Droit de la Pornographie : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/08234

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Droit de la Pornographie : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/08234
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7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°42/2023

N° RG 19/08234 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QLCM

M. [V] [K]

C/

SA COMPAGNIE DE CHAUFFAGE CLIMATISATION ET CRYO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Novembre 2022

En présence de Madame MEUNIER, médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [V] [K]

né le 14 Octobre 1961 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Audrey BALLU-GOUGEON de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SA COMPAGNIE DE CHAUFFAGE CLIMATISATION ET CRYO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Nathalie PAQUIN-FERNANDEZ de la SELARL AVEL AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [K] a été embauché par la SA Compagnie Chauffage Climatisation et Cryo (CCC) à compter du 15 juillet 2003 pour exercer les fonctions de directeur adjoint sous la direction de M. [M].

Le 16 juin 2009, les parties ont régularisé un contrat de travail à durée indéterminée.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective du commerce du gros.

Entre février 2013 et septembre 2015, M. [K] n’a plus eu de responsable référent suite au décès de M. [M].

En septembre 2013, Mme [N], fille de M. [M], a été nommée présidente de la société CCC et était assistée de M. [B], directeur général délégué.

Le 13 juin 2016, une salariée, Mme [P], a été engagée pour prendre la direction du service administratif et comptable.

Le 23 juin 2016, Mme [P] a notifié à la société la rupture de sa période d’essai, dénonçant la pression infligée par M. [K].

Le 25 juillet 2016, Mme [N] a reçu un courrier d’une salariée de la société CCC faisant part du ‘harcèlement psychologique’ infligé par M. [K].

Par courrier en date du 08 septembre 2016, l’employeur a notifié à M. [K] une mise à pied à titre conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable.

Le 14 septembre suivant, l’employeur a procédé à des auditions du personnel.

À compter du 12 septembre 2016, M. [K] a été placé en arrêt de travail et l’entretien préalable a été en conséquence reporté au 14 octobre 2016.

Par courrier recommandé en date du 19 octobre 2016, M. [K] s’est vu notifier un licenciement pour faute grave, la société lui reprochant notamment un ‘comportement professionnel source de souffrance et de stress pour les salariés susceptible de revêtir la qualification de harcèlement moral’, des falsifications de données comptables et des pratiques comptables frauduleuses, une utilisation abusive des biens de l’entreprise, ainsi que l’utilisation de sa messagerie professionnelle pour s’inscrire sur des sites érotiques.

***

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête en date du 24 mars 2017 afin de voir :

– Constater la prescription des faits opposés à Monsieur [K]

– Dire et juger sans cause réelle ni sérieuse son licenciement pour faute grave

– Constater les manquements de la Société CCC à son obligation de sécurité

– Condamner la Société CCC au payement des sommes suivantes :

– 28 006,78 euros une indemnité conventionnelle de licenciement

– 18 671,19 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 1 867,12 euros de congés payés afférents.

– 5 752,39 euros à titre de rappel de salaire couvrant la période de mise à pieds conservatoire

– 112 027,14 euros (18 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– 37 342,38 euros (6 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de résultat

– Fixer la moyenne des salaires à la somme de 6 223,73euros

– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– Condamner la Société CCC au payement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

La SA Compagnie de Chauffage Climatisation et Cryo a demandé au conseil de prud’hommes de :

-Débouter M. [K] de ses demandes,

– Article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros.

Par jugement en date du 02 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Rennes a :

– Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [K] pour faute grave est justifié,

– Dit et jugé que la SA Compagnie Chauffage Climatisation et Cryo (CCC) a rempli ses obligations de sécurité à l’égard des salariés conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, – Dit et jugé que la SA Compagnie Chauffage Climatisation et Cryo (CCC) n’a fait preuve d’aucune mesure vexatoire au cours du licenciement de M. [V] [K],

– Débouté Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Condamné Monsieur [K] à payer à la SA Compagnie Chauffage Climatisation et Cryo (CCC) la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– L’a condamné aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d’exécution.

***

M. [K] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 20 décembre 2019.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 11 octobre 2022, M. [K] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Rennes du 2 décembre 2019 en tous ses chefs,

Et statuant de nouveau :

– Constater la prescription des faitsqui lui sont opposés,

– Dire et juger sans cause réelle ni sérieuse son licenciement,

– Constater les manquements de la Société CCC à son obligation de sécurité.

En conséquence,

– Condamner la Société CCC au payement des sommes suivantes :

– 28 006,78 euros nets une indemnité conventionnelle de licenciement

– 18 671,19 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 1 867,12 euros bruts de congés payés afférents.

– 5 752,39 euros bruts à titre de rappel de salaire couvrant la période de mise à pieds conservatoire

– 575,24 euros bruts de congés payés afférents

– 112 027,14 euros nets (18 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– 37 342,38 euros nets (6 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de résultat

– Fixer la moyenne des salaires à la somme de 6 223,73euros

– Condamner la Société CCC au payement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 17 mai 2022, la SA Compagnie de chauffage climatisation et cryo demande à la cour d’appel de :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Rennes en date du 2 décembre 2019 en ce qu’il a :

‘ Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [K] pour faute grave est justifié;

‘ Dit et jugé que la société a rempli ses obligations de sécurité à 1’égard de ses salariés conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

‘ Dit et jugé que la société na fait preuve d’aucune mesure vexatoire au cours du licenciement de Monsieur [K]

‘ Débouté Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

‘ Condamné Monsieur [K] à payer à la société la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamné Monsieur [K] aux dépens, y compris les frais éventuels d’exécution.

– Condamner Monsieur [K] à lui verser la somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 25 octobre 2022 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 21 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité

Le conseil de prud’hommes a retenu, pour débouter M. [K] de sa demande indemnitaire sur ce fondement, qu’il n’a jamais saisi, durant toute la période d’exécution de son contrat de travail, l’entreprise, ni l’inspection du travail, pour un quelconque motif de harcèlement, mal-être au travail, ou mise en danger de sa vie ou de sa sécurité ; que son arrêt de travail du 13 septembre 2016 n’a pas été reconnu comme accident du travail par la Cpam ; que le report à sa demande de son entretien préalable à licenciement écarte toute présomption de mesure vexatoire de l’employeur à son encontre ; qu’il est par contre avéré qu’il a eu ‘un comportement de pression psychologique’ à l’égard des personnels qui n’étaient pas ses collègues mais ses collaborateurs et que dès qu’elle en a eu connaissance la société CCC a immédiatement engagé les mesures nécessaires.

M. [K] fait valoir qu’après le changement de direction de la société, il a subi une dégradation constante de ses conditions de travail, dans le but d’obtenir son départ volontaire, à moindre coût ; qu’ainsi, il s’est vu priver d’une partie de ses fonctions par l’embauche d’un responsable administratif et d’un responsable des ventes, fonctions qui lui étaient antérieurement dévolues, sans que sa position sur ce point soit sollicitée, ces modifications lui étant imposées ; qu’à compter de ce moment, il subissait des pressions de sa hiérarchie et un stress important ;

qu’après avoir été félicité en avril pour son engagement professionnel, comme à son habitude, il s’est, après s’être vu retirer une partie de ses fonctions, vu refuser l’accès libre à la société ; qu’il a alerté sur sa situation et sollicité un rendez-vous avec la direction, en vain ; qu’il avait contracté un zona en raison de l’état de stress qu’il avait développé, et qu’en septembre 2016 son médecin n’a eu d’autre choix que de le placer en arrêt de travail, pour préserver sa santé et sa sécurité.

La société réplique que suite au changement de direction, M. [K] a dû cesser ses agissements frauduleux et tenter de les dissimuler, alors qu’il avait pu jusqu’alors les exercer en toute impunité, tentant alors de renverser la situation afin de faire croire à une prétendue dégradation de ses conditions de travail ; que son arrêt de travail coïncidant avec la mise à pied et la convocation à l’entretien préalable est étrange et que la Cpam n’a pas reconnu son caractère professionnel ; que le salarié n’a d’ailleurs jamais saisi l’entreprise ou l’inspection du travail pour des faits de harcèlement, mal-être ou mise en danger de sa santé et de sa sécurité.

***

En application de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard des salariés dont il doit assurer l’effectivité, y compris par des mesures de prévention, et il lui appartient de rapporter la preuve qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Les conclusions de la société confirment, ce qui ressort d’ailleurs d’un mail de Mme [N] à M. [K] du 20 juin 2016, que Mme [P] a été embauchée ‘pour prendre la direction du service administratif et comptable’ et il n’est pas contesté que M. [E], qui était commercial dans l’entreprise, a été nommé directeur des ventes. La société ne justifie pas du niveau d’information donné à M. [K] relativement à cette réorganisation ni d’un organigramme clarifiant les niveaux de responsabilité et de hiérarchie.

M. [K] a alerté par mail du 9 juin 2016 la direction sur son malaise, son sentiment d’humiliation, a précisé avoir entendu dire que le directeur délégué M. [B] avait demandé à M. [E] d’accepter de le remplacer ; la compagne de M. [K] a écrit également le même jour pour faire part de sa grande inquiétude devant la dégradation de l’état psychologique de ce dernier ; le 1 er juillet, celui-ci a alerté à nouveau Mme [N], en faisant mention d’une situation presque conflictuelle où certaines insistances de sa part le perturbent au plus haut point, en précisant que n’étant pas comptable il ne pouvait pas faire ce qu’il ne sait pas faire, qu’il avait refusé un arrêt de travail que son médecin jugeait indispensable, et il demandait une réponse précise sur l’organisation de délégués du personnel ; par mail du 4 juillet 2016, il a exprimé sa surprise de n’avoir pas pu rentrer dans les locaux pour travailler comme il le fait généralement le samedi, l’accès en étant bloqué, et a demandé un rendez-vous à son retour de congés, en étant accompagné d’une tierce personne.

M. [K] établit, tant par l’attestation de sa compagne, pharmacienne, que par les éléments médicaux qu’il produit, de la réalité d’un état psychologique dégradé, dont il a fait part de manière claire à l’employeur, en la personne de Mme [N]. La société CCC, qui ne justifie d’aucune réponse ni d’aucun rendez-vous accordé au salarié ni de mesures visant à prendre en compte les alertes susvisées, a commis de ce faisant un manquement à son obligation de préserver la santé et la sécurité de M. [K] justifiant sa condamnation, au vu du préjudice dont justifie ce dernier, à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts sur ce fondement, par voie d’infirmation du jugement.

Sur la contestation du licenciement

Pour écarter la prescription, le conseil des prud’hommes a retenu que l’employeur avait eu connaissance des faits fautifs seulement à compter du 25 juillet 2016 et pour juger fondé le licenciement pour faute grave de M. [K] il a considéré, en visant les pièces produites aux débats par l’employeur ainsi qu’une attestation de la compagne du salarié mentionnant qu’il recevait beaucoup de spams à caractère pornographique et qu’ils avaient essayé à plusieurs reprises, en vain, de le désabonner :

-que M. [K] a fait preuve d’un management agressif, humiliant et psychologiquement déstabilisant à l’encontre du personnel qui était placé sous son autorité hiérarchique,

-qu’il a fait preuve d’une très grande légèreté quant à la supervision de la comptabilité de l’entreprise dont il n’était pas en charge opérationnellement, mais dont il avait la responsabilité compte tenu de sa fonction de direction, comptabilité dont il est démontré, de surcroît, qu’il intervenait pour faire modifier des écritures comptables de manière suspecte,

-qu’il est démontré qu’il utilisait une adresse de l’entreprise pour se connecter sur des sites de rencontres et qu’il a entrepris, lui-même, les démarches pour se désabonner.

Sur la prescription

M. [K] fait valoir que Mme [P] a notifié la rupture de sa période d’essai par courrier du 23 juin 2016 et que par un mail du 22 juin l’employeur lui a reproché un comportement ‘parfaitement intolérable’à l’égard de celle-ci, l’appelant en concluant que ces faits étaient prescrits et déjà sanctionnés lorsque l’employeur a engagé la procédure disciplinaire le 8 septembre 2016, de même que sont prescrits certains faits reprochés datés de 2010, ou non datés, l’employeur n’ayant ainsi pas respecté le délai légal d’engagement des poursuites.

Cependant, c’est à bon droit que la société intimée rappelle que le délai de prescription de 2 mois prévu par l’article L1332-4 du code du travail pour l’engagement des sanctions disciplinaires ne court qu’à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits, étant précisé qu’il s’agit d’une connaissance de ceux-ci dans leur exacte ampleur, et qu’il peut faire état de faits antérieurs en cas de poursuite de faits de même nature.

Elle établit que c’est sur la base d’un audit comptable qui lui a été remis le 7 septembre 2016 qu’elle s’est fondée pour reprocher à M. [K] les faits relatifs à la facturation, de mails datant du mois de septembre 2016 notamment, pour lui reprocher l’utilisation inappropriée de la messagerie professionnelle, d’une mise en garde non du 22 juin mais du 20 juin 2016 relative au comportement à l’égard de Mme [P] et d’auditions du 14 septembre 2016 pour lui reprocher son comportement à l’égard d’autres salariés.

Le jugement entrepris qui n’a pas statué sur ce point doit être complété et la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par M. [K] doit être rejetée.

Sur les griefs

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

‘Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements consécutifs d’une faute grave.

Tout d’abord, plusieurs salariés de la Societé se sont plaints de votre comportement professionnel.

Madame [P], embauchée en qualité de responsable comptable le 13 juin 2016, nous a alertés sur votre comportement à son égard. Le 23 juin dernier, elle a demissionné de ses fonctions en nous indiquant que ‘la pression psychologique’que vous lui infliigiez était insoutenable.

Compte tenu de votre ancienneté et de votre poste, nous avons alors envisagé qu’il s’agissait uniquement de difficulté de répartition des tâches et que chacun devait trouver sa place au sein de la société.

Pour autant, le 25 juillet demier, Madame [R] [G] s’est également plainte de votre comportement à son égard, évoquant des agressions verbales à son encontre : ‘ je subis quotidiennement des réflexions visant à me rabaisser et à m’humilier’. Puis, en septembre, elle nous a parlé ‘d’un mutisme complet’à son retour d’arrêt maladie.

Le 8 septembre 2016, Monsieur [X] [W] nous a écrit pour nous exposer la souffrance qu’il ressentait au travail en raison de votre comportement, nous indiquant qu’i1 ne supportait plus ‘ la pression exercée’.

Soucieux d’assurer et de protéger la santé de l’ensemble des salariés, nous avons décidé d’entendre l’ensernble des salaries présents au sein de l’entreprise et nous avons interrogé la medecine du travail pour clarifier les informations qui nous avaient été rapportées.

Il ressort de cette enquête interne que les relations que vous entreteniez avec les salariés etaient basées sur un rapport de force et de centralisation de l’information plutôt que sur la considération et l’empathie.

lls ont également confirmé que votre mode de management était cassant et particulièrement stressant surtout à l’égard de certains salariés.

Il est également apparu que vous avez tenté de dissimuler le mal-être de ces salariés en vous abstenant de nous comrnuniquer les courriers que vous avait adressés la médecine du travail ou encore en faisant pression sur les salariés pour obtenir des attestations en votre faveur dans le dossier de Madame [T].

Ce comportement professionnel, susceptible de revêtir la qualification de harcelement moral, est en tout état de cause inadmissible car créateur de souffrance et de stress pour les salariés.

Les salariés nous ont également alertés sur certaines pratiques que vous adoptiez et qu’ils qualifiaient de douteuses.

En qualite de Directeur, vous avez la responsabilité d’assurer pour le compte de la société une comptabilité fiable, irréprochable et en conformité avec la réglementation en vigueur.

Pour autant, nous avons ainsi découvert que vous aviez falsifié des données comptables afin soit de camoufler vos défaillances soit de conserver une opacité complète à notre egard.

Ainsi, nous avons constaté :

– que vous aviez supprimé des bons de commande qui ont été établis pour des commandes livrées mais non facturées,

-que vous avez volontairement surévalué le stock de la société afin de camoufler du materiel invendable ou l’absence de rotation dudit stock,

-que récemment, le 12 septembre 2016, vous avez effacé l’historique de votre boite mail professionnelle comprenant notamment l’ensemble des mails commerciaux adressés aux fournisseurs et aux clients,

-qu’il existait au sein de la sociéte des contrats de BFA alors que vous nous aviez assuré qu’aucun contrat de ce type n’avait été signé au sein de la société.

Lors de nos recherches, nous avons également constaté des pratiques frauduleuses :

– Dans le dossier [C] [F], une facture a été établie au nom du client, Monsieur [S] [J] et un avoir a été fait au nom de Monsieur [C] [F], alors salarié au sein de la société. I1 s’agit d’une dissimulation de rémunération,

– Dans 1e dossier [D] [I], il s’agit d’un apporteur d’affaires, c’est-à-dire une personne qui nous amène un client. Une facture et un avoir ont été établis au nom du client mais le chèque pour rembourser l’avoir est au nom de Monsieur [I].

Nous avons également découvert une absence de justificatif comptable qui porte à douter de l’utilisation des biens de la société et qui en toute hypothèse ne correspond pas aux normes en vigueur :

– Vous n’avez pas pu nous apporter de justificatifs sur le poste actions commerciales. Nous avons, en effet, été alertés par le montant important des postes ‘actions commerciales’ et ‘ dons’qui representent une somme de 36.561 euros sur le dernier exercice soit 0,55% du chiffre d’affaires HT.

Nonobstant le fait que ces sommes sont extrêmement importantes au regard de la rentabilité de la société, leur utilisation n’est pas traçable (contrairement aux règles applicables en cas de contrôle).

Ainsi, nous ne pouvons verifier qui a benéficié de 1’achat de deux montres fitness, d’un robot Rumba payé par l’entreprise avec une facture à votre nom et livré à votre domicile, de box week-ends en relais chateau, des bouteilles de vins, des chèques Cadhoc (qui n’ont été distribués qu’en partie au personnel)

– Nous n’avons également aucune traçabilité sur une flotte de portables achetés par la societé mais qui n’ont pas été distribués aux salariés

– Vous avez une gestion complètement opaque de vos frais professionnels. Les frais kilométriques ne sont pas détaillés, les notes de restauration (pour certaines le soir ou 1e week- end) ne comportent pas le nom des clients ou foumisseurs invités

– Les absences dc votre soeur ne sont pas toujours décomptées sur ses bulletins de salaire. Ainsi, elle a été absente pendant environ un mois pour s’occuper de son neveu malade sans qu’aucune absence n’apparaisse ou encore une semaine d’absence en debut 2016 non comptabilisée.

Enfin, vous avez utilisé la messagerie professionnelle pour vous inscrire sur des sites érotiques ‘ planQ’, ‘ ton planQ’, ‘ Be2″ou encore’Cafe du net ‘sans aucun lien avec l’exercice de vos fonctions. Nous ne pouvons tolérer que vous consultiez des sites de rencontres sur votre temps de travail.

Lors de 1’entretien préalable en date du 14 octobre 2016, vous n’avez apporté aucune explication satisfaisante à votre comportement vous contentant de réponses approximatives ou en indiquant que vous auriez tous les justificatifs (que nous vous avons reclamé à plusieurs reprises)à votre domicile !

Une telle réponse, loin de nous satisfaire, démontre votre volonté de dissimulation. Nous vous demandons de nous restituer l’ensemble des documents appartenant à l’entreprise que vous avez sans autorisation apportés chez vous.

Un tel comportement tant à l’égard des salariés que votre comportement de dissimulation et d’opacité à notre égard est intolérable compte tenu notamment des fonctions que vous exercez au sein de la société.

Ces faits inacceptables rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail.

Nous vous informons que nous avons en consequence décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Le licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.

En outre, la mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée ne vous sera pas davantage remunérée.’

M. [K] soutient que les premiers juges ont considéré à tort que les faits rapportés par la société seraient justifiés par les pièces qu’elle verse aux débats, dès lors que parmi celles-ci figurent pourtant de nombreuses attestations de salariés établies pour les besoins de la cause, et qu’ils ont fait totalement abstraction des pièces que lui-même communique, contredisant en tous points l’ensemble des griefs reprochés. Il soutient que ceux-ci ont été constitués de toutes pièces dans la seule optique, car il n’avait pas grâce aux yeux de la nouvelle direction de l’entreprise, de conduire à son départ.

Il fait valoir qu’il est singulier de constater qu’il serait subitement devenu un manager harcelant, avec des pratiques professionnelles frauduleuses depuis l’arrivée de la nouvelle direction, alors que son comportement professionnel et humain a été loué, y compris par les salariés, au cours des 13 années précédentes, et qu’on ne devient pas du jour au lendemain un salarié infréquentable ; que, sur les pratiques comptables, la société ne s’est pas arrêtée à son licenciement mais a été jusqu’à déposer une plainte au pénal, classée sans suite après une enquête approfondie de la division économique et financière de la Police Nationale ; que, sur l’usage des nouvelles technologies, la société ne produit que des spams, ne justifie pas qu’il consultait de tels sites sur son lieu et durant son temps de travail par le biais de son ordinateur professionnel, pas plus qu’elle ne démontre avoir consulté sa boîte électronique en préservant le principe du secret des correspondances, par application de l’article 226-15 du code pénal.

La société CCC réplique qu’après réception des courriers de Mme [G] et M. [W], salariés se plaignant du comportement de M. [K], elle a diligenté une enquête auprès de l’ensemble du personnel et que ces entretiens ont mis en évidence le comportement inapproprié de l’appelant, qui entretenait des relations basées sur un rapport de force et de centralisation de l’infomation et qui, s’il tente de le nier en produisant des attestations de salariés de la CCE datant de 2015 et louant son comportement prétendument exemplaire, n’hésitait cependant pas à jouer de son pouvoir pour faire pression comme en atteste Mme [G] qui précise que c’est sous la contrainte qu’elle avait rédigé une attestation antérieure ; que, si la volonté de la société CCC avait réellement été d’embaucher Mme [P] afin de lui nuire, elle ne lui aurait pas laissé le soin de s’occuper de son recrutement et qu’il n’apporte aucun élément qui puisse contredire l’ensemble des attestations qu’elle-même produit, son seul argument étant de prétendre que toutes les attestations seraient mensongères; que lors des entretiens avec les salariés, ces derniers ont dévoilé des pratiques douteuses mise en place par M. [K] et en partie découvertes lors de l’audit comptable réalisé les 1 er et 2 septembre 2016 dont les conclusions ont été transmises le 7 septembre 2016, notamment qu’il a demandé à certains salariés de supprimer des bons de commande pour camoufler l’existence de commandes livrées par la société mais non facturées, qu’il a camouflé par un stock anormalement élevé puis par l’effacement de données mail et factures, l’établissement de factures au nom d’un client et d’avoirs au nom d’une autre personne, en l’occurrence salarié de la société, alors que son rôle en tant que directeur, qui avait la plus grande autonomie et latitude dans la gestion de l’entreprise, était de superviser la conformité des opérations réalisées ; que Mme [N] a dû le relancer plusieurs fois pour obtenir les informations financières à destination du conseil d’administration ; que le poste actions commerciales et dons était très important et sans traçabilité; que M. [K] ne justifiait pas de ses frais professionnels ; enfin, qu’il a utilisé la messagerie professionnelle pour s’inscrire sur des sites érotiques sans pouvoir valablement prétendre qu’il s’agit seulement de spams puisque les mails indiquent clairement qu’il avait un profil sur lesdits sites.

***

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Sur le grief de comportement inadapté à l’égard des salariés

Au soutien de ce grief, l’employeur :

-ne justifie pas que le courrier au médecin du travail en date du 9 septembre 2016 visé dans la lettre de licenciement et produit aux débats ait été effectivement adressé à la médecine du travail(la pièce 64 ne permet pas de vérifier que le mail du 15 septembre et l’envoi d’un fax le 12 septembre concernent ce courrier, qui n’est pas joint), pas plus qu’il n’étaye son allégation selon laquelle M. [K] aurait caché des courriers du médecin du travail ;

-produit des attestations de salariés de l’entreprise, qui ont été convoqués le 9 septembre 2016 pour être entendus par la direction (Mme [N] présidente et M. [B] ) le 14 septembre suivant, étant précisé qu’aux 12 convocations ne correspondent que 11 attestations ; en effet M. [U], l’un des 11 salariés convoqués, soit n’a pas été entendu, soit n’a pas délivré d’attestation, soit en a rédigé une qui n’est pas produite par l’employeur. Il a délivré par contre une attestation à M. [K].

Sur les 11 attestations produites, celles de 6 salariés ne font pas état d’un comportement professionnel critiquable de M. [K], notamment pas de pressions exercées sur les salariés ; l’un d’entre eux évoque une dégradation de l’ambiance depuis l’embauche de [A] [Y] (dont le patronyme n’est pas précisé mais qui ne figure pas au nombre des salariés présents et entendus) conduisant à des scènes, sans préciser toutefois qui faisait des scènes et dégradait la situation, de sorte que ce propos ne peut être interprété comme une situation imputable à M. [K] ; un autre fait état de simples tensions, entre M. [K] et certains salariés (M. [F], M. [W]), sur lesquelles il ne prend pas parti, n’incriminant donc pas non plus M. [K].

Seuls trois salariés évoquent des problèmes personnels avec M. [K] : M. [E], M. [W] et Mme [G], auxquels il convient d’ajouter Mme [P], qui avait justifié sa démission par les ‘pressions’ de M. [K] exercées sur elle.

M. [W] ajoute à l’exposé de ses doléances personnelles qu’il a vu M. [K] ‘s’en prendre à [R] ([G]) notamment en juillet 2016 avant qu’elle ne se mettre en arrêt de travail’ et deux salariées, Mme [Z] et Mme [L], qui n’exposent pas de difficulté dans leur relation avec M. [K], critiquent le comportement de celui-ci à l’égard de Mme [P] et de Mme [G].

Mme [Z] précise que M. [K] a toujours été correct avec elle, mais que depuis 3 mois il avait changé de comportement, était fermé et désagréable, ‘incorrect’ avec Mme [P] et qu’il a eu des ‘altercations’ avec d’autres collègues, notamment Mme [G]. Mme [L], qui précise qu’il a eu une attitude ‘déplorable’à l’égard de Mme [P], indique qu’elle ‘se demandait’s’il ne considérait pas Mme [G] comme une ‘moins que rien’.

Ces trois attestations sont vagues et ne relatent aucune situation circonstanciée et précise dont leurs auteurs auraient été témoins et n’apportent donc pas d’élément au-delà de ce que Mme [G], et également Mme [P], ont pu rapporter elles-mêmes de leur situation.

S’agissant de Mme [P], il résulte des termes du courrier de ‘rappel à l’ordre’ du 20 juin 2016 de l’employeur qu’il était reproché à M. [K] de n’avoir pas été présent lors de la prise de service de la salariée, de ne pas lui adresser la parole et de ne pas lui donner les moyens matériels de faire face à sa mission. Postérieurement à ce rappel à l’ordre, Mme [P] a évoqué les ‘pressions psychologiques’ de M.[K] pour justifier sa démission, mais sans apporter aucun élément supplémentaire, ou faire état d’un évènement postérieur au 20 juin 2016, de sorte qu’il n’est caractérisé en définitive rien d’autre que, comme avait pu l’analyser l’employeur dans la lettre de licenciement, une difficulté de répartition des tâches, auquel il convient d’ajouter une difficulté sur le positionnement hiérarchique, ce qui est confirmé par la pièce 32 de l’appelant et les pièces et 37 et 38 de l’intimée.

Il en est de même de la situation relationnelle avec M. [E], qui précise dans son attestation que ses relations avec M. [K] se sont dégradées depuis qu’il était nommé directeur des ventes, sans apporter de précisions sur la manière dont se traduisait cette dégradation, si ce n’est préciser que M. [K] contrôlait toutes les commandes qu’il validait. M. [O], principal fournisseur de la société alors à la retraite, a indiqué aux enquêteurs avoir reçu un appel téléphonique de M. [E], aux fins qu’il atteste contre M. [K] en indiquant que celui-ci lui avait remis de l’argent en espèces. M. [O] a précisé avoir raccroché et n’avoir plus été contacté à ce sujet.

Compte tenu de l’évolution du contexte relationnel avec l’employeur décrit ci dessus, conduisant à l’engagement de la responsabilité de celui-ci pour manquement à l’obligation de sécurité, les tensions relationnelles avec Mme [P] et M. [E] ne peuvent constituer un grief suffisamment sérieux pour justifier le licenciement de M. [K], au vu notamment de son ancienneté importante, sans passif disciplinaire.

Ne restent donc que les attestations :

-de M. [W], qui fait état de problèmes depuis un an, soit depuis une affaire commerciale perdue dont il impute la responsabilité à M. [K], à qui il reproche par ailleurs un retard de paiement de prime, des paroles irrespectueuses, des pertes d’autres clients et des reproches de celui-ci injustifiés à son égard,

-de Mme [G], qui fait état de harcèlement moral, en indiquant que M. [K] la rabaissait, la traitait comme une moins que rien, qu’elle avait déjà dû être placée en arrêt maladie en 2010 pour harcèlement moral subi de son fait et a dû l’être à nouveau en 2016, que M. [K] l’a forcée à faire une attestation contre une salariée.

Cependant, il ya lieu d’observer d’une part que M. [W] a été sanctionné le 10 août 2016 pour des insultes à l’encontre de M. [K] et qu’il n’a alors pas fait état des griefs exposés seulement en septembre suivant, dont l’exactitude n’est pas vérifiable, n’étant appuyée d’aucune pièce produite par l’employeur, d’autre part qu’il existe un décalage entre la manière dont il relate les vicissitudes relatives à son véhicule de société et les échanges de mails à ce sujet entre lui et M. [K] produits par ce dernier (sa pièce 19).

S’agissant de Mme [G], l’attestation délivrée à l’employeur le 14 septembre 2016 est en contradiction totale avec une attestation antérieure qu’elle avait délivrée en faveur de M. [K], dans le cadre d’une affaire concernant une ex salariée (Mme [T]). Le brouillon produit avec quelques corrections de forme de M. [K] ne permet pas de retenir qu’il s’agissait alors d’une attestation délivrée sous la contrainte. De nombreux salariés avaient attesté dans le même sens, dont plusieurs figurent parmi les salariés entendus le 14 septembre 2016 et qui n’ont pas changé de position.

Si un retournement du comportement de M.[K] pourrait être de nature à expliquer une telle contradiction, l’affirmation de Mme [G] dans son audition de septembre 2016 selon laquelle elle aurait été placée en arrêt maladie en 2010 à cause d’un harcèlement moral subi de la part de M. [K] n’est pas compatible avec la teneur des échanges entretenus avec ce dernier depuis plusieurs années et jusqu’en 2016, tels qu’ils résultent tant de la pièce 8 de l’appelant que de l’attestation de la compagne de celui-ci.

Ces contradictions entâchent la crédibilité des affirmations de Mme [G] et de M. [W], sur lesquelles l’employeur fonde le premier grief, qui doit donc être écarté.

Sur le grief de pratiques frauduleuses et utilisation abusive des biens de l’entreprise

L’employeur avait demandé un audit au cabinet d’expertise comptable et déposé plainte devant le Procureur de la République de [Localité 4] contre M. [K], pour des faits qu’il qualifiait de ‘vol’. Les faits ont été qualifiés, au vu des éléments de la plainte, ‘d’abus de confiance ‘et ont fait l’objet d’une enquête par un service spécialisé en matière économique, dont M. [K] produit le procès-verbal de synthèse, duquel il résulte que l’enquête n’a pas permis de mettre en évidence d’éléments constitutifs d’infractions pénales, l’enquêteur précisant qu’il semble que les faits initialement dénoncés correspondent davantage à des pratiques commerciales mises en place depuis des années qui accordent des avantages en fonction des volumes de commandes, sous la forme de fourniture de matériel gratuit ; qu’aucun élément ne permet d’affirmer que ces pratiques ont engendré un préjudice pour la société CCC ni qu’elles ont permis à l’ancien directeur (M. [K]) d’en tirer un bénéfice personnel.

Quant aux conclusions de l’audit comptable, si elles relèvent un stock excessif, un suivi insuffisant des créances clients douteuses, des actions commerciales et des dons correspondant certes à une pratique courante mais disproportionnés par rapport à la rentabilité de la société, des frais de déplacement de M. [K] qui ne sont pas suffisamment détaillés, elles ne mettent pas en évidence non plus de pratiques frauduleuses, ce qu’a confirmé l’expert comptable entendu dans le cadre de l’enquête ; il a en effet seulement précisé avoir alerté le conseil d’adminsitration sur les insuffisances de contrôle interne relatives à l’absence de bouclage de flux et la très grande latitude laissée à M. [K] dans la gestion de l’entreprise, l’absence de suivi manuel et informatisé permettant d’avoir un bouclage entre les stocks initiaux, les achats aux fournisseurs, les sorties pour ventes et le stock final. Il précisait également que bien qu’aucun élément matériel susceptible de qualification pénale n’ait pu être relevé, il avait émis des recommandations sur le problème de séparation des tâches lié au recrutement de la soeur de M. [K] à un poste important pour la traçabilité des opérations comptables.

Les faits relevés pourraient donc tout au plus constituer une éventuelle insuffisance professionnelle, sous réserve qu’il ne s’agisse pas d’une poursuite de pratiques antérieures à 2013 correspondant aux orientations de l’ancienne direction, mais ce n’est pas ce qui est reproché à M. [K] dans la lettre de rupture, laquelle vise une ‘falsification’ des données comptables pour camoufler des défaillances, et des pratiques frauduleuses.

Or, les faits que vise la lettre sont ceux qui ont déjà été examinés par le service d’enquête et l’expert comptable, qui n’ont mis en évidence aucune malversation. L’employeur n’apporte pas davantage d’éléments dans le cadre de la procédure prud’homale permettant de vérifier la matérialité des faits et l’imputabilité de chacun d’eux à M. [K].

Il disposait déjà de l’audit comptable lorsqu’il a entendu les salariés et les convocations révèlent que des questions étaient posées à ceux-ci, ce qui n’apparait pas dans les auditions, rédigées sous forme d’attestations et non de procès-verbal d’audition mentionnant les questions posées. Il n’est donc pas établi que les salariés aient alerté sur des pratiques douteuses, sur lesquelles ils ont au contraire tout aussi bien pu être plutôt interrogés, notamment sur les suppressions de commandes.

M. [K] a eu l’occasion, durant l’enquête pénale, de s’expliquer notamment sur les lignes de commandes effacées, dont il a précisé qu’elles étaient liées aux dysfonctionnements et particularités du système Dos ayant nécessité une mise à jour en vue du changement de logiciel de comptabilité, ce qui a été confirmé par l’informaticien de la société. Il produit également un courrier signé du comité d’entreprise de la société BST, attestant avoir reçu un aspirateur ménager ‘robot’ et 2 montres connectées(montres fitness et robot rumba visés dans la lettre), ce qui contredit l’affirmation selon laquelle ces matériels auraient bénéficié au salarié.

L’employeur par contre, sur qui repose la charge de la preuve, ne rapporte pas la preuve des faits invoqués au soutien du second grief, qui doit donc être également écarté.

Sur l’usage inapproprié de la messagerie professionnelle

Comme le relève M. [K], la société ne produit que des messages reçus, dont certains étaient classés en ‘spam’. Et si sa compagne, à qui il s’était ouvert sur la présence de ce type de messages à caractère pornographique sur sa messagerie professionnelle, a dit qu’ils avaient essayé de le désabonner, elle a précisé aussi qu’il était très gêné, que cela ne lui correspondait pas, et elle émet des doutes sur une mauvaise plaisanterie dont il aurait pu être l’objet, les codes de messagerie n’étant pas confidentiels. De fait, il ne peut techniquement être exclu que les profils aient été créés par un tiers sous son identité.

Le grief doit par conséquent être également écarté.

Aucun des griefs visés dans la lettre n’étant établi par l’employeur, le licenciement de M. [K] doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, en infirmation du jugement.

Il convient en conséquence de condamner la société CC à payer à M. [K]:

-le rappel de salaire pour la période de mise à pied, d’un montant de 5752,39 euros bruts, outre 575,24 euros de congés payés afférents,

-l’indemnité compensatrice de préavis d’une durée de 3 mois (article 35 de l CCN applicable)pour un montant de 18 671,19 euros bruts, outre 1867,12 euros bruts de congés payés afférents,

-l’indemnité conventionnelle de licenciement, d’un montant de 28 006,78 euros nets.

En application de l’article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, M. [K] peut prétendre à une indemnité ne pouvant être inférieure à 6 mois de salaires.

En considération de son ancienneté de 13 ans, de son âge (né en 1961) au moment du licenciement, de la perte d’un salaire mensuel moyen brut de 6223,73 euros et des éléments que, ayant créé une entreprise après son licenciement,il produit pour justifier du préjudice que la rupture lui a occasionnée, il convient de condamner la société CCC à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’article L1235-4 du code du travail étant applicable, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par la société CCC des indmnités versées au salarié par Pôle emploi, dans la proportion de 3 mois.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé sur ces chefs.

Il n’est inéquitable de laisser à M. [K] ses frais irrépétibles de première instance et d’appel, qui seront mis à hauteur de 2000 euros à la charge de la société intimée, laquelle, succombant principalement, sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement et condamnée aux dépens d’appel.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par M. [V] [K],

Condamne la SA Compagnie de Chauffage Climatisation et Cryo à payer à M. [V] [K] les sommes de:

– 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité,

– 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 752,39 euros bruts au titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied, outre 575,24 euros de congés payés afférents,

-18 671,19 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 1867,12 euros bruts de congés payés afférents,

– 28 006,78 euros netsau titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par la SA Compagnie de Chauffage Climatisation et Cryo des indemnités versées par Pôle Emploi à M. [V] [K] dans la proportion de 3 mois,

Déboute M. [V] [K] du surplus de ses demandes,

Déboute la SA Compagnie de Chauffage Climatisation et Cryo de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SA Compagnie de Chauffage Climatisation et Cryo aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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