Méconnaissance de l’obligation d’informer le prévenu du droit de se taire

·

·

Méconnaissance de l’obligation d’informer le prévenu du droit de se taire
Ce point juridique est utile ?

N° C 21-81.943 F-D

N° 00859

MAS2
29 JUIN 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JUIN 2022

M. [W] [B] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, 10e chambre, en date du 22 février 2021, qui, pour agressions sexuelles aggravées et consultation habituelle d’un service en ligne mettant à disposition l’image à caractère pornographique de mineurs, l’a condamné à deux ans d’emprisonnement, cinq ans de suivi socio-judiciaire, et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W] [B], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 1er juin 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le jugement du 22 novembre 2016 a déclaré coupable M. [W] [B] des infractions susvisées, l’a condamné à dix-huit mois d’emprisonnement dont douze mois avec sursis et mise à l’épreuve, devenu sursis probatoire, et a prononcé sur les intérêts civils.

3. Le ministère public, le prévenu et les parties civiles ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [B] coupable des faits d’agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans et de consultation habituelle d’un service de communication au public en ligne mettant à disposition l’image ou la représentation pornographique de mineur entre le 1er janvier 2015 et le 10 juillet 2015, alors :

« 1°/ que devant la chambre des appels correctionnels, le président ou l’un des assesseurs, par lui désigné, informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que cette information doit intervenir avant l’ouverture des débats et avant toute déclaration du prévenu sur les faits pour lesquels il est poursuivi ; que la méconnaissance de cette obligation lui fait nécessairement grief ; qu’en l’espèce, il ressort des notes d’audiences que M. [B] s’est d’abord exprimé à l’audience sur les faits qui lui étaient reprochés, indiquant « je n’ai jamais touché la petite ; les photos, oui, je reconnais » et qu’ensuite seulement le conseiller lui avait donné lecture de « l’avertissement légal » de l’article 406 du code de procédure pénale ; que l’arrêt, qui comporte la mention contraire mais inexacte, ainsi qu’il résulte de la procédure d’inscription de faux dirigée contre celle-ci, ne satisfait pas aux conditions de son existence légale et sera annulé par application des articles 406 et 512 du code de procédure pénale et de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme ;

2°/ que l’appel est jugé à l’audience sur le rapport oral d’un conseiller ; que cette formalité, prescrite à peine de nullité, doit être accomplie avant toute déclaration des parties sur les chefs de prévention dont la cour est saisie ; qu’en l’espèce, il ressort des notes d’audiences que M. [B] s’est d’abord exprimé à l’audience sur les faits qui lui étaient reprochés, indiquant « je n’ai jamais touché la petite ; les photos, oui, je reconnais » et qu’ensuite seulement le conseiller a été entendu sur son rapport ; que l’arrêt, qui comporte la mention contraire mais inexacte, ainsi qu’il résulte de la procédure d’inscription de faux dirigé contre celle-ci, ne satisfait pas aux conditions de son existence légale et sera annulé par application des articles 406 et 512 du code de procédure pénale et de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. »

Réponse de la Cour

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Vu les articles 406, 512, 647-2, 647-3 et 647-4 et 512 du code de procédure pénale :

5. Il résulte du premier de ces textes, que devant le tribunal correctionnel, le président ou l’un des assesseurs, par lui désigné, informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. La méconnaissance de l’obligation d’informer le prévenu du droit de se taire lui fait nécessairement grief.

6. En application du second de ces textes, ces dispositions sont applicables également devant la chambre des appels correctionnels.

7. Les mentions de l’arrêt attaqué relatives à l’information du prévenu de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire au cours des débats ont été arguées de faux par celui-ci.

8. La première présidente de la Cour de cassation a autorisé le demandeur à s’inscrire en faux contre lesdites mentions, et les significations prévues à l’article 647-2 du code de procédure pénale ont été régulièrement effectuées.

9. Les parties civiles n’ont pas répondu à la sommation du demandeur, comme le prévoit l’article 647-3 du même code et le ministère public a fait savoir qu’il n’entendait pas se servir de la pièce contestée, ni soutenir l’exactitude des mentions critiquées de l’arrêt.

10. En conséquence, il se déduit de l’article 647-4 que les mentions arguées de faux doivent être considérées comme inexactes.

11. Par suite, il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que le prévenu, qui a comparu à l’audience de la cour d’appel du 11 janvier 2021, ait été informé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire au cours des débats.

12. En statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

13. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Rennes, en date du 22 février 2021, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x