Fichier « perso » au bureau : la confidentialité n’est pas toujours acquise

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Fichier « perso » au bureau : la confidentialité n’est pas toujours acquise
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Le seul intitulé ‘perso’ d’un sous fichier, placé sur un fichier commun au milieu de fichiers clients, ne permet pas de l’identifier comme se rapportant à un fichier personnel.


Licenciement pour faute grave

Un salarié s’est vu notifier un licenciement pour faute grave, l’employeur lui reprochant des photographies à caractère pornographique le concernant sur le serveur commun de l’agence.

La juridiction a considéré que la production aux débats de l’arborescence des fichiers et des fichiers photos en cause établissent que le salarié a stocké, puis placé sur un fichier commun, accessible à des salariés placés sous son autorité de chef d’agence, peu important qu’il l’ait fait par erreur ou non, des photographies pornographiques ; le seul intitulé ‘perso’ d’un sous fichier, placé sur un fichier commun au milieu de fichiers clients, ne permettait pas de l’identifier comme se rapportant à un fichier personnel au salarié et c’est ainsi qu’il a été ouvert par l’assistante de l’agence, qui, embarrassée, en a référé au chef d’atelier, choquée, ainsi qu’elle en atteste, par sa découverte.

Photographies privées à caractère sexuel 

Si, certes, il ressort des photographies montrant le salarié ayant des relations sexuelles, ou dans des mises en scène sexuelles, avec des jeunes femmes, qu’elles ont été prises dans divers endroits publics, ainsi que dans un domicile privé et un véhicule sur un parking, qui ne sont donc pas son bureau, certaines autres démontrent par contre qu’il s’est photographié, ou a été photographié, en gros plan, le sexe à la main, sorti de son pantalon, en érection, dans un bureau (pièce), assis à un bureau (meuble)situé dans une entreprise, dont l’employeur précise qu’il s’agit de son bureau au sein de l’agence, précision que le salarié ne dément pas expressément, ainsi qu’il ressort de l’analyse de son raisonnement, pas plus qu’il ne s’emploie, a fortiori et par conséquent, à démontrer l’inexactitude de cette localisation.

Mise à disposition publique par omission  

Ayant mis lui-même sur un fichier commun accessible à ses collègues de telles photographies, c’est à juste titre que l’employeur fait valoir que, si ces faits relèvent a priori de la vie privée du salarié, ils en sont sortis dès lors que, du fait de leur divulgation par lui-même au sein de l’agence, ils ont été découverts par d’autres salariés, peu important que cela ait pu résulter, le cas échéant, d’une manipulation maladroite de sa part.

De tels faits, imputables à un salarié ayant la responsabilité d’une agence, revêtent un caractère fautif et ses propres explications, selon lesquelles, à la suite de la découverte de ses photos, les autres salariés se gaussaient à la pause déjeuner, démontrent qu’il avait perdu toute autorité et sa crédibilité hiérarchique à l’égard de ses subordonnés, sans compter la situation de malaise dans laquelle de tels faits les ont nécessairement placés. 

Violation de la charte informatique

Le salarié a en outre, par ces agissements, enfreint la charte informatique qu’il a signée et avait la charge de faire respecter par les collaborateurs placés sous son autorité, puisqu’en effet, comme le rappelle l’employeur, qui la produit aux débats, il est loisible de constater qu’elle prohibe certains comportements correspondant à ceux reprochés ; notamment le stockage de produits volumineux, comme des photographies, sans rapport avec l’activité de l’entreprise, de tels fichiers encombrant les services et nuisant au fonctionnement des services réseaux ; qu’il y est rappelé qu’il pourra être procédé à des contrôles épisodiques destinés à prévenir les situations suivantes (notamment) ‘usage abusif à des fins privées’, la charte précisant par ailleurs que l’usage à titre privé est toléré à certaines conditions et que l’usage raisonnable répond à des préoccupations personnelles d’ordre pratique, n’interférant pas avec les activités professionnelles.

Dans ces conditions, le maintien du salarié dans l’entreprise n’était plus possible, même pendant la période du préavis, et ce grief justifie à lui seul le licenciement pour faute grave notifié, nonobstant son ancienneté et ses qualités professionnelles, même s’il est vrai que, s’agissant du reproche de passer trop de temps à son bureau, et pas assez à l’animation et au management, ce grief doit être écarté, l’employeur ne produisant aucun écrit relatif au rappel à l’ordre évoqué dans la lettre.


 

7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°369/2022

N° RG 19/04683 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-P5ZC

M. [O] [V]

C/

SA FRAIKIN FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Hélène RAPITEAU, lors des débats et Madame Françoise DELAUNAY lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Mai 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats tenant seuls l’audience en la formation double rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame RICHEFOU, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Juin 2022 par mise à disposition au greffe

****

APPELANT :

Monsieur [O] [V]

né le 17 Février 1969 à NANTES (44000)

9 rue des Chênes Verts

30700 SAINT MAXIMIN

Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par la SELARL Yannick ENAULT, Christian HENRY Grégoire LECLERC, Plaidant, avocats associés au barreau de ROUEN

INTIMÉE :

SA FRAIKIN FRANCE FRAIKIN FRANCE

9-11 Rue du Débarcadère

92700 COLOMBES

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Cédric GUILLON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

M. [O] [V] a été engagé par la SA FRAIKIN FRANCE selon un contrat à durée indéterminée en date du 02 décembre 1991. Il exerçait les fonctions d’attaché commercial au sein de l’établissement de Saint Herblain.

Par avenant en date du 1er octobre 2007, le salarié a été promu au poste de responsable des agences de Saint Herblain et La Roche Yon avec statut cadre, il bénéficiait d’une voiture de fonction et percevait une rémunération mensuelle brute de 4 050 euros.

Le 1er avril 2008, M. [V] a bénéficié d’une nouvelle augmentation, en considération de ses performances.

Par courrier recommandé en date du 09 octobre 2013, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 21 octobre suivant et a reçu notification d’une mise à pied à titre conservatoire.

Puis le 25 octobre 2013, le salarié s’est vu notifier un licenciement pour faute grave, l’employeur lui reprochant des photographies à caractère pornographique le concernant sur le serveur commun de l’agence.

***

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes le 23 mai 2014. Le dossier a fait l’objet de plusieurs radiations (le 01 juin 2015, le 19 septembre 2016, le 04 septembre 2017, le 04 juin 2018), et a été rétabli au rôle le 06 septembre 2018.

Monsieur [V] a formé à l’audience les demandes suivantes :

– Dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 25 octobre 2013 et par voie de conséquence, le dire infondé ;

– Réparer le préjudice subi à raison de ce licenciement infondé, et par conséquence condamner la société FRAIKIN aux sommes de :

– 200.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Indemnités compensatrices de congés payés : mémoire

– Congés payés afférents : mémoire

– Indemnités de licenciement : mémoire

– Article par application de l’article 700 du code de procédure civile : 3.000 € outre les entiers dépens.

La SA FRAIKIN FRANCE a demandé au conseil de prud’hommes de :

– Article 700 du code de procédure civile : 3.000 €

Par jugement en date du 17 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Rennes a :

– Déclaré valide le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur [V] pour faute grave

– Débouté Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Condamné Monsieur [V] à payer à la société FRAIKIN la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de Procédure Civile – Mis les entiers dépens à la charge de Monsieur [V] y compris les frais éventuels d’exécution.

***

M. [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 11 juillet 2019.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 06 septembre 2021, M. [V] demande à la cour de :

– Déclarer recevable et bien fondé Monsieur [O] [V] en son appel du jugement rendu le 17 juin 2019 par le Conseil de Prud’hommes de Rennes et en l’ensemble de ses demandes, et y faisant droit

– Déclarer la société FRAIKIN France irrecevable et subsidiairement infondée en son appel incident, l’en débouter

– Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu’il a :

– Déclaré valide le licenciement prononcé à l’encontre de M. [V] pour faute grave,

– Débouté M. [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Condamné M. [V] à payer à la société FRAIKIN la somme de 500,00€ (CINQ CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Mis les entiers dépens à la charge de M. [V] y compris les frais éventuels d’exécution.

Et statuant à nouveau,

– Débouter la société FRAIKIN de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

– Dire et juger que Monsieur [V] n’a pas commis de faute grave ;

– Dire et juger que le licenciement de Monsieur [V] par la société FRAIKIN le 25 octobre 2013 est sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– Condamner la société FRAIKIN SA à payer à Monsieur [V] les sommes qui seront fixées à :

– 13.939,50 € au titre de l’indemnité de préavis majoré au taux d’intérêt légal à compter du 02 novembre 2013 ;

– 1.528,35 € au titre des congés payés afférents au préavis majoré au taux d’intérêt légal à compter du 02 novembre 2013 ;

– 1834,02 €, au titre de la retenue sur salaire effectuée dans le cadre de la mise à pied conservatoire majoré au taux d’intérêt légal à compter du 02 novembre 2013 ;

– 56.871,48 €au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement majoré au taux d’intérêt légal à compter du 02 novembre 2013 ;

– 200.000 € à titre de dommages et intérêt pour licenciement abusif ;

– Ordonner sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à l’encontre de la société FRAIKIN SA, la remise de l’ensemble des documents sociaux à Monsieur [V], actant la présente décision ;

– Condamner la société FRAIKIN SA à payer à Monsieur [V] la somme de 7.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction pour ces derniers au profit de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS aux offres de droit.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 06 janvier 2020, la SA FRAIKIN FRANCE demande à la cour de :

Sur le licenciement

A titre principal

– Confirmer le jugement entrepris par le Conseil de prud’hommes de Rennes en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur [V] reposait sur une faute grave ;

– Confirmer le jugement entrepris par le Conseil de prud’hommes de Rennes en ce qu’il a dit que débouté Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire

– Dire et juger que le licenciement de Monsieur [V] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– Débouter Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre infiniment subsidiaire, si le licenciement est considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse

– Limiter le montant des dommages et intérêts aux 6 derniers mois de salaire de Monsieur [V] ;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens

– Débouter Monsieur [O] [V] de ses demandes au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens ;

– Condamner Monsieur [O] [V] au versement de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner Monsieur [O] [V] aux entiers dépens de l’instance.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 26 avril 2022

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

‘Par courrier recommande avec accusé de réception en date du 9 octobre 2013, nous vous avons convoque à un entretien préalable a licenciement qui s’est tenu le 21 octobre 20’13 et au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [B] [T].

Lors de cet entretien nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement.

Vous avez reconnu les faits qui vous sont reprochés mais avez tenté de minimiser leur importance, sans exprimer le moindre regret.

Nous sommes a present amenés à vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Embauché le 02 decembre 1991, vous exercez, depuis le 1 er octobre 2007, les fonctions de Chef d’Agence de notre établissement de St HERBLAIN.

Vous avez été rappelé à l’ordre sur la nécessité de consacrer plus de temps à l’animation et au management de vos équipes; il nous avait été en effet signalé que vous passiez énormément de temps dans votre bureau, ce qui ne vous permet pas d’accomplir ces missions pourtant inhérentes à votre statut de Chef d’Agence.

Le 1 er octobre, des collaborateurs nous ont signalé avoir découvert une quarantaine de photographies à caractère pornographique vous concernant sur le serveur commun de l’Agence, accessible à tous.

Ces photographies vous mettent en scène, et mettent également en scène des personnes de sexe féminin.

ll apparaît également que certaines de ces photographies ont été réalisées sur votre lieu de travail et pendant les heures de travail.

Ce comportement est inacceptable, nous ne pouvons tolérer que vous vous livriez, au temps et au lieu de travail, à des actes de nature sexuelle.

Le contenu particulièrement inapproprié de ces photos a par ailleurs créé un vif émoi parmi vos collaborateurs.

Vos agissements constituent également un usage inapproprié du systeme informatique professionnel mis à votre disposition par FRAIKIN France, en totale contravention avec les termes de la Charte informatique que vous avez acceptée et signée.

Nous nous retrouvons par conséquent dans une telle situation que la poursuite de votre contrat de travail est, au regard de votre comportement et des conséquences qui en résultent pour les collaborateurs de l’agence et son fonctionnement, devenue impossible.

Nous sommes ainsi contraints de vous licencier pour faute grave à compter du jour de première présentation de ce courrier par les services de la Poste, sans indemnité ni préavis.’

M. [V] soutient que le premier juge a fait une inexacte appréciation tant des circonstances de fait à l’origine du licenciement que des règles de droit applicables, en considérant, aux termes d’une motivation laconique, qu’il avait commis une faute grave, considérant qu’il ne pouvait invoquer une ‘étourderie’lors du classement des photographies litigieuses.

Il fait valoir au soutien de son appel que l’employeur ne démontre pas, par des exemples précis, circonstanciés et objectifs, les faits reprochés au titre de l’insuffisance du temps consacré au management et à l’animation de ses équipes, et ne prend pas en compte sa carrière exemplaire pendant l’exécution du contrat de travail, au cours de laquelle il n’a cessé d’impressionner sa hiérarchie par son professionnalisme et son efficacité,

-sur le deuxième grief, relatif aux photos litigieuses, que :

-aucune photographie l’impliquant et le montrant avoir une relation sexuelle aux horaires de travail n’a été diffusée sur le serveur,

-le bureau d’un employé est un lieu privé et il n’a commis aucun délit,

-il n’a jamais eu de relations sexuelles avec des tiers sur son lieu de travail,

-il n’a pas violé la charte informatique, dont l’employeur ne cite pas les dispositions applicables en vigueur, qui auraient été enfreintes,

-les photographies n’ont été accessibles qu’à l’agence, et uniquement au réseau interne de l’entreprise, à certains collaborateurs uniquement, et les clients ne pouvaient en avoir connaissance,

-il ne peut donc y avoir de répercussion en termes d’image et de réputation de l’entreprise auprès de la clientèle, quant aux collaborateurs, il n’est argué d’aucun fait précis, d’aucune remarque particulière d’un membre de l’équipe qui serait remonté du jour au lendemain à la hiérarchie, indiquant que son comportement était tel qu’il ne pouvait plus le supporter, et si cela avait été le cas un tel signalement aurait été discriminatoire,

-depuis la découverte des photographies, soit depuis un mois environ, M. [K], Mme [H] et les mécaniciens se gaussaient à regarder les photos pendant leur pause déjeuner, ces photos n’ayant donc en aucun cas perturbé Mme [H].

***

Cependant la production aux débats de l’arborescence des fichiers et des fichiers photos en cause établissent que M. [V] a stocké, puis placé sur un fichier commun, accessible à des salariés placés sous son autorité de chef d’agence, peu important qu’il l’ait fait par erreur ou non, des photographies pornographiques ; le seul intitulé ‘perso’d’un sous fichier, placé sur un fichier commun au milieu de fichiers clients, ne permettait pas de l’identifier comme se rapportant à un fichier personnel à M. [V] et c’est ainsi qu’il a été ouvert par l’assistante de l’agence, qui, embarrassée, en a référé au chef d’atelier, choquée, ainsi qu’elle en atteste, par sa découverte.

Si, certes, il ressort des photographies montrant M. [V] ayant des relations sexuelles, ou dans des mises en scène sexuelles, avec des jeunes femmes, qu’elles ont été prises dans divers endroits publics, ainsi que dans un domicile privé et un véhicule sur un parking, qui ne sont donc pas son bureau, certaines autres démontrent par contre qu’il s’est photographié, ou a été photographié, en gros plan, le sexe à la main, sorti de son pantalon, en érection, dans un bureau (pièce), assis à un bureau (meuble)situé dans une entreprise, dont l’employeur précise qu’il s’agit de son bureau au sein de l’agence, précision que le salarié ne dément pas expressément, ainsi qu’il ressort de l’analyse de son raisonnement, pas plus qu’il ne s’emploie, a fortiori et par conséquent, à démontrer l’inexactitude de cette localisation.

Ayant mis lui-même sur un fichier commun accessible à ses collègues de telles photographies, c’est à juste titre que l’employeur fait valoir que, si ces faits relèvent a priori de la vie privée du salarié, ils en sont sortis dès lors que, du fait de leur divulgation par lui-même au sein de l’agence, ils ont été découverts par d’autres salariés, peu important que cela ait pu résulter, le cas échéant, d’une manipulation maladroite de sa part.

De tels faits, imputables à un salarié ayant la responsabilité d’une agence, revêtent un caractère fautif et ses propres explications, selon lesquelles, à la suite de la découverte de ses photos, les autres salariés se gaussaient à la pause déjeuner, démontrent qu’il avait perdu toute autorité et sa crédibilité hiérarchique à l’égard de ses subordonnés, sans compter la situation de malaise dans laquelle de tels faits les ont nécessairement placés, la contestation par M. [V] du caractère choquant pour eux de leur découverte fortuite étant démentie par l’attestation de Mme [H].

M. [V] a en outre, par ces agissements, enfreint la charte informatique qu’il a signée et avait la charge de faire respecter par les collaborateurs placés sous son autorité, puisqu’en effet, comme le rappelle l’employeur, qui la produit aux débats, il est loisible de constater qu’elle prohibe certains comportements correspondant à ceux reprochés ; notamment le stockage de produits volumineux, comme des photographies, sans rapport avec l’activité de l’entreprise, de tels fichiers encombrant les services et nuisant au fonctionnement des services réseaux ; qu’il y est rappelé qu’il pourra être procédé à des contrôles épisodiques destinés à prévenir les situations suivantes (notamment) ‘usage abusif à des fins privées’, la charte précisant par ailleurs que l’usage à titre privé est toléré à certaines conditions et que l’usage raisonnable répond à des préoccupations personnelles d’ordre pratique, n’interférant pas avec les activités professionnelles.

Dans ces conditions, le maintien du salarié dans l’entreprise n’était plus possible, même pendant la période du préavis, et ce grief justifie à lui seul le licenciement pour faute grave notifié, nonobstant son ancienneté et ses qualités professionnelles, même s’il est vrai que, s’agissant du reproche de passer trop de temps à son bureau, et pas assez à l’animation et au management, ce grief doit être écarté, l’employeur ne produisant aucun écrit relatif au rappel à l’ordre évoqué dans la lettre.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [V] reposait sur une faute grave et en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes subéquentes à la contestation de la rupture.

Le premier juge a fait de l’article 700 du code de procédure civile une juste application, qui doit être également confirmée et il est inéquitable de laisser à la société intimée l’intégralité de ses frais irrépétibles d’appel qu’il convient, eu égard à la situation respective des parties, de mettre à la charge de M. [V] à hauteur de 1000€. M. [V], qui succombe, doit être condamné aux dépens d’appel comme il l’a été aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. [O] [V] à payer à la SA Fraikin France la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles d’appel,

DEBOUTE M. [O] [V] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

CONDAMNE M. [O] [V] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER,LE CONSEILLER,

Pour le Président empêché

 


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