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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 02 MARS 2023
(n° 2023/ , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00405 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6KR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/06136
APPELANT
Monsieur [T] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Hervé TOURNIQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1883
INTIMEE
S.A.S.U. INSTITUT DE DEVELOPPEMENT DES ARTS APPLIQUES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Laurence PINCHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : R165
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 décembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société Institut de Développement des Arts Appliqués à l’enseigne LISAA (ci-après la société) offre des formations dans les domaines de l’animation, du jeu vidéo, de l’architecture d’intérieur, du design, du graphisme et de la mode.
Par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel en date du 27 septembre 2007, la société a embauché M. [T] [Y] en qualité d’enseignant, pour dispenser un cours de story board en classe préparatoire du 27 septembre 2007 au 31 mai 2008, moyennant une rémunération brute, congés payés inclus, de 34,65 euros par heure de face à face pédagogique versée mensuellement. Le contrat stipulait que les heures supplémentaires seraient payées comme des heures de travail normales sans donner lieu à majoration.
La relation contractuelle s’est poursuivie aux termes de plusieurs contrats à durée déterminée puis d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2012, à temps partiel ‘ 84 heures par mois puis 135 heures par mois à compter de la rentrée 2015/2016. Chaque année, un avenant au contrat précisait l’organisation scolaire de l’année scolaire.
La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale de l’enseignement privé hors contrat et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.
A la suite de plaintes d’étudiantes ayant rapporté au responsable pédagogique des propos et des gestes inappropriés de la part de l’enseignant, par lettre recommandée datée du 27 juillet 2017, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 4 août 2017.
Par lettre recommandée datée du 29 août 2017, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave (propos tendancieux ; propos à caractère ouvertement sexuel ; pressions pour obtenir des photographies ; gestes déplacés).
Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 6 août 2018.
Par jugement du 30 novembre 2020 auquel il est renvoyé pour l’exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Paris a :
débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes ;
débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
laissé les dépens à la charge de M. [Y].
Par déclaration du 18 décembre 2020, M. [Y] a interjeté appel du jugement notifié le 5 décembre 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [Y] demande à la cour de :
– le dire et juger recevable en son appel et l’y déclarer bien fondé ;
– infirmer le jugement entrepris en sa totalité ;
statuant à nouveau,
– fixer sa date d’ancienneté au 27 septembre 2007 ;
– fixer son salaire brut mensuel de référence au montant de 3 157,89 euros ;
– dire et juger qu’aucune faute grave ne peut lui être imputée et que son licenciement est dépourvu de motif réel et sérieux ;
– condamner la société à lui verser les sommes de :
* 6 315,78 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
* 631,57 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
* 6 399,98 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
* 38 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation ;
– ordonner la remise d’un certificat de travail, d’une attestation destinée à Pôle emploi et d’un bulletin de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification du jugement ;
– condamner la société à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 juin 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil en toutes ses dispositions ;
– dire M. [Y] mal fondé en toutes ses demandes ;
– l’en débouter ;
– condamner M. [Y] au paiement d’une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– à titre infiniment subsidiaire, juger que le licenciement pour faute grave est pourvu d’une cause réelle et sérieuse et constater que M. [Y] ne démontre pas la réalité de son préjudice ; par conséquent, limiter l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions au regard de son préjudice.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2022.
MOTIVATION
La cour relève que M. [Y] a évoqué dans le corps de ses dernières écritures une demande d’indemnité de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée mais qu’il n’a pas repris cette demande dans le dispositif de ses conclusions tout en précisant que cette demande n’avait pas été maintenue en raison de la prescription.
Sur la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :
« Monsieur,
Vous avez été convoqué par courrier du 27 juillet 2017 à un entretien préalable à licenciement qui s’est tenu le le 04 août 2017, auquel vous étiez accompagné de M. [I] [W]. Nous avons évoqué avec vous les faits suivants :
Des étudiantes ont au cours de l’année scolaire, tenté de vous alerter directement sur votre comportement inapproprié,
Faute d’une prise de conscience ou une modification de votre comportement, elles nous ont, à la fin du mois de juin, fait part de leur désarroi. Ces plaintes vous incriminent ainsi directement et personnellement dans des termes assez édifiants et sans équivoque :
1. De propos tendancieux :
« Un jour, lors d’un cours, alors que le sujet de discussion tournait autour du clonage, il a dit qu’il aimerait bien être entouré de clone de moi. »
« Une autre fois, il à laisser entendre qu’il ferait une projection privée chez lui en comité restreint avec seulement quelques élèves, ne connaissant pas encore le personnage je me suis dit que les profs à LISAA étaient super cool. »
« Pendant un rendu, [B] [R] m’appelle pour un compte rendu. Je me dirige vers lui jusqu’au moment où il me dit ” Alors tu veux faire ça où…’ ” en souriant Je m’arrête sur le coup et répond spontanément n’ayant pas compris son sous-entendu “Euh ici ‘”. Surpris par ma réponse il ricana et répondit “Je ne te pensais pas comme ça.”. »
2. De propos à caractère ouvertement sexuel :
« Un jour de cours, je m’étais vêtus d’une robe simple à col. [B] [R] m’appela pour un rendu et au moment de me rendre ma copie il me fit la remarque “Ne t’habilles pas comme ça. Quand tu auras ton prochain job ça excitera ton patron.”. »
« [B] [R] nous expliquait que durant les tournages de film pornographique, il arrivait que le son ne soit pas assez fort et qu’il faille les ré-enregistrer. Il se tourna vers moi et me demanda “Ta copine fait beaucoup de bruit au lit ‘” surprise par sa réponse je lui ai rétorqué “Que je ne répondrais pas à cette question déplacée”. »
« Nous étions en train de regarder un extrait de film dans lequel des femmes dénudées qui exhibaient leurs poitrines et me fit la réflexion comme quoi mes seins n’étaient pas assez gros. »
3. De pressions pour obtenir des photographies :
« [B] [R] a largement insisté pour prendre une photo de moi sur son téléphone portable. Il réclama sa photo pendant les trois heures du cours. Après un refus systématique de ma part, il alla même jusqu’à se pencher vers moi pour essayer d’obtenir une photographie de force. »
« Il a souvent pris des photos de moi et d’autres filles de la classe, ne sachant pas quoi répondre à ça je l’ai laissé faire mais cela m’a vraiment gênée. »
« Un vendredi soir où nous avions invité tous les gens de notre classe plus nos profs pour fêter la fin de l’année, nous sommes allés dans un bar. Deux profs de notre classe sont venus dont [B] [R]. A la fin de la soirée nous décidons d’aller au « McDo » et [B] [R] nous suit pour manger avec nous. Il décide de nous prendre en photo alors que nous n’avons pas accordé notre autorisation. Je lui ai demandé à quoi servirait ses photos et sa réponse a été : un usage personnel. »
4. Et enfin de gestes déplacés :
« Pendant un de ses cours, j’étais en train de m’assoupir quand soudain je sens une pression sur mes épaules. Pensant que c’est un camarade je souris en me tournant vers la personne et aperçoit que c’est [B] [R]. Surprise par l’acte je me crispe. Quant à lui, il se penche et me chuchote à l’oreille : “Alors tu travailles dur…’ “»
« Lors d’un cours, lorsque tout le monde se réunis en groupe pour parler du projet. Et je vois [B] [R] qui se met à masser les épaules de mon amie et à ce moment-là je commence m’endormir sur ma table lorsque [B] [R] arrive derrière moi et se met à me masser les épaules. À ce moment mes amies interviennent pour lui dire d’arrêter. »
« Un autre jeudi après-midi on commence à travailler le projet de stop motion en groupe. Je me retrouve avec mon équipe, [B] [R] arrive et remarque ma jupe en me parlant de la matière de celle-ci qui était très particulière et au moment de tourner ma tête je remarque qu’il la soulève légèrement. Les garçons de mon groupe ont vu [B] [R] faire et lui on dit d’arrêter ce qu’il faisait que ce n’était pas normal. »
Votre comportement est totalement inacceptable et contraire au savoir être que nous attendons de nos enseignants :
Votre attitude est grave, répétée et bien sûr inappropriée, de façon générale, mais d’autant plus compte tenu de votre statut d’enseignant vis-à-vis des élèves. Cette position d’autorité engendre un devoir d’exemplarité.
Votre comportement, que nous réprouvons, met en péril de façon grave l’image et la bonne réputation de notre école.
En qualité d’institution d’éducation, accueillant de jeunes adultes, ainsi que des mineurs, nous nous devons de garantir à ce public un environnement sain et sécurisé, particulièrement en matière de bonne m’urs. Aujourd’hui, votre présence dans nos locaux ne nous permet plus de garantir cela.
Vos explications recueillies lors de l’entretien préalable n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits ; bien au contraire puisque vous avez nié et complètement minimisé la portée et la gravité de vos agissements.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du présent courrier, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
[‘] »
* sur le bien-fondé du licenciement
En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L’employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.
M. [Y] soutient que l’employeur ne rapporte pas la preuve que les faits invoqués à l’appui de son licenciement avaient été portés à sa connaissance après le 27 mai 2017.
Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
En l’espèce, contrairement à ce que soutient M. [Y], les faits invoqués à l’appui du licenciement pour faute grave qui lui a été notifié, s’ils ont lieu au cours de l’année scolaire 2016/2017 n’ont, au vu des éléments produits par l’employeur, été portés à la connaissance de ce dernier qu’à la fin du mois de juin 2017. A cet égard, la société produit une attestation du directeur de l’établissement, M. [B] [V], qui rapporte avoir été informé fin juin 2017 par M. [L] [H], responsable pédagogique, des plaintes de plusieurs étudiantes. De plus, suivant le compte-rendu de l’entretien préalable établi par M. [I] [W], qui a assisté M. [Y], M. [V] a déclaré, en présence de M. [H] et sans être contredit par lui, que c’était à la fin du mois de juin 2017 qu’il avait été informé par le responsable pédagogique desdites plaintes et :
« Nous avons travaillé ensemble toute l’année, il n’y a eu aucun reproche. Mais il y a trois semaines, [L] est venu me voir en panique.
Il y a eu une enquête de satisfaction, les étudiants sont venus nous parlé de choses qui ne marchent pas mais qui débordent de ce cadre [du cadre pédagogique dans lequel se place l’enquête]. On voit que les étudiants viennent à ce moment nous en parler pour le bien de l’école. »
Or, la convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement a été notifié à M. [Y] dès les 27 juillet suivant.
Ces éléments sont suffisants pour établir que les faits invoqués à l’appui du licenciement ne sont donc pas prescrits au regard de l’article L. 1332-4 du code du travail.
Ensuite, la société produit des attestations d’étudiantes ayant suivi le cours de story board de M. [Y] au cours de l’année scolaire 2016/2017 mais pas nécessairement dans la même classe.
Mme [O] [Z] déclare, dans une attestation datée du 26 octobre 2018 :
« Tous les mercredis, pendant les cours de storyboard que je suivais au cours de ma prépa, [B] [R] se permettait de me faire des réflexions à caractère sexuel, pensant qu’utiliser le ton de l’humour n’allait pas m’humilier. Une fois, il m’a demandé si mes cheveux bruns de couleur naturelle étaient des « vrais ». Et pendant que je lui demandais des conseils concernant mes exercices, il a juste arrêté de m’écouter et m’a caressé les cheveux, puis il a ajouté « C’était pour voir s’ils étaient vrais ». Il a aussi voulu que je note mon numéro de téléphone sur un devoir que je lui rendais pour « qu’il puisse me dire quand il pourrait me le rendre », selon lui. Et je l’ai fait car j’en avais besoin pour mon jury d’examen. Pendant les cours, il venait toujours me voir, mettait ses mains sur mes épaules et commençait à me masser. J’étais très gênée et ne disait rien. Une fois il me parlait d’un effet de flou que l’on pouvait faire sur son téléphone sur une photo, il a donc insisté pour prendre une photo de moi et m’a forcé à regarder l’objectif. Au début, je refusais mais comme il insistait j’ai finit par accepter. J’ai vu qu’il y avait plein d’autres photos d’élèves filles sur son téléphone. Il nous avait un jour montré (‘) un film où des femmes secouaient leurs poitrines nues, en cours. Il a dit à voix haute dans toute la classe : « c’est toi ça [O] ». Il me faisait très peur, j’ai plusieurs fois séché ses cours car il me mettait très mal à l’aise mais étant mon professeur je ne pouvait rien dire. Il était très tactile avec moi. Un jour Theodord [D] (un camarade) lui demandait des conseils et au lieu de l’écouter, [B] [R] me fixait boire mon soda avec une paille en souriant. »
Mme [F] [M] déclare dans son attestation du 26 octobre 2018 :
« J’ai été témoin de certains comportements très déplacés vis-à-vis de mes camarades durant une première année à LISAA de la part de [T] [Y].
Un jour, [T] nous faisait un rend et c’était le tour d’un de mes camarades qui était en train d’expliquer quelque chose en rapport avec son travail. [T] avait le regard uniquement porté sur l’une de mes camarades sans prêter attention aucune à se que disait le garçon, il fixait uniquement la fille ce qui était très malaisant.
Une autre fois, [T] nous expliquait que le son dans les films pornographiques était parfois ré-enregistré en studio quand il n’était pas assez fort. Il a ensuite demandé à l’un de mes camarades « Ta copine fait beaucoup de bruit au lit ‘ ». Mon camarade lui a répondu que ça ne le regardait pas très choqué par sa question.
Pendant un autre cours durant lequel nous regardions un extrait de film dans lequel des femmes dénudées exhibaient leurs poitrines, il fit la remarque à l’une de mes camarades que ses seins n’étaient pas assez gros. »
Mme [C] [J] déclare dans son attestation datée du 26 octobre 2018 :
« C’était un jeudi après-midi en cours de story avec [B] [R] vers 14h, lorsque tout le monde se réunis en groupe pour parler du projet. Et je vois [B] [R] qui se met à masser les épaules de mon amie et à ce moment-là je commence à m’endormir sur la table lorsque [B] [R] arrive derrière moi et se met à masser mes épaules. A ce moment mes amis interviennent pour lui dire d’arrêter.
Un autre jeudi après-midi on commence à travailler le projet de stop motion en groupe. Je me retrouve avec mon équipe, [B] [R] arrive et remarque ma jupe en parlant de la matière de ma jupe qui était très particulière et au moment de tourner la tête, je remarque qu’il soulève légèrement ma jupe. Des garçons de mon groupe on vue [B] [R] faire et lui on dit d’arrêter et ce qu’il faisait n’était pas normal.
Un vendredi soir où nous avions invité tous les gens de notre classe plus nos profs pour fêter la fin de l’année nous sommes allés dans un bar. Deux profs de notre classe sont venus dont [B] [R]. A la fin de la soirée nous décidons de se rendre au macdo et [B] [R] nous suit pour manger avec nous. Et il décide de nous prendre en photo alors que nous avons pas accorder notre autorisation. Je lui ai demander à quoi servirait ses photos et sa réponse à était : a usage personnel. »
Mme [X] [K] déclare dans son attestation datée du 25 octobre 2018 :
« Lors de ma première année à LISAA en 2016-2017, j’ai pu constater lors des cours de [T] des faits inhabituels pour un enseignant. Plusieurs exemples, il prenait des photos sur son téléphone, uniquement de filles, pour nous montrer le point de focal et autres choses. Puis il faisait défiler les photos sur son téléphone, un peu comme un trophée, en nous disant « Regardez sur les autres ce que ça fait ‘ » Et là on voyait de nombreuses filles de ses autres classes.
Lors du workshop, il était chef de projet de la seconde équipe du fil rouge. Il se baladait dans les couloirs, et il a vu une fille de mon groupe. Il lui a dit qu’elle serait parfaite pour leur projet et qu’il avait besoin de la prendre en photo. Au début elle ne voulait pas mais elle fini par accepter. A la fin du workshop, en visionnant le projet, je n’ai pas vu à quoi avait servi cette (‘) photo. Il n’y avait aucun rapport. J’ai trouvé ça plutôt étrange.
A un moment dans l’année, dans le cours de [T], le jeudi matin, [C] [J], était assise à sa table. Ce jour-là, elle portait une jupe en cuir ou en similicuir, elle travaillait avec son équipe sur le projet de stop motion. [B] [R] arrive et touche sa jupe, pour tâter la matière et lui demande en quoi c’est fait. Des garçons de la classe se son interposé pour dire que ça faisait pas. Il a rigolé et il est parti.
Et enfin il proposait des cours de nus chez lui. »
Mme [E] [N] déclare dans son attestation datée du 26 octobre 2018 :
« Lors de ma première année à LISAA, pendant le cours de storyboard de [T] [Y], il a largement insisté pour prendre une photo d’une amie qui a pas su dire non puis s’est tourné vers moi.
Après un refus systématique de ma part, il alla même jusqu’à se pencher vers moi pour essayer d’obtenir une photographie de force. Ce jour la, il nous a rendu un devoir noté, en le récupérant, il a dit qu’il montrerait ma note si j’acceptais de me laisser prendre en photo. Il réclama sa photo pendant les trois heures de cours. »
Enfin, Mme [U] [S] déclare dans une attestation datée du 26 octobre 2018 :
« Lors de ma première année à LISAA, pendant le cours de storyboard, j’étais en train de m’assoupir quand soudain je sens une pression sur mes épaules. Pensant que c’était un camarade je me tourne en souriant et aperçoit que c’est [T]. Surprise par l’acte je me crispe, quant à lui, se penche et me susurre à l’oreille « alors tu travailles dur ‘ » sur un ton grivois et remplie de sous-entendus.
Pendant un rendu, [B] [R] m’appelle pour un compte rendu. Je me dirige vers lui jusq’au moment il me dit : « Alors tu veux faire ça où ‘ ‘ » en ricanant, toujours sur un ton grivois. Je m’arrête sur le coup et répond spontanément n’ayant pas compris « Euh ici ‘ » surpris par ma réponse, il ricana et répondit : « Je ne te pensais pas comme ça ‘ »
Toute l’année nous avons subis cette humour très pervers et dépacé, ce ne sont que des exemples parmis tant d’autres. »
M. [B] [V], directeur de LISAA, rapporte, dans une attestation datée du 28 février 2019, les circonstances dans lesquelles il a été informé par M. [L] [H], responsable pédagogique, à la fin du mois de juin 2017, des plaintes de plusieurs étudiantes relativement à des propos et gestes déplacés de M. [Y] et de leur acceptation de témoigner par écrit.
M. [Y], qui conteste les faits litigieux, verse aux débats des attestations d’anciens et anciennes étudiantes qui, à l’exception de celle de Mme [P] [A] – étudiante en 2016/2017 – ont suivi son cours entre 2009 et 2012. Toutefois, aucune de ces attestations ne porte sur les faits de l’année scolaire 2016-2017 dénoncés par les étudiantes à l’issue de cette année scolaire, Mme [A] se bornant à souligner une bonne ambiance dans la classe et à déclarer que « [T] a toujours été très respectueux lors de nos échanges ». La portée de cette dernière phrase est, au demeurant, ambiguë car Mme [A] ne précise pas s’il s’agit des échanges en tête-à-tête avec M. [Y] ou des échanges en cours avec les autres étudiant(e)s.
M. [Y] reproche à la société l’irrégularité de la procédure suivie en ce que l’identité des étudiantes plaignantes et les circonstances dans lesquelles il a été mis en cause ne lui ont pas été communiquées lors de l’entretien préalable. Il fait valoir que cette irrégularité a porté atteinte aux droits de la défense dans le cadre de la procédure disciplinaire. Il ressort toutefois de la lecture du compte-rendu d’entretien préalable établi par la personne qui a assisté M. [Y] que, si l’identité des étudiantes n’a pas été révélée à M. [Y] lors de l’entretien préalable, en revanche les catégories de faits litigieux (exemples à l’appui) lui ont été exposées et qu’il était donc en situation de connaître les différents griefs.
M. [Y] reproche encore à la société de ne pas avoir mené une enquête sérieuse sur les faits dénoncés en auditionnant les autres étudiant(e)s. Il fait valoir qu’il n’a eu connaissance de l’identité des plaignantes que dans le cadre de l’instance avec la production des attestations et qu’en l’occurrence, trois d’entre elles étaient notoirement amies et inscrites dans le même cours ; qu’après des années d’enseignement, ce sont les premières accusations portées à son encontre. Toutefois, aucune disposition légale ou réglementaire n’imposait à l’employeur de mener une enquête et d’interroger les autres étudiant(e)s.
Eu égard aux attestations circonstanciées et concordantes produites par l’employeur, les faits dénoncés, qui sont caractérisés et qui s’analysent en des gestes, attitudes et propos inappropriés avec des connotations sexuelles envers des étudiantes de la part d’un enseignant, constituent une faute rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et rendant nécessaire son départ immédiat sans indemnité. La décision des premiers juges sera donc confirmée à ce titre.
* sur les conséquences du licenciement pour faute grave
La cour ayant retenu que le licenciement pour faute grave était bien fondé, M. [Y] ne peut prétendre ni à une indemnité compensatrice de préavis en application de l’article L. 1234-1 du code du travail, ni à une indemnité de licenciement en application de l’article L. 1234-9 du même code ni à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sera donc débouté de ses demandes et la décision des premiers juges sera confirmée à ces titres.
Corollairement, la demande relative à la fixation du salaire brut mensuel de référence est sans objet de même que celle relative à la remise des documents de fin de contrat puisque M. [Y] s’est déjà vu remettre l’attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail.
S’agissant de la demande relative à la fixation de son ancienneté au 27 septembre 2007, M. [Y] en sera débouté dans la mesure où il a lui-même déclaré qu’il n’avait pas maintenu sa demande de requalification car celle-ci était prescrite et qu’il y a eu une interruption entre son dernier contrat à durée déterminée et son contrat à durée indéterminée. Par conséquent, son ancienneté débute au premier jour de son contrat à durée indéterminée.
Sur les autres demandes
* sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile
M. [Y] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel. La décision des premiers juges sera donc confirmée sur les dépens.
M. [Y] sera condamné à payer à la société la somme de 2 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles. La décision des premiers juges sera confirmée sur les frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [T] [Y] à payer à la société Institut de Développement des Arts Appliqués la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE M. [T] [Y] de sa demande à ce titre ;
CONDAMNE M. [T] [Y] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE