Droit de la Pornographie : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01009

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Droit de la Pornographie : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01009
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CKD/KG

MINUTE N° 22/668

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

– avocats

– délégués syndicaux

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 13 Septembre 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01009

N° Portalis DBVW-V-B7F-HQIH

Décision déférée à la Cour : 05 Janvier 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.S. LE PIC VERT

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 834 792 822

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me André CHAMY, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIME :

Monsieur [H] [P]

Chez Madame [E] [Z], [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Nicolas DESCHILDRE, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

Mme ARNOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [H] [P] né le 13 juillet 1971, a le 07 février 2018, été engagé par la SAS Le Pic Vert en qualité de cuisinier, moyennant un salaire brut de 2.169,48 € pour 169 heures de travail mensuel. La convention collective des hôtels, cafés et restaurants est applicable.

Le salarié s’est trouvé en arrêt maladie à compter du 04 juillet 2018.

Le 04 septembre 2018 il a saisi le conseil des prud’hommes de Mulhouse afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison du non-paiement des heures supplémentaires, et d’un harcèlement sexuel.

Le 28 septembre 2018 il a pris acte de la rupture de contrat de travail et a modifié ses conclusions.

Par jugement rendu le 05 janvier 2021, le Conseil de Prud’hommes a dit et jugé que la prise d’acte de rupture s’analyse en d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en retenant le non-paiement des heures supplémentaires, et en écartant le harcèlement sexuel.

La SAS Le Pic Vert a été condamnée à payer à Monsieur [H] [P] les sommes de :

– 2.928,06 € bruts au titre des heures supplémentaires,

– 292,81 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 2.657,49 € bruts à titre d’indemnité de préavis,

– 265,75 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 2.700 € nets au titre de l’un des tes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil des prud’hommes a constaté l’exécution provisoire de droit, et l’a ordonnée pour le surplus. Il a par ailleurs condamné l’employeur aux entiers frais et dépens de l’instance, y compris les éventuels frais d’exécution par voie d’huissier.

Par déclaration du 17 février 2021 la SAS Le Pic Vert a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 29 janvier 2021.

Par conclusions transmises par voie électronique le 06 mai 2021, la SAS Le Pic Vert demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de :

– déclarer la demande de Monsieur [P] irrecevable,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes,

– le condamner à lui payer 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– le condamner à lui payer 3.000 € de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

Par conclusions transmises par voie électronique le 8 juillet 2021, Monsieur [H] [P] demande à la cour de déclarer l’appel irrecevable, et en tout cas mal fondé, de confirmer le jugement en ce qu’il a caractérisé les manquements graves de l’employeur, et sur tous les montants alloués, sauf le montant des dommages et intérêts.

Il forme un appel incident, et demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et non la nullité du licenciement. Il demande de prononcer la nullité du licenciement, et de condamner la société à lui payer les montants suivants :

– 21.259,92 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement abusif,

– 21.259,92 € nets à titre de dommages et intérêts du fait de la dégradation de son état de santé, et du harcèlement sexuel,

– Subsidiairement la somme de 21.259,92 € nets du fait de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail, et du non-respect de l’obligation de sécurité,

– 25.944,94 € nets au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite les intérêts à compter de la demande pour les créances salariales, et à compter de la décision pour les créances indemnitaires. Il demande en outre la condamnation de la société à payer tous les frais et dépens de la procédure, y compris ceux de l’exécution de la décision à intervenir, et de la débouter de ses fins et prétentions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l’exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’intimée soulève dans le dispositif de ses conclusions l’irrecevabilité de l’appel, sans cependant motiver celle-ci. Il apparaît que l’appel effectué dans les formes et délai légal est recevable.

1- Sur l’irrecevabilité de la demande de requalification de la prise d’acte de la rupture, postérieurement à la demande en résiliation judiciaire

La société appelante fait valoir que la demande de requalification de la prise d’acte est une demande nouvelle fondée sur un autre argument juridique, et qu’il appartenait dans ce cas au salarié d’introduire devant le conseil des prud’hommes une nouvelle procédure, dès lors que la règle de l’unicité de l’instance a été supprimée.

Monsieur [P] réplique que selon l’article 70 du code de procédure civile les demandes reconventionnelles et additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce qui est le cas en l’espèce. Il souligne qu’en cas de manquements graves de l’employeur, soit dans le cadre d’une prise d’acte, soit dans celle d’une résiliation judiciaire, les montants alloués au salarié à titre de dommages et intérêts, le sont pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* **

L’article R. 1452-2 du code du travail dispose désormais que la requête introductive d’instance doit expressément contenir l’exposé sommaire des motifs de la demande, et mentionner chacun des chefs de celle-ci.

Ainsi une prétention nouvelle, non mentionnée dans la requête initiale, est en principe irrecevable en cours d’instance prud’homale, sauf si les demandes incidentes, au sens de l’article 63 du code de procédure civile, (la demande reconventionnelle, additionnelle, ou l’intervention) se rattachent aux prétentions originaires par un ” lien suffisant ” selon l’article 70 du code de procédure civile.

En l’espèce dans sa requête introductive déposée le 06 septembre 2018 Monsieur [P] demandait notamment au conseil des prud’hommes de :

– Constater le harcèlement sexuel,

– Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,

– Dire et juger que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul, subsidiairement abusif.

Il réclamait en outre le paiement des heures supplémentaires, des congés payés afférents, et de l’indemnité pour travail dissimulé, ainsi que l’indemnité de préavis, les congés payés afférents, et 21.259,90 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement abusif, et le même montant à titre de dommages et intérêts pour dégradation de l’état de santé, et harcèlement sexuel, subsidiairement exécution de mauvaise foi du contrat de travail, et non-respect de l’obligation de sécurité.

Il a en cours de procédure, par courrier du 28 septembre 2018, pris acte de la rupture du contrat de travail. Par de nouvelles conclusions du 08 avril 2019, il demandait au conseil des prud’hommes de :

– Constater le harcèlement sexuel,

– Dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul, subsidiairement abusif.

Les autres demandes ont toutes été maintenues, et il n’y a aucune modification des montants sollicités.

Il résulte de ce qui précède que la demande tendant à voir juger que la rupture produit les effets d’un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, suite à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en raison d’un harcèlement sexuel et du non-paiement des heures supplémentaires, présente un lien suffisant, au sens de l’article 70 du code de procédure civile, avec la demande formulée en premier lieu au titre d’une résiliation judiciaire pour harcèlement sexuel et non-paiement des heures supplémentaires, et portant strictement sur les mêmes montants.

L’exception d’irrecevabilité soulevée par la société Le Pic Vert est par conséquent rejetée, et le jugement confirmé en ce qu’il a déclaré la demande recevable.

2 – Sur les heures supplémentaires, et les congés payés afférents

Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures effectuées, l’employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d’instruction qu’il estime utile ;

En cas de litige relatif à l’existence, ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Monsieur [P] affirme qu’il était le seul cuisinier de février à fin mars 2018 et produit un décompte du nombre d’heures effectuées durant ces deux mois, aboutissant à une somme de 2.928,06 €. Il dénonce le fait que son employeur ne produit aucun document d’enregistrement des horaires de travail conformément à la convention collective.

À l’appui de ses prétentions il produit en annexe 6 le décompte quotidien des horaires de travail effectués entre le 07 février et le 31 mars 2018, avec le nombre total d’heures de travail exécutées durant la semaine, ainsi que les bulletins de paye.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répliquer, et de produire ses propres éléments.

L’employeur réplique que les décomptes ont été fabriqués pour les besoins de la procédure, qu’il s’agit d’une pure falsification, d’une tentative d’escroquerie à la procédure, et que par ailleurs le salarié a refusé de renseigner les moyens de contrôle du temps de travail mis en place.

Or il convient de rappeler que l’employeur qui a une obligation légale, et conventionnelle, de contrôle des heures de travail, ne justifie en l’espèce pas avoir respecté cette obligation.

Il invoque un système de contrôle dont l’existence n’est pas établie, et soutient que l’intimée refusait de le renseigner. Or si tel avait été le cas, ce qui n’est pas établi, il appartenait à l’employeur en vertu de son pouvoir de direction d’enjoindre au salarié de compléter le document.

Il est en dernier lieu souligner que la société appelante ne conteste pas que Monsieur [P] ait été seul le cuisinier de l’établissement durant deux mois, et qu’un commis de cuisine lui a été adjoint à temps partiel ultérieurement. Il n’est pas davantage contesté que Monsieur [P] préparait les repas du mercredi au dimanche, le midi, et le soir, ce qui se retrouve dans le décompte des heures.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les relevés d’heures établis par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’apporter ses propres éléments qui ne peuvent se réduire à la seule critique de ceux produits par l’autre partie.

Par conséquent, pour l’ensemble de ces motifs, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de rappel des heures supplémentaires à hauteur de 2.928,06 € bruts, et des congés payés afférents.

3. Sur le travail dissimulé

La dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L. 8221-5 du code du travail invoqué par le salarié, n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui effectué.

Il résulte de la procédure qu’aucune réclamation quant au paiement des heures supplémentaires de février et mars 2018 n’a été formulée par le salarié lors de l’exécution du contrat de travail. Cette demande n’a été émise que lors de la saisine du conseil des prud’hommes en septembre 2018.

Dans de telles conditions, la seule absence de rémunération des heures supplémentaires n’est pas suffisante à elle seule pour caractériser le non-paiement intentionnel de celles-ci.

C’est donc à juste titre que le conseil des prud’hommes a jugé qu’il n’est pas établi que la société ait intentionnellement décidé de dissimuler les heures supplémentaires, et qu’il a débouté Monsieur [P] de ce chef de demande. Le jugement est sur ce point confirmé.

4 – Sur le harcèlement sexuel

Aux termes de l’article L 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne peut subir des faits :

1) Soit de harcèlement sexuel constitué par des propos ou comportements à connotation sexuels répétés qui soit portent atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante,

2) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché ou profit de l’auteur ou au profit d’un tiers.

Selon l’article L 1154-1 du code du travail le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Monsieur [P] expose à titre préalable que compte tenu de sa situation financière difficile, il a été hébergé par Monsieur [D] [F] président de la société, et son conjoint Monsieur [I] [F] directeur général. Il affirme avoir à de multiples reprises été victime de propos à connotation sexuelle particulièrement déplacés, alors que son homosexualité n’autorise pas son employeur à outrepasser les règles afférentes au harcèlement sexuel. Il précise avoir toujours refusé les avances de son employeur et de son époux, ce qui n’a pas empêché ces derniers de continuer leurs actes humiliants.

À l’appui des éléments qu’il lui appartient de présenter, le salarié produit :

– plusieurs SMS datées entre le 11 mars et le 30 juin avec des photographies à caractère pornographique,

– une attestation de témoin de Monsieur [X],

– un certificat du psychiatre le docteur [L].

Cependant et alors que le conseil de prud’hommes avait déjà écarté les SMS au motif qu’ils ne permettent pas d’identifier leur auteur, force est de constater que devant la cour le salarié n’étaye pas davantage la provenance de ces pièces. La cour relève que les premiers messages émanent d’un dénommé [I] sans autre précision de nom, ou de numéro de téléphone ce qui est insuffisant pour les imputer à Monsieur [I] [F], et que le dernier message est émis par un dénommé [O], totalement inconnu dans la procédure. Enfin contrairement aux affirmations du salarié, la société appelante conteste que le dirigeant de la société ou son compagnon aient envoyé des messages.

Le témoin Monsieur [X] rapporte que Monsieur [D] [F] a insulté [H] le 30 juin 2018 en le traitant de ” connard ” et que son conjoint lui a dit ” casse-toi de là “. Le témoin ne rapporte aucun propos à connotation sexuelle.

Enfin dans son attestation le docteur [L], psychiatre écrit que le 23 août 2018 Monsieur [P] [H] s’est présenté en consultation, et souhaite engager une psychothérapie à raison d’un entretien par semaine. Cette pièce, pas davantage que les précédentes, n’établit un fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement sexuel. L’attestation n’établit aucun lien entre la consultation et la psychothérapie à venir d’une part, et un harcèlement sexuel et plus généralement les conditions de travail du salarié d’autre part.

Il en résulte que les éléments produits ne sont suffisants pour permettre de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel et, sans qu’il y ait besoin d’examiner les explications de l’employeur, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande, ainsi que les demandes de dommages et intérêts qui en découlent.

5- Sur l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail, et le non-respect de l’obligation de sécurité

Subsidiairement le salarié réclame la même somme de 21.259,80 € du fait de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail, et du non-respect de l’obligation de sécurité.

Monsieur [P] n’explique pas en quoi l’employeur aurait manqué à son obligation de sécurité. Il y a cet égard lieu de rappeler que le harcèlement sexuel n’a pas été retenu, que l’identité de l’auteur de l’envoi des SMS n’est pas établie, de sorte qu’il ne saurait être fait grief à l’employeur de ne pas avoir fait cesser l’envoi des messages, dont il n’avait pas été informés.

S’agissant de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail, là encore le salarié ne développe pas de motif expliquant ce reproche. Si la cour devait comprendre qu’il s’agit du harcèlement sexuel, du non-paiement des heures supplémentaires, et de l’injure dont il a été victime il y a lieu de rappeler que le harcèlement sexuel n’a pas été retenu, et que si les heures supplémentaires sont allouées, aucune réclamation n’avait été formée en cours d’exécution du contrat de travail, ne permettant aucune régularisation à l’employeur.

S’agissant de l’injure rapportée par Monsieur [X], quand bien même ce fait est déplorable, le témoin n’apporte aucune précision sur cette altercation, sur les circonstances de cet échange, ainsi que l’attitude du salarié. Il résulte de la procédure que Monsieur [P] entretenait avec son employeur des relations qui allaient au-delà de la simple relation de travail en ce que ce dernier a hébergé Monsieur [P] dès le mois de janvier 2018, qu’il lui a prêté gracieusement un véhicule durant plusieurs mois, et enfin lui a prêté une somme de 2.000 € selon reconnaissance de dette du 04 mai 2018.

Par ailleurs la société Le Pic Vert justifie par trois attestations que Monsieur [P] avait lui-même des gestes et paroles déplacés, à connotation sexuelle à l’égard d’un collègue de travail, et d’un collaborateur devenu salarié.

Il en résulte que dans de telles conditions, l’unique injure proférée le 30 juin 2018 dans des circonstances totalement imprécises, et le non-paiement d’heures supplémentaires jamais réclamées durant l’exécution du contrat de travail, ne permettent pas de caractériser une exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a rejeté ces deux chefs de demandes.

6 – Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Par ailleurs, le manquement de l’employeur doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Par lettre du 28 septembre 2018, Monsieur [P] a pris acte de la rupture du contrat de travail du faite et faute de l’employeur en écrivant :

” J’ai été amené à régulariser devant le conseil des prud’hommes une procédure en résiliation judiciaire est en raison des agissements intolérables que j’ai subis, et qui ont gravement porté atteint à de santé.

J’ai fait l’objet de propos inadmissibles, et j’ai été destinataire de SMS qui ont porté atteint à la dignité.

Du fait en arrêt maladie ma situation financière est catastrophique.

De plus j’ai été destinataire de mes bulletins de paye de juillet et août 2018 en date du 12 septembre 2018.

Ils ont été déposés dans ma boîte aux lettres.

Cependant vous n’avez pas réglé le salaire indiqué sur les bulletins de paie.

Je ne peux rester salarié pendant la totalité de la procédure prud’homale sans salaire avec les seules indemnités journalières de la CPAM. Le fait d’y penser me rend malade.

Il n’est pour moi plus envisageable de pouvoir réintégrer le restaurant.

Dès lors je n’ai d’autres possibilités que de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail du fait de vos fautes, en y mettant un terme immédiat’ ”

Dans ses conclusions le salarié invoque plus précisément le harcèlement sexuel, le non-paiement des heures supplémentaires, et l’injure du 30 juin 2018.

Il a ci-dessus été jugé qu’il ne peut être reproché à l’employeur une exécution déloyale du contrat de travail.

Avant la rupture Monsieur [P] n’a jamais formulé la moindre réclamation, prenant subitement acte de la rupture du contrat de travail sans permettre à l’employeur de procéder à la moindre régularisation. Ainsi quand bien même des heures supplémentaires sont dues, eu égard au système de preuve applicable, là encore l’absence de toute réclamation empêchait toute régularisation, et même toute discussion entre des parties qui jusqu’alors étaient particulièrement proches. Enfin le lien de causalité entre les conditions de travail et l’état de santé du salarié n’est nullement établi.

Ainsi les heures supplémentaires impayées, et l’injure prononcée dans des circonstances imprécises à l’encontre d’un salarié qui lui-même adopte un comportement fort déplacé envers un collègue et un tiers, ne justifient pas une prise d’acte en raison de faits fautifs imputables à l’employeur.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le manquement de l’employeur n’est pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, de sorte que la prise d’acte de rupture du contrat du travail par le salarié produit les effets d’une démission.

Par conséquent le jugement déféré est infirmé en ce qu’il juge la rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse, alloue au salarié 2.700 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.657,49 € bruts à titre de l’indemnité de préavis, et 265,75 € au titre des congés payés afférents.

La rupture du contrat de travail produisant les effets d’une démission, Monsieur [P] est débouté de ces chefs de demande.

7- Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Il n’est nullement établi que la procédure initiée par Monsieur [P] ait dégénéré en abus, et ce d’autant que l’ancien employeur est condamné à lui payer des montants au titre des heures supplémentaires, et des congés payés afférents.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts.

8- Sur les demandes annexes

Le jugement déféré est confirmé s’agissant des frais irrépétibles, et la charge des dépens, sauf à préciser que les dépens ne comportent pas les éventuels frais d’exécution par voie de huissier.

A hauteur de cour il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 au bénéfice de l’une, ou de l’autre des parties.

Les dépens de la procédure d’appel sont mis à la charge de la SAS Le Pic Vert qui succombe au moins partiellement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DECLARE l’appel recevable en la forme ;

INFIRME le jugement entrepris, en ce qu’il :

– Dit et juge que la prise d’acte de rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Condamne la SAS Le Pic Vert à payer à Monsieur [H] [P] les sommes de :

*2.657,49 € bruts au titre de l’indemnité de préavis,

*265,75 € bruts au titre des congés payés afférents,

*2.700 € nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamne la SAS Le Pic Vert aux entiers frais et dépens de l’instance y comprise aux éventuels frais d’exécution par voie huissier.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT et JUGE que la prise d’acte de rupture du contrat de travail s’analyse en une démission ;

DEBOUTE Monsieur [H] [P] de ses demandes d’indemnité de préavis, de congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Le Pic Vert aux entiers dépens de la première instance ;

RAPPELLE que le sort des frais d’exécution forcée est fixé par les dispositions de l’article L. 111-8 du code de procédure civile d’exécution ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

CONDAMNE la SAS Le Pic Vert aux entiers dépens de la procédure d’appel ;

DEBOUTE Monsieur [H] [P] et la SAS Le Pic Vert de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022, signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre et Madame Martine THOMAS, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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