Conseil d’Etat Section du Contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies, 4 avril 2023, 458802

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Conseil d’Etat Section du Contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies, 4 avril 2023, 458802
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Extraits :

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Section du Contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies, 4 avril 2023, 458802

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 458802, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 novembre 2021 et 24 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, le syndicat Force ouvrière de l’enseignement supérieur et de la recherche (FO ESR) demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du ministre des outre-mer et de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation du 25 septembre 2021 relatif au certificat de capacité en droit ;

2°) de prononcer toute mesure d’exécution nécessaire sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 458884, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 26 novembre 2021 et le 10 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, l’association Cap-Assas, Mme C D et M. B A demandent au Conseil d’État :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du ministre des outre-mer et de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation du 25 septembre 2021 relatif au certificat de capacité en droit ;

2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

– le code de l’éducation ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l’Association Cap-Assas ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 mars 2023, présentée par l’association Cap-Assas, Mme D et M. A ;

Considérant ce qui suit

:

1. Aux termes de l’article L. 613-1 du code de l’éducation : ” Les diplômes nationaux délivrés par les établissements sont ceux qui confèrent l’un des grades ou titres universitaires dont la liste est établie par décret pris sur avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Sous réserve des dispositions des articles L. 613-3 et L. 613-4, ils ne peuvent être délivrés qu’au vu des résultats du contrôle des connaissances et des aptitudes appréciés par les établissements accrédités à cet effet par le ministre chargé de l’enseignement supérieur après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Un diplôme national confère les mêmes droits à tous ses titulaires, quel que soit l’établissement qui l’a délivré. () / Les règles communes pour la poursuite des études conduisant à des diplômes nationaux, les conditions d’obtention de ces titres et diplômes, le contrôle de ces conditions et les modalités de protection des titres qu’ils confèrent, sont définis par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, après avis ou proposition du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. / Les aptitudes et l’acquisition des connaissances sont appréciées, soit par un contrôle continu et régulier, soit par un examen terminal, soit par ces deux modes de contrôle combinés. Les modalités de ce contrôle () doivent être arrêtées dans chaque établissement au plus tard à la fin du premier mois de l’année d’enseignement et elles ne peuvent être modifiées en cours d’année “. Aux termes de l’article L. 711-1 du même code : ” Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel sont des établissements nationaux d’enseignement supérieur et de recherche jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière () “. Enfin, aux termes de l’article D. 613-6 du code de l’éducation : ” Les grades ou titres universitaires des disciplines autres que celles relevant de la santé sont conférés par les diplômes nationaux suivants : / 1° Certificat de capacité en droit () “.

2. Il ressort des pièces des dossiers que la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le ministre des outre-mer ont, par un arrêté du

25 septembre 2021 relatif au certificat de capacité en droit, modifié le régime des études et des examens en vue de l’obtention du certificat de capacité en droit antérieurement fixé par le décret, qu’il a abrogé, du 30 mars 1956. Par deux requêtes distinctes qu’il y a lieu de joindre, le syndicat Force ouvrière de l’enseignement supérieur et de la recherche d’une part, et l’association Cap-Assas, Mme D et M. A d’autre part, demandent au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté.

Sur la légalité externe de l’arrêté attaqué :

3. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 1 que la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation était compétente pour définir les règles communes relatives au diplôme national de certificat de capacité en droit. Dès lors que l’autorité administrative compétente pour modifier, abroger ou retirer un acte administratif est en principe celle qui, à la date de la modification, de l’abrogation ou du retrait, est compétente pour prendre cet acte, la ministre chargée de l’enseignement supérieur était également compétente pour abroger le décret du 30 mars 1956 modifiant le régime des études et des examens en vue du certificat de capacité en droit. En outre, est sans influence sur la légalité de l’arrêté attaqué la circonstance qu’il ait été également signé par le ministre des outre-mer. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué aurait été édicté par une autorité incompétente ne peut qu’être écarté.

4. En second lieu, il résulte de l’article L. 613-1 du code de l’éducation cité au point 1 que les règles communes pour la poursuite des études conduisant à des diplômes nationaux de même que les conditions d’obtention de ces titres et diplômes sont définies par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, après avis ou proposition du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Aux termes de l’article D. 232-19 de ce code : ” Chacune des questions figurant à l’ordre du jour du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche ou de sa commission permanente peut faire l’objet d’un exposé introductif présenté par un rapporteur désigné par le ministre chargé de l’enseignement supérieur ou par le ministre chargé de la recherche. / Les rapporteurs peuvent être choisis soit parmi les membres du conseil national, soit parmi les représentants du ministère chargé de l’enseignement supérieur ou du ministère chargé de la recherche, soit parmi les représentants des autres ministères concernés. / Le conseil national ou sa commission permanente peut soit exprimer son avis immédiatement sur le rapport qui lui est présenté, soit charger un ou plusieurs de ses membres d’élaborer le projet d’avis sur lequel la formation sera appelée à statuer lors de sa plus prochaine séance après la rédaction du projet d’avis. () “. Aux termes de l’article D. 232-22 du code de l’éducation : ” Un règlement intérieur précise les conditions de fonctionnement du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, de sa commission permanente et de ses commissions. Il est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche pris après avis du conseil national “. Aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 10 octobre 2019 portant règlement intérieur du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) : ” L’ordre du jour des sessions est fixé par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et le ministre chargé de la recherche. / Les membres du CNESER reçoivent 15 jours avant la date de la séance, une convocation comportant une indication des sujets susceptibles d’être inscrits à l’ordre du jour. Les documents nécessaires à l’examen des points prévus à l’ordre du jour sont mis en ligne au fur et à mesure qu’ils sont prêts à être communiqués. Les membres du CNESER sont avertis des documents mis en ligne en vue de la séance. / Tout membre du CNESER peut demander par écrit, 15 jours avant la séance, qu’une question relevant des compétences du CNESER soit inscrite à l’ordre du jour. / Sauf exception, l’ordre du jour définitif et les documents nécessaires à l’examen des points qui y sont inscrits, sont communiqués aux membres du CNESER 5 jours au moins avant la date de la séance “.

5. Il ressort des pièces des dossiers que la commission permanente du CNESER a examiné pour avis le projet d’arrêté relatif au certificat de capacité en droit au cours de sa séance du 2 février 2021 et que ses membres ont eu accès au projet d’arrêté dès le

26 janvier 2021, celui-ci étant accessible sur la plateforme collaborative du CNESER, de sorte que le délai minimum de cinq jours prévu par le règlement intérieur du CNESER a été, en l’espèce, respecté. Il s’ensuit que le moyen tiré de ce que la procédure d’adoption de l’arrêté attaqué a été irrégulière, au motif que le projet d’arrêté aurait été communiqué aux membres du CNESER la veille de la séance à laquelle ils l’ont examiné, manque en fait.

Sur la légalité interne de l’arrêté attaqué :

6. En premier lieu, ni les dispositions de l’article L. 613-1 du code de l’éducation citées au point 1, ni aucun texte relatif au diplôme de certificat de capacité en droit, ne font obligation aux établissements d’enseignement supérieur accrédités par l’Etat pour délivrer ce diplôme national de définir des modalités de formation complètement identiques dès lors que, si le caractère national du diplôme a pour objet et pour effet de conférer les mêmes droits à tous ses titulaires, quel que soit l’établissement accrédité qui l’a délivré, les établissements, qui jouissent d’une autonomie pédagogique et scientifique en vertu de l’article

L. 711-1 du code de l’éducation, peuvent, dans le cadre défini par la réglementation nationale, laquelle fixe notamment les durées de cette formation, les disciplines fondamentales devant y être dispensées, le volume horaire minimal de l’ensemble des activités de formation ainsi que le nombre de sessions d’examens, définir les modalités de la formation dispensée en leur sein en vue de la délivrance du certificat de capacité en droit. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’arrêté attaqué, par la latitude qu’il a ainsi laissée aux établissements d’enseignement supérieur pour organiser, dans le cadre qu’il définit, la formation conduisant à l’obtention du diplôme de la capacité en droit, aurait porté atteinte au caractère national du diplôme de certificat de capacité en droit et, en tout état de cause, au principe d’égalité.

7. En deuxième lieu, en principe, lorsque de nouvelles normes générales sont édictées par voie de décret ou d’arrêté, elles ont vocation à s’appliquer immédiatement, sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer le droit au maintien de la réglementation existante, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, qui exclut que les nouvelles dispositions s’appliquent à des situations juridiquement constituées avant l’entrée en vigueur de ces dispositions. En matière d’enseignement, ce principe ne fait pas obstacle à l’application immédiate, même aux élèves engagés dans un cycle de formation sanctionné par un diplôme, des dispositions réglementaires relatives à la formation qui leur est dispensée et notamment aux modalités d’évaluation des connaissances.

8. D’une part, les dispositions de l’arrêté attaqué, qui ont pour objet de définir les nouvelles conditions d’obtention du certificat de capacité en droit, ne disposent que pour l’avenir et n’ont, dès lors, aucune portée rétroactive. D’autre part, il ne ressort pas des pièces des dossiers que l’application immédiate de cette nouvelle réglementation à l’année universitaire 2021-2022 aurait été impossible, d’autant que les dispositions de l’arrêté attaqué laissent une latitude aux établissements d’enseignement supérieur pour définir, dans le respect du cadre national, la durée des études en vue du certificat de capacité en droit qui peuvent se dérouler en un an ou deux ans, l’organisation des enseignements ainsi que les modalités d’examen. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’arrêté attaqué aurait une portée rétroactive illégale en ce qu’il s’applique à l’année universitaire en cours et qu’il méconnaitrait le principe de sécurité juridique au motif qu’il ne comporte pas de mesures transitoires.

9. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces des dossiers que l’arrêté attaqué prévoit que l’ensemble des activités de formations dispensées en vue de l’obtention de la capacité en droit se compose de cours magistraux, éventuellement assortis de travaux dirigés ou travaux pratiques, de ” projets tutorés ” et présentant un caractère académique et professionnel, en droit privé et sciences criminelles et en droit public, notamment en droit civil, droit constitutionnel, droit administratif et droit pénal, complétés, le cas échéant, par un stage professionnel, des séquences d’observation ou de mise en situation professionnelle, des projets individuels et collectifs, des rapports d’études et qu’elles doivent correspondre au minimum à l’équivalent de 300 heures d’enseignements et d’encadrement pédagogique auxquelles peuvent s’ajouter, sur décision des établissements et sur la base du volontariat pour les étudiants, des enseignements complémentaires de remise à niveau en expression écrite et orale. En outre, l’arrêté attaqué dispose que les titulaires du certificat de capacité en droit ayant obtenu une note moyenne au moins égale à 10 sur 20 peuvent s’inscrire en première année de licence mention droit. Il ne ressort ainsi pas des pièces des dossiers que cet arrêté, alors même qu’il permet aux établissements d’enseignement supérieur de ramener la durée de la formation de la capacité en droit de deux ans à un an, alors que cette formation était antérieurement de deux ans, et qu’il a diminué le nombre minimum d’heures de formation antérieurement prévu par le décret du

30 mars 1956, tout en y incluant des formations plus diversifiées, est, au regard de l’objet de la capacité en droit, qui est d’assurer une formation correspondant aux besoins des milieux professionnels tout en permettant à des étudiants d’accéder à des études supérieures, entaché d’erreur manifeste d’appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat FO ESR, l’association Cap-Assas, Mme D et M. A ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 25 septembre 2021 qu’ils attaquent. Leurs requêtes doivent, par suite, être rejetée, y compris leurs conclusions à fin d’injonction présentées au titre de l’article L. 911-1 du code de justice administrative et leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du même code.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Les requêtes du syndicat FO ESR, de l’association Cap-Assas, de Mme D et de M. A sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Force ouvrière de l’enseignement supérieur et de la recherche, à l’association Cap-Assas, à Mme C D, à M. B A, à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et au ministre délégué aux outre-mer.

Nos 458802, 458884  


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