adressé un avis de procédure pénale ouverte à l’encontre de M. [M] pour détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique.

Selon lettre du 21 novembre 2018 contenant mise à pied à titre conservatoire, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 5 décembre 2018.

Il a été licencié pour faute grave selon lettre du 20 décembre 2018.

Le 31 décembre 2018, la procédure pénale a fait l’objet d’un classement sans suite pour absence d’infraction.

Par lettre du 5 juin 2019, M. [M] a contesté les motifs de son licenciement.

Par lettre du 14 juin 2019, l’association Léo Lagrange a refusé toute réintégration.

Le 16 décembre 2019, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement et solliciter sa réintégration.

Par jugement du 24 novembre 2021, le conseil a :

– dit et jugé que l’Etablissement Régional Léo Lagrange Sud-Ouest, n’a pas violé les libertés fondamentales de M. [M],

– dit et jugé en conséquence que M. [M] est débouté de sa demande de faire reconnaître son licenciement comme nul,

– dit et jugé que le licenciement de M. [M] repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,

– en conséquence, condamné l’Etablissement Régional Léo Lagrange Sud-Ouest à verser à M. [M] :

– 254,31 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement,

– 1 017,24 euros bruts au titre de rappel de salaires pour paiement de la mise à pied conservatoire,

– 101,72 euros bruts de congés payés afférents,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’Etablissement Régional Léo Lagrange Sud-Ouest aux entiers dépens de la présente procédure,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 20 décembre 2021, M. [M] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Dans ses dernières écritures en date du 27 octobre 2022, auxquelles il est fait expressément référence, M. [M] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 24 novembre 2021.

Statuant à nouveau,

au principal:

– dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [M] est nul.

En conséquence:

– ordonner sa réintégration,

– condamner l’établissement Léo Lagrange Sud-Ouest à payer à M. [M] les sommes suivantes :

– 12 206 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, le 16 décembre 2019,

– 2 500 euros au titre de l’article 700 en indemnisation des frais défense engagés en première instance,

– enjoindre l’établissement Léo Lagrange Sud-Ouest d’avoir à lui remettre ses documents de travail rectifiés conformes à l’arrêt à intervenir (attestation pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, bulletin de salaire du mois de décembre 2018).

Subsidiairement:

– dire et juger que le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence:

– condamner l’établissement Léo Lagrange Sud-Ouest à payer à M. [M] les sommes suivantes :

– 2 034,48 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, le 16 décembre 2019,

– 2 500 euros au titre de l’article 700 en indemnisation des frais défense engagés en première instance,

– enjoindre l’établissement Léo Lagrange Sud-Ouest d’avoir à lui remettre ses documents de travail rectifiés conformes à l’arrêt à intervenir (attestation pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, bulletin de salaire du mois de décembre 2018),

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 24 novembre 2021 pour le surplus,

– rejeter l’appel incident de l’établissement Léo Lagrange Sud-Ouest et le débouter de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 000 euros.

En toute hypothèse:

– condamner l’établissement Léo Lagrange Sud-Ouest au paiement de la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en indemnisation des frais de défense engagés par M. [M] à hauteur de cour,

– condamner l’établissement Léo Lagrange Sud-Ouest aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Il soutient que son licenciement ne repose sur aucun fait alors que l’employeur a été informé avant lui de l’existence de l’enquête pénale et qu’il conteste avoir admis des fantasmes vis-à-vis des enfants. Il estime que la pièce 7 de son adversaire ne constitue pas un compte-rendu d’entretien préalable. Il en déduit la nullité de son licenciement comme portant atteinte à une liberté fondamentale et en l’espèce la présomption d’innocence ainsi que le droit au respect de la dignité. Subsidiairement, il se fonde sur un défaut de cause réelle et sérieuse.

Dans ses dernières écritures en date du 5 décembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence, l’Association Léo Lagrange Sud-Ouest demande à la cour de:

– confirmer le jugement en date du 24 novembre 2021 du conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a :

– jugé que l’association Léo Lagrange Sud-Ouest n’a pas violé les libertés fondamentales de M. [T] [M],

– jugé qu’il n’y a pas lieu de prononcer la nullité du licenciement de M. [M],

– débouté M. [M] de ses prétentions au titre du licenciement nul,

– infirmer le jugement en date du 24 novembre 2021 du conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a :

– jugé que l’existence d’une faute grave rendant impossible le maintien dans l’entreprise de M. [M] n’était pas caractérisée,

– condamné l’Association Léo Lagrange Sud-Ouest à verser à M. [M] les sommes suivantes :

– 254,31 euros bruts au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 1 017,24 euros bruts au titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 21 novembre 2018 au 20 décembre 2018,

– 101,72 euros bruts au titre d’indemnité de congés payés,

– mis les dépens à la charge de l’Association Léo Lagrange Sud-Ouest tout en la condamnant à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

à titre principal:

– juger que le licenciement de M. [M] repose à bon droit sur une faute grave,

– débouter M. [M] de l’intégralité de ses prétentions, fins et demandes.

A titre subsidiaire:

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [M] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– le débouter du surplus de ses demandes.

En tout état de cause:

– condamner M. [M] à verser à l’Association Léo Lagrange Sud-Ouest la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient que la faute grave est bien établie, le salarié ayant omis de l’informer de l’enquête pénale qui le visait et lui ayant dissimulé des éléments essentiels en lien avec sa fonction d’animateur. Elle conteste toute violation d’une liberté fondamentale.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 25 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave, il lui incombe d’en rapporter la preuve et ce dans les termes de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, M. [M] a été licencié dans les termes suivants :

Nous vous avons notifié, le 21 novembre 2018, une mise à pied à titre conservatoire et vous avons convoqué, ce même jour, à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, l’entretien étant fixé au 7 décembre 2018.

Lors, de cet entretien, j’ai pu vous détailler les faits reprochés à savoir les suivants :

La Fédération Léo Lagrange intervient sur délégation des collectivités locales comme les municipalités pour assurer la prise en charge des enfants dans le cadre du temps d’accueil périscolaire.

Nos donneurs d’ordre ainsi que notre Fédération sommes extrêmement soucieux des conditions d’accueil en toute sécurité des enfants qui nous sont confiés. La sûreté et la sécurité des enfants sont une absolue priorité.

En date du 30 octobre 2018, le Service Enfance Jeunesse dans lequel vous travaillez a été contacté par l’officier de la police judiciaire de [Localité 4] au sujet d’une enquête mandatée par le Parquet de Toulouse vous concernant. Il nous informe alors d’une saisie de votre matériel informatique et d’une audition vous concernant qui allait avoir lieu suite à des soupçons de détention de photographies pornographiques. Il s’agissait alors d’une période de vacances scolaires et vous deviez réintégrer nos services le 5 novembre 2018.

Le lendemain, l’officier de la police judiciaire nous a informés que le service allait recevoir un avis d’enquête et nous a précisé qu’en l’état de la procédure il n’y avait aucune mesure vous concernant à prendre dans l’immédiat.

Puis le vendredi 9 novembre, Mme [R] et la Directrice de l’accueil de loisirs duquel vous dépendez se sont rendues au commissariat pour une audition au cours de laquelle elles ont été informées qu’une expertise psychologique avait eu lieu le 8 novembre, qu’une expertise psychiatrique était prévue.

Très rapidement, nous vous avons entendu et vous nous avez confirmé que si aucun « passage à l’acte » ne pouvait vous être reproché, vous ne pouviez nier avoir une attirance et des fantasmes concernant les enfants.

Vous ne nous aviez jamais signalé cette attirance par le passé alors que vous travaillez au sein de nos établissements depuis plusieurs années.

C’est en découvrant de ces éléments que vous nous aviez dissimulés que nous avons prononcé votre mise à pied à titre conservatoire le 21 novembre dans l’attente de l’entretien préalable fixé au 7 décembre et des éléments de conclusions de l’enquête diligentée.

Lors de l’entretien du 7 décembre 2018 vous avez reconnu faire l’objet d’une enquête et avoir fait l’objet d’expertises psychologiques et psychiatriques en lien avec votre rapport aux enfants.

Vous nous avez expliqué que cette enquête avait été initié suite à la plainte de votre psychologue qui en, qualité de maman d’un enfant accueilli dans nos écoles a effectué un signalement sur la base des faits que vous lui aviez confiés.

Lors de notre entretien, vous nous avez clairement énoncé les responsabilités qui vous incombent en qualité d’animateur et les postures attendues qui en découlent. Vous ayez reconnu rencontrer des difficultés quant à un positionnement d’autorité ou quant à la nécessité de mettre de la distance envers les enfants.

Vous avez reconnu avoir des désirs et des fantasmes sur les enfants en général mais précisé que vous êtes accompagné familialement pour travailler sur cette problématique. Vous avez exprimé le souhait de ne plus travailler avec les enfants vis-à-vis desquels vous ne vous sentez finalement pas à l’aise et vis-à-vis desquels vous reconnaissez devoir trouver une nouvelle approche car vous avez du mal à prendre de la distance affective avec le côté professionnel.

Il est clair que même si les faits faisant l’objet de la procédure d’enquête ne sont pas à ce jour établis, et que vous bénéficiez pour ces faits de la présomption d’innocence, force est de constater que vous avez reconnu de manière constante que votre attirance et vos fantasmes envers les enfants avaient des incidences sur votre positionnement en tant qu’animateur.

Vous saviez donc parfaitement que vous ne remplissiez pas les conditions essentielles pour exercer vos fonctions d’animateur de structure périscolaire, et vous ne nous en avez rien dit, ce qui est d’autant plus grave que vous reconnaissez que cette situation pose une grave difficulté et que d’ailleurs, elle trouble votre capacité affective à mener à bien vos missions, ainsi que votre positionnement en qualité d’adulte référent.

Nous ne pouvons accepter que vous nous ayez dissimulé cette situation qui n’a été découverte que de manière fortuite, lorsque vous avez fait l’objet de vérifications par les services de police, alors que vous étiez dans cet état d’esprit de longue date.

Cette découverte nous place dans une situation impossible vis-à-vis des enfants que nous accueillons, mais également, vis-à-vis des familles, de l’école et de la commune auprès de laquelle nous avons pris un engagement d’accueil des enfants dans des conditions parfaitement sécurisées et exempte de toute ambiguïté. Votre attitude contrevient gravement aux valeurs de notre association.

Toute confiance étant rompue, ces comportements sont totalement incompatibles avec votre maintien dans notre structure y compris sur un autre établissement.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Le licenciement prendra effet immédiatement dès la remise en main propre de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté, à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l’objet depuis le 21 novembre aussi celle-ci ne vous sera pas rémunérée.

Vous recevrez dès cet instant la somme vous restant due au titre de l’indemnité de congés payés acquise à ce jour, ainsi que votre certificat de travail et votre attestation pôle emploi.

Dans le cadre de la procédure les parties s’expliquent sur un grief tiré de l’absence d’information par le salarié de la procédure pénale en cours, laquelle n’a abouti à aucune poursuite. Les premiers juges ont considéré ce grief comme établi. La cour rappelle tout d’abord que c’est la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et que ce grief est énoncé de façon particulièrement elliptique dans la lettre.

Même en considérant que la mention de dissimulation figurant dans la lettre se rapportait également à l’enquête pénale, il apparaît qu’il s’agissait d’une enquête préliminaire et que rien n’établit que M. [M] en avait connaissance avant son placement en garde à vue le 30 octobre 2018. Or, l’employeur a été informé par les services de police avant même ce placement effectif en garde à vue. L’association Léo Lagrange ne saurait utilement reprocher au salarié de ne pas avoir fait choix d’avertir son employeur lors de la notification des droits puisqu’il s’agit précisément pour le gardé à vue de l’exercice d’un droit qui lui est propre. La cour observe au surplus qu’au jour de ce placement en garde à vue le salarié ne travaillait pas puisqu’il s’agissait d’une période de congés scolaires sans prestation de travail pour lui. L’employeur ne saurait davantage soutenir que la procédure de garde à vue se serait poursuivie jusqu’au 5 novembre 2018, ce qui est techniquement impossible. En outre, l’absence mentionnée sur le bulletin de paie est bien précisée comme une absence autorisée et l’association procède par affirmation lorsqu’elle soutient que ce n’est qu’a posteriori qu’elle a fait figurer une telle mention sur le bulletin de paie. Il n’existe ainsi aucune dissimulation de l’enquête pénale qui puisse constituer un motif de rupture.

L’employeur reproche en second lieu au salarié la dissimulation d’éléments essentiels en lien avec ses fonctions d’animateur. Tout procède d’un compte rendu de l’entretien préalable. Les parties s’opposent sur ce document étant observé que l’entretien préalable a été fixé au 5 décembre 2018 et que le compte rendu est daté du 7 décembre 2018. La lettre de licenciement comporte à tout le moins des maladresses en ce qu’elle fait référence, au-delà de la première page rectifiée de façon manuscrite sans qu’on puisse déterminer par qui, des mentions en seconde page d’un entretien du 7 décembre 2018. Il subsiste que le document comportant cette date a bien été signé par M. [M], lequel a même apposé la mention “lu et approuvé” et procède par affirmation lorsqu’il indique ne pas avoir été en mesure de le relire. Mais ce qui figure dans ce document, au-delà de l’inquiétude qui a pu être celle de l’employeur et qui peut être comprise, ne saurait être suffisamment précis pour constituer un motif de rupture du contrat de travail sur un terrain disciplinaire. En effet, il y est certes fait état d’un problème de positionnement, M. [M] indiquant être trop sensible et ne pas savoir quand il faut être autoritaire ou prendre de la distance. Toutefois, ceci, en soi, ne saurait être considéré comme relevant de la sphère disciplinaire pour constituer un motif de rupture. Quant aux désirs et fantasmes, ils ne sont pas davantage précisés et aucun élément n’indique les répercussions qui auraient été constatées ou reconnues sur l’exécution du contrat.

La cour ne dispose pas d’élément extrinsèque qui apporterait une preuve complémentaire alors que la lettre demeure particulièrement imprécise. L’employeur produit un échange de courriers électroniques où il est mentionné que la police aurait indiqué que l’expertise psychiatrique révélait de nombreux troubles qui ne semblent pas compatible avec le métier de l’animation. Ces troubles ne sont jamais précisés de sorte que la cour ne peut en aucun cas les apprécier et déterminer s’ils pouvaient relever de la sphère disciplinaire et en particulier si le salarié avait ou devait avoir conscience de ce qu’ils étaient de nature à avoir une répercussion et laquelle sur ses fonctions au profit de jeunes enfants.

Dans de telles conditions l’employeur ne satisfait pas à la charge probatoire qui est la sienne.

Il ne s’en déduit pas cependant la nullité du licenciement, lequel contrairement aux affirmations de M. [M] n’a pas été prononcé en violation d’une liberté fondamentale. Ainsi, il n’a pas été porté atteinte à la présomption d’innocence, la lettre de licenciement rappelant expressément cette présomption au titre des faits ayant donné lieu à l’enquête. M. [M] n’a pas davantage été licencié pour des pensées et donc en violation d’une liberté individuelle mais pour des répercussions sur sa prestation de travail. Celles-ci ne sont pas établies et ce encore moins sur un terrain disciplinaire mais il en découle uniquement un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non un licenciement nul.

M. [M], qui ne sollicite pas d’indemnité de préavis, pouvait donc prétendre à l’indemnité de licenciement et au salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire, aux congés payés afférents ainsi qu’à l’indemnité de licenciement dont les montants ont été exactement appréciés et ne sont pas remis en cause. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à ces demandes.

Il peut également prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ceux-ci doivent être fixés en considération des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail. Or, M. [M] sollicite une somme correspondant à deux mois de salaire et revendique donc une ancienneté d’une année complète dans l’entreprise. Mais tel n’était pas le cas au jour où l’employeur a notifié le licenciement. En effet, s’il est invoqué des contrats antérieurs, il n’est pas allégué une continuité entre tous les contrats et la cour ne peut donc prendre en considération que le seul contrat du 8 janvier 2018 de sorte qu’au 20 décembre 2018 l’ancienneté était inférieure à un an. M. [M] ne s’y trompe d’ailleurs pas véritablement puisqu’au titre de l’indemnité de licenciement (p. 22) il admet que son ancienneté était inférieure à un an. En considération de cette ancienneté, le montant des dommages et intérêts sera fixé à un mois de salaire, soit 1 017,24 euros ainsi que le propose l’employeur à titre subsidiaire.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Le jugement sera confirmé sur le sort des frais et dépens en première instance. L’appel étant partiellement bien fondé, l’employeur sera condamné au paiement d’une somme complémentaire de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 24 novembre 2021 sauf en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

L’infirme sur ce point et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne l’association Léo Lagrande Sud-Ouest à payer à M. [M] la somme de 1 017,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant,

Condamne l’association Léo Lagrande Sud-Ouest à payer à M. [M] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne l’association Léo Lagrande Sud-Ouest aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

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