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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 01 FÉVRIER 2023
(n° 2023/ , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08745 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERCL
Décision déférée à la Cour :
– Jugement du 10 avril 2017 – Conseil de prud’hommes de Paris – RG n° F16/12214
– Arrêt du 07 novembre 2019 – Cour d’appel de Paris – Pôle 6 – Chambre 7 – RG n°17/11607
– Arrêt du 22 Septembre 2021 – Cour de Cassation – Pourvoi n° 20-10.843
APPELANT
Monsieur [X] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Xavier CHILOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P051
INTIMÉE
S.A.R.L. KBM CENTRE CHOPIN
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Lionel PARAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0171
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 06 décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de pro843cédure civile.
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par lettre non datée à effet du 20 septembre 1994, M. [X] [R] a été engagé en qualité de vendeur par la société KBM Centre Chopin (SARL) qui commercialise des pianos neufs et d’occasion et emploie quinze salariés.
M. [R] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 5 mars 2015 pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 8 décembre 2016 pour obtenir paiement de diverses sommes.
Par jugement en date du 10 avril 2017, le conseil de prud’hommes a débouté M. [R] de l’ensemble de ses prétentions.
Pour statuer ainsi, le conseil a jugé que le système de vidéo était licite et que M. [R] avait effectivement commis des actes constitutifs d’une faute grave justifiant son licenciement au regard du constat de l’huissier qui a visionné quatre films.
Le 14 septembre 2017, M. [R] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 7 novembre 2019, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société KBM Centre Chopin à payer à M. [R] les sommes de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 5 746,64 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, de 15 323,41 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, de 2 311,85 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents, de 1 045 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents, et a débouté les parties de leurs autres demandes.
La société KBM Centre Chopin a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Par arrêt en date du 22 septembre 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu’il a condamné la société KBM Centre Chopin à payer à M. [R] les sommes de 1 045 euros au titre des heures supplémentaires et de 104,50 euros au titre des congés payés afférents, de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des dépens de première instance et d’appel, l’arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris et remis sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris autrement composée.
Les motifs de la cassation partielle sont les suivants : « Vu l’article L. 1222-4 du code du travail :
6. Il résulte de ce texte que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n’ont pas été préalablement informés de l’existence.
7. Pour dire que l’enregistrement du salarié par le système de vidéo-surveillance constituait un mode de preuve illicite, l’arrêt retient qu’à l’appui des griefs invoqués à l’encontre du salarié, la société verse aux débats plusieurs pièces dont certaines se rapportent au visionnage de la vidéo-surveillance installée dans l’entreprise, et que le salarié sollicite de la cour qu’elle écarte toutes les pièces se référant au visionnage des bandes de vidéo-surveillance en l’absence d’autorisation préfectorale, de consultation des représentants du personnel, d’information des salariés et de déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). L’arrêt énonce que s’il est constant que lorsqu’un système de vidéo-surveillance a été installé pour assurer la sécurité du magasin et non pour contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions, celui-ci ne peut pas invoquer les dispositions du code du travail relatives aux conditions de mise en ‘uvre, dans une entreprise, des moyens et techniques de contrôle de l’activité des salariés. L’arrêt mentionne que si la société indique que le système de vidéo-surveillance a été installé dans un but de sécurisation de la zone de stockage qui n’était pas ouverte au public et du couloir y donnant accès, elle précise également que les caméras étaient disposées de telle sorte qu’elles permettaient de visualiser les portes de toilettes. L’arrêt relève que dans ces conditions, si la société n’avait pas à effectuer de déclaration auprès de la CNIL, ni à requérir une autorisation auprès de la préfecture, il lui incombait, en raison de l’accès des salariés au couloir permettant de se rendre dans un lieu de stockage et desservant les toilettes, de consulter préalablement à l’installation du système de vidéo-surveillance les instances représentatives du personnel et d’informer les employés, au moyen d’un panneau affiché de façon visible dans les locaux sous vidéo-surveillance, de l’existence du dispositif, du nom de son responsable, de la base légale du dispositif, à savoir sécuriser ses locaux, de la durée de conservation des images, de la possibilité d’adresser une réclamation à la CNIL, de la procédure à suivre pour demander l’accès aux enregistrements visuels les concernant, et également d’informer individuellement chaque salarié au moyen d’un avenant au contrat de travail ou d’une note de service. L’arrêt ajoute que la société ne démontre pas avoir satisfait à ces obligations.
8. En se déterminant ainsi, sans constater que le système de vidéo-surveillance avait été utilisé pour contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »
L’acte de saisine est du 14 octobre 2021.
Par conclusions transmises par RPVA le 16 novembre 2021, M. [R] demande à la cour :
« Vu l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 7 novembre 2019.
Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 septembre 2021.
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud’hommes de première instance.
Statuant à nouveau.
JUGER que le système de vidéo-surveillance a été utilisé par l’employeur pour contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions.
CONDAMNER le Centre Chopin à payer à Monsieur [R] la somme de 8.619 € au titre d l’indemnité compensatrice de préavis.
CONDAMNER le Centre Chopin à payer à Monsieur [R] la somme de 861 € au titre des congés payés y afférents.
CONDAMNER le Centre Chopin à payer à Monsieur [R] la somme de 28.730 € au titre de l’indemnité conventionnelle.
CONDAMNER le Centre Chopin à payer à Monsieur [R] la somme100.000 € au titre de l’indemnité de licenciement sans cause.
CONDAMNER le Centre Chopin à payer à Monsieur [R] la somme de 2.873 € au titre du paiement de la mise à pied conservatrice.
CONDAMNER le Centre Chopin à payer à Monsieur [R] la somme de 287 € au titre des congés payés y afférents.
CONDAMNER le Centre Chopin à payer à Monsieur [R] LA SOMME DE 1.211 € au titre du paiement des heures supplémentaires.
CONDAMNER le Centre Chopin à payer à Monsieur [R] la somme de 121 € au titre des congés payés y afférents.
CONDAMNER le Centre Chopin à payer à Monsieur [R] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER le Centre Chopin aux intérêts au taux légal.
CONDAMNER le Centre Chopin aux entiers dépens. »
Par conclusions transmises par RPVA le 16 novembre 2021, la société KMB Centre Chopin demande à la cour :
« Vu le jugement du conseil de Prud’hommes de Paris du 10 avril 2017 ;
Vu l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 novembre 2019 ;
Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2021 ;
– CONFIRMER le jugement rendu le 10 avril 2017 par le Conseil de Prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté Monsieur [X] [R] de l’intégralité de ses demandes qui ne sont fondées ni en leur principe ni en leur montant.
En conséquence,
– DEBOUTER Monsieur [X] [R] de l’ensemble de ses demandes ;
– CONDAMNER Monsieur [X] [R] à payer à la société KBM Centre Chopin la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du CPC »
Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le magistrat rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 1er février 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :
« Je fais suite à notre entretien préalable d mardi 24 février 2015 et je me vois contrainte de vous notifier votre licenciement pour faute grave compte tenu des éléments suivants:
Une de vos collègues de travail, Mlle [K] [J] [F], est venue se plaindre auprès de moi le vendredi 6 février: elle vous accusait de vous être livré à son encontre le 4 février à des pratiques de voyeurisme dans les toilettes situées dans le couloir stock en compagnie d’un de vos collègues, M. [Y]. En effet, alors que cette dernière se trouvait dans les toilettes, à la fin de sa journée de travail, et qu’elle était en train de retirer ses vêtements, elle a vu un téléphone blanc se glisser sous la porte, l’écran orienté vers le haut, très manifestement pour la photographier ou la filmer.
Elle a alors hurlé et tapé sur la porte tout en se rhabillant précipitamment. Très choquée elle a quitté le magasin en compagnie de l’un de ses collègues auquel elle n’a rien dit. Le lendemain matin, jeudi, elle a informé tous ses collègues de ce qui s’était passé la veille. Elle m’en a informé le vendredi 6 février dans l’après-midi.
Le samedi matin, elle a consulté à ma demande les enregistrements de surveillance vidéo sur lesquels elle vous a vus, à l’heure précise des faits, accompagné de M. [Y] dans la zone des toilettes en train de vous livrer à des mouvements suspects, laissant manifestement comprendre que vous étiez en train de préparer et vous livrer aux faits dont elle a été victime. Le visionnage de ces vidéos par mes soins a permis de confirmer les constatations de Mlle [K] [J] [F].
J’ai donc dû par mesure conservatoire vous convoquer le 10 février (…) et vous mettre à pied, le temps pour moi de me livrer à une enquête interne poussée. Accompagnée de Madame [B] [P], en charge du service après-vente dans la société, j’ai entendu tous vos collègues un par un. J’ai également visionné l’ensemble des bandes vidéo dont je disposais ; ces caméras surveillent les issues du magasin en prévention des vols et filment du même coup, les portes des toilettes, qui donnent sur un couloir allant vers la rue.
De mon enquête, il ressort un certain nombre de témoignages qui vous mettent clairement en cause concernant ces actes.
La plupart des salariés avaient déjà entendu parler ou avaient même été victimes de faits similaires vous concernant, et avaient pu remarquer que vous suiviez les clientes ou salariées qui se rendaient aux toilettes.
Enfin, le visionnage des bandes vidéo ne laissent aucun doute quant à votre participation à ces actes de voyeurisme dans les toilettes. Elles permettent même de voir que ces faits se sont répétés à maintes reprises. J’avais été frappée lors de notre entretien de votre insistance à demander si l’on vous voyait glisser un téléphone sous la porte. Et, en effet ce n’est pas vous qui glissez le téléphone mais vous regardez M. [Y] le faire tout en surveillant les alentours pour éviter d’être surpris. Le même manège se reproduit très exactement sur les vidéos, qu’elles concernent des clientes ou des salariées. C’est pourquoi vos dénégations lors de votre entretien préalable du 24 février en présence de Mr [M] [D] ne m’ont pas convaincue car elles sont en absolue contradiction avec les images. Elles n’ont rien à voir non plus avec des « blagues entre collègues » comme l’a laissé entendre votre conseiller.
Je dois vous confirmer qu’une plainte a été déposée au Commissariat pour ces agissements.
Par ailleurs, d’autres salariés mentionnent des agissements à caractère sexuel de votre part, inacceptables sur un lieu de travail, (diffusion d’images à caractère pornographique ou sexuel).
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible (…). »
M. [R] soutient que :
– les éléments de preuve relatifs aux images enregistrées par le système de vidéosurveillance sont illicites ;
– le système de vidéosurveillance ne servait pas qu’à contrôler les stocks et la société précise expressément que la caméra était dirigée vers les toilettes permettant ainsi à l’entreprise de contrôler l’activité de tous les salariés et le temps que ceux-ci passaient dans les commodités (sic) ;
– s’il s’était agi, non pas de contrôler le travail des salariés mais d’éventuels vols externes, le système de vidéosurveillance aurait été placé à l’entrée du magasin et non pas dans l’espace de stockage ;
– le système de vidéosurveillance a donc été utilisé pour contrôler tous les salariés dans l’exercice de leurs fonctions, et vérifier ainsi leur temps de travail et ce en contradiction totale avec toutes les règles de déclaration de tels outils de contrôle ;
– il conteste les faits et la plainte le concernant a d’ailleurs été classée sans suite.
En réplique la société KBM Centre Chopin soutient que :
– M. [R] échoue à démontrer que le système de vidéosurveillance a été utilisé pour le contrôler dans l’exercice de ses fonctions ;
– le système de vidéosurveillance en question ne vise pas les postes de travail des salariés, ni le magasin, mais l’arrière-boutique où se trouvent les stocks, sur lesquels ouvre l’issue de secours du local commercial (pièce n°43) ; il est uniquement destiné à filmer l’accès du magasin au niveau du couloir des stocks en cas de vol de marchandises ;
– les toilettes se trouvent être dans le champ visuel de la caméra, sans évidemment être l’objet de la surveillance ;
– les faits sont établis par le PV d’huissier (pièce employeur n° 45) et par les nombreuses attestations versées ;
– sur les enregistrements vidéos, on peut aisément reconnaître MM. [R] et [Y] apparaissant, peu après l’entrée dans les toilettes de clientes ou de salariées, en train de se livrer à des pratiques de voyeurisme ; le constat met clairement en lumière les agissements de M. [R], qui tantôt s’accroupit et glisse son téléphone sous la porte des toilettes, tantôt assiste M. [Y] qui glisse son téléphone sous la porte des toilettes ; les enregistrements montrent que ces faits de voyeurisme se reproduisent à plusieurs reprises avec pour victimes, une cliente (à deux reprises) et deux salariées (Mmes [N] et [F]).
Aux termes de l’article L.1222-4 du code du travail, « Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été portée préalablement à sa connaissance ».
L’article L.2323-32 alinéa 3 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, dispose que : « le comité d’entreprise est informé, préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi ainsi que sur toute modification de celles-ci. Il est aussi informé, préalablement à leur introduction dans l’entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci. Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en ‘uvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. »
L’article 9 du code civil énonce, en son 1 alinéa, que « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
L’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
La cour rappelle donc que dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller ses salariés, que ce droit n’est cependant pas absolu ; que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite dés lors que le système de vidéosurveillance est utilisé par l’employeur pour contrôler ses salariés sans information et consultation préalables du comité d’entreprise.
La cour précise que ne sont cependant soumis à l’obligation d’information préalable du salarié que les dispositifs de surveillance mis en place spécialement pour contrôler l’activité professionnelle des salariés, que l’information préalable du salarié ne se justifie pas lorsque le système de surveillance n’est pas destiné à contrôler l’activité du salarié ; qu’ainsi si l’employeur ne peut mettre en ‘uvre dans l’entreprise un procédé de contrôle de l’activité des salariés qui n’a pas été porté préalablement à leur connaissance, il peut librement mettre en place un dispositif de surveillance d’une partie des locaux dans laquelle les salariés ne travaillent pas ; tel est le cas par exemple pour un système de vidéo surveillance qui n’est pas destiné à contrôler l’activité de salariés affectés à un poste déterminé mais à assurer la sécurité d’un entrepôt.
La cour rappelle encore que l’employeur peut également opposer à des salariés les preuves recueillies par les systèmes de surveillance de locaux dans lesquels ils ne devaient avoir aucune activité ; ainsi l’enregistrement obtenu par un système de vidéo-surveillance installé pour assurer la sécurité du magasin n’est pas un moyen de preuve illicite quand il n’a pas été utilisé pour contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions.
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [R] est mal fondé à soutenir que les éléments de preuve relatifs aux images enregistrées par le système de vidéosurveillance sont illicites du fait que le système de vidéosurveillance litigieux permettait à l’entreprise de contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions ; en effet la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que la société KBM Centre Chopin établit que le système de vidéosurveillance en question ne vise pas les postes de travail des salariés, ni le magasin, mais l’arrière-boutique où se trouvent les stocks, sur lesquels ouvre l’issue de secours du local commercial (pièce employeur n°43), qu’il est uniquement destiné à filmer l’accès du magasin au niveau du couloir des stocks pour prévenir les vols de marchandises et que si les toilettes se trouvent être dans le champ visuel de la caméra, elles ne sont pas l’objet de la surveillance.
C’est donc en vain que M. [R] soutient que les éléments de preuve relatifs aux images enregistrées par le système de vidéosurveillance sont illicites, que le système de vidéosurveillance ne servait pas qu’à contrôler les stocks et la société précise expressément que la caméra était dirigée vers les toilettes permettant ainsi à l’entreprise de contrôler l’activité de tous les salariés et le temps que ceux-ci passaient dans les commodités (sic), que s’il s’était agi, non pas de contrôler le travail des salariés mais d’éventuelles vols externes, le système de vidéosurveillance aurait été placé à l’entrée du magasin et non pas dans l’espace de stockage, et que le système de vidéosurveillance a donc été utilisé pour contrôler tous les salariés dans l’exercice de leurs fonctions, et vérifier ainsi leur temps de travail et ce en contradiction totale avec toutes les règles de déclaration de tels outils de contrôle ; en effet le seul fait que la caméra était dirigée vers les toilettes ne suffit aucunement à établir que l’employeur contrôlait « l’activité de tous les salariés et le temps
que ceux-ci passaient dans les commodités » étant ajouté que M. [R] ne produit aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation ; en outre rien n’interdit de placer des caméras destinées à prévenir des vols de marchandises dans l’espace de stockage plutôt que dehors et rien n’oblige une entreprise à placer à l’entrée du magasin et non pas dans l’espace de stockage, le système de vidéosurveillance qu’elle utilise pour prévenir des vols de marchandises ; enfin M. [R] ne prouve aucunement que le système de vidéosurveillance litigieux a été utilisé pour contrôler tous les salariés dans l’exercice de leurs fonctions alors même qu’aucune caméra ne vise les postes de travail des salariés, ou le magasin où ils exercent leurs fonctions étant précisé que M. [R] ne prouve pas ni même ne soutient d’ailleurs que les salariés travaillent dans l’arrière-boutique où se trouvent les stocks.
La cour retient donc comme les premiers juges la licéité du système de vidéosurveillance.
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient aussi que la société KBM Centre Chopin établit suffisamment la réalité des faits de voyeurisme reprochés à M. [R] qui tantôt s’accroupit et glisse son téléphone sous la porte des toilettes, tantôt assiste M. [Y] qui glisse son téléphone sous la porte des toilettes étant précisé que ces faits de voyeurisme se sont reproduits de surcroît à plusieurs reprises ; c’est donc en vain que M. [R] conteste les faits et mentionne le classement sans suite de la plainte déposée à son encontre ; en effet l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’attache qu’aux décisions définitives des juridictions de jugement et les décisions de classement sans suite sont dépourvues de toute autorité en sorte que le juge est alors tenu de rechercher si les faits incriminés constituent ou non une faute grave ou une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l’espèce la cour retient que les faits de voyeurismes retenus à l’encontre de M. [R] constituent une faute d’une gravité telle qu’elle impose son départ immédiat, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis ; en effet le comportement voyeuriste de M. [R] est à ce point inapproprié qu’il s’est placé lui-même en dehors de la relation de travail qu’il avait avec la société KBM Centre Chopin et les autres salariés de l’entreprise.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [R] est justifié par une faute grave.
Par voie de conséquence le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de toutes ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail étant précisé que les demandes relatives aux heures supplémentaires ont déjà jugées de manière définitive.
Sur les autres demandes
La cour condamne M. [R] aux dépens de la procédure de renvoi en application de l’article 696 du Code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner M. [R] à payer à la société KBM Centre Chopin la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de renvoi.
L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement dans les limites de la saisine de la cour de renvoi en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [R] est justifié par une faute grave et en ce qu’il a débouté M. [R] de toutes ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail ;
Ajoutant,
CONDAMNE M. [R] à payer à la société KBM Centre Chopin la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de renvoi ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
CONDAMNE M. [R] aux dépens de la procédure de renvoi.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT