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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/01760 – N° Portalis DBV3-V-B7F-URX3
AFFAIRE :
S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES
C/
[L] [J]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : I
N° RG : 19/02161
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Jérôme WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES
Me Jean-Marc WASILEWSKI
Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES
N° SIRET : 552 046 855
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentant : Me Jérôme WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 substitué par Me Myriam ANOUARI, avocat au barreau de PARIS – Représentant : Me Sébastien PONCET de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 657
APPELANTE
****************
Monsieur [L] [J]
né le 07 Juin 1970 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 3]/FRANCE
Représentant : Me Jean-Marc WASILEWSKI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1244
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 1er septembre 2005, M. [L] [J] était embauché par la société Cofatech Services, aux droits de laquelle vient la SA Engie Energie Services en qualité d’agent technique, par contrat à durée indéterminée.
Le contrat de travail était régi par la convention collective des équipements thermiques et de prestations multi-services à destination d’une clientèle composée d’entreprises et de collectivités publiques et privées.
Le salarié se voyait notifier une mise en garde en 2006, une mise à pied disciplinaire de 2 jours au mois de juin 2007 et un avertissement en mai 2008.
En dernier lieu, et depuis le 2 octobre 2017, M. [J] exerçait les fonctions de technicien et était affecté sur le site de la société Safran à [Localité 5].
Le 16 mars 2018, la SA Engie Energie Services convoquait M. [J] à un entretien préalable en vue de son licenciement. L’entretien se déroulait le 4 avril 2018.
Le 19 avril 2018, l’employeur lui notifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse, lui reprochant une attitude incompatible avec les valeurs de l’entreprise, à l’origine d’un préjudice d’image.
Le 15 juillet 2019, M. [J] saisissait le conseil des prud’hommes de Nanterre, afin de contester le bien-fondé de son licenciement.
Vu le jugement du 14 mai 2021 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Nanterre qui a’:
– Fixé le salaire de M. [J] à 2’556,64 euros,
– Dit que le licenciement dont M. [J] a fait l’objet de la part de la société Engie Energie Services est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne en conséquence la société Engie Energie Services à verser à M. [J] la somme de 15’339,84 euros euros, soit six mois de salaire,
– Condamné la société Engie Energie Services à verser à M. [J] la somme de 1’200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Dit que l’exécution provisoire, ne sera pas ordonnée d’autant qu’en application des dispositions de l’article R 1454-28 du code du travail une partie des condamnations est assortie de droits de l’exécution provisoire,
– Condamné la société Engie Energie Services à verser à M. [J] des intérêts au taux légal à compter du prononcé de jugement,
– Condamné la société Engie Energie Services aux dépens,
– Débouté M. [J] de ses autres demandes,
– Débouté la société Engie Energie Services de ses demandes,
Vu l’appel régulièrement interjeté par la SA Engie Energie Services le 8 juin 2021.
Vu les conclusions de l’appelante, la SA Engie Energie Services, notifiées le 1er septembre 2021 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
Sur le fond,
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a estimé que le licenciement de M. [J] est sans cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau,
– Dire et juger que le licenciement de M. [J] repose sur une cause réelle et sérieuse.
– Débouter M. [J] de toutes ses demandes.
À titre reconventionnel,
– Condamner M. [J] à payer à la société Engie Energie Services la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les écritures de l’intimé, M. [L] [J], notifiées le 28 septembre 2021 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de’:
– Débouter la société Engie Energie Services de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 14 mai 2021, sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
– Condamner la société Engie Energie Services à payer à M. [J] la somme de 28’200 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Dire que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal sur le fondement des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil sur la somme 15’339,84 euros à compter du jugement du 14 mai 2021 et à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir pour le surplus,
– Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil pour ceux qui seraient dus pour plus d’une année entière,
– Condamner la société Engie Energie Services à verser à M. [J] la somme de 3’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société Engie Energie Services aux dépens, y compris ceux liés à l’exécution de la décision à intervenir.
Vu l’ordonnance de clôture du 11 avril 2022.
SUR CE,
Sur la rupture du contrat de travail’:
L’employeur fait valoir que le 16 mars 2018, le site de Safran a été victime d’une panne d’une installation technique dont la maintenance était confiée à la SA Engie Energie Services, ayant conduit à l’arrêt total de la production et qu’en fin de matinée, alors que la panne n’était pas résolue, le salarié s’est rendu avec deux collègues au réfectoire, où il a visionné une vidéo à caractère pornographique avec un volume suffisamment élevé pour qu’elle soit entendue par une autre salariée de la société BSC, prestataire de la société Safran, qui était présente au réfectoire, ce qui a déclenché des éclats de rire des trois salariés. L’employeur explique que cette dernière, profondément choquée par ce comportement jugé sexiste, a déclaré un accident du travail et son employeur a dénoncé cet incident à la société Safran, laquelle est intervenue auprès de la SA Engie Energie Services.
L’employeur rappelle que M. [J] a reconnu les faits lors de l’entretien préalable et dans ses conclusions de première instance. Il soutient que le visionnage de la vidéo était volontaire et non accidentel. Il indique que le comportement de M. [J], alors même qu’il n’avait pas résolu la panne de l’installation technique, contrevient au règlement intérieur de la société Safran, qu’il constitue un outrage sexiste réprimé par le code pénal et qu’il a entaché l’image de la SA Engie Energie Services auprès de son client, justifiant son licenciement pour faute.
M. [J] répond avoir reçu sur son téléphone portable personnel un message provenant de la messagerie WhatsApp. Il explique qu’après avoir visionné une vidéo pendant environ une minute, celle-ci s’est transformée pour laisser place à différents bruitages et des images déplacées, qu’il a immédiatement fermé le message et la vidéo dont la diffusion n’a pas duré plus de quelques secondes. Il précise s’être excusé auprès de la personne présente qui avait pu entendre les différents bruitages provenant de cette vidéo non sollicitée. Il soutient que ce visionnage, non volontaire, n’a pas duré plus de quelques secondes et n’a causé aucun trouble. Il conteste l’attestation de Mme [R], dirigeante de la société BSC et le document à entête de la société Safran qui n’est pas signé, dès lors qu’ils émanent de personnes non présentes dans le réfectoire au moment des faits. Il souligne qu’en tout état de cause, les faits se sont déroulés en dehors du temps de travail pendant une pause déjeuner et en dehors des locaux de travail.
Au soutien du licenciement, l’employeur communique un courrier non daté de Mme [R], dirigeante de la société BSC, qui relate que le 16 mars 2018 à 13h45, trois salariés de la SA Engie Energie Service, au réfectoire de la société Safran et en présence d’une salariée de la société BSC, ont visionné une vidéo à caractère pornographique sur le téléphone portable de l’un d’eux, identifié comme étant M. [J], à un niveau sonore maximum, déclenchant le rire et des regards des trois individus en direction de la salariée. Mme [R] explique qu’au bout de cinq minutes, sa salariée est allée voir les trois salariés pour leur dire qu’elle avait été fortement dérangée en tant que femme par leur comportement alors qu’elle prenait son déjeuner sur son lieu de travail dans une salle commune, que les trois individus avaient d’abord nié les faits avant que l’homme détenteur de la vidéo, c’est-à-dire M. [J], les reconnaisse et présente ses excuses. Mme [R] précise que sa salariée a déclaré un accident du travail en raison du choc psychologique.
La SA Engie Energie Services produit par ailleurs la plainte de son client Safran reprenant les faits dénoncés par son prestataire, la société BSC.
Si les descriptions de la scène sont similaires, la cour constate qu’elles émanent de témoins indirects rapportant, pour l’un, les dires de sa salariée et pour l’autre, la plainte de son prestataire, alors que M. [J] conteste le caractère volontaire du visionnage et sa durée, tout ceci s’étant déroulé hors des horaires de travail et des locaux de travail (salle de restauration collective de l’entreprise).
Contrairement à ce que prétend l’employeur, la lecture du jugement du conseil de prud’hommes établit que M. [J] a contesté les faits devant les premiers juges.
Dans ces circonstances, les deux seules pièces communiquées par l’employeur sont insuffisantes à rapporter la preuve des faits reprochés.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a considéré que le licenciement de M. [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
A la date du licenciement, la SA Engie Energie Services employait de manière habituelle au moins 11 salariés, tandis que M. [J] percevait une rémunération mensuelle moyenne de 2’556,64 euros, était âgé de 48 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 12 années complètes au sein de l’entreprise. S’il établit avoir perçu l’aide au retour à l’emploi d’octobre à décembre 2018, il ne communique aucun élément concernant sa situation personnelle et professionnelle après cette période. Par ailleurs, il invoque un préjudice moral sans communiquer le moindre élément probant permettant de justifier de son préjudice. En conséquence, il convient de ramener l’indemnité allouée en réparation du préjudice subi au titre de l’article L.1235-3 du code du travail à la somme de 10’000 euros.
Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur les intérêts
S’agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées.
Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de la SA Engie Energie Services.
La demande formée par M. [J] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris, sauf en celle de ses dispositions relatives au quantum de l’indemnité allouée au titre de l’article L.1235-3 du code du travail’;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne la SA Engie Energie Services à payer à M. [L] [J] la somme de 10’000 euros au titre de l’article L.1235-3 du code du travail’;
Ordonne le remboursement par la SA Engie Energie Services, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à M. [L] [J] dans la limite de 6 mois d’indemnités en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail’;
Dit que la somme à caractère indemnitaire produira intérêts au taux légal à compter de la décision l’ayant accordée’;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil’;
Condamne la SA Engie Energie Services aux dépens d’appel’;
Condamne la SA Engie Energie Services à payer à M. [L] [J] la somme 1 500 euros de sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme’Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRÉSIDENT