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JMA/PR
ARRET N° 559
N° RG 20/02643
N° Portalis DBV5-V-B7E-GD24
S.A.R.L. CARIBOU
C/
[I]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 novembre 2020 rendu par le conseil de prud’hommes de Poitiers
APPELANTE :
S.A.R.L. CARIBOU
N° SIRET : 430 257 709
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUÉ POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS.
Ayant pour avocat plaidant Me Éric ALLERIT de la SELARL TBA, avocat au barreau de PARIS.
INTIMÉ :
Monsieur [K] [I]
né le 28 avril 1979 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle BUFFET de la SELARL AD ASTREA, avocat au barreau de POITIERS.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 13 juin 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Caribou exploite sous enseigne éponyme un restaurant à [Localité 4].
Elle a embauché M. [K] [I], suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 22 septembre 2015, en qualité de cuisinier.
Le 20 février 2017, la société Caribou a notifié à M. [K] [I] sa mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre datée du 1er mars 2017, la société Caribou a convoqué M. [K] [I] à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cet entretien a eu lieu le 10 mars suivant.
Le 16 mars 2017, la société Caribou a notifié à M. [K] [I] son licenciement pour faute grave.
Le 21 septembre 2018, M. [K] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers aux fins, sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement à intervenir et en l’état de ses dernières prétentions, de voir :
– juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société Caribou à lui payer les sommes suivantes :
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité pour procédure irrégulière ;
– 12 928,56 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif ;
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 215,47 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 675,15 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 1 670,33 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied outre 167,03 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– ordonner à la société Caribou de lui remettre un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
– condamner la société Caribou aux entiers dépens.
Par jugement en date du 17 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Poitiers a :
– jugé que le licenciement de M. [K] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Caribou à payer à M. [K] [I] les sommes suivantes :
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité pour procédure irrégulière ;
– 5 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif ;
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 215,47 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 675,15 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 1 670,33 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied outre 167,03 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– ordonné à la société Caribou de remettre à M. [K] [I] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés selon les termes jugés, ce sous astreinte de 25,00 euros par jour de retard ;
– débouté la société Caribou de sa demande formée pour procédure abusive et manifestement vexatoire ;
– rappelé que l’exécution provisoire était de droit ;
– débouté la société Caribou de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné la société Caribou aux entiers dépens.
Le 19 novembre 2020, la société Caribou a relevé appel de ce jugement en ce qu’il :
– avait jugé que le licenciement de M. [K] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– l’avait condamnée à payer à M. [K] [I] les sommes suivantes :
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité pour procédure irrégulière ;
– 5 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif ;
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 215,47 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 675,15 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 1 670,33 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied outre 167,03 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– lui avait ordonné de remettre à M. [K] [I] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés selon les termes jugés, ce sous astreinte de 25,00 euros par jour de retard ;
– l’avait déboutée de sa demande formée pour procédure abusive et manifestement vexatoire ;
– l’avait déboutée de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– l’avait condamnée aux entiers dépens.
Par conclusions, dites récapitulatives n°3, reçues au greffe le 18 mars 2022, la société Caribou demande à la cour :
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
– a jugé que le licenciement de M. [K] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– l’a condamnée à payer à M. [K] [I] les sommes suivantes :
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité pour procédure irrégulière ;
– 5 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif ;
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 215,47 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 675,15 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 1 670,33 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied outre 167,03 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– lui a ordonné de remettre à M. [K] [I] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés selon les termes jugés, ce sous astreinte de 25,00 euros par jour de retard ;
– l’a déboutée de sa demande formée pour procédure abusive et manifestement vexatoire ;
– l’a déboutée de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– l’a condamnée aux entiers dépens ;
– et, statuant à nouveau :
– de débouter M. [K] [I] de l’intégralité de ses demandes ;
– de condamner M. [K] [I] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions, dites n°2, reçues au greffe le 10 janvier 2022, M. [K] [I] demande à la cour :
– de débouter la société Caribou de toutes ses demandes ;
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
– a jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– a condamné la société Caribou à lui payer les sommes suivantes :
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité pour procédure irrégulière ;
– 2 154,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 215,47 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 675,15 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 1 670,33 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied outre 167,03 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– a ordonné à la société Caribou de lui remettre un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés selon les termes jugés, ce sous astreinte de 25,00 euros par jour de retard ;
– a débouté la société Caribou de sa demande formée pour procédure abusive et manifestement vexatoire ;
– a débouté la société Caribou de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– a condamné la société Caribou aux entiers dépens ;
– de réformer ce jugement en ce qu’il porte sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement abusif lui ayant été alloués ;
– et, statuant à nouveau, de condamner la société Caribou à lui payer à ce titre la somme de 12 928,56 euros ;
– de condamner la société Caribou à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 16 mai 2022 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 13 juin 2022 à 14 heures pour y être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au soutien de son appel, la société Caribou expose en substance :
– qu’elle démontre que, contrairement à ce qu’il soutient, M. [K] [I] a bien reçu sa convocation à l’entretien préalable à son éventuel licenciement le 2 mars 2017 et donc dans le respect du délai de 5 jours prévu par l’article L 1232-2 du Code du travail ;
– qu’elle a bien eu connaissance le 20 février 2017 des faits aux motifs desquels elle a licencié M. [K] [I], peu important que cette date ait été un lundi ;
– que ces faits sont établis et d’une gravité telle qu’ils interdisaient la poursuite du contrat de travail ;
– qu’elle produit aux débats les attestations des salariés qui se sont plaints du comportement de M. [K] [I] ;
– que, s’agissant plus particulièrement du témoignage de Mme [P], celle-ci a non seulement fait enregistrer une main-courante mais a également rédigé une attestation se rapportant aux faits reprochés à M. [K] [I], étant précisé qu’au jour de cette attestation Mme [P] n’avait plus aucun lien de subordination à son égard ;
– que les attestations versées aux débats par M. [K] [I] ont été établies par des personnes qui n’ont pas travaillé dans l’entreprise à l’exception d’une mais qui a été à son service en 2004 et 2005 quand les faits litigieux ont eu lieu en 2016 et 2017 et d’une autre qui se limite à indiquer qu’elle n’a rien constaté à titre personnel, ce qui ne signifie pas que rien ne s’est produit ;
– que M. [K] [I], ayant été licencié à juste titre pour faute grave, ne peut prétendre à aucune indemnité de rupture, étant observé à titre subsidiaire qu’il ne justifie pas de son préjudice au titre duquel il réclame des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En réponse, M. [K] [I] objecte pour l’essentiel :
– que ce n’est que le 6 mars 2017 qu’il a reçu sa convocation pour l’entretien préalable qui s’est tenu le 10 mars suivant, ce dont il se déduit que la société Caribou n’a pas respecté les dispositions de l’article L 1232-2 du Code du travail ;
– qu’en effet la lettre qu’il a reçue le 2 mars 2017 et dont fait état la société Caribou ne contenait pas cette convocation mais son bulletin de salaire du mois de février 2017 ;
– que la société Caribou soutient sans le démontrer qu’elle a eu connaissance des faits qu’elle lui reproche le 20 février 2017 alors que cette date correspond à un lundi, jour de la semaine où aucun salarié n’est présent dans l’entreprise ;
– que pourtant la date de prise de connaissance des faits est déterminante dans la mesure où, pour que soit retenue la faute grave, il faut que l’employeur ait écarté le salarié fautif dès la connaissance des faits fautifs ;
– qu’en tout état de cause il conteste les allégations de ses anciens collègues ayant attesté en faveur de l’employeur ;
– qu’il verse aux débats des attestations d’anciens collègues qui contredisent les faits reprochés ;
– qu’il a subi un préjudice important du fait de son licenciement puisqu’il est resté sans emploi durant une longue période et les accusations dont il a fait l’objet ont porté atteinte à son honneur et sa réputation.
S’agissant de la demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement formée par M. [K] [I], l’article L 1332-2 du Code du travail énonce :
‘L’employeur qui envisage de licencier un salarié, le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.
L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation’.
L’article L 1235-2 dernier alinéa du même code dispose :
‘Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L 1232-2, L 1232-3, L 1232-4, L 1233-11, L 1233-12 et L 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire’.
En l’espèce, la société Caribou verse aux débats le justificatif de ce qu’elle a adressé à M. [K] [I] le 1er mars 2017 une lettre recommandée avec accusé de réception (n°1A 125 766 41822) que ce dernier a reçue le 2 mars 2017. Il est par ailleurs constant que M. [K] [I] a bien reçu la convocation datée du 1er mars 2017 que la société Caribou lui avait adressée en vue de l’entretien préalable du 10 mars suivant.
Si M. [K] [I] soutient que cette lettre recommandée ne contenait pas la convocation à son entretien préalable mais son bulletin de salaire du mois de février 2017, cette allégation est contredite par les pièces n°19 et 20 que produit l’employeur et dont il ressort que celui-ci a, les 2 et 3 mars 2017, échangé avec son expert-comptable au sujet d’un élément précis de ce bulletin de salaire, réclamant à ce dernier des précisions, ce dont il se déduit que la lettre du 1er mars 2017 précitée ne pouvait contenir le bulletin de salaire de M. [K] [I] et a contrario que cette lettre contenait bien la convocation du salarié pour l’entretien préalable du 10 mars 2017.
En conséquence de quoi, le délai de 5 jours ouvrables de l’article L 1332-2 du Code du travail ayant été respecté, la cour déboute M. [K] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.
Le licenciement pour faute grave de M. [K] [I] a été prononcé aux motifs énoncés :
– qu’il avait eu ‘un comportement agressif et inadapté envers le personnel de l’entreprise, tant verbal que physique :
– remarques dégradantes sur le travail, bousculade pendant le service, recherche permanente de conflits sans raison apparente, manque de patience’ ;
– qu’il avait été constaté ‘des dérapages sexiste et sexuel’ de sa part :
‘Sujets de conversation inappropriés au sein de l’établissement pendant les heures de travail, provocations vis-à-vis du personnel féminin, propos blessants et récurrents vis-à-vis des membres de l’entreprise, blagues à caractère sexuel’ ;
– que son ‘comportement [est] était extrêmement préjudiciable au bon fonctionnement de l’entreprise et à son image qui se manifeste de la manière suivante : une désorganisation totale du travail liée à cette tension permanente, une absence de sérénité et de bien-être au travail, le moral et la motivation en sont fortement impactés, la crainte d’un travail mal réalisé ou d’un comportement inadapté…..’.
Certes il est acquis que la faute grave implique une réaction immédiate de l’employeur qui doit engager la procédure de licenciement dans un délai restreint dès qu’il a connaissance des fautes et qu’aucune vérification n’est nécessaire.
Il est également acquis que la limite à ce principe réside dans le temps nécessaire à l’information de l’employeur pour apprécier le degré de gravité de la faute.
Cependant en l’espèce rien ne permet de considérer que la société Caribou ait eu connaissance des faits reprochés à M. [K] [I] à une date antérieure au 20 février 2017 et a fortiori à une date qui se serait située en dehors du délai restreint dans lequel il lui appartenait de mettre en oeuvre la procédure de licenciement, étant ajouté que le fait que cette date ait été un lundi, jour de fermeture de l’entreprise, est sans conséquence à cet égard.
Il est de principe que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Il est également de principe qu’il appartient à l’employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d’en rapporter seul la preuve.
En l’espèce, dans le but de rapporter cette preuve, la société Caribou verse aux débats notamment les pièces suivantes :
– sa pièce n°6 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [V] [Z], ancienne collègue de M. [K] [I] au sein de l’entreprise, qui y déclare :
‘J’atteste que M. [K] [I] a fait preuve d’un comportement agressif envers mes collègues et moi-même. Depuis plusieurs mois j’assiste à des réflexions, des disputes et des dérapages verbaux de sa part.
Très fréquemment il se permettait des remarques déplacées à mon égard. Ces remarques étaient à caractères sexuels et ponctuées de méchancetés. Elles ont impacté sur ma vie privée et sur la qualité de mon travail.
Son comportement à l’égard de mes collègues et de moi-même a eu un effet néfaste sur le déroulement du service. En effet il cherchait souvent le conflit sans raison apparente et il était impossible de communiquer avec lui par la suite sans remarques dégradantes émanant de sa part’ ;
– sa pièce n°7 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [J] [B], née le 25 novembre 1997, apprentie cuisinier au sein de l’entreprise, qui y déclare :
‘M. [K] [I] était mon supérieur au sein de la cuisine du Caribou Café. Depuis 6 mois environ j’ai remarqué un changement de comportement de sa part.
Il a eu à mon égard des remarques désagréables notamment quant à mon travail. Je suis en apprentissage depuis un an et demi et son manque de patience ainsi que son agressivité ont joué sur mon moral et ma motivation.
Il est arrivé une fois qu’il me pousse en prétendant par la suite qu’il voulait uniquement me bloquer le passage.
Au-delà de l’aspect professionnel, j’ai subi ses blagues à caractère sexuel. Nous n’avions ni relation personnelle ni même de relations amicales permettant de telles allusions’.
– sa pièce n°8 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [Y] [T], ancienne collègue de M. [K] [I] au sein de l’entreprise, qui y déclare :
‘J’atteste que M. [K] [I] se montrait agressif envers moi et mes collègues sans raison apparente. Fréquemment il se permettait des réflexions douteuses à caractère sexuel et aussi parfois méchantes qui ont eu une incidence sur ma vie privée’ ;
– sa pièce n°9 : il s’agit d’une attestation établie par M. [W] [U], ancien collègue de M. [K] [I] au sein de l’entreprise, qui y déclare :
‘ M. [K] [I] avait des sujets de conversations inappropriés pendant les heures de travail. Son attitude agressive et ses provocations récurrentes empêchaient le bon déroulement du service……Il avait des propos blessants concernant ma vie personnelle. Il a également fait visionner des vidéos à caractère pornographique à ma collègue [E] qui est mineure sans l’accord de cette dernière’ ;
– sa pièce n°10 : il s’agit d’une déclaration de main courante faite le 18 octobre 2018 par Mme [E] [P] née le 25 février 2001, en ces termes :
‘Je suis employée au restaurant le Caribou à [Localité 4] depuis deux ans. Le chef cuisinier, M. [K] [I], qui travaillait au restaurant a quitté l’entreprise depuis un an et demi car il avait un comportement inadapté avec moi et les autres employés. Pour ma part, dans la période où il travaillait et alors que je n’avais que 15 ans, il me faisait visionner sur son téléphone portable au moment des repas avec tout le monde, des vidéos pornographiques en me demandant si je connaissais, si j’avais déjà fait ça. Je me sentais extrêmement gênée. Je venais juste de commencer ma formation. Pendant le service, il me sortait régulièrement des blagues salaces qui me mettaient mal à l’aise……’ ;
– sa pièce n°17 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [E] [P] qui y déclare notamment qu’elle confirme les faits déclarés dans la main-courante précitée et qu’elle ne travaille plus pour le compte de la société Caribou depuis le 29 août 2019.
La mise en perspective de ces pièces permet de considérer que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont parfaitement établis et qu’ils ont, en raison de leur réitération et de leur gravité, notamment en ce qu’ils ont été commis à l’égard de très jeunes collègues de M. [K] [I] et même à l’égard d’une collègue mineure au moment de leur commission, constitué une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle a rendu impossible le maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant la période du préavis, étant ajouté que les attestations produites aux débats par M. [K] [I], dont les auteurs, collègues ou anciens collègues de ce dernier, indiquent qu’ils n’ont pas observé de comportement critiquable de sa part, pas plus que sa pièce n°9 dont le contenu est abscons, ne sont pas susceptibles de remettre en cause les témoignages précis et convergents versés aux débats par l’employeur.
En conséquence de quoi, la cour infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et déboute M. [K] [I] de l’intégralité de ses prétentions.
Succombant en toutes ses demandes, M. [K] [I] sera condamné aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Caribou l’intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, M. [K] [I] sera condamné à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel, la cour infirmant par ailleurs le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Caribou à verser à M. [K] [I] la somme de 800 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau :
– Déboute M. [K] [I] de l’ensemble de ses demandes ;
Et, y ajoutant :
– Condamne M. [K] [I] à verser à la société Caribou la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que de l’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,